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1968 marque le début d'une période de contestation et de réformes dans l'éducation, avec notamment les événements de Mai 68.
Transcription
00:00Un esprit rebelle, anti-autoritaire, souffle sur les salles de classe dans les années
00:1070. L'école nous marque pour la vie, quel que soit le pays ou l'époque. En Allemagne
00:17comme en France, les 68 arts appellent à réformer l'école de fond en comble. Finis
00:23les punitions et les cours magistraux, place à de nouvelles méthodes d'apprentissage.
00:28Des personnalités allemandes et françaises se souviennent.
00:31Souvent on part du principe que l'élève est nul et moi j'ai passé mon temps à
00:40penser que j'étais stupide du coup. C'est ici que ça a commencé. J'ai eu deux profs de sport
00:50qui m'ont poussé à donner le meilleur de moi même. Cette école valait réellement de l'or,
00:55je m'y suis pleinement épanouie. Je n'y étais pas jugée sur mon origine ou mon apparence parce
01:00qu'enfant évidemment j'ai subi la discrimination. J'ai beaucoup fait la fête. En cours je sortais
01:09mon attirail et je m'installais dans cette position. C'est quand même gonflé vis-à-vis des profs.
01:17La puberté c'est la période de la vie la plus remuante et en plus de ça il faut
01:28aller à l'école. C'est déjà une sacrée ineptie en soi.
01:47L'école Elisabeth à Marbourg, un ancien collège de jeunes filles. En 1968,
02:11Margot Kässmann est scolarisée dans cet établissement. Depuis, beaucoup de choses
02:17ont changé. Aujourd'hui, elle participe à la fête de bienvenue organisée pour les petits nouveaux,
02:22l'occasion d'un retour en arrière. Il y a 53 ans, j'étais à votre place. Je ne sais pas si vous
02:31pouvez imaginer. J'ai relu mon journal intime. Modeste hommage un jour parce que j'avais
02:36l'impression d'avoir raté mon contrôle de maths, peur d'avoir l'une ou l'autre mauvaise note dans
02:40le bulletin et ainsi de suite. Ces enfants passeront leur baccalauréat dans huit ans.
02:49Comment vivront-ils leur scolarité ? Quelles connaissances et valeurs auront-ils acquises ?
02:56Lorsque Margot Kässmann repense aux années qu'elle a passées sur les bancs de l'école,
03:01ses sentiments sont mitigés. 30 juin 1970, si seulement nous avions des vacances. Aujourd'hui,
03:11nous avons un devoir d'anglais. 1er juillet 1970, contrôle de maths et sciences nat. Je
03:17pense avoir raté les sciences. Margot Kässmann a grandi dans un village où ses parents tenaient
03:24une station essence. Elle fera une carrière fulgurante au sein de l'église protestante.
03:30Devenue pasteur, elle passe une thèse alors qu'elle est maman de quatre enfants. Elle
03:37est élue évêque de Hannover, puis présidente de l'église évangélique allemande. Arrêtée
03:43pour avoir grillé un feu rouge en état d'ivresse, elle démissionne sans hésiter
03:47de tous ses mandats. Un geste qui lui vaut encore beaucoup de respect.
03:51Globalement, l'éducation finit par engendrer une attitude avec laquelle tu traverses la vie,
03:59même si tu ne vas pas jusqu'au bac. C'est important parce que la pression scolaire peut
04:03briser un enfant. Le mouvement de 68 dénonce l'autoritarisme des profs et de l'État.
04:15Inspiré par le slogan « détruisez ceux qui vous détruisent », une partie de la jeunesse manifeste.
04:23Portée par l'énergie de la rue, les élèves du lycée de Marbourg veulent elles aussi se
04:28faire entendre. Marbourg-la-Rouge, la ville était considérée à l'époque comme un bastion de la
04:40gauche. Et il y a eu une manifestation d'élèves à laquelle nous avons participé aux grandes dames
04:45de nos parents, enfin des miens en tout cas. Qu'est-ce que ça veut dire si les élèves
04:49descendent maintenant dans la rue pour manifester ? L'ordre en Allemagne est remis en question.
04:53À 16 ans, Margot Caseman part aux États-Unis dans le cadre d'un échange scolaire. Elle y
05:01découvre les idées de Martin Luther King, une autre source d'influence. Je me souviens
05:07d'un conflit avec notre directeur, ça devait être en terminale, parce qu'il voulait nous
05:12emmener visiter la garnison de l'armée fédérale à Neustadt. Il était officier de réserve. Et nous,
05:20nous étions dans la mouvance pacifiste. On lui a dit, nous ne nous plierons pas à votre volonté,
05:26juste parce que cela sert vos intérêts. Violente la confrontation. En 1975, Margot Caseman part
05:38pour quelques semaines en France. Elle est surprise par l'ambiance qui règne dans le
05:43lycée de Poitiers où elle est accueillie. C'était très stricte là-bas. La pression scolaire y était
05:55bien plus forte. En Allemagne, c'était déjà très cool, on pouvait prendre la parole en cours,
06:00défendre un autre point de vue. En France, il y avait une discipline de fer.
