Dans ce nouveau numéro de "À l'Affiche" 100 % cinéma, Louise Dupont et Thomas Baurez reçoivent l'actrice Clara-Maria Laredo, l'héroïne de "À son image", le nouveau long-métrage de Thierry de Peretti, adaptation du roman éponyme de Jérôme Ferrari. Il y est question de photographie, d’engagement et d’identité corse. Autre sortie en salles de la semaine, "Tatami", ou une mise en scène des tensions entre Israël et l'Iran sur fond de compétition de judo, et un hommage à Jacques Rozier, franc-tireur de la Nouvelle vague, décédé l'an dernier.
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00:00C'est dégueulasse ce que tu as fait, ce que tu as fait Pascal, tu comprends bien le ou pas ?
00:04Il y a les prémices d'une guerre, on ne peut pas laisser le contrôle du mouvement à certaines personnes.
00:26A son image, récit d'une femme libre dans les tourments de la Corse,
00:29indépendantiste, Tatami, les tensions entre Israël et l'Iran sur fond de compétition de judo,
00:35et hommage à Jacques Rosier, franc-tireur de la Nouvelle Vague.
00:38C'est le programme de ce nouveau numéro 100% cinéma de À l'Affiche.
00:42Bienvenue à tous, bonjour Thomas Borez.
00:45Bonjour Louise.
00:45Et bonjour à notre invitée du jour, Clara Maria Laredo.
00:48Bonjour.
00:49Vous êtes là pour nous parler du film A son image,
00:52qui est donc le nouveau long métrage de Thierry de Peretti,
00:55adaptation du roman du même nom de Jérôme Ferrari.
00:59Il y est question de photographie, d'engagement, d'identité corse aussi.
01:04Alors Clara Maria, on va vous donner la parole dans quelques instants.
01:06Mais d'abord, Thomas Borez, faites-nous les présentations.
01:09Oui, on va parler d'abord du cinéaste Thierry de Peretti.
01:11C'est le quatrième long métrage qui a fait et qui fait de la Corse d'ailleurs un territoire principal de son cinéma.
01:18Un cinéma qu'on va dire tendu, âpe, nerveux, mais qui sait aussi imprimer une douceur.
01:22Je dirais une douceur inquiète.
01:24Mais tout ça, vous le saviez déjà, Clara Maria Laredo,
01:28puisque vous aviez signé une critique de son dernier long métrage d'enquête sur un scandale d'État
01:33dans les colonnes du journal autonomiste corse Ariti, comme une préscience de votre avenir.
01:39Voilà, en tout cas, vous avez la vingtaine tout juste passée, je crois.
01:43Ce rôle dans A son image marque vos débuts au cinéma.
01:47Vous êtes dans le civil, comme on dit, étudiante en sciences politiques à Bruxelles.
01:50Et vous êtes corse. Je précise, vous êtes corse, parce que c'est important de le dire.
01:53Puisqu'Antonia, que vous incarnez dans le film, est une femme de Lille dont l'existence,
01:58l'action se passe principalement dans les années 80-90.
02:02L'existence, je disais, va épouser les blessures liées à la lutte du nationalisme corse
02:07dont elle saisit avec son appareil photo les traces,
02:10bien justement les traces du film de Thierry de Peretti.
02:12On va en voir quelques images et après, on en parle avec vous.
02:15Regardez.
02:21Non, comment arrêter ?
02:22Qu'est-ce qu'il se passe ?
02:23Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire et baste.
02:25Et on reste tous les trois sous des réussiteurs.
02:27C'est la situation dans laquelle on est.
02:28C'est le débat colonial qui organise l'élimination de la minorité en politique.
02:37Ça fait deux ans que tu brosses, ça fait dix photos dans ta vie, tu connais le métier.
02:41Mais je sais pas, il se passe quand même quelque chose d'historique et on va pas le couvrir.
02:45Bon, ils ont rien, comme toujours.
02:47Cette fois-ci, je vais pas t'attendre.
02:50Alors, Clara et Amaria, vous êtes quand même devenues comédiennes, on le comprend presque par accident.
02:55Vous ne venez pas de là à la base.
02:57Qu'est-ce qui vous a poussé à aller à ce casting du film de Thierry de Peretti ?
03:02C'est une histoire un peu bizarre.
