OK, Joe! - Violences sexuelles, une arme de guerre
DébatDoc est un format de LCP (La Chaîne Parlementaire) qui propose la diffusion d'un documentaire suivi d'un débat sur le sujet abordé.
"OK, Joe!" est un documentaire réalisé par Philippe Baron, basé sur l'œuvre de Louis Guilloux
.
Le documentaire "OK, Joe!" traite de la libération de la Bretagne à l'automne 1944 et des relations entre les soldats américains et la population française
"OK, Joe!" est un documentaire réalisé par Philippe Baron, basé sur l'œuvre de Louis Guilloux
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Le documentaire "OK, Joe!" traite de la libération de la Bretagne à l'automne 1944 et des relations entre les soldats américains et la population française
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00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous.
00:00:17Les violences sexuelles en temps de guerre.
00:00:20Le sujet a longtemps, très longtemps, été passé sous silence.
00:00:23Il est aujourd'hui au menu de ce débat doc,
00:00:26avec tout d'abord le documentaire qui va suivre,
00:00:29particulier, O.K. Joe.
00:00:30A l'automne 1944, lors de la libération de la Bretagne,
00:00:35l'écrivain Louis Guillou
00:00:36travaille comme interprète auprès de l'armée américaine.
00:00:40Il devient alors, vous allez le voir, le témoin privilégié
00:00:43d'autres histoires de la libération,
00:00:45celles de viols et de meurtres commis par des GIs
00:00:49sur des populations civiles françaises.
00:00:51Je vous laisse découvrir ce film,
00:00:53et je vous retrouverai juste après sur ce plateau,
00:00:56en compagnie de l'historienne Julie Legac
00:00:58et de l'anthropologue et ethnologue Véronique Naoum Grappe.
00:01:02Avec elle, nous nous interrogerons
00:01:05sur la place prise par les violences sexuelles en temps de guerre.
00:01:08Bon doc.
00:01:18-"Certaines lectures ébranlent les mythes de votre enfance."
00:01:24O.K. Joe fait partie de ces livres-là.
00:01:27Son action se déroule en août 1944,
00:01:30quand l'armée américaine libère la France de l'occupant allemand.
00:01:40Ce livre dévoile une part sombre de la libération,
00:01:44où se mêlent sexe, alcool, violence et racisme.
00:01:53Il raconte des exactions commises par des GIs américains
00:01:56envers les populations civiles françaises,
00:01:59des viols et des meurtres.
00:02:06L'auteur d'O.K. Joe est l'écrivain Louis Guillou.
00:02:10Interprète pour l'armée américaine pendant plusieurs semaines,
00:02:13il a été un témoin privilégié de ces crimes.
00:02:22Pendant plusieurs mois, j'ai parcouru la Bretagne
00:02:24en confrontant son récit au souvenir des ultimes témoins
00:02:27de ces crimes oubliés et de leurs châtiments,
00:02:31en rencontrant des descendants de victimes
00:02:34qui prennent la parole après 80 ans de silence et de refoulement.
00:02:54...
00:03:20Est-ce que vous vous souvenez encore de ce jour-là ?
00:03:22Parfaitement, comme si c'était hier.
00:03:26J'étais allé ce jour-là, à 2-3 km de chez moi,
00:03:30où il y avait une rivière.
00:03:32Et comme mon habitude, je plongeais,
00:03:36je nageais sous l'eau quelques instants.
00:03:39Et stupéfaction, quand j'y suis revenu à la surface,
00:03:43je vois tout le monde qui courait à droite et à gauche de la rive
00:03:46dans laquelle je me baignais.
00:03:48Mais impossible d'avoir une information.
00:03:51J'avais beau crier, dire qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce qu'il y a,
00:03:55personne ne me répondait.
00:03:56Tout le monde courait, mais dans la tenue où ils étaient,
00:04:00la tenue les plus baroques, il y en a qui étaient à moitié nus.
00:04:03Ils couraient vers un endroit déterminé.
00:04:06Alors finalement, je sortais de l'eau, je me disais, qu'est-ce qui se passe ?
00:04:09Et là, on m'a dit, les Américains, les Américains !
00:04:15Effectivement, on entendait comme un bruit, un bruit de chêne,
00:04:20qui se traîne sur les cailloux.
00:04:37C'était quand même une drôle d'époque.
00:04:40Et puis, on ne savait pas ce qui se passait.
00:04:42On ne savait rien d'information.
00:04:46On est descendus, et on a vu les troupes arriver, passer.
00:04:52Ils étaient couleur terre, tellement qu'ils étaient fatigués.
00:05:04Ces jeunes soldats yankees font irruption dans des campagnes de l'Ouest,
00:05:08vivant sans eau courante ni électricité,
00:05:11comme à l'écart du monde.
00:05:13Opulence des uns, archaïsme des autres.
00:05:17Les rencontres sont joyeuses et fraternelles, souvent,
00:05:20mais aussi sources de lourds malentendus.