06:05L'école en France. Un travail à plein temps. Les élèves sont en cours de 8 à 17 heures. Et après,
06:19ils enchaînent sur les devoirs. Mais Margot Caseman découvre aussi un autre aspect de la vie lycéenne.
06:26En dehors de l'école, en revanche, il se lâchait nettement plus que nous. Il faisait
06:35vraiment la fête avec beaucoup d'alcool, du sexe, et ainsi de suite. J'avais l'impression
06:42qu'il compensait ainsi tout ce que la discipline à l'école leur interdisait de faire.
06:47Retour en Allemagne où, en plus de la discipline et de l'autorité, c'est tout un système scolaire
06:56qui est remis en question à l'époque. Car si on veut changer la société, il faut commencer par l'école.
07:03La Gesamtschule, l'école pour tous, est une alternative au système traditionnel qui trie les
07:21enfants à l'issue de l'école primaire et réduit le champ des possibles. Les élèves y étudient tous
07:27ensemble jusqu'à l'examen final. Pour cela, il faut des espaces modulables. Stéphie Jones a fréquenté
07:36l'une de ses écoles pilote. Stéphie, contente de te voir. L'école Friedrich et Berthe à Francfort.
07:48J'ai été heureuse dans cette école et comme je l'ai dit, tu étais ma meilleure prof. C'est la
07:53vérité, sincèrement. Ça me fait plaisir. Ta mère t'a dit pourquoi elle t'avait inscrite ici. Moi,
08:01je n'en ai aucune idée. Oui, cette école était la seule à accueillir les élèves toute la journée
08:06et comme ma mère m'élevait seule, c'était la meilleure solution. C'est pour ça que je me suis
08:11retrouvée ici. Tu t'en souviens ? Tu l'avais gardée. La championne du monde, Stéphie Jones. Pendant
08:3114 ans, elle joue dans l'équipe nationale allemande de football. Elle devient ensuite
08:38entraîneur fédéral et organise en 2011 la coupe du monde féminine. Elle est née en 1972 à
08:46Francfort-sur-le-main d'une mère allemande et d'un soldat afro-américain. A l'époque,
08:52elle doit traverser la ville d'un bout à l'autre pour aller à l'école. Le trajet en bus dure près
08:58d'une heure. Je venais de Bonamess, un quartier défavorisé de Francfort. Beaucoup de familles ou
09:11d'enfants n'avaient au départ rien d'autre qu'un horizon bouché. Puis ils ont essayé de se construire
09:20un avenir par le biais de l'école. Je crois que beaucoup, tout comme moi, voulaient sortir de là.
09:26Créée en 1921, l'école Friedrichs-Ebert est l'une des premières écoles pour tous en Allemagne.
09:33Visite guidée en compagnie de la directrice Simone Hoffmann et d'Elisabeth Fischer,
09:39l'enseignante préférée de Stéphie. Tu te souviens de la grande baignoire ? Oui, le nom est resté, c'est vrai.
09:47La grande baignoire, c'est un peu comme la place du marché dans un village. Stéphie Jones arrive
09:57ici en 1982. Elle a tout juste dix ans. A l'époque, elle pouvait choisir entre différents niveaux dans
10:03chacune des matières. Le système a un peu changé aujourd'hui, mais l'apprentissage reste ouvert.
10:10Ce n'est que relativement tard que les jeunes optent pour telle ou telle filière.
10:23S'écouter les uns les autres, se respecter, se faire confiance, c'est beau. L'école primaire,
10:32puis l'adolescence. Pour Stéphie, cela n'a pas toujours été simple. Voici mon petit frère Franck.
10:40Sur cette photo, il venait tout juste de sortir de la clinique. J'avais douze ans, j'étais encore
10:46très jeune. Mais comme ma mère travaillait beaucoup, je devais pas mal l'aider à la maison.
10:53C'est une période où mes résultats scolaires ont un peu baissé. A cela s'ajoutent des conflits
11:00ponctuels. Stéphie Jones subit des insultes racistes même dans cette école.
11:07Je ne fais pas de reproches aux enfants qui m'ont discriminé. Ils étaient élevés ainsi.
11:14Mais il y a eu une situation où je me suis emportée, où j'ai frappé le garçon qui m'insultait.
11:23Ça s'est finalement bien terminé grâce à l'intervention efficace de madame Fischer.
