• il y a 3 mois
Deux ans après le début du mouvement "Femme, vie, liberté", l'athlète Marjan Jangjoo, grimpeuse iranienne arrivée en février 2023 en France, la journaliste Mariam Pirzadeh, ancienne correspondante en Iran et l'avocate Chirinne Ardakani, évoquent la situation des femmes en Iran.

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00:008h21 et table ronde spéciale Iran dans le Grand Entretien avec Marion Lourdes.
00:05L'Iran deux ans après l'assassinat de Massa Amini par la police des Meurs et le début
00:10du mouvement Femme, Vie, Liberté.
00:12Où en est la mobilisation ? Quelle est la situation sur place ?
00:16Vos questions, chers auditeurs, vos interventions au 0145 24 7000 ou sur l'application de France Inter.
00:24Et avec Marion Lourdes, nous avons le plaisir de recevoir plusieurs invités ce matin, que
00:29je salue.
00:30Bonjour à toutes les quatre, Shirin Ardakani, vous êtes avocate franco-iranienne, membre
00:36du collectif Iran Justice, et vous irez vous déplacer et vous mobiliser avec beaucoup
00:42d'autres à Bastille, à Paris, tout à l'heure à 14h, pour continuer le combat.
00:47Marjan Jangjou, bonjour, vous êtes une réfugiée iranienne en France, cela fait quelques mois
00:53que vous avez quitté l'Iran et que vous vivez dans notre pays, vous allez nous raconter
00:57votre histoire, votre combat aussi, ce qui vous a poussé à fuir l'Iran.
01:02Et pour assurer la traduction, Sahar Araghani, bonjour, et Mariam Pirzadeh, rédactrice en
01:09chef sur France 24 et ancienne correspondante en Iran.
01:14Merci infiniment en tout cas d'avoir accepté notre invitation.
01:17On va parler de l'Iran, mais d'abord, Shirin Ardakani, vous venez ce matin avec un message
01:23important, il vous a été envoyé dans la nuit, en pleine nuit, c'est un message de
01:29la prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, qui est malade, qui est détenu dans la prison
01:34d'Evin, près de Téhéran, et vous avez tenu à nous le lire.
01:39Tout à fait, message de Narges Mohammadi, donc lauréate du prix Nobel de la paix à
01:46l'occasion du deuxième anniversaire de l'assassinat de Dina Massahamini.
01:51Deux ans se sont écoulés depuis l'assassinat de Massahamini et le début du grand et magnifique
01:56mouvement Femme vit liberté.
01:58Au cours de ces deux douloureuses années, nombreuses furent les blessures qui ont marqué
02:02le corps lasse de celles et ceux qui se sont révoltés contre l'oppression, contre les
02:07discriminations et contre la tyrannie.
02:09Et bien que le chemin qui nous attend soit semé d'embûches, nous savons que plus
02:14rien ne sera jamais comme avant.
02:16Nous sentons qu'un changement radical est en train de s'opérer dans les mœurs et dans
02:20la vie de toute la société.
02:21Un changement qui n'a certes pas encore sonné la fin du régime de république islamique,
02:26mais qui a dorénavant ébranlé les fondements de son despotisme religieux.
02:30A l'occasion du deuxième anniversaire du mouvement Femme vit liberté, nous renouvelons
02:34avec encore plus de force notre engagement pour la démocratie, la liberté et l'égalité
02:39et affirmons notre ferme résolution à vaincre le despotisme.
02:42Alors, nous dit Narges Mohammadi, j'appelle les institutions internationales et les peuples
02:47du monde entier à ne pas se contenter d'observer passivement notre combat, mais à agir activement.
02:53J'invite, dit-elle, les Nations Unies à mettre fin à leur silence et leur inaction
02:57face à l'oppression et à la discrimination des femmes par les dictatures religieuses
03:01en criminalisant l'apartheid de genre.
03:04Et elle conclut en disant qu'émanciper les femmes du cycle de l'oppression et de la
03:08discrimination consolidera les forces qui promeuvent la paix et la démocratie dans le monde.
03:13C'est un texte extrêmement important et je rappelle donc qu'il a été envoyé,
03:18on ne dira pas comment, du quartier des femmes de la prison des Vignes.
03:21C'est un texte qui a été traduit par Sorour Kasmaï qui est romancière, directrice de
03:26collection chez Actes Sud et qui pourra être lu en intégralité sur le site d'Inter.
