Reportage Philippe Lucas- hors limites

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Le reportage "Philippe Lucas - Hors limites" est un documentaire qui se concentre sur Philippe Lucas, l'entraîneur de natation français connu pour sa personnalité forte et ses méthodes d'entraînement rigoureuses. Lucas est particulièrement célèbre pour avoir entraîné des nageurs de haut niveau, dont Laure Manaudou. Le documentaire explore sa carrière, ses succès, et son approche unique de l'entraînement, offrant un aperçu de sa vie professionnelle et personnelle.

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Transcript
00:00Narbonne, l'entraîneur le plus médiatique de la natation française, y a posé ses tongs et ses nageurs.
00:10Il dit y être bien, mais voilà cinq ans qu'il n'a plus de club depuis son départ fracassant de Canet.
00:16Cinq ans de déménagement régulier, à batailler pour pouvoir remonter une équipe de très haut niveau,
00:23allant parfois jusqu'à payer lui-même appartements et lignes d'eau pour ses nageurs.
00:29Est-ce que tu trouves normal qu'un mec comme moi, je parle,
00:34et quel est le résultat que j'ai eu ces derniers temps ? On ne trouve pas un club.
00:41Comment l'entraîneur au plus beau palmarès en est-il arrivé là ?
00:47Je ne trouverai jamais de club, parce que je pense qu'ils ont peur de moi, des gens.
00:51C'est une image qui fait peur, donc ils ne me prendront jamais.
00:55Philippe Lucas ferait donc peur. Mais peur de quoi ?
00:59Qu'il n'ait été l'entraîneur chanceux que d'une seule nageuse ?
01:02Qu'il soit aussi ingérable que certains le prétendent ?
01:05Connaît-on vraiment Lucas au fond ?
01:10Philippe Lucas, c'est avant tout, évidemment, l'entraîneur de l'Ormano Dou.
01:15Avec elle, il trace l'une des plus belles routes de l'histoire du sport français.
01:20Une route bordée d'or aux Jeux Olympiques d'Athènes en 2004,
01:23de records du monde, de labeurs et de fâcheries aussi.
01:28Pour ces détracteurs, Manodou aurait fait Lucas.
01:32Un peu trop simple sans doute.
01:36Philippe a existé avant l'Ormano Dou, c'est-à-dire qu'il faisait partie de ces entraîneurs de l'anatation française
01:41qui étaient là, qui avaient des nageurs en équipe de France,
01:44et qui n'étaient pas les plus connus, mais qui constituaient un socle assez important de ce qu'est l'anatation française.
01:51On peut dire que ça a été le génie de Philippe d'aller à la rencontre de l'or
01:56et de l'extraire du chemin qu'elle avait emprunté pour l'emmener ailleurs.
02:01Je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup d'entraîneurs qui aient eu le culot de faire ça.
02:06Je savais qu'elle pouvait. Moi j'avais dit à son père, j'avais dit, elle sera championne olympique ta fille.
02:10Il a apporté un or olympique en 2004 qu'on n'avait pas connu depuis 1952.
02:15Donc il a enclenché la dynamique.
02:18Il a montré qu'en étant soi-même, en étant français, en entraînant en France, on pouvait gagner.
02:23Et il l'a fait sans langue de bois.
02:26On peut imaginer que l'or aurait eu une grande carrière sans Philippe,
02:29mais peut-être pas cette carrière-là, et en tous les cas pas aussi rapide.
02:32On se pose souvent la question, est-ce que l'or Manodou aurait fait aussi bien avec quelqu'un d'autre ?
02:35Forcément, l'or Manodou c'était un bijou,
02:40comme on en rencontre rarement, comme beaucoup d'entraîneurs n'en rencontreront jamais dans leur carrière.
02:45Mais je crois pas à la chance.
02:48Je crois surtout au fait qu'il avait les compétences pour transformer ce diamant, pour le polir, en quelque chose d'extraordinaire.
02:55Tu sais très bien que quand t'as une nageuse comme Manodou, c'est plus simple de gagner des matchs quand t'as Zidane ou Platini dans ton équipe.
03:02T'as quand même fait des magiciens.
03:05L'or, le problème c'est qu'il fallait la faire bosser.
03:08Il fallait bien la gérer, parce que, attention, ça c'est un cheval de course.
03:13Je vous l'annonce, on a vu les mecs derrière, tous, ils ont pris des gaufres.
03:17Parce que quand elle a décidé quelque chose et qu'elle avait pas envie de faire quelque chose, c'est compliqué.
