Episode 4 - Dans les coulisses du crime - Made with Clipchamp

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00:00Le premier truc que j'ai compris, c'est qu'on ne pouvait rien faire sans source.
00:05Et que la meilleure source qu'on pouvait trouver à l'époque, en tout cas, c'était des flics.
00:11Dans les coulisses du crime, par Michel Marie.
00:18J'étais donc un tout jeune reporter, même à peine titularisé.
00:23Le journal m'envoie sur un fait divers à Hoche.
00:26Il y avait eu un double meurtre, si j'ai bonne mémoire.
00:30La presse locale faisait la une de ce fait divers.
00:34Il faut dire qu'à Hoche, il ne se passe pas grand-chose.
00:36Et donc, le journal m'envoie à Hoche.
00:39Et je passe à la rédaction du journal, je crois que c'était Midi Libre ou quelque chose comme ça.
00:45Ou La Dépêche du Midi ou le Midi Libre, c'est l'un des deux.
00:48Et je demande à voir le fait diversier qui avait fait le papier.
00:51Honnêtement, j'avais lu le papier.
00:53D'une part, je n'avais pas bien compris tout ce qui se passait.
00:55Et surtout, je n'apprenais pas grand-chose.
00:58Donc, je me dis qu'il n'a peut-être pas tout écrit.
01:00Il doit en avoir gardé sous le pied.
01:03Donc, je rencontre ce journaliste qui me reçoit très gentiment de son bureau.
01:07Et je lui dis, est-ce que tu as autre chose ?
01:10Parce qu'on n'a pas les noms, on n'a pas les adresses, on n'a rien.
01:13Il me dit non, non, je n'ai rien de tout ça.
01:16En général, le fait divers me fait une espèce de grimace, un peu de dégoût.
01:22Bon, je suis tombé sur un passionné.
01:25Je lui dis, je ne sais pas grand, tu es bien pote avec un gendarme ou un flic ?
01:29En fait, tu as bien un contact ?
01:31Il me dit non, les flics sont tous des cons, ils ne nous parlent pas.
01:35Les gendarmes, c'est pareil.
01:37Je lui dis, ok, très bien.
01:39Honnêtement, je ressors de là un peu paumé.
01:41Parce que je ne savais pas très bien par quel bout prendre le truc.
01:44Et je marche.
01:46Et un peu par hasard, je passe devant l'hôtel de police.
01:50Il me dit, bon, tous sont pour que j'en suis.
01:53Donc, je rentre dans l'hôtel de police et je demande à voir le patron.
01:56On me fait patienter.
01:58Vous êtes qui ? Je suis journaliste, je viens pour le fait divers.
02:02J'attends dix minutes et au bout de dix minutes,
02:05il y a un gardien de la paix qui vient me chercher,
02:07qui me dit, suivez-moi, le patron va vous recevoir.
02:10Et là, je tombe dans un immense bureau.
02:13Un type plutôt sympa qui m'invite à s'asseoir.
02:17Et je lui dis, voilà, je suis journaliste à détective.
02:20Je suis venu de Paris.
02:23Je m'intéresse à ce fait l'hiver.
02:25Est-ce que vous pouvez m'aider ?
02:27Il me dit, bah oui, bien sûr.
02:29Mais il me dit, vous savez, ça fait dix ans que je suis en poste ici.
02:31Je n'ai jamais vu un journaliste.
02:33Je ne sais pas pourquoi ils ne viennent pas me voir.
02:35Moi, je suis tout à fait disposé à communiquer.
02:37Mais en fait, ils ne viennent pas, ils ne m'appellent pas.
02:39Je ne sais pas pourquoi.
02:41Mais enfin, bon, vous, vous êtes là, c'est bien.
02:43Qu'est-ce que vous voulez savoir ?
02:45Et à ce moment-là, le téléphone sonne.
02:47Et je crois qu'il était, enfin, c'est pas je crois, je sais,
02:49que ce policier en question était en plein divorce.
02:52Et je pense que c'était ou son ex-femme ou l'avocat.
02:55Enfin bon, il avait un problème personnel.
02:57Et là, il se passe ce truc incroyable.