03:33Qu'est-ce qu'il dit ce texte-là ? Peut-être avec vous, Mariam Pirzadeh, qu'est-ce que
03:40vous comprenez de ce que dit Narges Mohammadi qui est journaliste, militante, détenue
03:46et qui est l'une des figures importantes de ce combat des femmes iraniennes.
03:50Déjà, Narges Mohammadi, c'est l'histoire d'un combat, elle a tout sacrifié, même
03:55je sais qu'elle n'aime pas ce mot et sa famille n'aime pas ce mot, mais elle a sacrifié
03:58sa famille, elle n'a pas vu son mari, ses enfants depuis des années, elle est en prison
04:02dans de très mauvaises conditions, elle réussit toujours dès qu'elle le peut à faire sortir
04:07un message pour justement encourager et tenter de ne pas faire perdre espoir à cette
04:16population et de ne pas oublier l'Iran.
04:18Elle s'adresse surtout à l'Occident en disant ne nous oubliez pas, peut-être qu'il
04:22n'y a plus ces manifestations comme à l'automne 2022, mais la colère est encore là et la
04:29contestation est là, elle ne se voit plus mais il ne faut pas oublier l'Iran, même
04:32si les journalistes n'ont pas de visa pour aller en Iran, il faut continuer à en parler,
04:35il faut continuer à relayer les vidéos, il faut continuer à relayer le courage des
04:39Iraniens parce qu'il est tous les jours dans les rues iraniennes depuis deux ans maintenant.
04:43Il faut saluer le courage de Narges Mohammadi, ça fait dix ans qu'elle a passé en prison,
04:48elle risque encore d'y rester onze ans, c'est une femme assez admirable, comment est-ce
04:53que vous recevez ce message-là Marjan Janjou, vous qui avez quitté l'Iran, qui avez dû
04:59quitter votre pays et vous réfugiez ici en France ?
05:03C'est un message très important et il faut qu'on puisse partager leur voix, les personnes
05:17qui sont à l'extérieur du pays doivent continuer à combattre et à mener cette lutte.
05:22C'est un acte très courageux de leur part et nous devons les encourager.
05:29Chirine Ardakani, vous êtes venue avec ce message de Narges Mohammadi qui est détenue,
05:33on en parlait dans la prison d'Evine qui est une prison vraiment terrible où sont
05:37détenues notamment des intellectuels, des artistes et il y a un enregistrement que vous
05:41nous avez apporté, un enregistrement clandestin de femmes qui dans les murs de cette prison
05:46ont réussi à enregistrer, à communiquer pour commémorer ce mouvement.
05:51Tout le monde qui est devenu le mot de passe de cette révolution, la nuit de mars et le
05:59début des centaines de soleils, femmes vives libertés, les femmes d'Evine restent unies
06:12et déterminées jusqu'à l'abolition de la peine de mort, nous tiendrons bon jusqu'au
06:16bout, les condamnations à mort sont la vengeance de nos dirigeants contre les femmes, contre
06:25le Kurdistan, elle touche chaque coin de l'Iran, des vies peuvent être perdues, des têtes
06:32peuvent tomber, la liberté ne périra jamais, réformateur, conservateur, c'est fini pour
06:42vous.
06:43Incroyable !
06:44Chérine Ardacany, c'est incroyable d'enregistrer ce message dans les conditions de cette prison
06:50qui est décrite par beaucoup de gens comme un enfer, ça veut dire que la résistance
06:54est toujours là malgré une oppression, une répression qui est terrible ?
06:58Alors non seulement la résistance est toujours là mais elle est incarnée par le quartier
07:01des femmes et je crois que c'est ce qui est assez admirable dans cette révolution femmes
07:05vives libertés et que c'est si puissant.
07:06Narges Mohammadi n'est pas seule dans la prison d'Evine, elle a ses co-détenues et ce qu'on
07:12entend là c'est des femmes qui sont organisées entre elles, qui continuent de donner de la
07:16voix, des voix puissantes malgré la prison.
07:19Elles chantent bien sûr parce que femmes vives libertés c'est la vie, c'est la vie
07:23malgré la mort, malgré le chaos, plus de 834 exécutions et de pendaisons en 2023
07:28et ces femmes refusent de plier ce qu'elles nous disent, en réalité c'est mort au dictateur,
07:33nous continuerons de nous battre, le 6 août dernier les gardiens de la prison mataient
07:38les prisonnières politiques, on se souvient dans Libération, la Stampa, on s'était
07:44fait l'écho de ces violences mais malgré tout elles persistent et effectivement c'est
07:48admirable.