03:04Moi, à la base, comme le disait Thomas, j'ai écrit un article en quête sur un scandale d'État.
03:10Et puis, je suis allée voir ce film avec un ami puisqu'il n'était pas en salle à Bruxelles.
03:13Donc, il fallait bien que j'aille le voir en salle quelque part.
03:15Et donc, c'était à Paris.
03:17Et puis, en fait, deux mois plus tard, je bois un verre avec cet ami qui me dit
03:22« D'ailleurs, Thierry fait un casting sauvage pour son prochain film.
03:26Chiche, tu le fais. »
03:27Je lui ai dit « Si tu le fais, je le fais. »
03:28Et il ne l'a pas fait.
03:30Et donc, vous avez été retenue par Thierry de Peretti.
03:33Comment il vous a parlé de votre personnage ?
03:35Et comment vous, à la suite, l'avez-vous appréhendé, ce rôle d'Antonia ?
03:38Ça a été un processus, je dirais, au temps long.
03:42C'est-à-dire qu'au début, on a commencé à travailler avec Julia Lyonne
03:45qui est la directrice de casting par entretien
03:47où elle interrogeait les comédiens potentiels, je dirais,
03:51sur des questions, sur leur rapport à Lille, à la Corse, à la politique, etc.
03:56Et puis, ensuite, on a véritablement commencé à s'intéresser au jeu,
04:00au personnage d'Antonia en lui-même.
04:02Et ça a commencé par une appréhension du livre.
04:06Et puis, ensuite, évidemment, un travail sur, je dirais, le texte de Thierry,
04:14donc le texte de Jérôme travaillé par Thierry.
04:16Et alors, vous parliez du rapport, justement, à l'engagement.
04:20Je crois que vous êtes vous-même assez engagée dans votre vie.
04:24En quoi est-ce qu'il y a des similitudes, peut-être, entre Antonia,
04:27votre personnage et la personne que vous êtes vous,
04:30notamment sur cette question de l'engagement ?
04:32C'est une question qui est très étrange et qu'on me pose beaucoup
04:34et je ne sais jamais vraiment trop quoi y répondre.
04:37Je pense qu'Antonia et moi, on est engagées, toutes les deux,
04:40à un stade très avancé, mais simplement à des endroits différents.
04:44Son engagement, il est ailleurs. Je pense qu'elle est en quête de quelque chose.
04:47Elle cherche à saisir la vérité au travers de son appareil photo.
04:51Elle est à l'intérieur et à l'extérieur de l'histoire.
04:54Donc, elle a cette position ambivalente et puis elle cherche.
04:58Et quelque part, elle milite toute sa vie pour cette vérité.
05:02Elle va jusqu'à partir en Yougoslavie où le conflit fait rage
05:07et à essayer d'en saisir la vérité.
05:09Et puis après, est-ce qu'elle y arrive ? Est-ce qu'elle n'y arrive pas ?
05:12Il faut aller voir le film.
05:14Thomas l'a dit, à son image raconte les années 80-90,
05:18qui sont un moment assez charnière pour le combat indépendantiste en Corse,
05:22même si le film de Thierry Peretti reste avec un regard très distancié sur tout ça.
05:27Il n'est pas du tout revendicatif.
05:28Vous, vous avez 20 ans.
05:30Donc, ces combats des personnages du film sont lointains.
05:33Mais en quoi est-ce qu'il résonne peut-être encore avec la génération d'aujourd'hui ?
05:37Il résonne dans la mesure où ça constitue l'histoire contemporaine de la Corse.
05:41Et ce sont des gens, ces années ont marqué une génération de personnes
05:48qui a milité et qui s'est battue pour la préservation de l'identité et de la culture corse.
05:53Donc, en somme, forcément, aujourd'hui encore, on parle de ces années-là.
05:57Aujourd'hui encore, on ressent ces années-là.
05:59Ces années qui ont d'abord été romantiques et ensuite de plomb,
06:02parce que c'est important de rappeler tout ça et de le dire,
06:06puisqu'on ne peut pas résumer ça à des conflits armés et des guerres fratricides.
06:10Ce n'était pas ça à l'origine.
06:11Et donc, forcément, ça marque la génération qui est la mienne aussi.
06:15Mais surtout parce qu'on est un peuple qui, quelque part aussi,
06:20se sent en danger et a raison, puisque notre langue se meurt,
06:25notre culture disparaît.
