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00:00Bonjour Stéphane Guillon, vous êtes cet humoriste, acteur et chroniqueur, cet homme qui aime faire rire parfois, pour ne pas dire souvent,
00:07vous attaquant à des sujets sensibles, brûlants, ce qui vous a parfois valu de vous faire virer ou d'emprunter la porte vous-même, de la claquer même cette porte.
00:15Il faut quand même préciser que vous avez une longue expérience, puisque vous avez démarré je crois au lycée.
00:19C'est le théâtre qui vous a permis de vous épanouir et de trouver votre chemin, la scène et la télé avec Canal+, et notamment France Inter.
00:26Aujourd'hui vous publiez Fini de rire, Chalbin Michel, qui sort dans un contexte politique électrique.
00:31On pourrait se dire que vous allez vous attaquer aux nouveaux arrivants, et bien raté, encore une fois vous n'êtes pas là où nous vous attendons.
00:37La première fois que vous avez parlé de vous c'était sur scène, là c'est la première fois que vous parlez de vous dans un livre.
00:44C'est assez bluffant, on comprend ô combien vous aviez besoin de nous en dire plus sur vous.
00:50C'est assez bluffant, je vais citer l'une des premières phrases que vous écrivez de Gustave Flaubert.
00:55« Je suis doué d'une sensibilité absurde, ce qui érafle les autres me déchire ».
00:59Est-ce que c'est difficile justement de parler de ses émotions et de ses sentiments ?
01:03Moi je suis quelqu'un de très pudique, donc effectivement écrire ce livre m'a posé problème.
01:09Le publier ce n'est pas un exercice évident, et être face à vous non plus.
01:16En règle générale, je suis en plus issu d'une famille de taiseux, j'en parle dans ce livre.
01:24Je ne suis pas d'une famille où on exprime ses sentiments.
01:27Et en même temps j'ai trouvé le prisme du rire pour le faire.
01:32Je me suis dit que raconter ma vie n'intéressait personne en soi, je n'ai pas inventé le vaccin contre le paludisme.
01:42En revanche, je me suis dit que la raconter en faisant rire le lecteur,
01:51en pratiquant cet humour juif que j'affectionne tant, rire de ses malheurs,
01:57là tout d'un coup le fait de me raconter se légitimait.
02:02Vous êtes vraiment tout nu dans ce livre, Stéphane Guilland, c'est vraiment bluffant.
02:06D'ailleurs vous démarrez sur quelque chose de très intime, sur une rupture,
02:09sur cette femme qui vous annonce que c'est terminé, un coup par WhatsApp, un coup par mail.
02:15Et en même temps, c'est même intimidant ce que vous nous livrez.
02:20Il y a de la pudeur, mais en même temps c'est très intimidant.
02:23Dans quel sens c'est intimidant ?
02:26Il n'y a pas de phare en fait, c'est-à-dire qu'on plonge dans vos émotions,
02:29dans ce que vous ressentez, on vibre en même temps que vous, on souffre en même temps que vous.
02:33Est-ce que c'était ça aussi le but, de montrer que vous étiez un peu comme tout le monde,
02:36malgré la carapace que vous avez et le fait qu'aux yeux de beaucoup de gens, vous apparaissiez indestructible ?
02:43Oui, mais on me l'a souvent dit ça.
02:45Des gens qui m'ont suivi dans cette période, qui étaient très compliqués pour moi,
02:48m'ont dit mais comment quelqu'un qui a l'habitude de porter le fer,
02:51et on a l'impression que tu n'as jamais peur de rien,
02:54quand tu étais en plateau, quand tu étais face à des hommes politiques,
02:57comment finalement cette force que tu avais dans ton métier,
02:59tu n'as pas été capable de l'avoir dans ta vie personnelle.
03:01C'est ça qui m'intéressait aussi, raconter ça, cette autre face.
03:07Finalement, je me suis aperçu qu'il y a des gens très forts dans leur vie professionnelle,
03:14qui ne le sont pas du tout dans leur vie affective.
03:18Je viens de terminer un livre chez Albain Michel, chez mon éditeur,
03:21sur la vie de John Kennedy, et on s'est aperçu que c'est John John,
03:25qui est le fils du président, et on s'est aperçu que cet homme finalement,
03:28qui était tout pour lui, absolument tout,
03:31était un petit garçon dans sa vie sentimentale, totalement désarmé.
03:36Et ça, c'est quelque chose que je trouve intéressant.
03:39Là, on découvre qui vous êtes à travers le petit garçon que vous étiez,
03:43sur lequel vous revenez, sur l'école, sur les affres de l'école,
03:48sur la difficulté de l'école, d'ailleurs vous dites,
03:51l'école pour moi c'était synonyme de torture,
03:54le mois de septembre c'était un mois où vous aviez en horreur,
03:57et au fil du temps, vous avez eu aussi des maîtresses
04:01qui n'étaient pas forcément très cool, et vous allez rencontrer une maîtresse
04:03qui va un peu changer votre vie, vous la citez d'ailleurs.
