• il y a 3 mois
Transcription
00:00En tant qu'actrice, il y a eu au départ les planches et une belle rencontre avec Coluche
00:06qui a écrit et produit votre premier spectacle solo.
00:09Ensuite, il y a eu les second rôles dans des comédies, je pense notamment au Soudo
00:13en vacances, au Chouan.
00:14Il y a eu la rencontre avec le public sur scène grâce à Une journée chez ma mère,
00:18votre premier one woman show co-écrit avec Bruno Gassio et aussi votre rôle incarné
00:23dans la série Madame le Proviseur sur France 2.
00:25On suivit des rôles au cinéma avec la comédie La Croisière de Pascal Pouzadou, Avid Mistral
00:30avec Jean Reynaud et vos réalisations dès 1999, Mon père, ma mère, mes frères et
00:36mes sœurs, Aristot, Mince alors 1 et 2 ou encore C'est qui le plus fort ?
00:41Aujourd'hui, vous êtes à l'affiche du film Fêlé de Christophe Duturon aux côtés
00:45de Bernard Lecoq et Pierre Richard, notamment.
00:48Basés sur une vraie histoire, les fêlés sont les adhérents du foyer Arc-en-Ciel,
00:53ce sont les vrais occupants.
00:55C'est un lieu associatif de marmades dans Lotte et Garonne.
00:58Ils sont psychologiquement fragiles, mais pas assez malades pour être pris en charge
01:02par une institution, ni assez valides pour affronter seuls la société.
01:06À une heure, justement, au charlot de Turquheim, où la solidarité et la fraternité sont
01:11rudement malmenées, est-ce que ce film n'est pas d'abord un film d'espoir ?
01:16Ce que je trouve vraiment merveilleux dans ce film, c'est qu'il n'y a pas les fêlés
01:20d'un côté, qu'on regarde un peu comme si on était en observateur, on est tous
01:24concernés.
01:25Et le fait qu'on se sente, qu'on se dise, mais moi, si un jour aussi, je peux avoir
01:29un épisode comme ça ou ça ne va pas, je vais être compris, je vais être pris en
01:34charge, je vais être accompagné.
01:37Et ça, c'est extra parce que moi, ça fait longtemps que je pense qu'on est tous un peu
01:42dingos.
01:43Après, il faut faire attention parce que les gens qui ont des vraies maladies psychiatriques
01:46très, très intenses, lourdes, il faut les traiter autrement.
01:52L'importance d'être tous ensemble aussi, il y a une transmission générationnelle
01:56aussi à travers ce film, l'importance de dialoguer, de se soutenir les uns et les autres.
02:01J'ai l'impression que ça fait quand même écho beaucoup à votre histoire, à votre
02:05propre histoire, charlot de Turquheim, le fait d'avoir des gens qui sont de catégories
02:11socio-professionnelles ou socio-culturelles complètement différentes et qui finissent
02:15par se retrouver un peu sur le tard, finalement, et qui se rencontrent.
02:17Oui, mais alors ça, je trouve que c'est ça, moi, j'allais dire le monde du spectacle.
02:21Moi, j'ai comme voisin et ami que j'adore, Djamel Dubouz et Mélissa, comment voulez-vous
02:26que moi, sortie du 16e arrondissement, comment j'aurai rencontré Djamel qui vivait la trappe ?
02:31Donc, je trouve ça, c'est vraiment la force de notre métier.
02:36C'est ces échanges, le fait qu'on n'est pas dans le jugement, qu'on est tous finalement
02:40des dissidents à notre propre milieu d'origine pour se retrouver dans une espèce de grand
02:46melting pot, comme ça, de gens qui viennent d'univers différents.
02:50Moi, je trouve ça absolument extraordinaire.
02:52Je me suis demandé ce qui vous avait donné envie de devenir actrice, finalement.
02:56En fait, ce qui m'a donné envie de...
02:58Moi, je n'étais pas du tout partie pour faire ça.
03:00Je voulais surtout, peut-être, probablement, échapper à la vie qui était toute tracée
03:04pour moi et faire des trucs plus aventureux, plus rigolos.
03:09Mais je n'avais aucune idée que je voulais être actrice.
03:11Et c'est en allant voir un copain qui était dans un cours de théâtre, au cours Simon,
03:14où il me dit, viens me voir, c'est vachement rigolo, le théâtre et tout.
03:17J'y suis allée et je trouvais ça, effectivement, vraiment sympa.
03:21Mais je n'avais toujours pas l'idée d'être actrice.
03:24Et puis, un jour, Rosine Marga, qui était la directrice de cette école,
03:27elle me voit venir presque tous les jours, j'imagine.
03:29Et elle me dit, qu'est-ce que tu fais là ? Tu veux être actrice ?
03:31Non, je ne veux pas être actrice.
03:33Elle me dit, écoute, monte sur scène et lis-moi cette fable de La Fontaine.