06:26Et donc, forcément, oui, on ressent et on pense à ces années-là.
06:30Et on pense à ces gens qui se sont battus et qui ont parfois donné leur vie pour la Corse.
06:35Alors, au-delà de la Corse et de ce sujet politique, on l'a dit en filigrane,
06:39mais on va le développer.
06:40Le film et le livre s'appellent « À son image ».
06:42Vous êtes photographe dans le film,
06:43donc l'image proprement parlée a une importance particulière dans le film.
06:47Ça pourrait paraître très théorique, et en fait, c'est très concret,
06:50puisqu'elle prend des photos.
06:51En quoi cette notion de photographie qu'elle exerce dans le film
06:56vous a aidé à la compréhension du personnage
06:59et vous a peut-être aidé à vous situer à l'intérieur même du cadre,
07:02parce que c'est une position particulière.
07:04Vous êtes là et pas là.
07:05Vous êtes derrière votre appareil photo.
07:06En quoi donc la photographie vous a aidé à comprendre le personnage ?
07:10La photographie, c'est ce qui pourrait définir Antonia, quelque part.
07:14Déjà, le film en lui-même est une réflexion sur l'image, à mon sens.
07:17Et Antonia, elle, ne réfléchit et ne pense qu'à travers son appareil photo.
07:22Et donc, finalement, cet objet-là, c'était, quelque part, devenir elle.
07:28Et puis, regarder les choses et essayer d'en saisir quelque chose,
07:31c'est toujours la même question.
07:32C'est la question de l'engagement aussi, en fait.
07:34L'idée, c'était de déplacer l'engagement ailleurs.
07:37Moi, pour m'entraîner, pour travailler ce rôle, par exemple,
07:40j'ai commencé à prendre des photos dans la rue, de mes amis, de plein de choses.
07:45Et puis, j'ai fini par aller couvrir des manifestations, des événements,
07:53des événements culturels, des choses qui donnaient un sens.
07:56En fait, cette idée, c'était de...
07:57J'essayais de donner un sens aux photographies que je pouvais prendre,
08:00comme elle essayait de le faire.
08:01Et je pense que c'est comme ça que ça m'a aidée.
08:03Ce qui est intéressant aussi de noter, c'est que Thierry Peretti est cinéaste,
08:06mais avant tout, est un comédien aussi.
08:08Il joue d'ailleurs dans le film.
08:09C'était intéressant de la voir, lui-même, sur le plateau,
08:12derrière et devant la caméra.
08:13Ça vous a aidé aussi, ça ?
08:14Oui, bien sûr.
08:15C'est la première personne avec qui j'ai joué.
08:17C'est la première personne avec qui j'ai fait des essais, il me semble.
08:20C'était sur la scène du rédacteur en chef.
08:22Et puis, oui, forcément, de la voir là.
08:25C'est lui qui m'a un peu tout appris.
08:28C'est lui qui pose les cadres.
08:29C'est lui qui guide.
08:30C'est lui qui gère.
08:31C'est lui qui met en scène.
08:32Donc, forcément, c'est très agréable de la voir,
08:34bien évidemment, à l'extérieur du cadre, ce qui est normal.
08:37Mais quand il est sur scène...
08:38Enfin, sur scène, on s'entend.
08:40Quand il est sur le plateau, c'est encore autre chose.
08:42C'est encore autre chose.
08:43Une belle façon, en tout cas, pour lancer cette carrière.
08:45On vous le souhaite.
08:46Je ne sais pas si c'est ce que vous souhaitez, mais de continuer.
08:48J'aimerais bien jouer, oui.
08:49Eh bien, on vous suivra, en tout cas, dans ce parcours.
08:51Vous restez encore un peu avec nous,
08:52parce qu'on va continuer à dérouler l'actualité du cinéma en salle.
08:56On va passer à un film né d'une alliance,
08:58d'une cinéaste iranienne et d'un réalisateur israélien.
09:01Ensemble, ils racontent dans Tatami les tensions entre leurs deux pays
09:05avec une toile de fond assez originale.
09:07Un combat de judo.
09:08On regarde à quoi ça ressemble et on en parle avec vous, Thomas, juste après.
09:13C'est bon.
09:15C'est bon.
09:17Léa.
09:18Papa.