00:05:27Le 6 août, dans sa ville de Saint-Brieuc,
00:05:30Louis Guillaume assiste, soulagé,
00:05:32à l'entrée des libérateurs tant attendus.
00:05:36Mais ces instants de joie sont teintés de malaise,
00:05:39devant l'atmosphère de violence, les règlements de compte,
00:05:42les lâchetés, les humiliations,
00:05:44auxquelles cet écrivain humaniste ne peut qu'être sensible.
00:05:49Guyoud pense à la douleur chez les autres.
00:05:53L'expérience de l'humiliation revient beaucoup dans son oeuvre.
00:05:57Il a démarré dans les années 1920,
00:05:59c'est un fils de cordonnier de Saint-Brieuc.
00:06:01Il a commencé par des récits, en gros,
00:06:04représentant ce milieu pauvre dont il était originaire.
00:06:08Et puis, en 1935, coup d'éclat avec un grand livre,
00:06:12un grand roman qui est unanimement reconnu à ce moment-là
00:06:16comme un grand roman, c'est Le Sang Noir,
00:06:18qui rate de peu le prix Goncourt,
00:06:20qui lui vaut les éloges d'Aragon, de Gide, de Malraux,
00:06:24des plus grands écrivains de l'époque.
00:06:26C'est un livre qui est un peu comme un livre,
00:06:29avec une sorte de déposition très factuelle de ce qu'il a vu.
00:06:34On est très loin de l'esthétique très romanesque du Sang Noir.
00:06:38Le livre n'est pas présenté comme un roman,
00:06:40il n'y a écrit roman nulle part, on est dans le récit-témoignage.
00:06:44On est très loin de l'esthétique très romanesque du Sang Noir.
00:06:49Le livre n'est pas présenté comme un roman,
00:06:51il n'y a écrit roman nulle part, on est dans le récit-témoignage.
00:07:14Un autre se tenait tout près, une tondeuse à la main.
00:07:17L'une des jambes de la jeune fille tremblait si fort
00:07:21qu'on aurait dit qu'elle pédalait.
00:07:23Autour d'elle, les gens rient et plaisantent.
00:07:27T'en fais pas, elle sera au bordel avant deux mois d'ici.
00:07:32Tremble donc pas comme ça.
00:07:34Tu tremblais pas comme ça quand tu faisais l'amour avec les Boches.
00:07:38Elle se laisse faire.
00:07:40Elle penche la tête à droite, à gauche,
00:07:43obéissant docilement à la main qui la pousse.
00:07:46Les mèches brunes s'éparpillent autour de la chaise.
00:07:49Son genou tremble toujours autant.
00:08:04Kokejo est pris dans la grande histoire.
00:08:07Puis dans l'histoire à la fois de Louis Guillou lui-même,
00:08:10à savoir qu'il a 45 ans,
00:08:13sa santé a été en partie altérée quand même par la guerre.
00:08:18On le voit sur les photographies, il est très famélique.
00:08:21Il y a quelque chose de mélancolique, ça a été des années très dures.
00:08:25Sur ce fond à la fois subjectif, individuel et historique,
00:08:29l'histoire se situe.
00:08:31Il y a cette chose très particulière
00:08:34que Guillou parle l'anglais, parle même très bien anglais,
00:08:38au point qu'il a traduit des auteurs américains.
00:08:41C'est quelqu'un qui a arrêté avant le baccalauréat,
00:08:44qui n'a pas fait d'université,
00:08:46et qui a appris l'anglais lui-même pour ainsi dire seul.
00:08:49C'est lui qui se trouve devenir pendant un mois
00:08:52interprète pour l'armée américaine.
00:08:57La Jeep était en effet devant la porte, le chauffeur au volant.
00:09:01OK, Joe, a dit le lieutenant Stone.
00:09:12On aurait dit qu'il connaissait la route aussi bien qu'un homme du pays.
00:09:16Il savait où il allait.
00:09:18Les lieutenants aussi.
00:09:20Pas moi.
00:09:22Nous sommes arrivés dans un hameau.
00:09:25Il n'y avait pas d'eau.
00:09:28Nous sommes arrivés dans un hameau.
00:09:30Le lieutenant Stone a remis son dossier dans son porte-documents.
00:09:34Il s'est passé ici une très sale affaire, en a-t-il dit.
00:09:38Voulez-vous demander à cette femme ?
00:09:41Ask the witness.
00:09:43Demandez au témoin.
00:09:46C'était la nuit, Tom John ?
00:09:49Est-ce que c'était la nuit ?
00:09:51C'était au mois d'août, vers 23h50, il faisait nuit.
00:09:56Des Américains sont venus se perdre autour de nous.
00:09:59Il y a beaucoup de chemin.
00:10:01Ils sont venus sur le père de ce bonhomme-là.
00:10:04À cette heure-là, mon père descend du chauffeur à son bébé,
00:10:08avec la lumière et lui.
