• il y a 4 mois
"Sincèrement, je ne pensais pas qu'on aurait un tel départ", déclare Fabien Canu, directeur général de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), en réaction à la moisson de médailles de la délégation française depuis le début des Jeux de Paris 2024. "16 médailles au bout de trois jours, je n'y aurais pas pensé", ajoute-t-il, admiratif, ce mardi sur France Inter.

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Transcription
00:00Notre invité est le Directeur Général de l'INSEP, l'Institut National du Sport de l'Expertise et de la Performance.
00:06Nous vous avons emmené hier, vous vous en souvenez, dans la cuisine des champions.
00:10Ce matin, nous sommes dans la fabrique des champions, installée depuis près de 50 ans dans le bois de Vincennes, à Paris.
00:15Teddy Riner, Marie-Jo Pérec, David Douillet, Lucie Descosse, Tony Estanguet, Estelle Mosely, Tony Parker, ils sont passés.
00:21Vous aussi d'ailleurs, Fabien Canut, bonjour.
00:23Bonjour, il y a un certain nombre d'années.
00:26Parce que vous êtes un ancien champion, certains de nos auditeurs se souviennent de vous, en effet, sur les tatamis.
00:33Double champion du monde, triple champion d'Europe, deux participations aux Jeux Olympiques, 84-88.
00:39D'abord, votre impression quand même sur ces débuts olympiques fracassants pour les Français.
00:4316 médailles, dont 5 en or, 8 dont 2 titres, rien que pour la journée d'hier. C'est assez fou, non ?
00:48On ne pouvait pas rêver mieux. C'est vrai qu'on sait qu'on a une obligation de résultats, quelque part.
00:53Si on veut que la fête soit belle, il faut des résultats français.
00:55Sincèrement, je ne pensais pas qu'on aurait un tel départ.
00:57Même s'il y avait quand même des signes avant-coureurs intéressants, il y a une dynamique qui s'est mise en place depuis quelques mois.
01:03J'étais assez optimiste, mais je n'aurais pas pensé 16 médailles au bout de 3 jours.
01:06À quoi vous voyez ça ?
01:08État d'esprit, des regards, il y a des choses qui ne se trompent pas.
01:11Des petits problèmes qui se règlent facilement, on ne se prend pas trop la tête.
01:14Parce qu'un des sujets, c'était la gestion, cette pression en France.
01:19Et dans le cas d'UNICEF, j'ai vu les équipes de France se préparer avec beaucoup de sérénité.
01:23C'est vrai qu'on avait fait aussi ce qu'il fallait pour ça.
01:25Donc, j'étais confiant, mais là, ça dépasse mes espérances.
01:28On est à la moitié, déjà, après 3 jours, si je compte bien,
01:333 jours pleins après la cérémonie d'ouverture de compétition.
01:36Déjà, à la moitié du bilan total de l'édition de Tokyo.
01:40Oui.
01:41Ça veut dire que l'objectif top 5 qui a été fixé va être atteint ?
01:45Alors, il va être atteint, il y a encore...
01:48Si vous deviez prendre les paris ce matin.
01:50Le pari, on est en bonne voie, effectivement.
01:52On sait que ça se jouera aux médailles d'or, les classements olympiques.
01:55Il faudra à peu près 18 médailles d'or.
01:57Oui, on est parti en route.
01:59Mais bon, soyons prudents.
02:00En tout cas, il y a une belle dynamique.
02:01Je pense que 50, 55 médailles, c'est ce qui devrait être réalisé.
02:05Non, non, il y a quelques échecs aussi, malheureusement.
02:09Je pense aux pauvres gymnastes françaises, malheureusement, qui passent à côté au skateboard.
02:14Mais au global, ça répond bien présent.
02:16Vous parliez de la pression qu'il peut y avoir quand on joue, quand on concourt devant son public.
02:21Là, il semblerait que l'effet domicile joue plutôt en faveur des athlètes français.
02:25Oui, d'abord parce qu'il y a une préparation aussi mentale qui a été faite.
02:29Avant, ils se sont préparés à gérer cette pression médiatique qui est forte déjà depuis quelque temps.