03:22Il lui a fallu amener les choses, mais moi j'ai jamais eu de problème avec elle.
03:25Il a fait quelque chose de magnifique entre 2004 et 2007, et il l'a répété derrière.
03:30C'est surtout ça, il a entraîné Esther Baron sur un titre de champion d'Europe.
03:34Alors j'ai eu la chance d'entraîner à la fois l'or Manodou après, et à la fois Esther Baron.
03:38Et ce qu'il a fait avec ces deux filles là, c'est extraordinaire.
03:40Ce qu'il fait aujourd'hui avec Sharon, c'est extraordinaire.
03:43Ce qu'il a fait avec Pellegrini, il est aussi.
03:45Il dure, malgré les circonstances de la vie, malgré certaines choses,
03:50ce qui fait que son quotidien est pas forcément facile.
03:52Il a un peu certains manques nomades, des piscines, tout ça, et chaque année il y a de la perf.
03:56Un mec qui a 63 médailles, 63 ou 65, je sais même plus, parce que je lui avais fait le récapitulatif de toutes ses médailles,
04:03et qui a tout ça, je pense que c'est au-delà de veinard.
04:08C'est à un moment, il a un truc en plus que les autres n'ont pas.
04:12Pour trouver et comprendre ce truc en plus, il faut revenir chez Lucas, à Melun.
04:16Là où il a grandi, dans le troquet de sa grand-mère, mais surtout où est née sa vocation d'entraîneur.
04:21De la base, comme il dit, lui qui n'était qu'un nageur médiocre à l'origine.
04:25Voilà, c'est un enfant de bistrot, et c'est, je pense, de là que lui viennent deux qualités extrêmement importantes.
04:33C'est le sens du contact, parce que Philippe est quelqu'un qui a un sens du contact incroyable, et de la répartie.
04:39Il y en a qui ne disent rien, ils ferment les yeux, parce qu'ils ont peur de perdre leur athlète.
04:43Mais moi j'aime bien dire les choses, que ce soit à elle, quand c'était apothèque aussi, quand c'était à Pellégrini, quand c'était à Levaux, voilà.
04:49Quand c'est comme ça, c'est comme ça.
04:51Moi je veux bien me lever le matin, je veux bien entraîner à 4h30, je veux bien avoir de vacances, d'ailleurs peut-être été dimanche, je m'en fous, mais complet.
04:58Mais attention, quand on s'entraîne, on s'entraîne.
05:00Ils peuvent sortir le soir, ils peuvent fumer un paquet de clopes, je m'en fous complètement.
05:05Mais attention, le lendemain matin, il faut être bon.
05:08Ce que j'aime chez lui, c'est le professionnalisme.
05:10Il est toujours là avant les nageurs, il démarre tôt, bien avant que le jour se lève, et il est toujours là le premier.
05:15Le plaisir, tu le prends où ? Tu le prends à l'entraînement.
05:18La compétition, c'est un autre plaisir, c'est après.
05:21Ça fait dix ans qu'elle a été championne olympique, tu te dis, ouais c'est vrai, elle a quand même gagné un truc, mais c'est pas sur le moment.
05:28C'est à l'entraînement, quand tu fais six heures par jour, que des fois dans le froid, la pluie, t'es sous la, t'entraînes et tout.
05:34Et puis tu vois la nana, quand on voit des séries qui fait des temps à l'entraînement,
05:38tu sais qu'elle a passé un palier, tu sais qu'elle est forte, tu sais qu'elle va faire des belles choses, c'est là le plaisir.
05:43Ça c'est le vrai plaisir.
05:44Après la compétition, quand t'as gagné, bien sûr c'est du plaisir, mais c'est d'abord le soulagement.
05:48Et après, c'est bien après, bien après que tu te dis, ouais, c'était pas mal ce qu'on a fait.
05:54Enfin, ce qu'elle a fait.
05:55Pas la même chose.
05:57Philippe, la difficulté du travail, c'est que c'est toujours dans l'intensité, c'est du début à la fin de l'entraînement.
06:03Il va regarder chaque chose, il va voir dès l'échauffement si on est bien, si on s'investit, si on fait semblant.
06:10Et c'est vrai qu'un jour, deux jours, trois jours, et au bout d'un moment, on prend le pli à vouloir toujours faire mieux.
06:17Et on essaye de se dépasser à chaque entraînement.
06:19Et Philippe, il le voit, donc il est de plus en plus exigeant aussi.
06:23Mais à l'arrivée, les résultats sont là.
