L'arbitre en question a choisi de témoigner anonymement auprès du journaliste Hervé Mathoux pour dénoncer des pratiques problématiques dans l'arbitrage français. Principaux points soulevés :
Des pressions et menaces exercées sur certains arbitres pour influencer leurs décisions lors de matchs importants.
Des tentatives de corruption, avec des propositions d'argent en échange de décisions favorables à certaines équipes.
Un système opaque de désignation des arbitres pour les matchs clés, laissant la porte ouverte aux conflits d'intérêts.
Un manque de soutien de la part des instances dirigeantes lorsque des arbitres signalent des comportements inappropriés.
Une omerta générale dans le milieu, avec des représailles pour ceux qui osent parler.
L'arbitre explique avoir décidé de témoigner malgré les risques, estimant que ces pratiques nuisent à l'intégrité du football français. Il appelle à une réforme en profondeur du système d'arbitrage et à davantage de transparence.
Des pressions et menaces exercées sur certains arbitres pour influencer leurs décisions lors de matchs importants.
Des tentatives de corruption, avec des propositions d'argent en échange de décisions favorables à certaines équipes.
Un système opaque de désignation des arbitres pour les matchs clés, laissant la porte ouverte aux conflits d'intérêts.
Un manque de soutien de la part des instances dirigeantes lorsque des arbitres signalent des comportements inappropriés.
Une omerta générale dans le milieu, avec des représailles pour ceux qui osent parler.
L'arbitre explique avoir décidé de témoigner malgré les risques, estimant que ces pratiques nuisent à l'intégrité du football français. Il appelle à une réforme en profondeur du système d'arbitrage et à davantage de transparence.
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00:00Ah ! Le fameux M. Chaperon !
00:05Sanctionner les gens ? Ça vous plaît ça, hein ?
00:08Les dirigeants corse nous menacent, nous insultent et nous menacent de mort.
00:13Ce jour-là, j'ai eu peur.
00:14En seconde période, on va vous enculer, vous êtes nuls, vous allez descendre.
00:17Vous pensez sincèrement qu'un arbitre peut dire ça ?
00:20Tu prends mal à l'aise là, M. Chaperon ?
00:21Non, non, non, parce que c'est bien.
00:22Ça n'est pas de foot ?
00:24On vous voit en train d'essayer d'agresser le dénommé Diego Carlos.
00:28Vous avez l'air d'y agréer.
00:29C'est la fin de ma carrière.
00:45Ah ! Chaperon !
00:48Tony Chaperon !
00:51Le fameux M. Chaperon !
00:55Ça va ?
00:56Ça va, ça fait 24 heures que je suis là, on m'a toujours rien donné à manger et à boire.
01:00Rassurez-vous.
01:01Je ne sais même pas pourquoi je suis là.
01:03On va en parler, justement. Je vais vous donner quelques règles.
01:06Vous n'avez pas le droit de garder le silence.
01:07Toutes les questions que je vais vous poser sont maintenant analysées par mon assistant.
01:12Est-ce que c'est clair pour vous ? Vous ne savez pas pourquoi vous êtes là ?
01:14Pas pour l'instant, en tout cas.
01:16C'est important, vous êtes un familier, M. Chaperon.
01:19Si j'en juge par votre casier, j'ai besoin de préciser.
01:23Allez-y, je vous écoute.
01:24Diffamation, délit d'initié, tentative d'homicide sur la personne de Diego Carlos.
01:29On est sur du lourd, du très lourd, là, non ?
01:31Vous en avez d'autres ?
01:33On verra. C'est vous qui allez nous le dire.
01:35On va procéder à un test pour étalonner la machine.
01:38Je vais vous demander de répondre brièvement et rapidement à mes questions.
01:43Vous vous appelez Tony Chaperon, vous êtes né le 23 avril 72 à Flair.
01:48Est-ce que c'est exact ?
01:49Jusqu'ici, tout va bien.
01:51Vous avez donc 52 ans, correct ?
01:52Correct.
01:54Ça fait 40 ans que vous avez 52 ans, M. Chaperon.
02:00C'est vraiment votre âge ?
02:02Ben ouais, mais...
02:04Oui, c'est...
02:06Mais c'est bien fait.
02:08Où est-ce que vous avez trouvé des cheveux ?
02:10Où vous les avez mis ? C'est plutôt ça, la question.
02:13Votre prénom, c'est Tony ?
02:14Oui.
02:15C'est pas un prénom, ça ?
02:16Tony, c'est un surnom dans le milieu un petit peu olé-olé, non ?
02:19C'est le surnom de ma mère.
02:20Je crois qu'elle était fan de séries américaines.
02:23Dans votre cas, c'est grave.
02:24J'imagine qu'au cours de votre carrière, vous avez donné des interviews.
02:28Est-ce que vous êtes arrivé de mentir au cours de ces interviews ?
02:32Non.
02:36Jamais ?
02:38Jamais.
02:39Ben c'est ce qu'on va voir.
02:49J'aimerais savoir où vous étiez le 19 février 1988.
02:55Pas à Hussie, visiblement, parce qu'ils vous attendent toujours là-bas.
02:58Ah oui, exact.
03:04Ça, c'est mon premier match.
03:06Ouais.
03:07Premier match que je dois arbitrer.
03:09Et comme le terrain est gelé, le match ne va pas avoir lieu.
03:12Donc la première fois où je dois donner un coup de sifflet,
03:14c'est le premier match que je dois arbitrer.
03:16Le match ne va pas avoir lieu.
03:17Donc la première fois où je dois donner un coup de sifflet,
03:19je ne le donne pas.
03:20Vous arrivez, c'est gelé, vous dites « je rentre chez moi ».
03:23Voilà.
03:24C'est une façon de refuser l'obstacle.
03:25Ah ouais, c'est un bon début, ça, dans la carrière.
03:28Ah ouais, ça commençait tellement bien que j'étais observé ce jour-là.
03:32Et la personne qui vient m'observer, qui est mandatée par la fédération,
03:35rentre dans mon vestiaire à une demi-heure du coup d'envoi.
03:38Mais comme plus personne n'est dans le stade,
03:40elle s'étonne que le stade soit vide.
03:42Elle me dit « mais pourquoi il n'y a plus personne ? »
03:45Je lui dis « il est en retard, le match a déjà eu lieu ».
03:47Et là, je lui explique que j'ai annulé le match parce que le terrain est gelé.
03:49Et il me fait comprendre que c'était plutôt une sage décision.
03:52Il me dit « mais est-ce que tu as fait signer la feuille de match par les capitaines
03:55pour attester que les gens étaient là ? »
03:57Je dis « bah non, ça ne sert à rien dans la mesure où il n'y a pas de match ».
04:00Sauf que le règlement prévoit que même si on a annulé un match,
04:02il faut attester que les équipes étaient là.
04:04Donc je n'avais pas donné un coup de sifflet que j'avais déjà fait une connerie.
04:07J'avais bien commencé ma carrière.
04:08Vous aviez peur ?
04:09Ouais, j'avais froid déjà et ensuite j'avais peur.
04:12Mais prendre un sifflet, ce n'est pas facile.
04:15Ok.
04:17Vous aviez joué au foot avant ?
04:19Ouais, pendant dix ans.
04:21Ouais.
04:23Et pour passer le temps entre deux matchs, vous décidez d'arbitrer ?
04:27Pas tout à fait, non.
04:28J'ai un dirigeant qui m'a demandé d'arbitrer les matchs
04:30parce que comme je passais pas mal de temps à engueuler les arbitres,
04:32il m'a dit « prends leur place, montre-nous ce que tu sais faire ».
04:35Donc ça m'a un peu challengé.
04:37C'était aussi pour vous sortir du banc, vous siriez le banc comme joueur ?
04:40Non.
04:41Non, vous étiez bon ?
04:43J'étais un joueur correct, mais pas de quoi faire une carrière professionnelle.
04:49D'accord.
04:50Arbitrage, ça vous a plu tout de suite ?
04:53Sanctionner les gens, ça vous plaît ça ?
04:56Non, pas spécialement.
04:57Non ?
04:58Oui, ça m'a plu assez vite.
05:00Si je vous montre ça, ça vous fait quoi ?
05:03Ça vous excite un peu, non ?
05:05Non, puis en plus celui-ci est tout pourri.
05:07Il a peut-être été trop utilisé, M. Chaperon.
05:11Je vois que vous véhiculez les clichés.
05:13Oui.
05:14Alors allez-y, une autre fois.
05:16Juste à 17 ans, vous dites « quitte à être seul, autant continuer dans l'arbitrage ».
05:23Vous déclarez ça à Ouest-France.
05:25Vous étiez en pleine déprime, là ?
05:26En général, on regarde plutôt les joueurs que les arbitres.
05:29Ça dépend.
05:30Vous, vous regardez beaucoup ?
05:32J'en sais rien.
05:33Vous faisiez tout pour qu'on vous regarde, hein ?