04:06C'est important ça aussi, justement, de montrer que par moments,
04:09même si on a l'impression que tout est bouché,
04:11il y a des êtres qui vous accompagnent, qui vous tendent la main,
04:13qui vous permettent de découvrir qui vous êtes ?
04:15Oui, enfin pour ma part, ça a été essentiellement des femmes,
04:19que ça a été ma mère, je commence le livre avec elle,
04:22le premier amour de ma vie, Mademoiselle Garzolino,
04:25qui était ma maîtresse maternelle,
04:28et puis après, les femmes qui ont partagé ma vie,
04:31je pense que j'ai été élevé par des femmes,
04:34j'ai grandi par des femmes, avec des femmes.
04:36En fait, c'est cet homme-là qu'on découvre dans ce livre,
04:39ça fait du bien, ça libère ou pas ?
04:42Oui, mais l'idée ce n'est pas que de me libérer moi,
04:46j'espère qu'à travers ce livre...
04:48C'est de tendre la main aussi ?
04:51Oui, c'est de tendre la main, je pense que
04:54quand on essuie finalement,
04:57quand on essuie une rupture...
05:04Vous savez, un jour, j'ai rencontré une psy,
05:07ce n'était pas ma psy, on était dans une soirée,
05:09elle était psy depuis 25 ans,
05:11et elle voyait que je n'allais pas bien,
05:13et on a commencé à parler,
05:15et je lui ai dit,
05:17mais par rapport à tous les cas que vous avez,
05:19ça doit vous paraître dérisoire, un chagrin d'amour.
05:23Et elle m'a dit, détrompez-vous Stéphane,
05:25la souffrance humaine, je la côtoie depuis,
05:29effectivement, des dizaines d'années,
05:31et la plus grande pour moi, c'est le chagrin d'amour,
05:34c'est quelque chose...
05:36Et ça m'a marqué,
05:39et c'est vrai qu'on se sent très seul,
05:42très démuni, très bête,
05:44on s'en veut de souffrir,
05:46ce n'est pas agréable de souffrir,
05:48on ne comprend pas, on culpabilise,
05:51et finalement,
05:53ça peut arriver à n'importe qui,
05:55à n'importe quel moment de ta vie,
05:58puisque moi je pensais que j'étais sorti d'affaire,
06:01que ce genre d'amour d'adolescent
06:04n'était plus pour moi,
06:06et j'y suis retourné.
06:11Un mot sur la suite alors,
06:13parce que j'ai l'impression que ce livre,
06:15il ouvre une autre histoire,
06:17une autre façon de voir la vie,
06:19de travailler, de regarder le monde,
06:21de vous livrer au monde.
06:25Oui, je...
06:29J'ai moins envie aujourd'hui,
06:31après ça reviendra peut-être,
06:33mais j'ai moins envie de me confronter
06:35aux événements et de porter le fer.
06:37Je l'ai longtemps fait,
06:39je ne me suis pas fait que des amis,
06:41mais c'est vrai que cet événement,
06:43là,
06:45m'a changé,
06:47et comme je me suis à un moment donné
06:49réellement senti en danger,
06:51et j'en parle dans ce livre,
06:53et puis j'ai quatre enfants,
06:55donc je me suis dit à un moment donné,
06:57mais tu ne peux pas te laisser comme ça,
06:59aller et mourir,
07:01alors que tu as des enfants,
07:03que tu as des responsabilités,
07:05que tu as un travail.
07:07Il y a des fois, j'ai envie,
07:09parce que finalement,
07:11ce qui me porte, c'est l'indignation.
07:13Je suis quelqu'un d'indigné,
07:15je transforme mon indignation en rire.
07:17Mais en ce moment, c'est vrai
07:19que parfois, je prends mon indignation
07:21et je la mets de côté,
07:23en me disant,
07:25tout ça, c'est du légume,
07:27passe à autre chose, pense à toi.
07:31Je suis peut-être devenu plus égoïste,
07:33plus bourgeois, je ne sais pas.
07:35Pourquoi finis de rire, alors ?
07:37Parce qu'il y a plein d'humour dans cet ouvrage, malgré tout.
07:39Ce livre,
07:41c'est aussi, à un moment donné,
07:43une chute. C'est quelqu'un qui a tout.
07:45J'en parle,
07:47en me moquant, je pense,
07:49pas mal de moi, en parlant de mon côté
07:51bourgeois, de ma belle maison,
07:53de ma voiture de sport,
07:55mes vacances à la mer, mon salaire,
07:57mes trucs, mes points retraite.
07:59Tout d'un coup, tout s'écroule
08:01et je me retrouve
08:03totalement
08:05largué.
08:07Peut-être parce que j'ai fait les mauvais choix, certainement.
08:09Ça, c'est intéressant,
08:11je trouve. Une chute, c'est toujours intéressant,
08:13à partir du moment où on arrive à
08:15s'en relever.
08:17Donc l'idée, c'est de se relever,
08:19inévitablement ?
08:21Oui, c'est une politesse.
08:23Guy Bedos, il me disait toujours,
08:25souvent, il me disait, n'insulte pas ta chance.