06:25Je pense que son point le plus fort, basé sur du travail, c'est la capacité qu'il a à faire croire aux athlètes à leurs rêves,
06:31ou même à les mettre en eux, à leur forcer le rêve à l'intérieur, alors qu'ils ne l'ont même pas forcément au départ.
06:37Manipuler de manière saine, le plus souvent, les croyances des athlètes pour les faire réussir.
06:44Il dit les bonnes choses avant ta course.
06:46Il te fait croire que tu es la meilleure lorsque tu ne l'es même pas.
06:51Et que même dans la course, d'un coup, tu te surprends.
06:57Ce que les gens ne savent pas du public extérieur, c'est qu'il a quand même beaucoup de finesse autour de l'entraînement et des stratégies de course.
07:06Six en deux, Shawn ? Ou huit ?
07:10Vous en avez fait 28 avant ?
07:13Je rigole !
07:16Ce qu'il m'a appris, c'est savoir dire c'est bien à ses nageurs.
07:20Qu'on soit dans l'eau, qu'on soit hors de l'eau, il va parler, il va essayer de comprendre, il va essayer de nous aider.
07:27Tu sais, il faut bien le connaître l'humain, si tu veux le faire avancer.
07:31Et surtout, quand tu as un athlète que tu aimes, que tu respectes, parce que tu t'entends bien avec lui, il faut l'aider.
07:40Et sur le plan humain, et sur le plan sportif, c'est vrai, c'est pas du tout l'image du mec qu'on voit, qui est bourru.
07:49C'est pas du tout le même personnage qu'on a à l'entraînement que celui qu'on voit dans la presse.
07:54C'est vraiment quelqu'un de terriblement humain.
07:57Je t'insiste, tu fais ce qu'il demande, il est gentil avec toi.
08:01Il m'est arrivé d'entraîner des filles que je ne pouvais pas blairer, parce que j'étais conne comme des balais.
08:05Mais j'en avais besoin, tu vois, ça m'est arrivé.
08:08Mais 80%, oui, c'est des filles, 80%, c'est des gens que, oui, il y avait quelque chose, il y avait un lien, bien sûr.
08:16Après, tu sais, quand tu restes longtemps avec un nageur ou une nageuse que tu as fait une partie de son adolescence,
08:29comment sa vie d'homme ou sa vie de femme, il y a des choses qui... c'est une histoire, attention.
08:34En plus, quand il y a la Russie derrière, c'est une belle histoire.
08:38C'est ceux qui ont envie d'avoir mal pour qui ça marche.
08:44Ce que j'aime moins, c'est qu'il a une seule façon de faire, il a décidé de faire de cette façon-là.
08:48Quand ça marche, c'est extraordinaire, quand ça marche pas, ça broie.
08:53Philippe Lucas n'aurait ainsi de guignol que sa célèbre marionnette, et puis c'est tout.
08:58Pour le reste, bon fond, grand coach, exigeant, intransigeant à tendance tête de mule.
09:05Grosse tête un peu, même après la période Manaudou.
09:09À 51 ans, Lucas est encore capable de se mettre à dos toute la natation française,
09:14pour une bonne brève de comptoir teinté de vérité souvent, au risque de faire le vide autour de lui.
09:25Au fil de l'eau et du temps qui passe, que restera-t-il des années Lucas ?
09:31Un goût d'inachevé, de gâchis parfois.
09:40Philippe Lucas et la natation française, et l'équipe de France, a toujours été assez paradoxale.
09:45C'est-à-dire qu'il a longtemps été en marge de l'équipe de France,
09:49il a même été le porte-parole du tiers état de la natation des entraîneurs, des sans-grades.
09:56Le sport, c'est la jalousie.
09:59T'as les mecs qui essayent de te mettre des bâtons dans les roues parce qu'ils sont jaloux de ce que tu produis,
10:03ou les résultats que tu as, ou les résultats que tu as.
10:06Et puis souvent, c'est pas souvent, c'est tout le temps tes meilleurs potes hors de la natation.
10:12Bien sûr, c'est les mecs que tu croises au coin d'un zinc.
10:17C'est là que tu passes les meilleurs moments.
10:20C'est pas avec les entraîneurs.
10:22J'ai des potes que j'aime bien.
10:24Bien sûr qu'il y en a que c'est des mecs que j'aime bien.
10:26Ça fait 32 ans que je suis allé des bassins,
10:28j'y ai pas passé un 31 décembre avec les entraîneurs.