03:00Il sort de son tiroir, la procédure, c'est un truc épais comme ça,
03:04plusieurs centimètres d'épaisseur.
03:06Il me dit, tenez, allez dans le bureau à côté, là.
03:09C'est les auditions.
03:11J'ai besoin de m'isoler un petit peu au téléphone.
03:13Donc il me fout dans le bureau de sa secrétaire,
03:15avec la procédure.
03:17Et il a dû discuter pendant une heure et demie
03:19avec soit son ex-femme, soit l'avocat.
03:22Moi, je recopie assez scrupuleusement.
03:25On n'a pas de photocopieuse ou de scanner à l'époque.
03:27Donc je note tout ce qui me semble intéressant
03:29dans les différentes auditions.
03:31Au bout d'une heure et demie, il revient dans la pièce
03:33où je me trouvais,
03:35en me disant, ça va, vous avez tout, c'est bon.
03:37Je lui dis, oui, j'ai encore deux ou trois questions
03:39à vous poser quand même.
03:41Et là, il était 19h30.
03:43La nuit commençait à tomber.
03:45Et je retourne dans son bureau.
03:47Je lui rends sa procédure.
03:49Il me dit, qu'est-ce qui vous manque ?
03:51Je voudrais voir à quoi ils ressemblent,
03:53tous ces gens
03:55qui sont vivants ou morts.
03:57Il me dit, si, si.
03:59Il ouvre son tiroir.
04:01Il me dit, ça, c'est le meurtrier.
04:03Ça, c'est la première victime.
04:05Ça, c'est la deuxième victime.
04:07Il me dit, vous pouvez les garder, de toute façon,
04:09je lui remercie.
04:11Je lui dis, est-ce que vous avez cinq minutes pour prendre un verre ?
04:13Ça me ferait plaisir de boire un coup avec lui.
04:15On a été dîner
04:17plutôt dans un des meilleurs restaurants de Hoche,
04:19qu'on ne citera pas pour ne pas leur faire de pub,
04:21mais en tout cas dans un très bon
04:23restaurant gastronomique de Hoche.
04:25Et je crois que j'ai raccompagné ce commissaire
04:27de police aux alentours
04:29de 3h30 du matin.
04:31Et alors, il y a une suite à cette histoire.
04:33Il y a deux suites à cette histoire.
04:35La première, c'est que je me suis quand même
04:37permis d'envoyer le journal
04:39et un petit mot au confrère
04:41qui m'avait reçu du midi libre
04:43ou de la dépêche du midi,
04:45en lui disant, tu devrais, il y a 150 mètres
04:47entre ton bureau et le commissariat,
04:49je pense que tu devrais aller voir
04:51de temps en temps le commissaire, il est très sympa.
04:53Et il communique.
04:55Et puis je te joins le papier
04:57qu'on a fait.
04:59Si tu as besoin de détails, t'as raca les recopier.
05:01Donc ça, c'était un petit bras d'honneur.
05:03Et ensuite,
05:05la deuxième conséquence de cette histoire,
05:07c'est qu'un de mes confrères,
05:09je ne me rappelle plus lequel,
05:11mais un journaliste de détective,
05:13mais des années plus tard, est passé à Hoche.
05:15Il avait rendez-vous
05:17avec ce commissaire pour une affaire
05:19où il l'avait appelé en lui disant, est-ce que vous pourriez me recevoir ?
05:21Le commissaire lui a dit, mais vous êtes
05:23de quel journal ? Il lui a dit détective.
05:25Il lui a dit, si vous êtes de détective, avec plaisir,
05:27venez. Et quand mon confrère
05:29est rentré dans le bureau de ce policier,
05:31il avait placardé
05:33au-dessus de son bureau
05:35l'article qu'on avait fait à l'époque
05:37quand j'y étais passé.
05:39Mon confrère a eu à peu près
05:41le même traitement que moi.
05:43Le flic lui a absolument tout donné.
05:45Il lui a permis de faire un papier.
05:47Je me rappelle même que ce policier m'avait aussi
05:49donné la photo des lieux
05:51où les faits s'étaient passés.
