"C'est l'arbre qui cache la forêt", estime le spécialiste en médecine d'urgence Aurel Guedj, après les 4 décès en quelques semaines au CHU de Nantes

  • il y a 2 semaines
Les services d’urgences des hôpitaux sont en crise cet été. Au CHU de Nantes, quatre patients sont morts ces dernières semaines, des décès qui seraient directement liés au délai d’attente trop long dans les urgences, en raison du manque de personnel. Selon les syndicats de l'hôpital, des patients doivent parfois attendre jusqu'à 70 heures avant d'être pris en charge.
Transcript
00:00Ces internes, on en parle beaucoup depuis maintenant le début de la semaine, 1500 internes en moins l'année prochaine.
00:07Est-ce que c'est vraiment problématique pour les urgences ? On imagine que oui.
00:10Mais alors c'est problématique, mais le pire c'est que ce soit un problème.
00:15Ça ne devrait même pas être un problème.
00:17Je tiens juste à rappeler que selon les textes de loi, un service ne devrait pas avoir à tourner grâce aux internes.
00:23Les internes, c'est des médecins en formation.
00:25Ce n'est pas normal que lorsque je suis dans mon hôpital, l'interne, je considère que c'est de la main d'oeuvre et qu'il est censé voir des patients,
00:30et que s'il ne les voit pas, potentiellement il y a des patients qui vont mourir.
00:34C'est un médecin en formation.
00:35C'est-à-dire que même le fait qu'on ait à poser la question de « vous trouvez ça normal qu'il y ait des postes d'interne ? »
00:40Déjà de base, les internes ne devraient pas être le moteur d'un service.
00:46Ça veut dire qu'il y a un vrai problème de fond.
00:48Je tiens juste à dire que les cas de décédés, c'est l'arbre qui cache la forêt.
00:52Vous savez ce qu'il y a d'intéressant avec les morts, c'est qu'au moins, « mort », c'est une réponse binaire.
00:55Oui, non.
00:56La qualité de prise en charge, clairement, c'est des critères qui sont beaucoup plus complexes.
01:00C'est des critères composites.
01:01Alors que je peux vous dire que ce qu'ils disent depuis tout à l'heure,
01:03et là ce qu'a dit le responsable syndical où il a raison,
01:06c'est qu'une grand-mère qu'on fait poireauter 40 heures sur un brancard,
01:10et elle a été bien vue d'un point de vue médical et par les paramédicaux, les infirmiers, les aides-soignants, etc.
01:15Mais quand on n'a pas de place pour l'hospitaliser, on la met sur un brancard, on attend qu'il y ait une place.
01:19Et ça, généralement, c'est pas tenu en compte.
01:21Et puis ce qu'il y a de très drôle, c'est que la direction, ils aiment beaucoup une chose.
01:24C'est qu'il faut savoir qu'aux urgences, vous êtes tellement sous l'eau
01:27que vous faites un signalement une fois, vous voyez qu'il n'y a rien qui change,
01:29vous n'allez pas faire le signalement tous les jours.
01:31Et donc, ils se mettent des œillères, ils savent très bien.
01:33C'est-à-dire que vous, vous vous appelez la première fois, on dit « Ah non, mais on va essayer de faire quelque chose le lendemain, il y a le même problème. »
01:38Vous appelez le directeur ou la directrice de l'hôpital ?
01:40On va appeler le cadre de santé de nuit, on va appeler des responsables, on va leur transmettre nos problèmes.
01:44Ils disent « On va transmettre. »
01:45Mais je peux vous dire qu'après, vous n'appelez plus.
01:47Et quand il y a un problème comme ça et qu'il y a des décès, ils disent « Ah bah non, on n'était pas au courant. »
01:50En fait, c'est pas « on n'était pas au courant », c'est « officiellement, il n'y a pas de traces qu'on a été au courant. »
01:53Ils savent très bien qu'il y a des problèmes, c'est juste que tous les urgentistes en ont marre
01:57et qu'en fait, ils ne prennent même plus le temps d'avertir de ces problèmes.
02:01On a accepté. Pour être très clair, moi, j'ai moi-même accepté aux urgences.
02:04Bon, il y a des patients qui vont attendre 40 heures.
02:06C'est-à-dire que nos prises en charge, elles ont changé.
02:08Nos prises en charge ne sont plus optimales.
02:10On n'est plus le fleuron.
02:1140 heures ?
02:12Mais non, mais 40 heures, c'est des choses qu'on voit.
02:14Je veux dire, il faut arrêter de le dire.
02:15Moi, je fais partie des médecins urgentistes qui sont dans des hôpitaux publics sous tension.
02:19Les 50 hôpitaux sous tension, ils y valent tout.
02:20Le mot « sous tension », ce qu'il y a de bien, c'est qu'on ne se rend pas compte de ce que ça représente, le mot « sous tension ».
02:25Sous tension, ça veut dire que vous avez des gens qui attendent dans des brancards,
02:28qui ne mangent pas, qui n'ont pas leur traitement chronique.
02:30Il faut bien se rendre compte que moi, aux urgences, mon objectif, c'est d'abord de se diagnostiquer,
02:34d'adresser et de savoir si le patient est grave.

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