03:36Je lis et elle me dit, écoute, tu as raison de ne pas vouloir être actrice
03:40parce que tu es ennuyeuse comme un bonnet de nuit.
03:45Je pense qu'elle a dit ça exprès, je pense, pour vous piquer, pour me piquer.
03:48Et là, je me souviens que ça fait extrêmement longtemps.
03:53Je suis redescendue sur scène.
03:54Je me suis dit, ennuyeuse comme un bonnet de nuit.
03:56Moi, elle va voir ce qu'elle va voir.
03:58Et évidemment, après, j'ai passé une autre scène.
04:00Et je ne peux même pas vous dire que j'ai pris la décision.
04:03Ça s'est fait comme ça, au jour le jour.
04:06Et un an après, je me suis rendue compte que j'étais toujours dans ce cours de théâtre.
04:09Deux ans après aussi.
04:11Trois ans après, on monte une troupe, on se retrouve.
04:14Voilà, ça s'est fait comme ça.
04:15L'amour et la famille ont toujours été au cœur de votre vie.
04:18Charles de Turcay, encore une fois, cette famille incroyable.
04:21Votre père est touché par 1968.
04:23Il a 40 ans, il divorce.
04:25Il part en Afghanistan avec sa nouvelle femme.
04:28Il revient au Berkay.
04:31Et comme par hasard, à 50 ans, j'épouse un afghan, quand même.
04:34Mon père, après nous avoir élevés d'une manière extrêmement conventionnelle et classique et bourgeoise,
04:40du jour au lendemain, il nous dit, non, non, non, je me suis trompée.
04:44Faites ce que vous voulez, va vie et deviens.
04:46On arrête avec tout ça et on s'émancipe.
04:50Et d'ailleurs, je pars avec ma maîtresse, qui est la sœur de Gérard Lanvin.
04:55Donc, il se met des bandanas dans les cheveux, des vestes roses.
05:00Et il part en Afghanistan.
05:02C'est incroyable.
05:03Donc, nous, notre univers, il explose complètement.
05:07Et en même temps, alors, à la fois, c'est très compliqué à gérer pour nous parce qu'on est complètement déstabilisé.
05:11En même temps, c'est une ouverture sur le monde incroyable parce qu'il nous dit, non, je me suis trompée.
05:16Je vous ai enfermé justement entre la place de Passy et la place de l'Alma.
05:21Allez vivre votre vie.
05:22Et d'ailleurs, je vais aller vivre la mienne.
05:25Et n'ayons pas peur des autres.
05:26N'ayons pas peur des étrangers.
05:28N'ayons pas peur.
05:30Et ça a été une leçon d'ouverture extraordinaire.
05:34Ce film, Fêlé, il parle aussi de la solitude, de comment lutter contre l'isolement et la solitude.
05:40Est-ce que ce n'est pas la plus grande force du film ?
05:43De montrer que quand on est tous ensemble, quand on prend le temps de s'intéresser aux autres,
05:47on les sort de cette solitude, qui est sans doute l'une des raisons pour lesquelles les personnes isolées vont très mal.
05:54L'isolement, c'est terrifiant.
05:57Mais on le sent, soi-même, on le sent.
05:59Je veux dire, quand on traverse des moments difficiles, on a tous tendance au repli.
06:03Moi, quand je ne vais pas bien, je ne pense même pas appeler.
06:06On a cette tendance-là.
06:07Et quand on vient vous chercher, qu'on vous tend la main, tout de suite, on se rend compte que ça fait du bien.
06:11Donc, bien sûr que c'est indispensable.
06:14C'est la première des choses.
06:15Le théâtre, c'est...
06:18On sent qu'il y a un amour particulier pour ça, pour monter sur scène.
06:24Ou s'il y a un truc, vraiment, pour moi, c'est le théâtre.
06:28Enfin, c'est plus précis que ça.
06:31C'est faire rire les gens.
06:32Vraiment, faire rire les gens, c'est quand même...
06:37Je ne sais pas, pour moi, c'est un bonheur, mais intensissime.
06:40Intense, quand je vois les gens qui se tapent sur les cuisses, qui rigolent,
06:43qui viennent vous voir après en vous disant
06:45« Oh, je pense à un sale moment en ce moment, mais qu'est-ce que je me suis marrée ! »
06:49Faire rire les gens, je ne sais pas ce que j'ai avec ça,
06:52mais même en famille, même mes filles,
06:54c'est comme un espèce de besoin irrépressible de faire le clown, de faire l'andouille,
06:59de transformer aussi la tristesse en joie, le drame en rigolade.
07:05Je dis à les pattes, j'essaie de faire marrer tout le monde,
07:07et j'y arrive en les faisant hurler de rire avec la maladie.
07:12Je ne sais pas pourquoi j'ai ça en moi.
07:14C'est un don du ciel, je crois.
07:16C'est vraiment un don.

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