07:49Mariam Farzadeh c'est vrai qu'en plus la répression elle est continue, elle a même
07:53durci, on parlait du nombre de morts mais ça a augmenté par rapport à l'année dernière
07:58et pourtant.
07:59Et pourtant elle continue, mais juste pour le chant, Ali Baddou le disait, elle s'est
08:04interdit de chanter pour une femme en Iran.
08:06C'est interdit pour une femme de chanter en Iran, parce que parmi les choses, les très
08:14nombreuses choses qui sont interdites aux femmes, il y a notamment le fait de pouvoir
08:17chanter.
08:18De chanter, de faire du vélo, de faire de la moto, quasiment de divorcer, elles doivent
08:25avoir l'autorisation de leur mari pour sortir du pays, donc oui il y a beaucoup d'interdictions.
08:29Marjane Janjou à caisse évidemment.
08:31Pour revenir sur la répression, effectivement, en fait ce qui reste visible là, de ces
08:38manifestations, c'est dans les rues d'Iran, dans lesquelles on ne peut plus y aller, toutes
08:42les quatre qui sommes à cette table aujourd'hui, mais on voit ces vidéos qui sortent.
08:47Et en fait c'est un acte de désobéissance civile, elles sortent sans leur voile, sans
08:52leur tunique, ils cachent leur corps, c'est ça qui reste.
08:55Elles continuent à le faire.
08:56Elles continuent à le faire, et surtout des très très jeunes.
08:58Moi on me rapporte des jeunes filles de 16, 17 ans, 18 ans, qui ne veulent plus de cette
09:03tenue obligatoire qu'on leur impose depuis qu'elles ont 6, 7 ans, depuis qu'elles vont
09:07à l'école et quand elles sont pubères pour la rue.
09:11Elles continuent à le faire.
09:12Au risque d'être arrêtées, au risque d'être torturées, au risque d'être éventuellement tuées.
09:18Exactement.
09:19Et c'est ça qui est très fort, c'est-à-dire que quelque chose a changé qui ne reviendra
09:23jamais en arrière, c'est-à-dire qu'elles ne veulent plus accepter ce qu'on leur a toujours
09:27imposé.
09:28Et malgré un tour répressif, je pense notamment aux jeunes femmes, aux femmes qui sont dans
09:31leurs voitures, parce qu'il y a des caméras qui sont installées un peu partout dans les
09:35villes iraniennes, et quand la caméra capte une image d'elles sans leur voile, leur voiture
09:40est réquisitionnée, elles doivent payer une somme absolument abyssale pour récupérer
09:45leur voiture.
09:46Et elles continuent à sortir sans voile, dans le métro, partout, et passer devant
09:52la police, comme ça, parce que pour elles, c'est un acte de désobéissance civile de
09:57sortir comme elles le veulent.
09:58Et c'est ça qui reste visible.
09:59Mais au fond d'elles, au fond de leur ventre, comme on dit en persan, de leur dèle, il
10:05y a une colère hyper forte, une contestation qui est encore là, et qui peut ressurgir
10:09à n'importe quel moment.
10:10Pour moi, l'Iran aujourd'hui, c'est une cocotte minute, et à la moindre nouvelle...
10:14Il y a eu de nouvelles Marseilles amenées depuis, et en fait, le régime a peur de ça,
10:19donc ils essayent vraiment de tout quadriller, mais elles ressortiront dans la rue, ils
10:24ressortiront, parce qu'il n'y a pas que les femmes, il y a aussi les hommes qui sont très
10:27en colère contre ce régime, et qui ne veulent plus de ce régime.
10:29Marjane Janjou, on entendait le chant de ces femmes qui est quelque chose d'interdit, qu'est-ce
10:34que vous, vous qui avez quitté l'Iran l'an dernier, qui êtes arrivée en France, qu'est-ce
10:38que vous, vous n'aviez pas le droit de faire en Iran ?
10:40Non, nous n'avons pas la chance, l'autorisation, de chanter à voix haute, c'est la nouvelle
10:52génération qui est assez courageuse et assez brave pour commencer à casser les tabous.