11:32Mais ça m'a marquée pour le restant de ma vie. Je me suis dit, plus jamais je n'accepterais
11:43que quelqu'un me fasse enrager au point que j'en vienne à le frapper. L'école,
11:51un terrain d'entraînement pour la vie. Et dans le meilleur des cas, un lieu où l'on
11:56découvre ses qualités. Ici, sur le terrain de foot, les grands jouaient en premier. Je me
12:07dépêchais pour arriver au tout début de la récréation. Je sortais en courant dès que la
12:11cloche sonnait. Et à un moment, ils ont constaté que je me débrouillais bien. J'ai eu le droit de
12:17jouer avec eux. L'important, c'est de s'amuser. Merci. Berlin, côté ouest. Le terrain d'expérimentation
12:33par excellence pour les démolisseurs, les rénovateurs et les réformateurs de tout poil.
12:37C'est ici que Yela Azeh a passé sa scolarité. Quand je pense à l'école, je me revois le matin
12:44devant l'établissement et tout le monde est fatigué. Maria tient un café dans une main,
12:49elle fume une clope, porte des talons hauts. Il y a plein de personnalités différentes. Mais
12:55tout entre ensemble dans cette école. Aujourd'hui, comme hier, rendez-vous devant le tableau
13:01d'affichage. Est-ce qu'il y a un cours qui saute ? Est-ce qu'il y a un cours qui saute ? Non,
13:07mon cours ne saute pas. Dans ce cas, allons dans la salle. L'ancienne salle de classe de la
13:15comédienne. Il y a un chantier maintenant, ça change. On regardait l'heure au clocher pour
13:20savoir combien de temps on avait encore à tirer. On est jeune et on est obligé d'aller à l'école
13:25alors qu'on a envie de sortir, d'être avec des amis. Il se trouve que les amis sont dans des
13:31classes différentes, alors on se jette des regards furtifs, on s'écrit des petits mots.
13:35Qui marche avec qui dans la cour ? Qui regarde qui ? Pour moi, l'école, c'était surtout les
13:42contacts humains. Au cours préparatoire, Yela aurait voulu intégrer une école vraiment stricte,
13:50peut-être en réaction à son milieu familial très libéral. Durant sa scolarité, elle tourne déjà
13:57des films. Elle s'est fait connaître pour son rôle de Chantal dans la comédie Un prof pas
14:02comme les autres, un succès retentissant. Chantal, c'est l'archétype de la cagole. Elle assume son
14:10rôle de clown de la classe. Elle ne se laisse pas imposer de règles ou quoi que ce soit d'autre.
14:16Et je suis super contente que le film soit sorti après mon bac. J'ai tourné Un prof pas comme
14:24les autres pendant mon année de terminale. Et Dieu merci. Si on m'avait appelé Chantal dans
14:33la cour, ça ne m'aurait pas plu. L'école Sophie Scholl à Berlin compte un millier d'élèves. C'est
14:43le premier établissement scolaire en Allemagne à avoir pris le nom de la célèbre résistante.
14:49Ici aussi, on mise sur l'apprentissage collaboratif. Le tout porté par un esprit
14:55soixante-huitards et un peu aussi par le grand-père de Yela. Klaus Aase a été directeur dans cette école.
15:03Je crois qu'il a contribué à la construction de l'esprit de cette école. C'est vrai qu'il a
15:12toujours été lié à cet établissement. Son grand-père a été élève ici. Il a confié à Yela
15:19qu'une fois enseignant, il a toujours voulu aller au-delà de la simple transmission de connaissances.
15:24Dès les années 1960, il soutient le journal des élèves et organise des débats politiques.
15:31Mon grand-père a incité ses élèves à penser par eux-mêmes. Sans doute voulait-il les faire
15:38accéder à quelque chose dont il avait lui-même été privé. Parce qu'il appartenait à une génération
15:44qui avait grandi, endoctriné, complètement. Mon grand-père était quelqu'un de très
15:50sociable et je crois que ça a des temps sur l'école. Les enseignants sont les chevilles
15:58ouvrières de l'école. Comme en témoigne de nombreuses études, ils jouent un rôle
16:03majeur dans le développement des jeunes. Eva Fischer a été un cadeau du ciel. Elle était
16:15là pour moi à côté de ma mère. J'avais l'impression qu'elle était là pour tout le monde.
16:21Incroyable, tu as gardé les photos.
16:28Stéphie Jones avec son enseignante préférée Elisabeth Fischer.
16:35Tu te souviens encore de ça ? Je suis super fière. C'est sûr.
16:42La footballeuse suivait aussi des cours de français dans cette école.
16:50C'était une super prof elle aussi. Mais un beau jour, elle a fait ses cours entièrement en français.
16:57Je comprenais plus rien. C'est là que je me suis dit, il est temps de changer.