05:35J'ai pas l'impression.
05:37Non ?
05:38Si vous le dites, c'est parce que vous regardez les matchs de foot aussi.
05:40Ça m'arrive.
05:41Ça m'arrive.
05:42On se renseigne, on travaille.
05:43Encadrer, surveiller, c'est quelque chose qui vous plaît globalement dans la vie ?
05:47J'ai un nom qui s'y prête bien, d'ailleurs.
05:49Chaperon, c'est vrai.
05:51Chaperon, c'est…
05:52C'est chaperonner.
05:53Chaperonner quelqu'un.
05:54C'est l'aider et l'accompagner.
05:55Et si je vous dis « pion », ça vous parle ?
05:57Oui.
05:58Ça rime avec sanction, « pion ».
06:01Non.
06:02Non, j'ai pas l'impression.
06:03Non, non, pas du tout.
06:04Je vais vous rafraîchir la mémoire, M. Chaperon.
06:12Surveillants, nous sommes près de 1 600 à répondre à cette jolie dénomination,
06:16rien que dans l'académie de Caen.
06:18Nous sommes au lycée Louis-Lillard, à Falaise,
06:20et c'est l'heure de la mise à jour des bulletins de col.
06:23« Pion », ça rime avec sanction ?
06:26Pas toujours.
06:27Malheureusement, c'est une partie aussi importante du travail,
06:32mais bon, on n'est pas là…
06:33Je ne pense pas qu'on soit détentionnés.
06:35Non, vivre du travail, c'est rationnel avec les élèves.
06:39Je crois qu'on en a assez vu.
06:41Ça vous fait quoi de voir ces images ?
06:43C'est assez marrant parce que je me souviens de certains élèves.
06:45Vous aviez 25 ans à l'époque, c'est ça ?
06:47Oui.
06:48Je me fais croire ça.
06:4925 ans, vous avez la tranche que vous avez ?
06:50Oui.
06:51Oui, j'ai beaucoup changé.
06:52Oui, oui.
06:53Écoutez, oui, quand j'étais étudiant, j'étais pion en même temps.
06:56Je payais mes études en étant surveillant.
06:58Vous vous souvenez des élèves ?
06:59Oui.
07:00Il y en a qui se souviennent de vous aussi.
07:01Tiens, je vais vous faire écouter un petit témoignage.
07:08Oui, j'étais au lycée à Falaise.
07:11Je me rappelle de M. Chaperon.
07:13À la fin de la récré, pour qu'on arrête de jouer au foot,
07:15il nous faisait des tacs par derrière.
07:17C'était un peu bizarre.
07:20Vous étiez un pion dur ?
07:22Je ne crois pas, non.
07:23Juste ? Sévère mais juste ?
07:26Comme sur le terrain.
07:27Bon souvenir, en tout cas, cette expérience ?
07:29Oui, très bon.
07:30Ça vous a donné envie de diriger les gens un peu,
07:32de sanctionner les gens ou pas ?
07:34Non, pas du tout.
07:35En plus, j'avais un chef d'établissement qui était fan de foot,
07:37qui était très sympa,
07:38qui me libérait pas mal de temps pour mes matchs.
07:40C'était cool.
07:41Mais vous aviez ça en vous, l'envie d'incarner la loi, non ?
07:45Peut-être que j'aime bien l'ordre.
07:46Ça fait partie aussi des traits de caractère.
07:49C'est possible.
07:50Un peu comme votre collègue.
07:51Vous êtes M. Propre, c'est ça ?
07:53C'est un surnom qu'on m'a donné.
07:54Il me manquait un peu les muscles.
07:56Un peu ?
07:58Beaucoup même.
08:00Comme ça vient de vous, ça ne me gêne pas trop.
08:05On ne va pas se mentir,
08:06vous êtes considéré par vos pères comme une tronche.
08:10Un cerveau.
08:11Votre truc, c'est plus le cerveau que les muscles.
08:13Maîtrise de STAPS,
08:14DEA de sociologie,
08:16diplôme universitaire,
08:17doctorat à Paris-Nanterre.
08:19On a un petit problème là quand même, M. Chaperon.
08:22Vous reconnaissez cette thèse ?
08:24Oui.
08:28L'arbitre et ses fonctions éthiques.
08:31C'est pas mal, c'est intéressant.
08:33Ça en claque.
08:34Mais je regarde à l'intérieur.
08:35C'est pas de moi ça.
08:36Page blanche, page blanche, page blanche, page blanche.
08:38Vous auriez pu aller jusqu'à la centième page.
08:40C'est quoi ce travail pas fini ?
08:41J'avais fait que 100 pages.
08:42100 pages.
08:43Elles existent où les 100 pages ?
08:45Je n'ai pas soutenu ma thèse de Sciences Po.
08:47C'est une thèse de Sciences Po ?
08:49Ce n'était pas exactement ça le titre.
08:51C'est quoi ?
08:52C'est un article que j'ai écrit dans une revue scientifique.
08:53Et votre thèse ? On en parle de votre thèse ?
08:55Écoutez, je vais peut-être la reprendre.
08:58C'était quoi le titre alors ?
09:00Vous vous accusez d'avoir pas pris le bon titre.
09:02C'était la justice sportive.
09:04Comment rendre la justice sur un terrain de football.
09:08Et donc vous n'avez pas trouvé les solutions ?
09:10Non, je les cherche encore.
09:13Vous êtes un chercheur.
09:15Mais un chercheur qui cherche, pas qui trouve.
09:16Un mec qui ne trouve jamais.
09:18Comme beaucoup de chercheurs.
09:19On a un autre petit problème, M. Chaperon.
09:24Pion.
09:26CPE.
09:27Enseignant.
09:28Chercheur.
09:29Mais il y en a aussi.
09:30Flic.
09:31C'est quoi cette histoire ?
09:32Vous êtes policier ?
09:33Vous êtes un indique ?
09:34Ben non.
09:36Ça c'est Wikipédia.
09:38On a quand même trouvé ça dans votre sac.
09:42On va vous expliquer ça.
09:43C'est pour vos soirées ?
09:44Oui, certainement.
09:46Non, policier.
09:47Je n'ai jamais été policier.
09:49Seulement, ça me pose un problème.
09:50Parce que dans certains quartiers de ma ville,
09:53il y a des gens qui pensent que je suis policier.
09:55Donc, je préfère qu'on dise tout de suite
09:57que je n'ai jamais été policier de ma vie.
09:59Vous n'avez jamais travaillé pour la police ?
10:00Non.
10:01Mais en même temps,
10:02vu que vous êtes des représentants de la police,
10:04je vois qu'on est bien fournis.
10:11Est-ce que vous connaissez ce consultant ?
10:16Mika Madard.
10:19Et alors ?
10:20Mika, c'est...
10:22J'ai arbitré son dernier match.
10:23Vous le racontez ?
10:26À Créteil.
10:28Donc, il joue là-bas.
10:29Il fait une pige parce qu'il arrête sa carrière.
10:32Je crois qu'il a été pris en grippe par le public.
10:34Et au moment où il est remplacé,
10:36il enlève son maillot et je crois qu'il fait un geste
10:39un peu obscène à l'encontre du public local.
10:42C'est-à-dire ?
10:43C'est quoi ce geste ?
10:44Je crois qu'il leur a fait un bras d'honneur.
10:46Moi, j'ai mis un carton rouge.
10:48Donc, Mika, il a fini sa carrière avec un carton rouge.
10:51Ça vous plaît d'avoir mis la fin à la carrière brillante de Mika Madard ?
10:54Non, non, pas du tout.
10:55Alors ça, ça nous fait beaucoup rire.
10:56Malheureusement, il a fini comme ça,
10:57alors qu'il avait fait une carrière brillante.
10:59C'est dommage de l'avoir terminé comme ça.
11:01Ça vous fait rire ?
11:02Ça vous fait rire de mettre des cartons rouges ?
11:03Non, mais je ne savais pas que...
11:04C'est son comportement qui m'avait fait beaucoup rire.
11:06Mais je ne savais pas que c'était son dernier match.
11:08En tout cas, je ne savais pas que ça serait comme ça.
11:10Il n'a pas eu de compassion pour lui ?
11:11Il se fait insulter par la foule, etc.
11:17On est arbitre, comme on se fait insulter à tous les matchs.
11:20Nous, on est habitué, donc on supporte.
11:21On ne fait pas toujours des bras d'honneur à chaque fois qu'on est insulté.
11:24Parce que sinon, on passerait notre temps à le faire.
11:29Combien de cartons rouges ?
11:31Je ne savais pas, vous ne les comptez plus ?
11:33Non, je ne les ai jamais comptés.
11:35Vous ne les comptez pas ?
11:36Vous n'avez pas chez vous un petit carnet où vous mettez
11:38« Ah, bonne journée aujourd'hui, deux cartons rouges ! »
11:40Non, non, pas du tout.
11:42On va vous montrer quelque chose, M. Chaperon.