10:58Et ces personnes qui sont en prison, c'est vraiment très important de voir ce qui se
11:09passe en prison pour la nouvelle génération.
11:10Mais vous, vous n'aviez pas le droit de faire votre métier à vous ?
11:12Non, je n'avais pas le droit d'avoir mon métier.
11:18Marjane Janjou, il faut signaler que vous êtes une sportive professionnelle, que vous
11:23faisiez partie d'un groupe d'alpinistes et que vous avez été ciblée par le régime
11:28des mollas, ça vous a poussé à fuir pour rejoindre la France, vous avez encore des
11:33proches en Iran, mais qu'est-ce qui vous a poussé tout à coup à quitter votre pays
11:39et à choisir l'exil ?
11:40Jamais avoir un choix pour personne, sauf quand on y est contraint.
11:46J'aimais vraiment ma vie, même avec la dictature, même avec la pression économique, le manque
11:56total de liberté.
11:57Mais j'ai accepté que je n'avais pas d'autre choix que de quitter mon pays, parce que ma
12:02vie était en danger.
12:03Votre vie était en danger ?
12:05Oui.
12:06Trente hommes ont fait irruption dans mon club de sport pour m'arrêter, j'ai eu la chance
12:14de fuir par la porte arrière vers la jungle, j'ai passé environ quatre mois de ville
12:22en ville, en cachet, jusqu'à ce que j'arrive à la frontière irakienne.
12:27Et pendant cette traversée, j'ai eu l'occasion de rencontrer des personnes très généreuses,
12:36très courageuses, qui ont mis leur vie en danger, seulement pour m'aider, des personnes
12:40que je n'avais jamais rencontrées auparavant.
12:42Et aujourd'hui, vous êtes donc réfugiée en France, vous travaillez, vous avez essayé
12:47de reconstruire une vie.
12:49Shirin Ardakani, ce n'est pas un cas isolé, celui de Marjan, mais j'aimerais vous demander
12:56en l'occurrence, on a eu l'impression que quelque chose comme un vent de liberté apparaissait.
13:01Mais parce que c'est un simulacre de démocratie, la république islamique d'Iran, il y a eu
13:05une élection présidentielle avec un président qu'on a présenté dans la presse, un peu
13:10partout dans l'Occident, comme un réformateur, comme si quelque chose comme un vent de liberté
13:15ça vous fait sourire.
13:16Mariam également, un président réformateur, au fond, ça ne veut pas dire grand-chose ?
13:21Écoutez, je crois que le message des vignes est très clair, conservateurs et réformistes,
13:25vous êtes foutus, c'est ce que nous disaient les prisonnières des vignes.
13:29Et effectivement, l'idée dans la population iranienne aujourd'hui, c'est de dire mais
13:32en fait on refuse ces élections, on refuse de choisir entre la peste et le choléra
13:36parce que le président iranien aujourd'hui, il n'a pas d'autonomie institutionnelle,
13:39il est à la main du guide suprême, on sait bien que c'est l'ayatollah Khamenei qui
13:43décide de tout, qui nomme le chef de l'autorité judiciaire, des médias, et donc en réalité
13:48ce président iranien, il n'a finalement pas de marge de manœuvre et c'est la raison
13:52pour laquelle la société iranienne n'est pas dupe de cela et donc c'est une marionnette
13:58et un homme de paille.
13:59Donc effectivement, je crois que le peuple iranien n'attend rien aujourd'hui de ces
14:04dirigeants et d'ailleurs ce mouvement a été très clair, c'est une volonté de rupture
14:08nette avec la République islamique et c'est l'idée de l'instauration d'une démocratie
14:13laïque et sociale.
14:14Alors, par ailleurs, je profite de ce moment pour dire aussi que la situation économique
14:18en Iran est catastrophique, les ménages ne parviennent plus à se nourrir, des sanctions
14:23notamment.
14:24Bien sûr, les sanctions n'arrangent rien évidemment, mais aujourd'hui, c'est ça
14:27la préoccupation des Iraniens, c'est de pouvoir se nourrir, de pouvoir en définitive
14:32vivre dignement parce que là aussi, le comte n'y est pas et ce n'est pas que la question
14:36du despotisme religieux, c'est aussi l'échec économique d'un pays qui est en véritable
14:41faillite.
14:42De nombreuses questions d'auditeurs, justement, bonjour Françoise !
14:46Oui, bonjour, merci beaucoup pour vos émissions très inspirantes, merci France Inter.