00:10:10Il a dû se dire que les femmes étaient là.
00:10:13Mon père s'est interposé entre sa fille et ce bonhomme-là.
00:10:17On défend 4 rives qu'il est mort.
00:10:20C'est un bonheur, vraiment.
00:10:23Il défend sa fille contre un viol, sa fille est née.
00:10:27Il s'est interposé, il a été abattu.
00:10:30C'est quelque chose, quand même.
00:10:33Il a dit à ses fils, Pierre et François,
00:10:36aller chercher de l'aide, car ici, moi, je vais te tuer.
00:10:40Puis il est rentré défendre sa fille.
00:10:43Il s'est rendu compte, il a dit, ici, moi, je vais te tuer.
00:10:47Oui, il savait.
00:10:49Il était armé, le bonhomme était armé.
00:10:52Et ça se voyait qu'il avait bu ou pas ?
00:10:55Oui, il avait bu. En septembre, il avait bu.
00:10:58Pas mon père.
00:11:02Je me rappelle de cette nuit-là.
00:11:05C'est à cause des femmes qui sont venues se perdre
00:11:08autour de notre exploitation, qui ont galopé les Américains.
00:11:12Ils ont donné plein de choses aux femmes.
00:11:15Ils avaient beaucoup de choses, de nourriture et tout ça.
00:11:20Quand les femmes ont eu assez de choses, elles sont parties.
00:11:24Donc, ils croyaient qu'elles auraient profité d'autre chose.
00:11:41Louis Guillaume est brusquement plongé au coeur de drames
00:11:45dont les scénarios se ressemblent souvent.
00:11:49Les soldats ivrent, violent ou tentent de violer de jeunes Françaises.
00:11:53Parfois, un proche s'interpose et se fait tuer.
00:12:01Le débarquement en Normandie s'est accompagné, à l'été 1944,
00:12:05d'une vague de viols évaluées à plusieurs milliers.
00:12:11Les premières semaines, l'armée américaine laisse faire.
00:12:15Mais les autorités françaises, elles se décident à sévir.
00:12:19Marie-Louise Roberts a étudié ces violences sexuelles.
00:12:23Elle a décrypté des dizaines de dossiers de la justice militaire.
00:12:27Comment les soldats américains voyaient les femmes françaises ?
00:12:46Les soldats américains
00:12:49ne comprenaient pas vraiment pourquoi ils se battaient en France.
00:12:54Ils comprenaient en quelque sorte que les femmes françaises
00:12:58n'étaient pas des hommes.
00:13:00C'est-à-dire qu'elles n'étaient pas des femmes.
00:13:03C'est-à-dire qu'elles n'étaient pas des femmes.
00:13:06C'est-à-dire qu'elles n'étaient pas des femmes.
00:13:09C'est-à-dire qu'elles n'étaient pas des femmes.
00:13:12Ils comprenaient en quelque sorte le théâtre pacifique
00:13:15parce que les Américains avaient été attaqués.
00:13:18Mais en France,
00:13:20même si les Français étaient leurs alliés les plus anciens,
00:13:24ils se battaient pour trouver une raison
00:13:27pour combattre et libérer les Français.
00:13:30Donc, l'armée américaine, par le journal
00:13:34qui s'appelle « Stars and Stripes »,
00:13:36qui est le journal G.I.,
00:13:39a créé et a recréé
00:13:41ce stéréotype.
00:13:43Le titre serait « C'est ce que nous nous battons pour. »
00:13:47Ils montraient des cartons et des images
00:13:50de femmes qui embrassent G.I. et qui embrassent G.I.
00:13:54Donc, cela a donné aux soldats à l'arrivée
00:13:58l'idée que si ils libéraient les Français,
00:14:01ils seraient pas seulement bien accueillis,
00:14:04mais accueillis dans les chaises des femmes françaises.
00:14:11...
00:14:36C'est l'âge que vous aviez à la libération ?
00:14:40Oui, oui.
00:14:42Oui, parce que...
00:14:44Mais voilà.
00:14:46J'étais intrépide aussi, moi.
00:14:49Vous avez l'air décidé, là.
00:14:51Oh, oui.
00:14:52...
00:14:57Qu'est-ce que vous voulez ? C'était des hommes.
00:15:00Et puis, ils arrivaient du front.
00:15:03Moi, je sais qu'on allait sur la route
00:15:07parce qu'on avait 15 km à faire
00:15:10pour aller chercher nos cartes d'alimentation et tout ça.
00:15:14...
00:15:17Ils s'arrêtaient. Ils nous prenaient.
00:15:20Alors, il y a un jour, ils ont fait une chose.
00:15:23Ils m'ont assis...
00:15:25Ils m'ont proposé de m'asseoir auprès du chauffeur.
00:15:29Alors, j'étais auprès du chauffeur et un autre auprès de moi.