17:05Intégrer une autre filière sans pour autant changer d'établissement est une souplesse que seules les écoles
17:09pour tous offrent aux élèves. Cependant, le système classique reste le modèle dominant en Allemagne.
17:15En Europe, il n'y a que l'Allemagne et l'Autriche qui sélectionnent les enfants dès l'âge de 10 ans, peut-être 12 maintenant.
17:27C'est violent pour eux. On crée une élite en laissant de côté d'autres enfants.
17:36Même si j'ai toujours travaillé autrement, c'est quelque chose qui m'a toujours révoltée.
17:43L'éducation pour tous, telle est l'idée à l'affiché quand les baby-boomers affluent dans les écoles dans les années 70.
17:58La politique éducative allemande est en plein renouveau. Les établissements secondaires de type général ou technique accueillent un grand nombre d'élèves.
18:07En parallèle, on multiplie les expériences pédagogiques.
18:12Enseignement axé sur la pratique, théorie des ensembles. Parfois, les calculs se font au jugé.
18:37Pédagogie de la frite en Allemagne, apprentissage de la lecture par la pâtisserie en France.
18:52Ces nouvelles méthodes restent cependant marginales. Dans l'Hexagone, le modèle dominant demeure jusqu'à aujourd'hui le cours magistral.
19:03La véritable révolution, c'est la généralisation de la mixité dans les années 70.
19:10Contrairement aux élèves allemands, les petits français reçoivent tous le même enseignement dans le cadre d'un collège unique.
19:17L'école comme ascenseur social, les 68 arts remettent cette idée au goût du jour avec le bac pour tous.
19:33Un grand problème jusqu'à aujourd'hui, le bac technologique est parfois une voie de garage.
19:39Chaque année, de nombreux jeunes quittent l'école sans aucune perspective.
19:44Elle aussi a failli décrocher.
19:47La chanteuse Barbara Pratt est en train d'écrire un livre pour les élèves de l'université.
19:53Elle est en train d'écrire un livre pour les élèves de l'université.
19:59La chanteuse Barbara Pravi.
20:04Ah, super !
20:07On me dit que si je veux réussir, faut être bonne à l'école, qu'on ne forge pas son avenir dans la salle de colle.
20:15Que l'école, ça prend la vie, mais moi, si je n'en ai pas envie, si je veux faire ma place autrement, personne m'a demandé mon avis.
20:25C'est très froid, quoi, le rapport professeur-élève et professeur, dans mon souvenir, très très froid.
20:33Ouais, mais c'est ça, il n'y a pas de chaleur, il n'y a pas de...
20:37C'est très hiérarchisé, quoi, le professeur et l'élève.
20:41C'est dommage qu'on n'emporte pas les élèves dans une éducation qui donne envie, quoi.
20:48Barbara Pravi sera renvoyée de l'école à cinq reprises.
20:55Juste ici, moi, mon rêve, mon envie, comme j'en crève, comme j'en ris, me voilà dans le bruit.
21:03Aujourd'hui, elle est chanteuse-compositrice.
21:11Avec Voilà, elle décroche en 2021 une deuxième place à l'Eurovision.
21:17Dans la foulée, elle est sacrée révélation féminine de l'année aux Victoires de la Musique 2022.
21:24Je suis disputée très très très très fort un jour avec un professeur d'SVT.
21:28Mais vraiment, il a eu des mots horribles, vraiment.
21:30Il m'a insultée devant toute une classe.
21:32Donc je veux bien qu'il y ait des élèves turbulents.
21:34Je crois aussi qu'il y a des limites à ne pas dépasser.
21:36Et c'est les limites du respect et de l'autre.
21:38Et là, bon, ben voilà, il a insulté ma mère vraiment fort et tout ça.
21:42Et puis moi aussi.
21:43Et donc moi, je suis devenue complètement folle.
21:44Je me suis levée, je l'ai poussée.
21:45Enfin bon, c'est parti complètement trop loin.
21:47Les élèves de la classe m'ont retenue.
21:49Et puis je suis partie du lycée en pleurant.
21:51J'ai appelé ma mère et je lui ai dit plus jamais je veux aller à l'école.
21:54Je les déteste.
21:59Sa mère, elle-même enseignante, la supplie de retourner à l'école.
22:06J'arrive au lycée et je vois qu'il n'y a aucun élève nulle part.
22:10Je me dis trop bizarre et tout.
22:12Et je vais dans la cour de récréation.
22:14Et les professeurs faisaient une grève.
22:16Ils avaient des panneaux.
22:17Et ils disaient non aux élèves qui insultent leur professeur.
22:21Donc tous les enfants du lycée, ils étaient trop contents parce qu'ils n'avaient pas cours.