14:56Merci à vous d'y participer.
14:57Je m'appelle Françoise Rasoulon, je suis par ailleurs présidente d'une petite association
15:05Coderre en mon village à Bordeaux, il se trouve que nous avons sensibilisé le Bordelais
15:12avec une conférencière MENRAGE sur Femme, Vie et Liberté.
15:17Et ma question, elle est toute simple, il y a eu pléthore d'associations féministes
15:23en Occident, en France.
15:26Là, actuellement, elles sont en train de se mobiliser à juste titre contre le viol
15:32de Mazan.
15:34Mais pourquoi donc, en l'occurrence, ces féministes françaises, puisque je suis en
15:40France, on ne les entend pas sur les femmes iraniennes, sur les femmes afghanes qui sont
15:47des amuriques vivantes ?
15:49Merci pour votre intervention Françoise, parce qu'elle est importante.
15:53Pourquoi est-ce qu'on n'entend pas, ou peut en tout cas en croire Françoise, les
15:58féministes françaises ?
15:59Mais d'ailleurs, à propos des femmes iraniennes, Mariam, puis Chérine.
16:04En fait, c'est un problème depuis deux ans.
16:07Effectivement, j'ai été assez surprise du silence de certaines féministes qui avaient
16:12pourtant une voix qui portait.
16:15Je pense qu'il y a une peur peut-être de blesser certaines communautés.
16:22Ça concerne le voile, c'est un sujet qui est très sensible dans notre pays.
16:26C'est aussi, il y a la distance.
16:32L'Iran, l'Afghanistan, c'est loin.
16:34L'Iran, c'est à plus de 4000 kilomètres, l'Afghanistan, c'est encore plus loin.
16:37Pourtant, le combat que mènent les iraniennes et les afghanes aussi, nous concerne tous,
16:43parce que c'est un combat qui est féministe.
16:45Et c'est le combat de leur vie.
16:47Je pense que les associations féministes ou les féministes devraient les soutenir
16:51et devraient en parler.
16:53Tout d'abord, ce que j'aimerais dire, c'est que la devise « Femme et liberté »
16:57est évidemment universelle.
16:59Quand on est français, iranien, on s'y retrouve, je crois, tous.
17:02En revanche, moi, c'est peut-être parce que je suis une associative et que je suis avocate,
17:06j'ai pas tout à fait ce même sentiment.
17:08La marche que nous organisons tout à l'heure à 14h à Bastille,
17:10on a un certain nombre d'associations féministes,
17:12la Fondation des Femmes notamment, un certain nombre de collectifs.
17:15Mais je veux dire, les féministes, c'est pas juste d'aller les sonner quand il y a une cause.
17:19Il faut aussi investir les causes féministes.
17:21Et c'est la raison pour laquelle nous-mêmes, en tant qu'humanistes, féministes,
17:24quand on a vu « Femme et liberté », on est allés voir les féministes.
17:27Et on leur a dit « Mais vous voyez, il se passe ça ».
17:29Les féministes, c'est pas, si vous voulez, une petite sonnette qu'on sonne en disant
17:32« Alors, que font les féministes ? ».
17:33Donc, il faut aller construire justement ces mobilisations-là.
17:36Et c'est ce que font, je crois, les iraniennes.
17:37Elles ont conscientisé le monde.
17:39Quand Narges, Mohammadi et d'autres écrivent à l'ONU en disant
17:42« Nous, ce qu'on demande, c'est de criminaliser l'apartheid de genre qui sévit en Iran et en Afghanistan »,
17:46eh bien, ce sont les féministes iraniennes qui vont faire cette démarche,
17:49d'aller construire avec les autres.
17:50Et donc, je crois que ça, c'est la bonne démarche.
17:52Et alors, effectivement, le soutien, il peut être grandissant,
17:55mais c'est à nous de construire cela.
17:56Et c'est la raison pour laquelle on est là aujourd'hui et qu'on appelle à se mobiliser.
17:59Marjane Janjou, vous y allez, à la manifestation, cet après-midi ?
18:03Oui, absolument, je serai présente à cette manifestation.
18:08Et ça sert à quoi, ce genre de manifestation, d'après vous, de votre point de vue ?
18:12C'est très important pour nous de continuer.
18:16Nous, les femmes en France, nous avons la liberté d'expression.