02:35Et puis préparés aussi à ce que le public les supporte.
02:38Mais ils ne pensaient pas tous, les sportifs, à ce que le public soit dans un tel état d'effervescence.
02:43C'est assez incroyable, c'est du jamais vu.
02:45Mais manifestement, ils ne sont pas, j'ai l'impression, optisés par le support du public.
02:50Vous avez en tête combien de médailles sur ces 16 médailles remportées pour l'instant sont made in INSEP, si j'ose dire ?
02:58Même si on a un esprit équipe de France, il y a 11 médailles sur les 16 qui sont de l'INSEP.
03:03Oui, c'est l'escrime, c'est le judo, c'est le canoë kayak et le tir à l'arc qui a fait une belle médaille en équipe.
03:08Et dans toute l'histoire, vous avez le chiffre ? Combien de médailles, combien de titres olympiques remportés par des athlètes ici de l'INSEP ?
03:14Malheureusement, non.
03:15Ça fait partie des choses que j'aimerais bien un jour qu'on arrive à faire.
03:18Mais c'est 50 à 60% généralement des médailles olympiques.
03:21Vous parliez de la préparation mentale notamment.
03:24Tout a été mis en oeuvre, jusque dans les moindres détails, pour que les athlètes puissent arriver dans les meilleures conditions aux Jeux olympiques.
03:32Je prends juste un exemple, parce que je le trouve très parlant, pour le tir à l'arc dont vous parliez.
03:36Vous avez fait venir 200 élèves, 200 scolaires, pour jouer le rôle des spectateurs, faire du bruit et mettre les archers dans les meilleures conditions ?
03:43Oui, absolument. D'abord, le pas de tir était ressemblant à ce qu'il y a aujourd'hui aux Invalides.
03:49Et puis, s'habituer aux spectateurs, au bruit.
03:52Ils n'ont pas l'habitude de jouer ou de tirer avec autant de spectateurs.
03:55Oui, tout à fait. Parce que là, il y aura 8000 personnes aux Invalides qui vont supporter le tir à l'arc avec beaucoup de bruit.
04:00On l'a fait pour l'Olympique d'Atlantique aussi.
04:02Ce sont des sports notamment peu habitués. On essaie de les mettre dans les conditions des Jeux olympiques.
04:06Et ça a marché, médaille d'argent hier pour l'équipe française masculine.
04:10La gestion, pour l'instant, de l'événement du stress se passe très bien.
04:13Vous avez aussi changé la couleur des tapis de taekwondo.
04:16Vous avez changé le revêtement des pistes d'escrime, les barres d'haltérophilie.
04:21Le tapis de judo aussi, pour qu'il soit correspondant à celui qu'il y a dans le dojo.
04:26Les paniers de basket 3 contre 3, les plongeoirs, les rings de boxe.
04:29C'est tout ça pour que les athlètes arrivent exactement habitués au matériel olympique.
04:36Oui, parce qu'il y a toutes ces gestions.
04:38De l'émotion qui est importante.
04:40Dans les conditions du jour J, au moment de s'y rapprocher, notamment par le matériel qu'il va utiliser au moment des Jeux.
04:46Avec l'agence nationale du sport, il y a eu pour tous les sports la possibilité d'avoir...
04:51Je vais prendre l'exemple de l'athlétisme aussi.
04:53Il y a deux couloirs sur la piste d'athlétisme qui sont du même matériel que celui du Stade de France.
04:57Une marque spécifique.
04:59On a vraiment tout fait pour les mettre dans les meilleures conditions de préparation.
05:04Ça va jusqu'à la couleur, ça peut jouer à ça ?
05:06Absolument, la couleur est capitale.
05:08Notamment dans les épreuves de tir.
05:09Parce que quand vous êtes derrière la cible, une certaine couleur.
05:11Les Anglais avaient été très forts au jeu de Londres en 2012.
05:13Parce que la couleur derrière les cibles avait surpris au nombre de pays.
05:17La couleur dans ces sports de précision, bien évidemment, c'est capitale.
05:21Globalement, l'idée à l'INSEP, c'est de ne rien laisser au hasard.
05:24Vous avez une approche scientifique de la performance.