11:44Quelques photos.
11:48Dites si vous connaissez ces personnes.
11:52Merci, assistant.
11:53Il n'est pas très bavard, votre pote.
11:55Il n'est pas là pour parler.
11:56D'accord.
11:57Cédric Lecleuse, Nancy.
12:00Tu vas fermer ta gueule, toi ?
12:03Raphaël Schmitz, Valenciennes.
12:05En seconde période, on va vous enculer, vous êtes nuls, vous allez descendre.
12:10Didier Deschamps, vous avez oublié deux penalties, vous êtes nuls.
12:14Bah oui, comme vous.
12:15Ah, bravo.
12:16Bravo la réplique, M. Chaperon.
12:20Zlatan.
12:21Tu veux faire le boss, c'est ça ?
12:23Le point commun de toutes ces déclarations ?
12:26Un homme.
12:30Tony Chaperon.
12:31Vous parliez aux joueurs comme ça ?
12:32Vous parliez mal aux joueurs ?
12:34Pas tous en tout cas, mais certains.
12:38Alors le premier, c'est possible que j'ai dit ça, ou je lui ai dit « Ferme-la ».
12:42On était dans le vestiaire et il m'avait invectivé à la sortie dans le tunnel.
12:45Donc je l'avais envoyé à Bel-Aladé, j'avais été suspendu par la Fédération pour ça.
12:49Donc ça, je l'assume.
12:52Deuxième.
12:53C'est qui, lui ?
12:54Raphaël Schmitz.
12:55D'accord. Condamné par le tribunal de Caen pour diffamation.
12:58Parce qu'il a dit que vous avez dit ça, c'était faux ?
13:00C'était faux.
13:01Condamné par la justice ?
13:02Ouais.
13:04Lui et son président.
13:06Ok.
13:07Mais ça, vous pensez sincèrement qu'un arbitre peut dire ça ?
13:09C'est un terrain de force.
13:10Vous pensez sincèrement qu'un arbitre peut dire ça ?
13:12C'est un terrain de foot.
13:13Tout est possible ?
13:14Non, ça, c'est pas possible.
13:15Vous êtes plus élégant que ça, c'est ça que vous voulez nous dire ?
13:17Non mais il faudrait être taré pour dire « Vous allez descendre, vous êtes nuls ».
13:21Mais en revanche, je peux vous expliquer ce qui s'est passé.
13:24Bah, dites.
13:25Donc on est à la 43ème minute, je dirais.
13:28Et il y a un coup franc pour Valenciennes.
13:30Et il y a des joueurs de Valenciennes, ils sont deux, qui me disent « Eux, tu leur mets jamais de carton ».
13:33C'était contre Bordeaux, je crois.
13:35Je dis « On va pas faire un match en mettant des cartons ».
13:37Je dis « Mais si vous voulez vraiment des cartons, je peux vous mettre un carton à chaque faute ».
13:40Mais le problème, c'est que vous allez en prendre goût aussi.
13:42Donc ça s'est transformé en « Je vais vous enculer ».
13:45C'est pas tout à fait pareil.
13:46Certains sont allés déclarer à la presse que j'étais venu dans le vestiaire d'un habitant
13:51pour leur dire que j'allais les enculer.
13:53Mais il faut être cintré pour raconter ce genre de trucs.
13:56Bon bref.
13:57Donc, en tout cas, M. Schmitz a été condamné par la justice.
14:00Vous essayez pas de nous embrouiller là.
14:02Non, c'est vérifiable.
14:03Ok.
14:04Déchante.
14:05Oui, c'est un truc qui nous a fait rire.
14:07D'ailleurs, quand je l'ai rencontré récemment...
14:09Ah ouais, vous rigolez avec toutes vos victimes.
14:11Pas toutes, non.
14:13Mais lui en particulier.
14:14Si, parce qu'en fait, là, on est à Bordeaux encore.
14:16Donc là, il me prend à partie en disant que je vais pas être éloigné, etc.
14:20Moi, sous forme de boutade, j'ai dit « J'aurais pu vous dire la même chose ».
14:23Vous avez bien discuté.
14:25Ben oui, ça fait partie des échanges.
14:29Ok.
14:30Zlatan ?
14:31Alors ça, c'est génial.
14:33Il s'en prend violemment à ça.
14:35Qui est-ce qui a pu écrire ce truc ?
14:37C'est l'histoire du ballon, ça ?
14:38Ouais.
14:39L'histoire du ballon.
14:40On a d'ailleurs une pièce à conviction, assistant.
14:42Vous avez ramené le ballon ?
14:43On n'a pas le ballon, non.
14:44Expliquez-nous.
14:45Expliquez-nous cette histoire.
14:46Zlatan fait un triplé, c'est ça ?
14:47Bon, c'est vrai que c'est plutôt un truc que font les anglo-saxons en France.
14:51C'est venu, mais c'est pas trop une tradition.
14:54Mais en tout cas, on offre le ballon au joueur qui a marqué un triplé.
14:58Et il fait « The ball ».
15:01Il vous parle mal ?
15:02Bah, c'est pas une façon très respectueuse de s'adresser aux gens.
15:05Donc moi, quand il me fait ce geste-là, je lui dis pardon.
15:10Il me dit « The ball ».
15:12Moi, je dis non, il manque des mots, là.
15:16Je sais pas si vous avez des enfants, mais moi, je les éduque comme ça.
15:18C'est-à-dire que s'il vous plaît, merci, c'est important.
15:20Vous vouliez éduquer Zlatan ?
15:22Bah, jamais trop tard.
15:23En tout cas, je voulais lui rappeler qu'on se devait un minimum de respect l'un des autres.
15:28Et en l'occurrence, je lui dis non, je vous donnerais pas le ballon dans ces conditions-là.
15:31Mais alors, lui, il m'a attendu dans le tunnel, parce que c'est un garçon malin.
15:35Et là, il me prend un parti et il me dit « Tu veux faire le boss devant les caméras ? »
15:38C'était pas l'idée.
15:40L'idée, c'était de lui montrer que c'est pas parce que je suis rabbit qu'on doit me manquer de respect.
15:44Parce que vous voulez vous faire plus respecter que les autres ?
15:47Non, c'est-à-dire que je suis pas plus respecté que les autres,
15:49mais qu'on me respecte au même titre que les autres.
15:52Et quand on trouve ça, dans votre chambre d'hôtel, vous avez des applications ?
15:57Ça, ça m'étonnerait, parce qu'en plus, c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup.
16:00Parce que vous rentrez dans les chambres d'hôtel aussi.
16:02C'est pour ça que vous avez trouvé les menottes.
16:04Je travaille, monsieur. Je travaille, monsieur Chaperon.
16:07Et donc, non, Zlatan, en plus, c'est un gars que j'aimerais bien revoir.
16:12Pas sur soi aussi, mais en tout cas, j'aimais bien le joueur.
16:17Il vous a mis son côté tête de mule, vous vous reconnaissiez un peu là-dedans, non ?
16:21J'aimais bien...
16:23Aller au fight.
16:24L'affrontement, parce que c'est un joueur qui cherche l'affrontement.
16:26Et je pense que vous gagnez le respect si vous lui tenez un minimum.
16:30Finalement, j'aimais bien ce jeu de rôle qu'on avait l'un et l'autre.
16:38Je vais vous montrer quelques visages.
16:39Et vous allez nous dire si vous avez eu des démêlés avec ces personnes.
16:44Nous en dire un peu plus.
16:46Samir Nasri.
16:47Problème, pas problème ?
16:49Aucun.
16:50Normal, vous l'avez rarement arbitré.
16:51Je sais pas, peut-être quand il a joué à l'OM, non ?
16:53Peut-être.
16:54Il a joué de quand à quand à l'OM ?
16:56Au début de sa carrière.
16:57D'accord.
16:58Mais c'est rien au foot.
16:59C'est déjà vieux.
17:00C'est pas votre truc de foot.
17:01C'est déjà vieux.
17:02Vous êtes enquêteur, mais pas...
17:03Je vous rappelle que c'est moi qui pose les questions.
17:05D'accord, d'accord, ok.
17:06Très bien.
17:07Balotelli.
17:08Ah oui, Marco !
17:09Mario, pardon.
17:10Je l'ai expulsé plusieurs fois, lui.
17:12C'était votre kiff ?
17:13Non, alors lui, il était pénible.
17:15Et vous l'avez expulsé pour quoi ?
17:16Une fois, il a mis un coup de pied, je crois, à un adversaire.
17:19Mais il m'avait dit d'aller me faire voir.
17:21Là, je suis poli.
17:22Il m'avait pas dit comme ça.
17:24Et lui, quand il est arrivé, vous l'aviez déjà expulsé.
17:26Vous l'avez envoyé.
17:27Vous lui avez dit, toi, mon coco, t'as intérêt à te tenir à carreau ?
17:31J'avais déjà dû l'arbitrer un paquet de fois, sans lui mettre de carton.