00:15:33Et puis, celui qui est devenu mon mari,
00:15:36Alors, ils avaient...
00:15:38Ils avaient un livre où c'était français et puis...
00:15:42Vous savez. Alors...
00:15:44Je ne vous dis pas ce qu'ils me disaient.
00:15:47Mais ils ont été tous...
00:15:49Tout à fait.
00:15:51...
00:16:01Est-ce qu'il y avait du trafic avec les Américains ?
00:16:05Les Américains avaient créé un dépôt d'essence très important.
00:16:09L'essence, c'était la manne céleste
00:16:12avec de l'essence où vous pouviez faire n'importe quoi.
00:16:15Surtout, c'était l'époque des batages.
00:16:18Les paysans étaient très avides de trouver de l'essence.
00:16:22Monnayers contre du Calvados.
00:16:24On allait directement au dépôt
00:16:27où le trafic se faisait
00:16:29mais dans une ambiance très joyeuse.
00:16:33On entendait des cris, des rires, etc.
00:16:36Il y avait quelques femmes, quelques fois,
00:16:40des villages ou des villes voisines
00:16:43qui venaient également chercher de l'essence
00:16:46pour leur mari en particulier.
00:16:48...
00:16:57...
00:17:22C'est ici
00:17:24que le drame a eu lieu.
00:17:2721 août 1944.
00:17:30Donc, dans cette maison derrière.
00:17:38Ask her.
00:17:40Demandez-lui.
00:17:42Oui, la jeune fille était allée au camp.
00:17:45Demandez-lui pour quoi faire.
00:17:47Pour voir, comme tout le monde, a répondu la mère.
00:17:50On disait qu'ils étaient si gentils.
00:17:53Il vous a suivi, a demandé le lieu d'Anstone.
00:17:57La jeune fille ne le savait pas.
00:17:59Elle ne s'était pas rendue compte.
00:18:01Il allait faire nuit.
00:18:03On s'apprêtait à aller se coucher
00:18:05quand on a entendu marcher dans la cour.
00:18:07Le soldat avait appelé Mademoiselle.
00:18:09Aussitôt, la mère avait fermé les volets
00:18:12tandis que le père verrouillait la porte.
00:18:15Le père a crié au soldat de s'en aller.
00:18:18Il n'y a pas ici de Mademoiselle pour vous.
00:18:21Le lieutenant Stone a voulu savoir
00:18:24si le père n'avait pas injurié le soldat,
00:18:27s'il ne l'avait pas traité de sale nègre.
00:18:30Non.
00:18:32On lui a dit de s'en aller.
00:18:34Tout ce qu'elle pouvait dire, c'est que le soldat devenu furieux
00:18:37s'était mis à cogner dans la porte à grands coups de pied.
00:18:40La peur les avait pris.
00:18:42Ils se sont dit que la porte allait céder.
00:18:45Le père et la mère, s'accotant contre la porte,
00:18:48sont restés là longtemps, à pousser.
00:18:51Combien de temps ? Je ne sais pas.
00:18:55Ils cognaient très fort, la porte tremblait.
00:18:58On poussait toujours. Il s'est arrêté.
00:19:02On a entendu marcher et on a cru qu'il s'en allait.
00:19:05C'est là qu'il a tiré dans la porte.
00:19:08Le père s'est écroulé, la moitié du crâne enlevé.
00:19:11La mère n'avait pas compris tout de suite.
00:19:14Ce n'est que plus tard qu'elle s'est rendue compte
00:19:17qu'elle était couverte du sang et de la cervelle de son mari
00:19:20et qu'elle avait la joue à moitié enlevée.
00:19:24Arrêtons-nous là, a dit le lieutenant Stone.
00:19:28C'est horrible, tout à fait horrible.
00:19:35Il y avait 2 ou 3 lits.
00:19:37Le lit parental était sur la gauche.
00:19:40Au fond, à cette époque de 1944,
00:19:43devait dormir ma mère.
00:19:45Il y avait des armoires.
00:19:47A priori, il y avait aussi un autre lit
00:19:50qui servait aux garçons de ferme,
00:19:53enfin, aux grands-parents, pour le travail à la ferme.
00:19:59Je pense que dans la campagne plus modenaise,
00:20:03il n'y avait pas.
00:20:05Les gens de couleur noire, on n'en voyait jamais.
00:20:08Donc, de ce que je crois savoir a posteriori,
00:20:11c'est que mon grand-père, qui avait fait la Première Guerre mondiale,
00:20:15avait une...
00:20:17Comment dirais-je ?
00:20:20Une vision concernant les Noirs qui n'était pas top.
00:20:25Après, dans le détail, je ne saurais pas dire pourquoi.
00:20:29Et donc, ici, quand il était là,
00:20:32ma mère me disait qu'il avait peur.
00:20:35Il avait peur.
00:20:41A 500 m de la ferme de la famille Bignon,
00:20:44le camp d'un bataillon chargé du ravitaillement
00:20:47a pris ses quartiers.