22:24Ils ne comprenaient pas pourquoi.
22:25Et tous les profs, ils étaient là en train de manifester dans la cour contre moi.
22:29J'avais même pas 18 ans.
22:31J'avais 16 ou 17 ans.
22:33C'est complètement zinzin.
22:35Complètement zinzin.
22:36Mais c'est vrai.
22:37Barbara n'arrivait pas à se fondre dans le moule.
22:41À qui la faute ?
22:43Parfois, elle se demande si elle ferait mieux aujourd'hui.
22:45Si elle pourrait s'épargner ses stupides heures de colle dans cette salle.
22:56Il n'y a personne.
23:01Ordre, discipline, obéissance.
23:05En RDA aussi, le système éducatif repose sur ses anciennes valeurs
23:09alors que le régime appelle à construire une nouvelle société socialiste.
23:13Et comme en France, il y a des cours toute la journée
23:16et un enseignement unique jusqu'à l'équivalent de la troisième.
23:24Dans une petite ville près de Berlin,
23:26la comédienne Suzanne Bormann entre à l'école en 1986.
23:30Dès l'école primaire, elle fait ses premiers pas devant la caméra.
23:34Elle accédera à la notoriété avec le réalisateur Andreas Dresen
23:39et remportera de nombreux prix.
23:41En 1997, par exemple, elle joue une jeune rebelle
23:45qui kidnappe le directeur d'une école de RDA.
23:52Mais pour autant, négliger l'école à cause des tournages,
23:56cela ne lui serait jamais venu à l'esprit.
24:01J'étais ravie d'aller à l'école.
24:03Mon père était scientifique, il était géophysicien,
24:06spécialiste des tremblements de terre et des volcans
24:09et un dictionnaire ambulant.
24:11On pouvait tout lui demander.
24:13Il fallait juste s'armer de patience car les réponses duraient des heures.
24:17Mais j'ai toujours eu cette soif de savoir
24:20et je savais pourquoi j'allais à l'école.
24:24L'école en RDA, c'est aussi un formatage politique.
24:27Savoir et idéologie se confondent.
24:30Presque tous les élèves de CP entrent chez les Pionniers,
24:34l'organisation de jeunesse socialiste des 6-14 ans.
24:38A la fin, c'est le parti qui décide des carrières.
24:42On avait une institutrice adorable.
24:45Elle veillait à ce que nous ayons plaisir à venir à l'école.
24:49Le principe de solidarité occupait une grande place.
24:53Ce qui, à mon sens, a eu aussi des retombées positives.
24:57Tout dépendait de la manière dont la notion était amenée par l'enseignant.
25:03Les écoles est-allemandes pratiquent régulièrement le salut au drapeau
25:07et entretiennent l'hostilité envers l'ennemi de classe impérialiste.
25:15Je me souviens qu'à l'école maternelle,
25:18on dessinait déjà des chars et des soldats.
25:21L'armée populaire jouait un rôle énorme.
25:24Il y avait aussi le sport militaire, qui était loin d'être drôle.
25:29En 1978, la RDA met en place des cours obligatoires d'entraînement militaire.
25:34Apprendre à tirer, à lancer des grenades,
25:37à marcher au pas avec un masque à gaz.
25:40Les images comme celles-ci sont rares,
25:43car déjà à l'époque, des parents d'élèves s'insurgent.
25:46La réponse ? Pas de bac pour les récalcitrants.
25:49Suzanne échappera aux exercices militaires.
25:52Elle a été sauvée par la chute du mur.
25:55Mais son grand-père, Walter Möhl, un enseignant, en a souffert.
25:59Il ne voulait pas imposer le maniement des armes à ses élèves.
26:03D'autres directives le révulsaient.
26:06Il a essayé de continuer à faire preuve d'humanité,
26:09mais il s'est retrouvé dans des situations
26:12où il n'y avait qu'une seule solution.
26:15Il a essayé de continuer à faire preuve d'humanité,
26:18mais il s'est retrouvé dans des situations
26:21où le politique entrait en contradiction avec ses valeurs.
26:24Par exemple, lorsqu'il était obligé d'interdire l'accès au bac à certains élèves
26:27parce que leurs parents n'étaient pas dans la ligne du parti.
26:30Je sais que ça le rongeait de l'intérieur.
26:33Et il a fini par mourir d'un arrêt cardiaque au piano.
26:36Il était professeur de musique.
26:39Il est mort à l'école et ce n'est sans doute pas un hasard.
26:42Il a vraiment réussi à le faire.
26:46Fin 1989, peu de temps après la chute du mur,
26:49l'idéal socialiste disparaît des écoles est-allemandes.
26:52Pendant les dernières heures d'éducation civique,
26:55les jeunes arborent un nouveau look,
26:58écoutent des chansons de dissidents
27:01et donnent leur avis.