17:35Mario Yepes ?
17:37Ah, Mario...
17:38Ah, ça fait parler, ça, hein ?
17:39Un spécialiste du tirage de maillots, Mario Yepes.
17:42Et il se trouve qu'on marquait quasiment plus de buts sur les corners.
17:46Et c'était lié, essentiellement, au tirage de maillots.
17:49Et on avait vu plusieurs fois Mario Yepes faire des tirages de maillots.
17:54Et moi, quand j'ai arbitré Sochaux, le PSG, on est au début de la saison,
17:58et je vois Mario Yepes tirer deux fois...
18:00Enfin, tirer une première fois le maillot.
18:02Donc, moi, je siffle pénalty.
18:03Et comme il pensait que, comme j'avais déjà sifflé un pénalty,
18:05j'allais pas siffler un deuxième,
18:06nous, on nous demande de sanctionner les tirages de maillots.
18:10Donc, je continue.
18:11Donc, deux fois, deux pénaltys.
18:13Ce qui m'a valu...
18:15Je crois que c'est le début de ma réputation, aussi, un peu.
18:17Je continue.
18:21Kylian.
18:22Moi, j'aime bien ce garçon.
18:24Moi, je l'ai vu à ses débuts, surtout.
18:26Il a un peu changé son comportement, aussi.
18:28Vous trouvez qu'il a le melon ?
18:29Après, c'est difficile, quand on a 20 ans,
18:31et que vous êtes une star mondiale, de garder les pieds sur terre.
18:34Moi, je me mets à la place d'un gamin à qui on donne une fortune
18:38et qui doit se comporter de façon exemplaire en permanence.
18:41C'est compliqué.
18:42Non.
18:43Non, non.
18:44Ça vous manque, à votre palmarès ?
18:46Non, pas du tout.
18:47Pour moi, c'était un joueur presque transparent,
18:49mais comme la plupart d'entre eux.
18:51Sur un terrain de foot, vous avez 80 % de joueurs transparents,
18:54qui jouent sans vous emmerder, en fait.
18:57Après, c'est comme dans une classe.
18:59Vous avez 10 % de chieurs,
19:01et puis 10 %, on va dire, d'agités.
19:05Et lui, c'est un agité ?
19:08J'ai eu du mal à le reconnaître.
19:10Je ne sais pas pourquoi vous montrez cette photo,
19:11mais j'ai déjà eu assez de problèmes avec cette histoire.
19:13C'est l'entraîneur d'Algérie.
19:15Elle m'a dit ?
19:16Elle m'a dit.
19:17Il se trouve qu'il fait une déclaration qui est lunaire.
19:20Il perd contre le Cameroun.
19:21Visiblement, ils n'étaient pas très contents du match que l'arbitre avait fait.
19:26Il dit qu'il était au salon,
19:29qu'il était en train de boire un café et de manger un millefeuille,
19:32et moi, je me suis dit qu'en Algérie, on est trop gentil.
19:35Je ne dis pas qu'il faut le tuer.
19:37Je ne sais pas ce qu'il voulait dire par là,
19:39mais cette phrase, je ne dis pas qu'il faut le tuer,
19:43mais c'est complètement irresponsable.
19:45Je me suis fâché quand j'ai entendu ça.
19:47Je trouve que c'est inadmissible.
19:48Et quand on est un entraîneur de haut niveau,
19:50et notamment quand on est un sélectionneur,
19:52c'est le genre de déclaration dont on devrait se passer.
19:54Vous êtes le chevalier blanc un peu, Tony Chabron.
19:56Moi, j'aime bien m'élever contre l'injustice, oui.
20:00Et ça, c'est juste ?
20:04La coupe de cheveux.
20:05Vous n'y êtes pour rien, sur la coupe de cheveux ?
20:07Non, je ne suis pas conseiller capillaire.
20:10C'est vrai qu'on n'a pas été toujours amis.
20:13Je trouve qu'il avait insulté des membres de ma famille sur le terrain.
20:16Ce qui lui a évalué un carton rouge.
20:19Des membres de votre famille ?
20:21Vous arbitrez avec vos enfants, avec votre femme ?
20:23Non, avec ma mère.
20:25Mais pas directement à votre mère.
20:27Il a fait une insulte classique sur la mère.
20:29Voilà, classique.
20:30Mais moi, je n'aime pas trop ce genre d'insulte classique,
20:33comme vous le dites.
20:34Il y a un truc que vous ne comprenez pas.
20:36C'est qu'un arbitre, quand il met un carton rouge, il n'a aucun plaisir.
20:38C'est jouissif, quand même.
20:40De dire, le gars, tu m'emmerdes.
20:42Tiens, tu sors.
20:43C'est moi qui le décide.
20:44Peut-être pour vous, dans la police, c'est dans vos pratiques.
20:47Mais quand on est arbitre, non.
20:49Ouais.
20:55On a beaucoup de dossiers, M. Chaperon.
20:57Vous en avez un paquet, là.
20:58On a beaucoup travaillé.
20:59Même si vous permettez des remarques sur notre travail.
21:01Ce petit coin, là.
21:04Ça vous intéresse ?
21:05Moi, j'aimais beaucoup passer mes vacances là-bas, à l'époque.
21:08C'est vrai ?
21:09On parlait au passé ?
21:10C'est vous, là ?
21:11Non, ce n'est pas moi.
21:12J'ai eu un doute, à un moment donné.
21:14Oui, c'est normal, avec le corps, je comprends.
21:16Non, ce n'était pas le corps, c'était le slip de bain.
21:18Oui, la Corse, c'est un endroit que j'aime beaucoup.
21:21Malheureusement, je n'y vais plus très souvent.
21:23Vous y alliez avant, en vacances ?
21:25Oui, j'y allais tous les ans.
21:26Ah oui, tous les ans ?
21:27Qu'est-ce que vous cherchiez, là-bas ?
21:29C'est un pays magnifique.
21:30Vous avez tout.
21:31Vous avez la plage, vous avez la montagne.
21:33Et pourquoi vous ne pouvez plus y aller ?
21:35J'évite.
21:36Ça m'évitera des problèmes, je pense.
21:38Je ne suis pas toujours très bien accueilli quand j'ai les arbitres, là-bas.
21:41On a retrouvé ça sur un départemental Corse.
21:43Ça vous appartient ?
21:45Non, pourquoi ?
21:47Vous n'avez jamais eu des véhicules dégradés, là-bas ?
21:49Ah oui !
21:50Ça, c'est la fin de l'histoire.
21:51J'aimerais voir le début de l'histoire.
21:53Racontez-moi.
21:54Racontez-moi l'histoire.
21:55Vous connaissez ce dicton qui dit que quand on montre la Lune à un idiot, il regarde le doigt ?
22:00C'est ce qui s'est passé en Corse.
22:01Vous étiez en train de montrer la Lune, c'est ça ?
22:03Non, pas du tout.
22:04C'est qu'il y a eu des idiots qui ont regardé le doigt.
22:06Expliquez-nous.
22:07Je ne comprends rien.
22:08N'essayez pas de nous embrouiller, là, M. Chaperon.
22:10Ce jour-là, c'est Ajaccio-Bastia.
22:12Monaco.
22:13Ajaccio-Monaco.
22:14Monaco gagne 1-0, je crois, à Ajaccio.
22:18J'ai exclu un joueur corse avant la mi-temps.
22:20C'est vrai que c'était un crime de lèse-majesté.
22:23On n'exclut pas un joueur corse.
22:24Je suis fait un pénalty pour Ajaccio, qu'ils ont raté.
22:26Et surtout, quelques minutes avant la fin du match,
22:30il y a un joueur de Monaco qui va faire une touche.
22:32Et au moment où il fait la touche, il y a un spectateur.
22:35Je ne sais pas ce qu'il fait là, d'ailleurs, il est sur l'air de jeu.
22:38Et il s'en prend au joueur.
22:39Et il l'invective en tenant des propos racistes.
22:41Et donc, je dis à cette personne, je la refouge,
22:43donc je demande à ce qu'on l'exclue du terrain.
22:46Et lorsque je demande ça, il y a un dirigeant corse en particulier
22:50qui vient et qui s'en prend à moi.
22:53Pour qui tu te prends ?
22:54À la mesure où il a tenu des propos insultants, il dégage.
22:57Tant que vous y êtes là, vous passez de l'autre côté de la main courante,
23:00je ne vais plus vous voir.
23:01Vous expulsez le directeur de la sécurité ?
23:03Oui, qui est en train de m'insulter, donc ça me semblait un peu légitime.
23:06Et donc, le match se termine.
23:08Ça, c'était juste avant le coup de sifflet final.
23:10Et lorsque le match a été terminé, il y a eu un attroupement.
23:13Il y a des gens qui sont rentrés sur la pelouse,
23:15dont le président du club, dont le directeur de la sécurité,
23:17et qui nous ont entourés.
23:18Il y avait une vingtaine de personnes qui étaient là.