00:20:50Comme toutes les compagnies qui s'occupent de logistique,
00:20:54elle est composée essentiellement de soldats afro-américains
00:20:58qui ne participent que très rarement au combat.
00:21:02Avoir le droit de verser son sang impliquerait l'accès
00:21:06à une citoyenneté entière qu'on leur refuse toujours aux Etats-Unis.
00:21:11Sous la pression du lobby sudiste,
00:21:14une ségrégation stricte règne dans l'US Army.
00:21:19Comme s'il y avait deux armées en une.
00:21:22Les soldats Noirs ont leur propre barraquement,
00:21:25leur propre cantine,
00:21:27et sont toujours commandés par des officiers blancs.
00:21:34Ces jeunes soldats afro-américains de 1944
00:21:37sont aujourd'hui quasi tous décédés.
00:21:40Pour évoquer cette ségrégation,
00:21:43j'ai retrouvé une interview de l'un d'entre eux, filmée en 2003.
00:21:48L'armée afro-américaine
00:21:53était commandée par des gens blancs.
00:21:56Généralement, des gens du sud,
00:21:59qui avaient été racistes toute leur vie
00:22:02et qui détestaient les Africains.
00:22:07Même des soldats non-commissionnés, comme des sergents,
00:22:12et bien sûr les capitaux, les majors et les lieutenants.
00:22:17Généralement des soldats du sud.
00:22:20Nous étions comme des esclaves sur une plantation.
00:22:24C'est ce que nous avions l'air.
00:22:27Notre père nous a dit qu'on appartenait à Dieu,
00:22:31qu'on appartenait à personne.
00:22:33Et qu'on craignait seulement Dieu et personne.
00:22:37C'est comme ça que nous avons grandi.
00:22:40De venir en armée pour se battre contre une société
00:22:45et être ségrégés dans l'acte de la société.
00:22:48C'était inoubliable.
00:22:51C'était insupportable.
00:22:53C'était terrible.
00:22:57C'est vraiment ce qui a rendu
00:23:00la rencontre avec les agriculteurs français
00:23:03si précieuse pour moi.
00:23:05Parce que c'était tellement humain.
00:23:08Tout était si chaud.
00:23:10Sa femme pleurait, il pleurait.
00:23:14J'ai pleuré.
00:23:16Il a caché le calvados qu'il avait caché
00:23:19pour que ce qu'il appelait les bouches
00:23:22ne soit pas là.
00:23:24C'était un moment merveilleux
00:23:27que je n'ai jamais oublié.
00:23:29Je pense que c'est la source
00:23:32de mon amour pour la France jusqu'à aujourd'hui.
00:23:34...
00:23:42Septembre 1944.
00:23:45Guillaume porte désormais
00:23:47l'uniforme de l'armée américaine.
00:23:49Il s'installe pour quelques semaines à Morlaix
00:23:52où il partage le quotidien de l'état-major
00:23:55dans le lycée de garçons réquisitionné par l'armée.
00:23:58La salle des fêtes est transformée en cour martiale
00:24:01pour une série de procès.
00:24:04Le premier est celui du meurtrier
00:24:06du grand-père de Pierrick Beyrou.
00:24:08...
00:24:13La femme et la fille de la victime
00:24:15ont été convoquées comme témoins.
00:24:18Lors de la confrontation,
00:24:20elles ont été incapables de reconnaître l'accusé.
00:24:23C'était un noir et il faisait nuit noire.
00:24:26...
00:24:29Pierrick, t'étais déjà revenu ici ?
00:24:31Non, jamais. Jamais, non.
00:24:34Ça me fait vraiment plaisir d'être là.
00:24:36Non, jamais.
00:24:38J'avais entendu parler de Morlaix,
00:24:40de la cour martiale.
00:24:42J'imagine que dans leur tête,
00:24:44elles étaient un peu perdues.
00:24:46Parce que de se retrouver, d'abord,
00:24:48quitter Plumaudan pour venir à Morlaix,
00:24:50c'est du jamais-vu.
00:24:52C'est un grand voyage.
00:24:54Aller à l'hôtel, vraisemblablement,
00:24:56jamais ça n'était arrivé.
00:24:58Être devant des gens qui parlent pas forcément français,
00:25:01et donc une cour martiale,
00:25:03je pense que jamais ils auraient pensé
00:25:05se retrouver dans cette situation-là.
00:25:07Et le lien, c'était Louis Guignot.
00:25:09C'est ça, parce qu'en fait,
00:25:11ils ne représentaient pas la famille Bignon,
00:25:13mais c'était le seul lien qu'ils avaient
00:25:15avec ce procès.
00:25:17...
00:25:21La cour martiale était installée
00:25:23dans la salle des fêtes.
00:25:25Un peu avant 9h, tout le monde était en place,
00:25:27y compris l'accusé.
00:25:29Un chat.
00:25:31Un tout jeune chat.