18:22Nous qui sommes à l'extérieur, nous devons encourager ceux qui sont à l'intérieur
18:30pour les encourager à suivre cette lutte.
18:32Il faut dire que vous avez multiplié les combats et les interdits.
18:36Vous avez traversé tant de pays, parcouru un chemin si long,
18:40souvent à pied, avec très peu de moyens, Marjane Janjou,
18:44depuis l'Iran à travers l'Irak, pour vous retrouver dans la Dordogne.
18:48On peut en sourire et vous souriez d'ailleurs au micro d'Inter.
18:54Vous avez travaillé dans les vignobles, dans des vignobles.
18:58C'était un boulot, en l'occurrence.
19:00C'est le vin totalement interdit en Iran.
19:04C'est un moyen de résistance symbolique ou c'était juste un petit boulot comme celui-là ?
19:08En réalité, je viens d'une ville qui s'appelle Shiraz.
19:12En réalité, je viens d'une ville qui s'appelle Shiraz, qui est très connue pour son cépage.
19:16Donc, c'était très important pour moi de continuer mes activités.
19:26Travailler dans les vignobles, c'était une manière pour moi de continuer.
19:34C'était une autre façon pour moi de lutter contre ce gouvernement.
19:38Alors, Shirin Ardakani, on parlait du rôle des Nations Unies,
19:41de cet appel de la paix Narges Mohammadi.
19:44Quel rôle elle peut jouer là-dedans, la France ?
19:47Vous avez notamment signé une tribune récemment pour appeler la France à agir.
19:52Qu'est-ce qu'on peut faire ?
19:53Ce qu'on peut faire, c'est évidemment œuvrer à ce qu'internationalement,
19:56la parité de genre soit reconnue comme crime contre l'humanité.
19:59C'est-à-dire, partout dans le monde où il y a des lois ségrégationnistes
20:02qui discriminent les femmes, il faut que ce soit condamné.
20:05Ou faire pression sur les Nations Unies dans ce sens.
20:07Bien sûr, et donc la diplomatie européenne.
20:09On entend régulièrement nos dirigeants, à raison d'ailleurs,
20:11dire que la France déploie une diplomatie féministe.
20:13Une diplomatie féministe, c'est ça.
20:15On peut aussi contraindre, par exemple, l'Iran à signer des conventions internationales
20:19qui abolissent la peine de mort.
20:21Pour pouvoir un jour traduire les responsables de cette république islamique
20:25devant la justice internationale.
20:27Bien sûr, et d'ailleurs c'est ce que fait mon collectif, Iran Justice.
20:29Nous documentons cette répression pour qu'un jour,
20:31des juridictions internationales puissent traduire les persécuteurs,
20:35c'est-à-dire ceux qui se rendent coupables de ces crimes et de cette répression,
20:39devant la justice internationale.
20:41C'est une idée aussi de la démocratie.
20:43C'est de dire qu'effectivement, à cette répression,
20:45aux bourrons, on ne répond pas par le sang,
20:47on répondra par la justice.
20:49Un mot peut-être aussi, très rapidement, sur Marjane.
20:54Ce que j'aimerais dire, c'est qu'il faut aussi que la France
20:56accueille les objecteurs de conscience.
20:58Parce que quand on fuit la tyrannie religieuse,
21:00il faut qu'on puisse le faire de façon sûre.
21:02Ça a été le cas de Marjane, qui s'est vu délivrer des visas par les ambassades.
21:06Mais ça veut aussi dire qu'il faut qu'on accueille les réfugiés quand ils arrivent.
21:10En termes d'importance du droit d'asile, un mot pour traduire la situation deux ans après ?
21:14Marjane, est-ce que c'est l'espoir, l'inquiétude ?
21:18Si vous deviez choisir un mot ?
21:20Un mot ? Résilience.
21:23Marjane, un mot ?
21:25Consistence.
21:27Merci infiniment à toutes les quatre d'avoir été les invitées d'Inter ce matin
21:32et de nous avoir parlé de l'Iran et du mouvement Femmes, Vies, Libertés.
21:37Merci infiniment. Je signale ce livre collectif qui vient de paraître, chérie Nardakani,
21:41dont vous êtes co-autrice.
21:43Des Iraniennes, Femmes, Vies, Libertés, 1979-2024.
21:46C'est aux éditions des femmes.
21:48Antoinette Fouque à suivre à la Revue de presse.

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