23:20On est sur le terrain, on est à la fin du match.
23:22Les dirigeants corse nous menacent, nous insultent et nous menacent de mort.
23:32On va demander à être escorté par la police pour quitter le stade.
23:36C'est là où ils ont cassé la voiture.
23:38On est allé à l'hôtel.
23:39Attendez-nous dans l'hôtel.
23:40Dans un quart d'heure, on viendra avec une voiture banalisée.
23:42On se garde devant.
23:43Vous montez dans la voiture, on vous emmène au commissariat.
23:45À l'aéroport, non ?
23:46Non, au commissariat.
23:47Mais là, il est minuit d'une heure.
23:49Et il est trois heures du matin quand on a fini nos dépositions.
23:52Et là, tout pose la question.
23:54Est-ce qu'on va à l'aéroport d'Ajaccio ?
23:56Ils nous ont menacé de nous retrouver à l'aéroport.
23:58Et donc, on décide de prendre un taxi et de ne pas prendre l'avion à Ajaccio,
24:01mais d'aller le prendre à Bastia.
24:03Et donc, on a pris l'avion à Bastia pour rentrer sur le continent.
24:06Donc ça, c'est l'histoire telle qu'elle s'est produite.
24:11Ensuite, il y a eu, comme toujours, une diversion.
24:14C'est-à-dire que vous êtes accusé de menace de mort, d'insulte.
24:18Et j'en passe.
24:20C'est quoi votre ligne de défense ?
24:22Vous n'allez pas dire que ce n'est pas vrai.
24:23Il y a quatre témoins.
24:24Ils créent une diversion.
24:25Donc, ils inventent l'histoire du doigt.
24:27Et ça marche.
24:28On ne retient pas le fait qu'on a été menacé de mort,
24:30que la voiture a été cassée, etc.
24:32On ne retient pas ça.
24:33On a retenu.
24:34Chaperon a fait un doigt.
24:35Donc, moi, j'étais convoqué par la commission de discipline de la Ligue
24:38qui a reconnu qu'il n'y avait pas eu de doigt fait au public d'Ajaccio.
24:42Parce que je vais vous expliquer pourquoi moi, à un moment donné,
24:45je lève le doigt.
24:46Ah, vous levez le doigt, là, comme ça, subitement.
24:48On fait l'échauffement avec mes assistants.
24:50Et parfois, quand on regarde le vestiaire, on a un petit jeu.
24:54C'est le premier arrivé dans le tunnel ou dans le vestiaire,
24:57parce qu'il n'y a pas de tunnel à Ajaccio.
24:59C'est le premier arrivé à la porte du vestiaire.
25:01Et donc, on fait une course.
25:02C'est la fin de notre échauffement.
25:04On accélère.
25:05Et moi, quand j'arrive devant la porte, je fais comme Usain Bolt.
25:07Je lève le doigt.
25:08C'est moi qui ai gagné.
25:09Voilà.
25:10Ça s'est transformé en il a fait un doigt d'honneur.
25:13Alors, si...
25:14Et c'est là où c'est dommage.
25:16C'est là où c'est dommage que vous n'ayez pas l'image,
25:18parce que si on avait eu l'image,
25:19vous auriez montré qui était là au moment où je lève la main.
25:22Il y a le vice-président d'Ajaccio.
25:24Il y a plusieurs dirigeants d'Ajaccio
25:27qui me verraient faire un doigt au public
25:30et qui seraient sans réaction.
25:31Donc, cette histoire a été inventée 48 heures plus tard
25:34pour me discréditer et pour faire oublier
25:36que ce jour-là nous avait menacés de mort.
25:39OK.
25:40On a l'image, en fait.
25:41Ah, très bien.
25:42On l'analysera.
25:44Vous n'avez jamais peur, M. Chaperon ?
25:47Ce jour-là, j'ai eu peur.
25:49Parce que quand vous êtes menacé de mort,
25:50ça ne vous fait pas trop rigoler.
25:52C'est juste un match de foot, quand même.
25:53Il faut relativiser.
25:54C'est la dernière fois de votre vie que vous êtes allé en Corse ?
25:56Je crois que j'y suis retourné ensuite à Bastien.
25:59Ça s'est mieux passé ?
26:01Pas sûr.
26:03On n'a pas été menacé de mort, c'est déjà ça.
26:05Vous vous êtes dit, je ne peux plus aller en Corse du Sud.
26:07Tiens, je vais bétonner la haute Corse.
26:10Après, il me reste la Sardaigne.
26:11Je verrai ce que je peux faire.
26:14Vous êtes une tête brûlée.
26:16Non.
26:21Je fais un truc à vous montrer.
26:23Ce genre d'instrument-là.
26:25Vous reconnaissez ça ?
26:29Ça sert à quoi, ça ?
26:31C'est moins sophistiqué que le mien,
26:32mais celui-ci est pas mal.
26:33Ça sert à enregistrer les conversations que j'ai avec mes assistants.
26:37D'accord.
26:38Je m'en suis servi pendant des années.
26:39C'est pas le système.
26:40Je crois que c'est pas le système
26:41qui permet de parler entre assistants et arbitres.
26:43Non, on avait ça.
26:44Comme j'en avais assez de me faire prêter des propos que je ne tenais pas,
26:49un jour, je me suis dit,
26:50je vais acheter ce genre de dispositif.
26:52Je vais le brancher sur le système,
26:53parce que nous, on a un système
26:54qu'on est équipé pour communiquer entre nous.
26:57Je le branche là-dessus.
26:58Toutes nos conversations seront enregistrées.
27:00Et si un joueur vient un jour dire que je lui ai mal parlé, etc.,
27:03on aura la bande.
27:04C'est légal, ça ?
27:06Dans la mesure où les personnes sont prévenues.
27:08Vous préveniez les joueurs que vous avez un enregistreur ?
27:10Non.
27:11Je préviens mes assistants,
27:12parce que c'est eux qui sont enregistrés.
27:13J'enregistrais pas les joueurs.
27:15J'enregistrais nos conversations.
27:16Vous avez pas un enregistreur sur vous, là ?
27:18Non.
27:19Je suis venu sans.
27:20On va vérifier quand même.
27:21Mais c'est vous qui avez mis plein de trucs, là.
27:23Tous vos trucs de chaîne, là, c'est bizarre.
27:26Et vous l'avez utilisé ?
27:27Vous avez utilisé ces enregistrements ?
27:28Ouais.
27:29A quelle occasion ?
27:31C'était pour un de mes assistants,
27:33qui avait été accusé d'avoir tenu des propos racistes.
27:35Et donc, ce jour-là, on avait un enregistrement.
27:37Vous avez fourni l'enregistrement.
27:39Et vous avez arrêté ça quand ?
27:41Je l'ai jamais arrêté, je l'ai gardé.
27:43Jusqu'à la fin de votre carrière ?
27:44Hum ?
27:45Vous trouvez que les arbitres devraient avoir ça sur eux ?
27:48Comme ils ont les conversations vares,
27:49elles sont toutes enregistrées.
27:50Mais je trouve que c'est un bon dispositif.
27:52Et alors, quelque part, j'ai été presque un pionnier.
27:55C'est-à-dire qu'en utilisant ça,
27:57moi, je pense que c'est un bon outil.
28:00En plus, c'est un bon outil pédagogique.
28:02C'est-à-dire que je pense qu'on pourrait l'utiliser
28:03pour expliquer comment sont prises les décisions.
28:06Et vous ne pouviez pas chambrer, du coup, quand vous aviez ça ?
28:09Vous ne pouviez pas faire une petite phrase, là ?
28:11« T'es nul ».
28:12Mais jamais je ne faisais ça.
28:14Je ne disais pas à un joueur « T'es nul ».
28:16Ce n'est pas possible.
28:17Je pouvais répondre.
28:20Comme avec Deschamps, par exemple.
28:21Quand lui, il me provoque,
28:23ça s'appelle de la répartie.
28:25Et un arbitre, il a le droit d'avoir de la répartie ?
28:28Je ne vois pas pourquoi il pourrait se faire insulter en permanence
28:30et ne jamais s'exprimer.
28:37Mais...
28:38Combien de pochettes comme ça ?
28:39Il y en a beaucoup.
28:41Écoutez, ce qu'on a recueilli, c'est vous qui parlez.
28:43Et quand vous voyez un superbe but
28:45et que vous vous dites qu'il y a peut-être une petite faute,
28:48le geste est tellement beau que tu le valides.
28:51Ça changera quoi, en fait, à l'histoire ?
28:53D'accord.
28:54Moi, je marque un but de la main, mais je fais une roulade.
28:57Et il y a but.
28:58Non.
28:59Voilà.
29:01Ça vous accordait ?
29:02Il est magnifique, ce but, non ?
29:03Vous savez, c'est un but de la main.
29:05Non ?