00:25:32Pas 20 ans.
00:25:34Un jeune chat, gracieux, surpris, inquiet,
00:25:36avec ses grands yeux luisants.
00:25:38Un chat triste debout entre deux colosses
00:25:40de la military police armée de carabines.
00:25:42Tout seul.
00:25:44Un chat qui ne songeait même plus à bandir.
00:25:52L'accusé s'appelle James Hendrix.
00:25:55Soldat de 2e classe,
00:25:57il est inculpé de meurtre avec préméditation,
00:26:00et tentative de viol.
00:26:03Seul noir dans une assemblée de blancs,
00:26:06il garde le silence pendant tout son procès.
00:26:11La cour est composée d'une dizaine d'officiers.
00:26:14Leurs connaissances de la justice pénale sont limitées.
00:26:17Le jeune avocat d'Hendrix
00:26:19a seulement fait quelques études en droit des affaires.
00:26:24La plaidoirie du lieutenant Bradford a été brève.
00:26:27Il n'a pas cherché à nier l'horreur du fait,
00:26:30ni à lui inventer des circonstances atténuantes.
00:26:32Il appelait des coupables
00:26:34et a fait savoir à la cour
00:26:36que le meurtrier regrettait profondément son acte.
00:26:38Si horrible qu'elle fût,
00:26:40la chose affreuse dont il avait à répondre
00:26:42n'était qu'un accident.
00:26:44Il n'était pas un assassin.
00:26:46Il n'avait rien prémédité.
00:26:48Il méritait certes un châtiment,
00:26:50mais que ce châtiment fût la prison
00:26:52pour aussi longtemps qu'on le voudrait.
00:26:54Qu'on lui épargnait la corde.
00:26:56Qu'on lui laissa avec la vie
00:26:59une chance de se racheter.
00:27:06Il se retrouve impliqué dans une procédure judiciaire.
00:27:09Et ça, pour lui,
00:27:11ça devait être quelque chose d'extrêmement compliqué.
00:27:14Même s'il écrit quelque part...
00:27:17Il y a une formule qui est pas mal où il dit...
00:27:20Il n'est pas toujours facile de se sentir du bon côté.
00:27:23Ça lui répugne, l'idée
00:27:25qu'un homme puisse se croire au-dessus d'un autre
00:27:28au point de le juger.
00:27:29Ça le met très mal à l'aise.
00:27:31Comment un être humain peut-il juger un autre être humain ?
00:27:37Ça lui paraît impossible, en fait.
00:27:39Il a un grand art de l'auto-culpabilité aussi.
00:27:42Il s'interroge beaucoup.
00:27:44C'est une grande qualité, je trouve.
00:27:46Être capable de s'interroger, de se mettre en cause.
00:27:49De se dire que la culpabilité est chez les autres,
00:27:52mais... Et moi ?
00:27:54C'est pas quelqu'un qui est blindé.
00:27:57Il a sa fragilité, puis il a pas...
00:27:59Il la dissimule pas tout le temps,
00:28:01mais il est en malaise avec ça, oui.
00:28:03Il s'est laissé embarquer, quoi. Il s'est fait embarquer.
00:28:09Après un jour et demi de procès
00:28:11et 15 minutes de délibéré,
00:28:13James Hendrix est condamné à être pendu.
00:28:22Le soir même,
00:28:23la mère et la grand-mère de Pierrick Perroux
00:28:27sont reconduites chez elle.
00:28:29L'armée leur remet quelques centaines de francs
00:28:32comme indemnité de témoin.
00:28:34Plus quelques conserves,
00:28:36cartouches de cigarettes et paquets de café.
00:28:44Ma mère était traumatisée.
00:28:46Pendant pas mal d'années,
00:28:48elle a eu des soucis de santé.
00:28:50Elle me disait qu'elle avait la peau qui se décollait
00:28:55tellement son corps subissait le traumatisme.
00:28:59Et elle disait, dans son jargon à elle,
00:29:02mon sang a tourné.
00:29:07C'était comment, le prénom de ton grand-père ?
00:29:10Victor.
00:29:14Victor, mignon.
00:29:17Elle est belle, cette photo.
00:29:19Elle est très belle. C'est émouvant.
00:29:23Papa aussi n'est pas vilain ?
00:29:25Non.
00:29:26Pas vilain du tout ?
00:29:28Non.
00:29:29Il ressemble à Jonathan.
00:29:33Ça, ça devait être compliqué à l'époque.
00:29:36Oui, surtout que mon père travaillait énormément.
00:29:39Quand c'est les fils qui ont été obligés de prendre la suite,
00:29:41ça a été la catastrophe.
00:29:43Ils étaient jeunes aussi.
00:29:45Non, pas si jeunes que ça.
00:29:47Maman avait 17 ans, c'était l'aîné.
00:29:49Maman avait 16 ans.
00:29:51Tonton Pierre devait avoir 15 ans, 16 ans.