27:15Dans son lycée,
27:18Suzanne voit le quotidien se transformer
27:21avec le retour des libertés.
27:24A l'époque, Winfried Eilek avait été récemment nommé directeur à Telto.
27:27Selon Suzanne Bormann,
27:30c'est à lui qu'on doit la bonne ambiance
27:33au sein de la société.
27:46Proche de la dissidence en RDA,
27:49ce professeur de mathématiques
27:52était au-dessus de tout soupçon.
27:55Je voulais savoir,
27:58être enseignant en RDA, comment c'était ?
28:01Et après la chute du mur,
28:04comment ça s'est passé au sein du corps enseignant ?
28:07Dans ma matière, les mathématiques,
28:10ça n'a pas été trop dramatique.
28:13Ils avaient l'habitude de jeter l'éponge,
28:16peut-être parce qu'ils avaient des antécédents.
28:19Il y a eu plusieurs situations différentes.
28:22Ils avaient peut-être peur d'être rattrapés
28:25par leur passé dans la stasie ?
28:28Possible, mais c'était une bonne chose,
28:31parce que chacun était obligé de se positionner.
28:34Est-ce que je veux continuer ?
28:37Est-ce que je suis prêt à relever les nouveaux défis ?
28:40Quand nous n'avions pas très bonne réputation
28:43en ce qui concerne l'autorité,
28:46une fois dans la salle de classe et la porte fermée,
28:49nous étions en communication avec les élèves.
28:52Déjà à l'époque ?
28:55Oui. Aujourd'hui, on peut poser la question.
28:58Cher élève, ai-je été un bon professeur ?
29:01Est-ce que je t'ai appris quelque chose
29:04ou est-ce que je t'ai endoctriné ?
29:07Cette école a commencé à proposer des cours de psychologie,
29:10et je trouvais ça bien.
29:13L'enseignante et les élèves apprenaient en parallèle,
29:16en quelque sorte.
29:19Elle allait à une formation,
29:22elle en revenait, puis nous faisait cours.
29:25Du coup, c'était beaucoup plus vivant.
29:28C'est ce que j'ai appris.
29:31C'est ce que j'ai appris.
29:35Du coup, c'était beaucoup plus vivant.
29:41À l'époque, les élèves choisissent une Maxime pour leur école.
29:48C'était la devise des Lumières.
29:51Ose penser par toi-même.
29:54Elle marquait aussi le début d'une nouvelle ère dans notre école,
29:57même si c'est moins confortable quand les élèves
30:00commencent soudain à penser par eux-mêmes.
30:03Maxime était palpable.
30:06Mais il est important que les enseignants acceptent le dialogue.
30:09Nous sommes des partenaires.
30:18De la petite ville de Teltow, en banlieue de Berlin,
30:21au centre de la capitale.
30:24L'école Sophie Scholl réunit sous le même toit
30:27une école secondaire revisitée
30:31Yela Azeh est arrivée ici en 2003.
30:36C'est ici qu'on fumait ensemble en cachette.
30:39Toilette pour filles.
30:42Exactement la même odeur qu'autrefois.
31:00OK.
31:03Non, non, c'est des bons souvenirs.
31:11Yela est entre de bonnes mains dans cette école,
31:14qui s'inspire de l'éducation nouvelle
31:17et cherche à valoriser les points forts et les talents de chacun.
31:24Je peux m'imaginer que dans une autre école,
31:27j'aurais peut-être été renvoyée.
31:33Ici, nous avons été soutenus,
31:36malgré notre côté loufoque ou bancal,
31:39et ça jusqu'au bac.
31:42C'est pas rien.
31:45Ici, salle 110, 7-21.
31:48Je crois que c'est dans cette salle
31:51quand j'ai redoublé.
31:54C'est ici que j'ai eu mon tout premier cours.
31:57Un cours d'anglais.
32:00Pour moi, c'était une épreuve douloureuse
32:03parce que j'avais un cercle d'amis fidèles
32:06et ils étaient tous passés dans le cycle supérieur.
32:09Ils préparaient le bac,
32:12ils avaient une organisation,
32:15ils se rapprochaient un peu plus de l'âge adulte.
32:18Moi, j'étais restée seule à la traîne.
32:21J'étais donc là, assise dans cette pièce
32:24pour le tout premier cours,
32:27et je me suis dit,
32:30il y a que des gens débiles,
32:33je les trouve tous nazes,
32:36et j'ai pleuré.
32:39Et puis j'ai fini par trouver dans ma nouvelle classe
32:43Il faut que je trouve la bonne page.
32:49Voici les gens qui m'ont aidée à me relever.
32:52Aujourd'hui encore, ce sont mes amis les plus proches.