29:06C'est vrai que vous ne connaissez pas le foot,
29:08mais pour ceux qui connaissent,
29:10vous connaissez l'histoire d'Osser Dortmund ?
29:13Oui.
29:14Un but espagnol.
29:15Vous ne connaissez pas le foot ?
29:16Visiblement, un peu plus que ce que vous voulez me laisser croire.
29:19But de Lilian Laszlondo.
29:20A peu près la même chose.
29:22Pourquoi l'avoir refusé ?
29:23C'était un but valable, surtout.
29:24C'est ça, la question, non ?
29:25Là, c'est un but valable aussi.
29:27Il est beau.
29:28Après, ça se discute.
29:29Est-ce qu'il met en danger son adversaire ?
29:31Oui.
29:32Est-ce que ce n'est pas l'adversaire
29:34C'est du 50-50.
29:36Il y a une part d'esthétisme aussi.
29:38On n'a pas le droit de refuser un beau but ?
29:40Bien sûr que si.
29:41Vous savez, ça m'est déjà arrivé de refuser des buts extraordinaires.
29:44Mais il était hors-jeu, il avait fait une faute auparavant.
29:47Comme on est sur une situation à 50-50,
29:49le 51-49, il passe sur l'esthétisme.
29:53On a aussi le droit d'être esthète quand on est arbitre.
29:56Il aimait le foot.
29:57Vous connaissiez le but de Platini, le plus beau but de sa carrière,
29:59qui a été refusé.
30:00Oui, il m'en a parlé déjà.
30:01C'est la finale de la Coupe Intercontinentale.
30:03Exactement.
30:04Vous connaissez un peu le foot aussi.
30:06Oui, un petit peu.
30:10Puisqu'on est dans l'esthétisme,
30:13on va ouvrir les gros dossiers.
30:19Vous pouvez nous expliquer votre tentative de meurtre
30:21sur le dénommé Diego Carlos.
30:24Vous êtes devenu une star ce jour-là.
30:26En prime en plus.
30:27Je me serais bien passé de cette histoire.
30:29J'ai connu des choses beaucoup plus graves quand même
30:31sur un terrain de foot.
30:32On vous voit en train d'essayer d'agresser
30:34le dénommé Diego Carlos.
30:36Pour être précis, je tente un croche-pied.
30:38Mais je l'ai raté.
30:40J'ai tout raté ce soir-là.
30:41Tentative.
30:42D'où le tentative.
30:44Absolument.
30:45Comme il venait de me bousculer
30:46et que j'étais persuadé qu'il l'avait fait exprès,
30:48j'ai voulu me venger.
30:50Ce que je ne conseille pas.
30:52Et voilà, c'est la fin de ma carrière.
30:55Vous avez l'air de dire gré.
30:57Oui, on ne peut pas terminer sa vie
30:59de sportif dans ces conditions-là.
31:02Votre regret, c'est quoi ?
31:03C'est de l'avoir raté ?
31:06C'est le perfide, monsieur Matou.
31:08Non, mon regret, c'est d'avoir pensé
31:11qu'il me l'avait agressé
31:12et puis d'avoir oublié que j'étais arbitre aussi.
31:14Et que ce genre de comportement
31:16n'est pas acceptable.
31:17Vous y repensez, des fois, ou pas ?
31:19Si je n'y pense pas, on me le rappelle tous les jours.
31:23Il y a toujours quelqu'un
31:24au cours d'une journée
31:25qui m'en parle.
31:26Ça vous énerve ?
31:28Ça m'attriste, plutôt.
31:30Quand vous avez arbitré
31:32pendant 15 ans au plus haut niveau,
31:34on retient ça de vous,
31:35c'est une fraction de seconde de votre vie.
31:37C'est un peu douloureux, parfois.
31:39C'est le moment où ça a basculé du côté obscur ?
31:42C'est le point de bascule, oui.
31:44Votre vie se transforme tout d'un coup.
31:46Et la télé, c'est pour vous réhabiliter ?
31:48Pour vous montrer qui vous êtes ?
31:51La télé, c'est parce que
31:53j'apporte un éclairage.
31:55Mais ce n'est pas pour me réhabiliter, non.
31:57Mais ça fait de vous une star, quand même,
31:59ce moment-là, mondial.
32:01Vous avez des stars positives
32:03et d'autres qui le sont moins.
32:05Là, on ne peut pas dire que ce soit
32:07une communication positive.
32:09À l'étranger, on vous en parle aussi ?
32:11On vous reconnaît ?
32:12Parfois, oui. J'ai eu des surprises.
32:14Des bonnes ?
32:16Non, parce qu'à chaque fois,
32:18on me revoit ça.
32:20Ça vous fait souffrir ?
32:22Avec le temps,
32:24les cicatrices se referment,
32:26mais elles ne disparaissent pas complètement.
32:28Ils ont été vaches de vous suspendre
32:30et de faire en sorte que vous ne puissiez
32:32même pas faire un dernier match de gala ?
32:34C'est possible.
32:36J'avais un passif
32:38que vous avez
32:40collectionné aujourd'hui.
32:42Mais oui, je pense que c'était
32:44une occasion rêvée de se débarrasser de moi.
32:46Je leur ai donné
32:48l'occasion de le faire.
32:50C'est d'abord ma faute.
32:56Je vais vous faire écouter
32:58quelques déclarations
33:00du quotidien de vos collègues
33:02les jours de match.
33:06Arbitre enculé ! Arbitre enculé !
33:08Arbitre enculé !
33:12Il faut être maso pour être arbitre ?
33:14Il faut surtout être sourd.
33:16Si vous prêtez attention
33:18à tout ce qu'on dit de vous,
33:20c'est compliqué de garder
33:22son self-control en permanence.
33:24C'est quoi ce que vous recherchez ?
33:26Faire une activité
33:28où tout le monde vous insulte constamment ?
33:30Ce qui anime les arbitres,
33:32c'est leur passion pour le foot.
33:34Ils sont passionnés de ce jeu.
33:36On ne se fait pas insulter quand on joue au foot.
33:38Après, c'est une autre façon
33:40de rendre service à ce sport.
33:42Parfois, quand vous jouez,
33:44vous ne rendez pas service au jeu.
33:46C'est ça !
33:48Donc, de se mettre au service
33:50des autres pour qu'ils puissent jouer
33:52dans les bonnes conditions,
33:54c'est une mission honorable.
33:56Ce n'est pas un sacrifice non plus.
33:58Ça vous plaît, personne ne vous oblige.
34:00Il y a le plaisir d'être sur un terrain,
34:02d'être un acteur du jeu,
34:04un facilitateur parfois.
34:06Ça vous est arrivé d'être triste,
34:08de pleurer, de vous sentir seul ?
34:12L'isolement, ça fait partie
34:14de la mission de l'arbitre.
34:16Il est toujours seul.
34:18Seul contre tous ?
34:20Pas toujours, on est à 50 %.
34:22Il y a 50 % du stade qui vous trouve bon
34:24et 50 % mauvais,
34:26en fonction du résultat de son équipe.
34:28Pourquoi ils n'arrivent pas
34:30à se faire aimer, les arbitres ?
34:32Je pourrais vous renvoyer la question.
34:34Pourquoi on n'aime pas
34:36les policiers, les gendarmes ?
34:38Tous ceux qui ont un minimum
34:40d'autorité et de pouvoir.
34:42Ça empêche de faire ce qu'on veut ?
34:44Oui, mais le problème,
34:46c'est qu'on ne peut pas jouer sans arbitre.
34:48Un match sans arbitre, c'est impossible.
34:50D'ailleurs, on ne peut pas jouer
34:52les matchs de compétition officielle.
34:56En division 4 de district,
34:58vous devez avoir un arbitre.
35:00Il y a toujours un arbitre.
35:02Les joueurs, on partage quoi
35:04à part les tensions ?
35:06Quasiment rien.
35:08Quand je parle d'isolement,
35:10c'est un isolement qu'on s'impose
35:12à nous-mêmes, parce qu'on se tient à l'écart.
35:14Je le compare avec d'autres sports.
35:16Au rugby, ils sont plutôt intégrés.
35:18Sans parler de 3,5 ans,
35:20il y a des repas communs,
35:22il y a une vraie communication
35:24entre eux, ce qui n'existe pas au foot.
35:26Il y a un isolement institutionnel
35:28qui est gênant.
35:30Les joueurs, vous ne les voyez que 90 minutes.
35:32Vous n'avez aucune relation avec eux.
35:34Vous n'avez pas le droit de parler avec eux ?
35:36Prendre un maillot ?
35:38Une fois,
35:40j'ai demandé un maillot à un joueur.
35:42Quel joueur ?
35:44C'était Vickers d'Horaceau.
35:46À l'échauffement,
35:48ça faisait un petit moment
35:50que j'arbitrais.
35:52Si à la fin du match, tu ne fais rien de ton maillot,
35:54je veux bien le récupérer pour quelqu'un.
35:56Et lui,
35:58il sort pendant le match,
36:00il me tourne son maillot.