00:29:55Et pour amener des chevaux derrière le Brabant,
00:29:58c'était pas...
00:29:59Quelle âge avait-elle ?
00:30:0017 ans.
00:30:01Moi, j'étais d'accord à ce qu'on le pende.
00:30:03Il ne méritait que ça.
00:30:05Oui, il ne méritait que ça.
00:30:07Les avis sont partagés.
00:30:09Oui, c'est vrai.
00:30:10Tante Jeanne ne dit pas ça.
00:30:12Tante Jeanne dit...
00:30:13Marine Pintré disait aussi que ça ne ferait pas revenir...
00:30:16Non.
00:30:17Elle était père de famille aussi.
00:30:19C'est vrai ?
00:30:20Tu es encore un père de famille ?
00:30:22Encore des enfants sans père ou quoi ?
00:30:31De nouveaux jours se sont passés.
00:30:33La cour martiale a siégé presque chaque matin
00:30:36et à chaque fois, l'accusé était un Noir
00:30:38et l'accusation toujours la même.
00:30:41Il est arrivé que l'on jugeait à plusieurs accusés ensemble
00:30:44et ils étaient tous des Noirs.
00:30:47Un matin, il y en a eu quatre.
00:30:50Ils n'ont pas dit un mot.
00:30:53Et pourquoi rien que des Noirs ?
00:30:56Ce n'est pas un tribunal pour les Noirs.
00:31:03Durant l'été 1944,
00:31:06la police militaire traduit en justice
00:31:08152 soldats américains pour viol,
00:31:11parfois accompagnés de meurtres.
00:31:15Sur les 152,
00:31:18139 sont afro-américains,
00:31:21alors qu'ils constituent moins de 10 % du contingent.
00:31:47Pourquoi toujours des Noirs, Bob ?
00:31:50J'ai fini par le lui demander.
00:31:53Ah, c'est un sacré problème.
00:31:56Je sais pas pourquoi,
00:31:58mais j'ai l'impression qu'il n'y a pas d'accusé.
00:32:01Il n'y a pas d'accusé,
00:32:03il n'y a pas d'accusé,
00:32:05il n'y a pas d'accusé,
00:32:07il n'y a pas d'accusé,
00:32:09il n'y a pas d'accusé,
00:32:11il n'y a pas d'accusé,
00:32:13il n'y a pas d'accusé,
00:32:15il n'y a pas d'accusé,
00:32:17il n'y a pas d'accusé,
00:32:19il n'y a pas d'accusé,
00:32:21il n'y a pas d'accusé.
00:32:23Je sais, Bob, il paraît qu'il faut être américain pour le comprendre.
00:32:28Il s'est presque indigné.
00:32:30Ce n'est tout de même pas de notre faute
00:32:33s'ils ne peuvent pas voir une fille sans chercher à la violer.
00:32:46Le fait que les hommes noirs puissent être présents dans la communauté blanche est quelque chose qui
00:33:16inquiète beaucoup les racistes du sud et en particulier le fait qu'ils leur prennent leur
00:33:20femme et donc il va y avoir vraiment des lois qui vont interdire les mariages interratiaux enfin
00:33:27c'est quelque chose qui revient très loin même après la seconde guerre mondiale dans les états
00:33:32du sud donc le mariage entre un homme noir et une femme blanche est interdit et le fait qu'il
00:33:39ait pu avoir des liaisons ou des amourettes entre soldats noirs et femmes blanches européennes c'est
00:33:46quelque chose qui n'est pas concevable pour pour l'armée américaine de l'époque et donc le
00:33:51soupçon de viol va très très vite partir.
00:34:16Les soldats noirs sont systématiquement jugés et toujours sévèrement condamnés. Il n'en va pas
00:34:39de même des soldats blancs comme le remarque Guillou dans son récit. Tout dépend du bon
00:34:47vouloir des officiers qui décident des poursuites à engager. Certaines affaires ne sont jamais
00:34:53entrées dans les statistiques de l'armée américaine comme ce meurtre commis par deux
00:34:59G.I.s blancs près de Fougères. On y retrouve toujours le même scénario, deux soldats ivres
00:35:08poursuivent une demoiselle et commencent à l'agresser. Elle appelle son frère à la rescousse,
00:35:13l'un des soldats tire, le frère est tué d'une balle dans le ventre.
00:35:17La journée avait pourtant commencé dans la bonne humeur. Le 16 août 1944, sachant que les américains
00:35:30étaient dans le secteur de la ferme de l'épine, ils sont venus depuis l'après-midi. Mon grand-père
00:35:39qui avait fait la guerre de 1914-1918, il a dit à sa soeur et à sa fille de donner à boire à ces
00:35:46gars-là. À l'époque, c'était le cidre. Peut-être qu'il y avait un peu d'autre vie aussi. Ils ont
00:35:57bu un coup ensemble et puis les américains sont partis. Mon grand-père et mon père sont allés
00:36:03faire des travaux dans les champs. Ma tante et ma grand-tante sont restés à la maison. En soirée,
00:36:09les américains sont revenus, mais ils avaient un petit coup, on va dire.