32:56L'un de ses plus beaux souvenirs,
32:59en cours de français,
33:02la classe a écrit une chanson et en a fait un clip.
33:06La mélodie vous reste en tête ?
33:09Elle est alors dans la même classe que sa sœur.
33:13Avec cette chanson,
33:16la classe a remporté un concours
33:19et elle a fait découvrir l'état d'esprit
33:22qui règne dans cette école.
33:25C'est l'épreuve de l'amitié.
33:28C'est l'épreuve de l'amitié.
33:31C'est l'épreuve de l'amitié.
33:34C'est l'épreuve de l'amitié.
33:37C'est l'épreuve de l'amitié.
33:40C'est l'épreuve de l'amitié.
33:43C'est l'éprouve de l'amitié.
33:46C'est l'epreuve de l'amitié.
33:49Cette épreuve de l'amitié
33:52se retire dans cette école.
33:55Une identité allemande
33:58dont on pourrait tirer une quelconque fierté,
34:01ça n'existait pas.
34:04S'il y avait une identité,
34:07Allons enfants de la patrie !
34:11Liberté, égalité, fraternité.
34:15Les écoles françaises portent haut les idéaux de la Révolution.
34:19En tête, l'égalité des chances.
34:21C'est d'ailleurs au nom de ce principe
34:23que la France a mis en place un enseignement unique jusqu'en 3e.
34:27Mais comme on l'a vu, dans les années 90,
34:30l'égalité des chances si souvent invoquée
34:32n'est pour l'instant qu'un vœu pieux.
34:35Allons enfants de la patrie !
34:37Le temps nous est margent.
34:40Contre nous la tyrannie.
34:42Les tendres armes nous le font.
34:44Dans les autres compagnies,
34:46s'y passent en arrière.
34:48Plus de 100 000 élèves sont allés à Paris avec des placards
34:51sur lesquels les mots «Futur » et «Succès» se répétaient.
34:54Parmi les démonstrants, un transparent
34:56indique le lycée Jean Renoir de Bondy,
34:58un quartier de Paris.
35:00Les violences de cette école
35:03ont été les rues de la France,
35:05et les rues de la scole
35:07ont été les rues de la France.
35:09Les conditions déplorables qui règnent dans cette école
35:12sont à l'origine des violences.
35:14Les restrictions budgétaires ne permettent pas les rénovations
35:17et le personnel enseignant n'est pas assez nombreux.
35:21Ce sont surtout les jeunes de banlieue
35:23qui sont touchés par la pénurie de professeurs
35:25et qui se rassemblent dans la rue pour protester.
35:28C'est à ces élèves que pensait Jack Lang en 2000
35:31qu'il lance ses réformes.
35:33Il est alors ministre de l'Éducation nationale.
35:39Il rêve d'une école du bonheur
35:41où tous les sens et tous les talents des apprenants seraient sollicités.
35:51Toutes les formes de son intelligence
35:54sont pleinement épanouies.
35:56Son intelligence conceptuelle, à travers la lecture et l'écriture,
35:59son intelligence concrète, à travers des expérimentations,
36:02et enfin son intelligence sensible, son imaginaire, sa créativité.
36:07Jack Lang développera les arts plastiques et la musique,
36:10un moyen pour contrebalancer le stress et la pression des notes.
36:19Quand j'ai été mal noté,
36:22c'est parce que moi-même, je n'avais pas été à la hauteur.
36:26Néanmoins, j'en voulais au professeur.
36:30Je suis personnellement hostile aux notes.
36:34Là encore, c'est une manière de décourager les élèves
36:40qui pourraient être mieux soutenus.
36:46Moi, j'ai été professeur de droit, j'ai aimé l'enseignement.
36:51Il y a une chose que j'ai détestée, c'est donner des notes.
36:58J'étais même incapable, incapable de donner une note.
37:04Mais je pense qu'il faudrait changer ce système.
37:13Suzanne Bormann vivra un changement de système en 1989
37:17avec des expériences diverses.
37:20Après l'école primaire en RDA, elle fréquentera dans un premier temps
37:24une école secondaire à vocation artistique à Berlin-Ouest.
37:27Parallèlement, elle continue à tourner des films.
37:30Mais à sa grande surprise, la direction voit ça d'un mauvais oeil.
37:35Elle doit à chaque fois batailler pour être dispensée de cours.
37:38Et ce n'est pas le seul problème.
37:41Il y avait une énorme distance entre les enseignants et les élèves.
37:47Les profs étaient en haut, les élèves en bas.
37:52L'école avait aussi des prétentions élitistes,
37:55qui étaient très axées sur la performance.
37:59On n'obtenait la note maximale que si on était meilleur que le prof,
38:05ou si on avait réussi à le surprendre.