36:02C'était Vickers.
36:04Il était un peu décalé.
36:06En dehors de lui,
36:08je n'ai jamais demandé un seul maillot.
36:10En lui demandant ça,
36:12vous ne pouvez pas lui mettre un rouleau derrière ?
36:14C'est ça.
36:16Vous voyez qu'on pourrait avoir
36:18des connivences avec certains.
36:20Dès lors que vous avez un minimum de sympathie
36:22ou un contact hors foot,
36:24c'est difficile d'être juste
36:26et intègre
36:28dans votre façon d'arbitrer.
36:30C'est pour ça,
36:32on se tient
36:34à l'écart des joueurs.
36:36Avec quelle personnalité du foot
36:38vous avez réussi à être
36:40connivant pendant votre carrière ?
36:42Pendant ma carrière ?
36:44Connecté
36:46avec Mickael Langreau.
36:48C'est avec les gardiens de but
36:50qu'on a des relations un peu plus
36:52personnelles.
36:54D'une part parce que je pense qu'on a un isolement commun.
36:56Un comté.
36:58Bordeaux-Lille, il fait une sortie kamikaze
37:00et il prend un joueur de Bordeaux.
37:02Je juge mal la situation.
37:04Je lui mets un carton jaune.
37:06Quand je revois les images, je me dis que ce n'est pas un carton jaune,
37:08c'est un carton rouge.
37:10Sauf qu'on a le droit à ce moment-là, quand on est arbitre,
37:12de visionner l'image et de faire
37:14un rapport complémentaire.
37:16C'était après, à la fin du match.
37:18Je n'ai jamais eu l'avoir.
37:20Ce jour-là, je dois lui mettre
37:22un carton rouge, mais je me trompe.
37:24Il faut que je fasse un rapport complémentaire
37:26à la ligue de football professionnelle
37:28et que je dise que je me suis trompé sur le terrain.
37:30Le lundi, j'ai un coup de fil
37:32avec un collègue d'arbitre.
37:34Je lui parle de cette situation.
37:36Je suis bien embêté.
37:38Je fais un rapport à un gars.
37:40Je lui mets un carton rouge. Il va être suspendu.
37:42J'aimerais bien lui dire de vive voix.
37:44Le gars me dit que j'ai son numéro de téléphone.
37:46Donc, il m'a filé son numéro.
37:48J'ai appelé Mickaël Landreau.
37:50« Salut, c'est Tony Chaperon. Je vais te mettre un carton rouge.
37:52Ça va, l'appel ? »
37:54Il croyait que c'était un canular.
37:56J'ai dit « Bonjour, je suis Tony Chaperon. »
37:58C'est mon numéro.
38:00C'est une blague.
38:02Je lui explique.
38:04Je dois vous mettre un carton rouge,
38:06mais je préfère vous le dire de vive voix
38:08plutôt que de faire un rapport dans mon coin.
38:10Tu dors, même la nuit, Tony Chaperon t'appelle
38:12pour te mettre un carton rouge.
38:14L'histoire avec Mickaël Landreau, c'est ça.
38:16Il l'a pris bien, finalement ?
38:18Oui, il a trouvé ça plutôt classe
38:20que je l'appelle en lui disant
38:22que je suis obligé de le faire.
38:24Il vous a envoyé un maillot ?
38:26C'est la petite histoire avec Mickaël Landreau.
38:28Mais ça ne m'avait pas empêché
38:30de siffler deux pénaltis contre lui.
38:32J'ai encore un truc à vous faire.
38:40On parlait de relations avec les joueurs.
38:42Tony Chaperon m'a arbitré une fois.
38:44C'était un match international contre la Suisse.
38:46Le gars, je ne le connais pas.
38:48Avant le match, il vient me parler sans raison.
38:50« Comment tu vas ? T'as fait un bon voyage ?
38:52Il fait beau, ici. »
38:54Il me tient la jambe pendant 5 minutes
38:56avec que des banalités.
38:58Je me suis dit que soit le gars était complètement tapé,
39:00soit il cherchait un pote.
39:02Ça me parle, c'est un joueur de Saint-Marin.
39:04Ça, c'est drôle.
39:06Oui, parce qu'en fait,
39:08il se trouve qu'avant le match,
39:10on fait une reconnaissance du terrain avec mon équipe,
39:12et il y a les joueurs suisses qui débarquent.
39:14Donc, Jenson Fernandez, il vient me voir.
39:16Il joue avec l'équipe suisse.
39:18Il me dit « Ah, Monsieur Chaperon ».
39:20Je discute avec lui pendant un petit moment.
39:22Notre coach, il a vachement insisté
39:24sur l'arbitrage.
39:26Il a dit qu'il ne fallait pas trop rigoler avec vous
39:28parce que dans l'équipe suisse,
39:30il y avait beaucoup de joueurs de l'ex-Yougoslavie.
39:32Et donc, on a revu le match
39:34que vous avez arbitré, je ne sais pas quoi.
39:36Et donc, il me parle de ça,
39:38et je discute avec lui pendant 3-4 minutes.
39:40Et là, il y a un membre du UFA qui me dit
39:42« Comme tu as discuté avec des mecs de la Suisse,
39:44il faudrait peut-être que tu ailles voir un mec de Saint-Marin
39:46parce que sinon, on va penser que tu as des accointances
39:48avec les Suisses plutôt qu'avec les Italiens.
39:50Et donc, je suis allé voir un gars de Saint-Marin.
39:52Je ne sais pas qui c'est d'ailleurs.
39:54Et donc, j'ai discuté avec lui
39:56pour essayer de rééquilibrer les trucs.
39:58J'ai dû lui dire qu'il faisait beau
40:00et qu'on est dans un univers de paranoïa.
40:02C'est-à-dire que les gens pensent que
40:04parce que vous avez discuté avec un joueur,
40:06vous êtes plus enclin
40:08à lui siffler un pénalty.
40:10Quand on ne parle pas aux joueurs, on est autant,
40:12mais quand on parle avec eux, c'est une suspicion.
40:14On n'est jamais au bon endroit.
40:16Ah, excuse-moi.
40:18Ouais ?
40:22OK.
40:24J'arrive.
40:26Je vous laisse quelques secondes avec mon assistant.
40:28On ne va pas s'amuser beaucoup
40:30parce qu'il n'est pas très cosant, votre assistant.
40:36Monsieur Chaperon,
40:38écoutez-moi.
40:40Pour l'instant, toutes vos réponses, vous frisez le carton rouge.
40:42Si vous me permettez un petit peu
40:44cette analogie.
40:46Moi, je peux tout passer au vert
40:48façon gazon.
40:50Ça vous parle, ça ? Pour 1 000 euros.
40:52Pour combien ?
40:541 000 euros. Je passe tout au vert.
40:56Pour l'instant, je ne dis rien.
40:58Mais je ne vais pas pouvoir continuer comme ça longtemps.
41:00Alors, on est d'accord ?
41:02Je vous propose une porte de sortie honorable.
41:04Prenez-la. Ne soyez pas stupides.
41:06Non, je suis sûr de mes réponses.
41:08Vous pouvez les garder comme ça.
41:10La machine ne se trompe jamais.
41:12Vous connaissez toutes tes machines infaillibles.
41:14Réfléchissez vite.
41:16Je pense que vous faites une heureuse bêtise.
41:18Je vois.
41:20OK.
41:24Merci.
41:26Vous devriez quand même être vigilant avec les gens avec qui vous travaillez.
41:28Bien, Monsieur Chaperon, bien.
41:30Bien.
41:32On ne vous la fait pas. Vous avez fait connaissance.
41:34Je croyais qu'il était mieux.
41:36Mais quand il l'ouvre, c'est pour dire des conneries.
41:38C'est pour vous tester,
41:40Monsieur Chaperon.
41:42Je croyais qu'il était sérieux.
41:44Ça s'appelle un piège.
41:46Ah, d'accord. C'est réfléchi, votre histoire.
41:48Vous avez des grosses ficelles, quand même.
41:50Non ?
41:52Vous regardez des séries américaines, mais des séries bêtes ?
41:54C'est éloquent.
41:58Donc, on n'est pas corruptibles, Monsieur Chaperon.
42:00Non, ça ne fait pas partie du logiciel
42:02de l'arbitre.
42:04Pourtant, l'argent, ça vous a plu
42:06à un moment donné ?
42:08Non, parce que...
42:10J'ai écrit noir sur blanc, là.
42:12Ça vous parle, ce bouquin ?
42:14En fin libre, on verra, à la fin.
42:16Vous dites,
42:18je suis content de mes 10 francs par semaine.
42:20Mes 100 francs par semaine.
42:22Ça me permettait d'offrir
42:24un verre à mes potes.
42:26Donc, vos premiers salats d'arbitre,
42:28ça partait au bistrot.
42:30Ouais.
42:32Diabolement, c'était.
42:34Diabolement.
42:36J'avais 16 ans.