05:28En fait, le sport de haut niveau, c'est une multitude de paramètres.
05:31C'est la nutrition, la préparation mentale, la préparation physique, la recherche.
05:34Donc, il ne faut rien laisser au hasard.
05:36C'est plein de petits détails comme ça qu'il faut bien prendre en compte.
05:40Et c'est vrai que l'INSEP, là-dessus, est bien doté.
05:42Il y a un grand service médical aussi, avec IRM, scanner.
05:45C'est un des plus beaux centres, si ce n'est peut-être le plus beau centre dans le monde.
05:49Vous avez des nutritionnistes.
05:51On en avait une ici hier, Véronique Rousseau, qui prépare les menus au gramme près.
05:55Vous avez des chercheurs qui élaborent des programmes d'entraînement ultra précis.
06:01J'utilisais tout à l'heure le terme de fabrique à champion.
06:04On peut même parler d'usine à champion.
06:06Alors, moi, je préfère école de champion.
06:08Parce qu'au-delà de tout ça, il y a une dimension éducative.
06:10En fait, les jeunes qu'on reçoit à 17-18 ans, l'idée, c'est que ça serve à leur vie d'adulte.
06:16Que ça les forme.
06:17Tout le monde ne sera pas champion.
06:18Mais au moins, qu'ils apprennent à gérer des victoires, à gérer des défaites.
06:22Donc, on parle plus d'école de champion que de fabrique à champion.
06:25Même si, effectivement, on cherche avant tout à ce qu'ils aient des résultats.
06:28Combien ça coûte chaque année ?
06:29C'est un budget de 40 millions d'euros.
06:31Sur fonds publics uniquement ?
06:33Non, il y a la moitié des fonds publics, la moitié des fonds de ressources privées, des partenaires, des fédérations.
06:39Donc, c'est vraiment un bel outil.
06:41Et pour ces Jeux, spécifiquement, il y a eu un budget spécifique qui a été alloué par l'État ?
06:45Oui, tout à fait.
06:46Parce qu'on a fait un peu de travaux et de rénovations.
06:48Une belle piste d'athlétisme, rebaptisée Marie-Josée Perrec.
06:51Des travaux au niveau du médical, etc.
06:53Il y a eu 11 millions d'euros d'investis ces deux dernières années pour améliorer l'ordinaire.
06:58L'INSEP, c'est toute votre vie.
07:00Vous y avez passé 14 ans, ou quasiment.
07:02Vous avez fait d'autres choses.
07:03Vous avez été conseiller de David Douillet quand il était ministre, par exemple.
07:06Mais vous y avez passé 14 ans déjà comme sportif.
07:09Aujourd'hui, vous dirigez l'Institut.
07:11Vous diriez que c'est votre famille.
07:13C'est une famille, l'INSEP, aussi ?
07:15On est tous marqués par notre passage à l'INSEP.
07:17C'est ce qui est fort.
07:18Vous en parlez avec Tony Parker ou d'autres grands champions.
07:21On est marqués à vie parce qu'on vit à ce moment-là.
07:24D'autant plus que la première année, je me demandais si j'étais vraiment fait pour le sport de niveau.
07:28Vous étiez judoka ?
07:29J'étais tout à fait judoka à 18 ans.
07:31Est-ce que je reste ? Est-ce que je repars ?
07:33J'étais loin de penser qu'une quarantaine d'années plus tard, j'allais diriger l'établissement.
07:36Mais oui, c'est assez unique.
07:39C'est une grande famille, même si c'est une petite ville.
07:42Il y a 1000-1500 personnes tous les jours.
07:44Tout le monde se connaît, se côtoie.
07:46Ils partagent toutes ses émotions.
07:48Une famille où, malgré tout, il peut y avoir des problèmes.
07:51Plusieurs champions d'escrime, ces derniers mois, ont quitté l'INSEP.
07:55Beaucoup plus grave sur le sujet des violences sexistes et sexuelles.
07:59Vous aviez reconnu lors d'une audition au Parlement que tout n'avait pas été forcément fait.
08:03Il y avait eu un déficit d'informations.