10:31Quand Laurent est arrivé, il a été évidemment une pièce centrale du dispositif,
10:35et il était au sein de l'équipe.
10:38Sans lui, presque, l'équipe de France n'existait pas.
10:41Donc ça a créé des jalousies, forcément.
10:43Il a gagné beaucoup d'argent, comme on le disait, donc ça a aussi créé des jalousies.
10:46Donc on ne peut pas dire qu'il soit très aimé par tous, ça c'est sûr.
10:51D'autant que, quand il a des choses à dire, il le dit.
10:54Si je devais donner un mot à Laurent, c'est qu'il est très amoureux.
10:58D'autant que, quand il a des choses à dire, il le dit.
11:01Si je devais vous citer certains exemples, ils seraient nombreux.
11:04On retiendra simplement, si vous voulez, une expression emblématique
11:08s'adressant au Président de la Fédération en le traitant de gros con.
11:12Je ne pouvais pas admettre que Philippe Lucas puisse se permettre, si vous voulez, une telle appréciation.
11:18À un moment donné, on a eu un litige qui était lié, en fait, à ses conditions,
11:24et à une mauvaise compréhension des uns et des autres.
11:29Vous connaissez Philippe qui est parti un jour avec des mots excessivement durs
11:36et qui a engendré effectivement notre séparation.
11:39Comme beaucoup d'entraîneurs qui réussissent, au moment où ça allait moins bien,
11:42tout le monde ne lui a pas tendu la main.
11:44Je pense qu'il y a des moments où ça n'a pas gêné grand monde,
11:48qu'il se plante, qu'il s'est planté, qu'il fasse des mauvais choix.
11:51Il voulait toujours faire une démonstration qui consistait à dire qu'il était l'un des seuls professionnels
11:56qui pouvaient à la fois s'entourer des meilleures conditions,
11:59qui pouvaient à la fois accueillir les meilleures nageuses ou nageurs.
12:03Ok, démonstration est faite, minimaliste.
12:07Après, c'est l'image que tu mets sur quelqu'un.
12:09C'est l'image d'un moment médiatique qu'on m'a mise sur moi.
12:11C'est l'image des entraîneurs qui parlent à leurs nageurs ou aux présidents de clubs.
12:15Après, qu'est-ce que tu veux ?
12:16Tu dis, regarde ce mec-là, tu l'as vu deux fois dans un bar,
12:19tu lui dis, tiens, c'est un alcoolo.
12:20Lui, il tient là-bas.
12:21Voilà, tu mets une image sur quelqu'un.
12:23Et après, pour s'en défaire, c'est compliqué.
12:26Mais bon, moi, ça ne me perturbe pas, je n'en ai rien à foutre.
12:29Philippe Licat avait des exigences qui n'étaient pas compatibles
12:32avec la manière dont on pouvait essayer d'assumer, je dirais, ses propositions.
12:38Quand on dit, j'en sens certains qui disent,
12:40ouais, Luca, il coûte cher, c'est des conneries.
12:43Je ne connais pas beaucoup de mecs qui auraient balancé le poignon que j'ai balancé pour continuer à entraîner.
12:47Et très bien, si vous n'avez pas de nageurs de bon niveau, vous n'existez pas.
12:50Après, les sponsors, je te l'annonce, ils ne viennent jamais pour le club.
12:53Ils viennent pour la gonzesse.
12:55Toi, tu restes toujours avec la paye de la ville.
13:00Il a le problème de l'exigence du haut niveau.
13:02Et quand on est exigeant, des fois, on dérange.
13:04Mais on s'aperçoit dans ses résultats que souvent, il a raison.
13:08On aime ou on n'aime pas, mais ceux qui n'aiment pas, ce n'est pas les bons.
13:11Je pense qu'il inspire plus le respect qu'autre chose.
13:16Si le président de la Fédération Française oublie ce que Philippe Lucas a apporté à la natation, c'est plus que dommage.
13:22Il a la mémoire trop courte pour oublier ça.
13:27Et la natation française n'en serait pas là s'il n'y avait pas l'Ormand Doudou.
13:30Mais s'il n'y avait pas eu non plus Philippe Lucas.
13:33Moi, entraîner, c'est ma vie.
13:35Je ne me voyais pas arrêter d'entraîner.
13:37C'est une passion. Je n'ai jamais travaillé de ma vie.
13:39Je pense que je pourrais faire encore deux ou trois petits trucs.
13:42Je ne trouve pas de club.
13:46Je ne trouve pas de club.

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