38:09C'était une expérience un peu frustrante.
38:15Mais ici, à telle taux, ça s'est beaucoup mieux passé.
38:19Notre directeur nous laissait plus de liberté.
38:23Je passais le bac blanc dans ma chambre d'hôtel pendant le tournage.
38:28Une école qui aide les élèves à se réaliser,
38:31Barbara Pravi en a rêvé à l'époque.
38:34Elle qui s'est toujours sentie en décalage avec les programmes scolaires,
38:38qui ne parlait le plus souvent que des grands hommes de l'histoire.
38:43Barbara vient d'une famille d'artistes avec des racines serbes,
38:46iraniennes, polonaises et nord-africaines.
38:49Dès l'adolescence, elle se lance dans la vie tête baissée.
38:53La rigidité du système français n'était pas adaptée
38:56à cette jeune fille rebelle au caractère bien trempée.
39:07Les professeurs que j'ai eus, pour la majorité,
39:10jouaient beaucoup de leurs relations de pouvoir.
39:13Pour moi, la femme que je suis aujourd'hui,
39:16j'essaie d'avoir des relations horizontales avec les gens.
39:19A chaque fois qu'elle change d'établissement,
39:23Barbara réussit à se faire de nouvelles amies.
39:26C'est le bon côté de l'école.
39:28Et puis, il y a eu cette rencontre qui a transformé sa vie.
39:34Une prof de français m'a dit à la fin des cours
39:37que je ne croyais pas être débile,
39:41que j'étais insupportable, une ado, en contradiction avec tout.
39:45Je pense même que tu serais très douée en français
39:48si quelqu'un t'apprenait à aimer ça.
39:54Et c'est ainsi que Barbara a trouvé sa vocation.
39:57Aujourd'hui, elle écrit, compose et interprète ses chansons.
40:11J'ai tellement aimé que cette femme vienne me voir
40:15et qu'elle me prenne toute seule et qu'elle s'attention à moi,
40:18et pas être juste un élément de la masse,
40:20qui est en plus un élément perturbateur,
40:22que j'ai lu tout ce qu'elle m'a recommandé.
40:25Et quand elle m'expliquait comment faire les choses,
40:29comment écrire, comment utiliser les mots,
40:32j'étais obnubilée par cette femme.
40:34Je trouvais ça extrêmement intéressant.
40:36Elle m'a changé la vie. C'est devenu de la magie.
40:40J'ai appris une foule de choses.
40:43Et dans mes activités actuelles, comme dans les précédentes,
40:47elle m'aide à diriger d'autres personnes,
40:50à conduire des équipes et aussi à transmettre.
40:56Il y avait certes la pression scolaire,
40:59mais je dois reconnaître que par la suite, ça m'a quand même bien servi.
41:02Sans cette discipline, je n'aurais pas réussi
41:06à devenir évêque avec 4 enfants.
41:08Il y a des moments où l'on a besoin de rigueur et de clarté.
41:16Dès qu'un prof a le sens de l'humour, le sens de la répartie
41:19et qu'il est aussi un bon pédagogue,
41:21le courant passe bien avec les élèves.
41:24Il faut avoir envie d'enseigner.
41:26Il faut plaisanter de temps en temps.
41:30Comment voulez-vous que ça marche avec un vieux prof sclérosé ?
41:38Personne ne se pose la question de se dire
41:40qu'est-ce qu'on fait de toute cette partie-là de notre jeunesse
41:43qui est malheureuse ?
41:45Des enfants relous...
41:47Moi, je faisais partie de ce lot-là.
41:50On était beaucoup et on était seuls.
41:52L'école, lieu de souffrance ou d'épanouissement.
41:55Les expériences sont multiples.
41:57Ce qui est sûr, c'est qu'aucune autre institution publique
42:00ne nous façonne autant que l'école.
42:03Les enseignants, chevilles ouvrières du système scolaire,
42:06influent sur ce que nous apprenons
42:08comme sur notre attitude dans la vie.
42:10Qu'on fréquente une école élitiste ou alternative,
42:13tout repose finalement
42:16sur les compétences et l'engagement des professeurs.
42:21Mon école idéale...
42:23Ne vous étonnez pas s'il y a du tapage là-haut.
42:26Je crois que c'est la récréation.
42:28Mon école idéale
42:31est une école où l'on va avec plaisir,
42:33où on se réjouit,
42:35où on se sent stimulé,
42:37où on a l'impression que l'école est un cadeau.
42:42Je rêve d'une révolution éducative.
42:44Révolution de la pédagogie,
42:47révolution des programmes,
42:49révolution de la formation des maîtres,
42:51révolution du temps scolaire,
42:53révolution de la présence de la culture et de l'art à l'école.
42:56Révolution, révolution, révolution.

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