08:06La ministre des Sports vient de réclamer l'ouverture d'une enquête administrative
08:11sur des soupçons de violences conjugales.
08:14Une à tête en accuse un autre des faits qui seraient déroulés à l'INSEP.
08:19On parlait tout à l'heure d'usine ou de fabrique.
08:22Vous parlez d'école.
08:23Mais est-ce que vous prenez assez en compte le facteur humain à côté du facteur performance ?
08:27C'est ce que je disais quand je parlais d'école de champions.
08:30Ce qui nous intéresse, c'est la dimension humaine.
08:32Tous ces sujets de société, au racisme, aux violences, etc.,
08:36dès qu'ils arrivent à 17-18 ans,
08:38ils sont pris en charge pour les former par rapport à ça.
08:41Sur les violences sexuelles, par exemple, il y a beaucoup de choses qui sont faites.
08:45Oui, j'avais reconnu qu'on devait encore améliorer l'information.
08:48Mais il y a de l'information, il y a des choses qui se font.
08:50Je souhaitais qu'on soit encore un peu plus percutants.
08:52C'est passé un peu comme ça.
08:54Un déficit d'informations, ce n'est pas ça vraiment.
08:57Vous prenez en compte effectivement la construction, vous le disiez tout à l'heure,
09:01personnelle de ces jeunes qui arrivent en internat.
09:04Très jeunes pour certains.
09:05Oui, qui viennent parfois de très loin, qui viennent parfois de milieux défavorisés.
09:10Il faut que tout ça cohabite, vive.
09:12Il y a une vraie prise en charge qui est faite au niveau de l'internat,
09:16notamment des mineurs, sur tous ces sujets-là.
09:18Vous avez en tête les athlètes de l'INSEP qui sont en liste aujourd'hui aux Jeux Olympiques ?
09:23Vous en avez quelques-uns ?
09:24Clarisse Abibénoud, bien évidemment.
09:26En judo, qui vise un deuxième titre.
09:29Honnêtement, je n'ai pas encore regardé toute la liste du jour
09:32parce qu'il y a toujours un paquet qui passe par jour.
09:34Mais c'est ce que je vais faire après cette interview.
09:37Je vais regarder où ils sont pour faire après mon parcours
09:41parce que je vais les voir beaucoup sur ces sites de compétition.
09:43Ils passent à l'INSEP même s'ils logent au village olympique ?
09:45Certains viennent s'entraîner à l'INSEP parce que ce n'est pas très loin du village olympique.
09:52Certains même ne vont pas au village comme le badminton.
09:54Ils sont restés à l'INSEP.
09:55Et le basket garçon 5-5 la semaine prochaine devrait être à l'INSEP.
10:00Et puis il y a aujourd'hui toute l'équipe d'athlétisme
10:02qui va rentrer la semaine prochaine en compétition.
10:06Ils sont actuellement à l'INSEP.
10:07Donc là, l'établissement est plein à craquer.
10:09On parlait tout à l'heure du bilan des médailles de cet objectif top 5.
10:14Est-ce que vous, en tant que directeur général, vous en faites aussi une affaire personnelle ?
10:17Un objectif presque intime, j'allais dire,
10:20d'indicateur de votre réussite à vous en tant que directeur ?
10:24Oui, bien sûr, l'établissement doit apporter sa contribution à cet objectif.
10:28Tout à fait, oui, absolument.
10:30C'est l'équipe de France.
10:33Même si l'INSEP joue un rôle important, c'est l'équipe de France avant tout.
10:35Et oui, on n'a pas le choix.
10:37Il faut qu'on soit dans le top 5.
10:38En tout cas, ce qui se passe maintenant,
10:39ce sont aussi les athlètes qui regardent les enfants
10:42et qui sont les athlètes de demain qui vont arriver à l'INSEP dans 10-20 ans.
10:46Oui, et puis aussi, il y en a beaucoup de jeunes qui sont là pour les Jeux de 2028 vers 2032.
10:51Donc, eux-là, ils prennent beaucoup d'informations, beaucoup d'expériences.
10:53Pour eux, c'est enrichissant pour l'avenir.
10:55Merci beaucoup Fabien Canut, directeur général de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance.

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