05:53En plus, pour faire Toulouse-Hoche,
05:55il n'y a pas beaucoup de kilomètres,
05:57mais comme en Corse, il faut du temps.
05:59Ça tourne beaucoup. Du coup, il m'a dit,
06:01tiens, la photo des lieux, ça t'évitera
06:03de faire des kilomètres et de perdre du temps.
06:05C'est sympa.
06:09À l'époque, le travail
06:11d'un fait diversier, c'était d'avoir
06:13des contacts. Le premier truc que j'ai compris,
06:15on ne pouvait rien faire
06:17sans source.
06:19La source était donc primordiale
06:21et la meilleure source qu'on pouvait trouver
06:23à l'époque, en tout cas, c'était
06:25des flics.
06:27Mais tout de suite,
06:29première année d'exercice,
06:31j'ai eu de la chance, une fois de plus.
06:33J'avais un copain
06:35dont le père était flic,
06:37en police judiciaire à Paris.
06:39Son père s'appelait Jacques Salmon et c'était
06:41un cador de la police judiciaire
06:43parisienne des années 70.
06:45Flic à l'ancienne,
06:47avec la petite moustache, les cheveux gominés,
06:49le trois-quarts en cuir et la malaise.
06:51Il y a eu des scènes absolument
06:53incroyables avec lui.
06:55Et ce type me prend en sympathie.
06:57Je me présente.
06:59Jacques Salmon, c'était un oiseau de nuit.
07:01Il se levait à 5 heures de l'après-midi.
07:03Il n'allait quasiment pas
07:05à son bureau et il allait voir ses indics.
07:07Il traînait dans les bars, il récupérait
07:09des renseignements sur ses affaires, etc.
07:11Il était à l'époque
07:13inspecteur divisionnaire. Bon, ça n'existe plus
07:15aujourd'hui, c'est commandant.
07:17Et ce type, je lui dois tout
07:19parce que comme son fils était aussi
07:21journaliste mais n'avait rien à faire du fait
07:23d'hiver puisqu'il s'occupait du show business,
07:25tout ce qu'il aurait pu donner à son fils
07:27comme journaliste, il me donnait à moi.
07:29Donc il m'a présenté d'abord
07:31tous ses potes. Comme j'étais l'ami
07:33de Jacques Salmon, je devenais
07:35forcément leur ami.
07:37Et j'ai un espèce de tapis rouge qui s'est
07:39déroulé devant moi. Bon, sauf que j'ai
07:41à partir de cet instant-là passé les
07:43trois-quarts de mes nuits avec Jacques Salmon.
07:45Là, je n'avais plus de vie privée, je n'avais plus rien.
07:47Je faisais les bars la nuit.
07:49Je fréquentais tous les
07:51flics copains de ce policier.
07:53Bon, il n'y avait pas de portable à l'époque
07:55mais j'ai passé énormément
07:57de temps à la fois dans leurs locaux
07:59et ça m'a appris plein de choses.
08:01Ça m'a appris d'abord que j'ai regardé
08:03comment ils travaillaient. J'ai vu
08:05quels étaient les rapports entre les
08:07flics et les voyous. J'ai vu
08:09quels étaient les rapports avec les
08:11indics. J'ai vu comment ils géraient
08:13ou essayaient de gérer
08:15certaines situations. Et puis
08:17petit à petit, j'ai agrandi mon carnet d'adresses
08:19mais tout ça prend énormément de temps parce que
08:21c'est ponctué de déjeuner
08:23qui se termine à 17h
08:25avec en gros 2 grammes dans chaque bras
08:27et on remet la même chose le soir
08:29jusqu'à l'aube en gros.
08:31Avec un avantage
08:33quand même, c'est que quand on était
08:35accompagné de flics à l'époque, on
08:37payait pas grand-chose. Les restaurateurs
08:39étaient tellement contents d'avoir
08:41un flic à l'intérieur de l'établissement
08:43que quand on demandait l'addition, en général,
08:45c'était offert.
08:47Ce qui, entre parenthèses, nous arrangeait bien
08:49parce que si j'avais dû
08:51payer tout ce que j'ai
08:53mangé et bu surtout,
08:55je pense que j'aurais des dettes encore aujourd'hui.

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