42:38Les districts ne sont pas payés ?
42:40Non. Si vous ne payez pas les arbitres,
42:42c'est déjà qu'on n'en trouve pas.
42:44Est-ce que trouver un gamin qui a 15 ans
42:46et qui va venir tous les dimanches se faire insulter,
42:48il faut qu'il y ait un minimum de compensation ?
42:50Donc, vous, pour 100 balles, on peut vous insulter ?
42:54Gratuit. Ça dépend combien vous payez
42:56la place au stade.
42:58Bien souvent, ça va avec.
43:00L'argent, ça fait tourner les têtes.
43:02Vous avez toujours dit non, au cours de votre carrière ?
43:04Vous avez des propositions ou pas ?
43:06D'argent ?
43:08D'argent, jamais.
43:10Jamais d'argent ?
43:12Ça, par contre ?
43:20Ça, on vous en a proposé ?
43:22Bijoux, des montres ?
43:24J'en mets jamais.
43:26Vous n'êtes pas assez bête pour les mettre aujourd'hui ?
43:28Je n'étais pas prévenu que j'allais venir ici.
43:30Vous avez des méthodes particulières, quand même.
43:32Vous arrêtez les gens comme ça,
43:34vous vous confermez sur la corruption.
43:36Il m'est arrivé deux histoires.
43:3848 heures de garde à vue possible.
43:40J'aimerais bien sortir, à un moment donné.
43:42D'ailleurs, je pourrais manger un truc.
43:44On verra tout à l'heure.
43:46Je vais faire un match en Ukraine.
43:48Quand vous arrivez à l'hôtel,
43:50quand vous vous retrouvez dans votre chambre,
43:52il y a parfois des goodies.
43:54Vous avez un pins,
43:56une écharpe, un fagnon.
43:58Ça, c'est un goodies, quoi.
44:00Je vous explique ce qui se passe habituellement.
44:02Et donc,
44:04on a plein de trucs comme ça.
44:06Dans ma chambre, il y a effectivement des goodies.
44:08Et dans une boîte,
44:10il y a une montre.
44:12Je ne connais pas du tout.
44:14Je ne sais pas la valeur de cette montre.
44:16Je vois une montre qui ressemble un peu à ça.
44:18Je ne prête pas trop attention.
44:20On fait le match.
44:22Le match se passe.
44:24J'ai mon assistant qui m'appelle.
44:26Il me dit qu'il allait sur Internet.
44:28J'ai regardé le prix de la montre qu'on a reçue.
44:30Mon assistant me dit
44:32qu'elle coûte un certain prix.
44:34Elle coûte 1 000 euros.
44:36Je suis très embêté parce que j'ai accepté ce cadeau,
44:38mais sans en connaître sa valeur.
44:40Il donne une posture d'arbitre.
44:42C'est très emmerdant.
44:44Vous l'aviez déjà vendue ?
44:46Toujours chez moi, dans mon placard.
44:48Vous avez fait quoi, alors ?
44:50Je suis très embêté parce que si j'ai conscience
44:52de la valeur de cette montre avant le match,
44:54là, je fais un signalement.
44:56Mais après le match.
44:58Après le match, ça sert à quoi ?
45:00Vous n'avez pas eu le temps de gifler des pénaltys pour Kiev ?
45:02Non, je ne sais même pas.
45:04Ils étaient qualifiés.
45:06Ils avaient dû gagner 4-0.
45:08Je ne comprenais pas très bien
45:10la posture.
45:12Franchement, je n'ai jamais eu
45:14un doute quelconque sur la valeur
45:16de cette montre avant le match.
45:18C'est le cas le plus
45:20flagrant qu'il m'ait été donné
45:22de rencontrer au cours de ma carrière.
45:24Le fantasme sur la corruption,
45:26c'est quand même la preuve que ça n'existe pas.
45:28Ou très peu.
45:30Ou c'est très en marge.
45:32Je ne saurais jamais si c'est la poule ou l'œuf.
45:34Est-ce qu'on se dit, chaperon, ce n'est pas la peine
45:36parce que c'est un con
45:38qui dira non ?
45:40Ou c'est parce que ça n'existe pas ?
45:42Simplement.
45:44J'ose espérer que ça n'existe pas.
45:46Ça ne veut pas dire que ça n'a pas existé.
45:50Parfois, ce ne sont pas des montres.
45:52On a un témoignage
45:54qu'on n'a pas réussi à identifier.
45:56Vous allez me dire si ça veut dire quelque chose.
45:58J'ai bien connu
46:00le monsieur Chauve qui fait l'arbitrage.
46:02Il était très gentil
46:04mais c'est vrai qu'il était
46:06très stressé.
46:08Il fallait le détendre après le match.
46:10C'est toujours dans les pays de l'Est.
46:12C'est marrant.
46:14Ils ont une culture particulière.
46:16Je vous explique. Je fais un match...
46:18Je me sens mal à l'aise là, monsieur Chauve.
46:20Il faut faire attention à ce qu'on raconte.
46:22On fait un match
46:26en Slovaquie, je crois.
46:28La veille.
46:30Après le match, ça ne sert plus à rien.
46:32La corruption, c'est trop tard.
46:34Il faut vous corrompre avant.
46:36Vous êtes un spécialiste.
46:38Je comprends comment ça fonctionne.
46:40On est quatre arbitres français.
46:42On va faire un match là-bas.
46:44Il y a un représentant de la Fédération
46:46qui vient vous chercher à l'aéroport
46:48et vous emmène à l'hôtel.
46:50Il va vous véhiculer tout au long de votre séjour.
46:52Vous passez trois jours là-bas.
46:54On va s'entraîner.
46:56On revient à l'hôtel et on se change.
46:58On va dîner.
47:00Quand on rentre du dîner,
47:02on est dans la rue, on marche.
47:04Et là, il y a l'représentant de la Fédération locale
47:06qui échange
47:08avec mon quatrième arbitre
47:10et qui lui fait une proposition.
47:12En gros, il lui dit
47:14« J'ai quatre copines qui sont fans de foot
47:16et qui aimeraient venir discuter avec vous à l'hôtel. »
47:18On imagine bien qu'elles sont spécialistes de foot
47:20à peu près comme vous.
47:22Mon assistant me dit
47:24« Mais qu'est-ce que je lui réponds ? »
47:26« Tu crois vraiment qu'on est obligé de répondre
47:28à ce genre de conneries ? »
47:30Je m'en doutais.
47:32C'est même pas la peine d'y penser.
47:34Avant le match,
47:36ce genre de proposition
47:38s'est arrivé une fois
47:40mais le reste, ça ne m'est jamais arrivé.
47:42Accessoirement,
47:44elles ne sont pas venues les filles
47:46parce qu'elles devaient être trop déçues
47:48qu'on ne veuille pas échanger avec elles.
47:50En plus, ils ont perdu 1-0,
47:52c'est en pénalty.
47:54Ils étaient vraiment trop déçus.
47:56Mais là encore,
47:58c'est un truc, si jamais vous le faites une fois,
48:00votre carrière, elle est terminée.
48:02Quel est le sens d'être arbitre
48:04si à un moment donné, vous acceptez quoi que ce soit ?
48:06Vous perdez toute crédibilité
48:08mais même vis-à-vis de vous-même.
48:10Et la télé ? Pourquoi ce choix ?
48:12C'est ce qu'on est venu me chercher.
48:14Vous avez hésité ?
48:16Ouais.
48:18Mais après, je me suis dit
48:20que je ne pouvais pas reprocher aux médias
48:22de ne jamais parler d'arbitrage
48:24de façon positive ou en tout cas raisonnée.
48:26Je ne pouvais pas leur reprocher.
48:28Si au moment où on me propose de le faire,
48:30je dis non.
48:32Sacrifice encore ?
48:34Non, pas du tout. Ce n'est pas sacrificiel du tout.
48:36C'est un plaisir. Ça dépend avec qui.
48:38J'ai des missions qui sont un peu bizarres.
48:40C'est un métier un peu étrange.
48:42Ma télévision...
48:44Vous avez des noms ?
48:46Je ne préfère pas les citer.
48:48Surtout que c'est quelqu'un qui est assez connu.
48:50Il présente une émission le dimanche.
48:52Bien, vous nous avez dit beaucoup de choses, M. Jaffron.
48:54Peut-être un petit peu trop.
48:56C'est un motif d'inculpation ?
48:58Non, mais je crois que pour votre sécurité,
49:00on va devoir vous mettre sous protection
49:02en attente de la suite
49:04de notre enquête.
49:06Vous allez être accompagné ?
49:08On va s'amuser.
49:10Il est très sympathique.
49:12Vous avez un problème avec les chauves ?
49:14Ce n'est pas mon truc.
49:16Je peux vous raccompagner ?
49:18Merci.
49:20Je vous salue.
49:22On va vous raccompagner et vous mettre sous protection.
49:24Bonne fin de journée.
49:26Merci, monsieur.