09:19C'est quoi, papa?
09:20C'est l'ambulance.
09:21Tu dois entendre tout ce qu'ils te disent,
09:23pour que tu n'aies aucun souci.
09:27Je veux qu'on s'occupe d'Essara avant qu'elle ne s'approche de Fina.
09:29Je ne m'exprime pas, je suis enceinte.
09:31Je ne l'ouvre pas.
09:32Ce n'est pas ton propos.
09:36Elle a des threats pour qu'on l'abandonne.
09:39On ne peut pas offrir d'aide officiellement
09:41jusqu'à ce qu'elle demande.
09:43Merde le protocole.
09:47On le voit avec les images.
09:48Il y a un noir et blanc très expressionniste.
09:50Les plus cinéphiles auraient reconnu peut-être la référence à Raging Bull,
09:54qui est complètement assumée, le film de Martin Scorsese.
09:56Et c'est vrai qu'on retrouve, au-delà de son sujet politique,
09:58la façon dont la mise en scène très mobile et précise
10:00devient presque une partenaire vraiment du jeu.
10:03Et d'ailleurs, c'est marrant de voir les images.
10:05On a été abreuvés d'images de sport avec les Jeux Olympiques à la télévision.
10:08Et de voir comment le cinéma arrive à capter ça,
10:11arrive à transcender tout ça.
10:12Il parvient par l'indicible à trouver la tension cachée des personnages.
10:16Un mot sur l'une des actrices du film et co-réalisatrice aussi du film.
10:21On la voit ici, c'est la franco-iranienne Zahramir Ebrahimi,
10:24qu'on avait vue dans Les Nuits de Machad d'Ali Abassi.
10:28Elle avait obtenu d'ailleurs pour ça le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes.
10:32C'est une personnalité qui est très engagée pour la liberté des femmes en Iran.
10:37Et le film a l'air très intriguant.
10:39On va terminer avec une rétrospective consacrée aux cinéastes français décédés l'année dernière.
10:44Jacques Rosier, cinéaste proche de La Nouvelle Vague,
10:48que peu connaissent à tort.
10:49Vous allez nous expliquer pourquoi, Thomas.
10:51Et d'ailleurs, il n'a signé que cinq longs-métrages.
10:53Et oui, c'est très peu.
10:55Jacques Rosier qui est mort l'année dernière,
10:56c'est vrai qu'il laisse derrière lui une poignée vraiment de longs-métrages.
10:59C'est témoin que c'était quelqu'un qui évoluait dans la marge,
11:02qui s'est battu pour la liberté de son cinéma
11:04et donc qui a dû combattre pour essayer de monter ses films.
11:08Adieu Philippines, Du Côté d'Orouette, Les Naufragés de l'île de la Tortue,
11:11Maine-Océan, ça c'est les quatre films principaux qui seront dans les salles cette semaine.
11:15C'est vraiment le cinéma de la liberté.
11:17Ce n'est pas un vain mot de dire ça.
11:18C'est une manière aussi pour les spectateurs et spectatrices de prolonger les vacances.
11:22Parce que c'est vrai que chez Rosier, la mer est toujours proche.
11:25Les envies d'aventure aussi.
11:27Et tant pis si parfois les héros restent souvent en carafe.
11:30C'est vrai que si on devait trouver un cousinage,
11:32ce serait avec une distance entre Jacques Tati et Bruno Podalides,
11:34ça c'est le côté un petit peu fantasque,
11:36avec une pointe de Jean-Luc Godard.
11:37Godard qui était l'un des premiers fans de Jacques Rosier.
11:40Voilà, ses muses étaient Pierre Richard et aussi Pierre Ménez.
11:44Donc rien que pour ça, il faut aller voir ou revoir les films de Jacques Rosier.
11:48Merci pour vos précieux conseils.
11:50A la semaine prochaine.
11:51Merci évidemment aussi à Clara Maria Laredo d'être venue nous parler de A son image
11:55à voir en salle cette semaine.
11:56Merci à vous de nous avoir suivis.
11:57N'oubliez pas de nous retrouver sur france24.com ainsi que sur tous nos réseaux sociaux.
12:01On va se quitter sur des images de quelques-uns des films de Jacques Rosier
12:04à voir ou revoir en ce moment en salle.
12:06Je vous laisse découvrir et vous dis à très vite.