00:36:14Après, ils auraient voulu mettre ça sur le dos de la famille. Toujours est-il qu'ils ont
00:36:31dû fouiller à la maison. Mon grand-père avait une carabine. Elle était cachée dans le grenier.
00:36:36Mon père a toujours eu peur qu'ils la trouvent. En fait, ils ne l'ont pas trouvé. Les jours
00:36:43d'après, mon père, ma tante et ma grand-tante ont été emmenés à Rennes en jeep. Dans une grande
00:36:55salle, il y avait des soldats. Des chefs leur ont demandé s'ils pouvaient reconnaître les soldats
00:37:03qui avaient fait ça, mais ils ne les ont pas reconnus. – Vous savez s'il y a eu un procès,
00:37:09après ? – Je ne le crois pas. Étant donné qu'ils n'avaient pas reconnu l'auteur,
00:37:13en fait, c'est entre guillemets, à ma connaissance, non.
00:37:16Ici, on ne jugeait que des Noirs, et on en jugerait encore un demain matin. Et sans doute,
00:37:29ils seraient condamnés à la corde. Au fait, où les pendait-on ? Et qui était le bourreau ?
00:37:39Cela se passait sans doute au petit matin comme partout dans le monde, là où l'on pend,
00:37:43où l'on fusille, où l'on coupe les têtes. – Guillou quitte l'armée américaine avant
00:37:49que les exécutions des soldats condamnés n'aient eu lieu. Il imagine des pendaisons
00:37:56discrètes et matinales. La réalité est plus cruelle.
00:37:59– Est-ce que vous vous souvenez du moment où vous avez appris qu'il y allait y avoir
00:38:13cette exécution ? – La source d'information,
00:38:14c'était le crieur public qui, après la messe du dimanche, montait sur le mur du cimetière.
00:38:22La foule ayant assisté à la messe était présente et écoutait les nouvelles transmises
00:38:29par le crieur public. Et c'est là qu'il nous a dit que l'exécution du soldat en question,
00:38:36l'agresseur de cette dame, aurait lieu en public, tel jour, vers telle heure.
00:38:43– On partait au bourg faire des courses. Et les fermiers nous ont dit,
00:38:50ils ont dit, vous savez, il y a une fille, un noir, il l'a emmenée dans le carrot de choux,
00:38:57puis d'un meuf, voilà, et il dit, il paraît qu'il va être pendu.
00:39:01Ah ben moi je dis, je veux voir ça, mais papy, moi je veux pas voir ça,
00:39:06qu'il dit. Et moi je suis restée. – L'assistance était assez clairsemée,
00:39:12je dois dire. Il y avait des jeunes, nous, puis quelques gens du coin,
00:39:17mais qui se sentaient un peu gênés d'assister à ce spectacle quand même,
00:39:23mais que l'on trouvait quand même un peu normal, après tout ce qui s'était passé.
00:39:26Le soldat américain supplicié arrivait, encadré par les militaires et police, bien sûr,
00:39:33habillé apparemment de neuf, avec un manteau,
00:39:39et il passait quand même pas loin du cercueil qui allait être le sien.
00:39:44On avait trouvé ça un peu dur quand même. Alors là, on est montés sur la basserelle.
00:40:00On a mis la corde autour du cou, la trappe s'est ouverte et elle a disparu,
00:40:06alors qu'on ne s'y attendait pas du tout.
00:40:08Mais enfin c'était sans doute volontairement fait.
00:40:12On a attendu quelques instants que la corde ne bougeait plus,
00:40:16puis je me souviens, au bout de quelques instants, je ne peux pas évaluer si c'était quelques minutes,
00:40:21peut-être deux, trois minutes, il y a eu comme un frétillement sur la corde.
00:40:27Est-ce que c'était les derniers spasmes du supplicié ? Je ne sais pas.
00:40:32En tout cas, presque aussitôt à ce moment-là, les militaires et police ont vu s'agiter,
00:40:36tout d'un coup ça a été un spectacle presque burlesque,
00:40:41alors que c'était le calme absolu jusqu'alors, tout d'un coup, tout le monde s'est mis à courir,
00:40:45on entendait quelques coups de marteau, il y avait une voiture qui a pris le cercueil,
00:40:51en cinq minutes, tout le monde avait disparu.
00:40:56La justice de l'armée américaine en campagne avait fait son oeuvre, c'était fini.
00:41:07Quel souvenir vous avez de ce spectacle-là ?
00:41:09Oh, je ne sais pas, je vais vous dire que ça m'a touchée, non, non, il faut être franche.
00:41:24Je me suis dit, bon, il a fait ça, il a fait ça, après tout, c'était les lois de la guerre là.
00:41:31Il y en a eu un deuxième aussi, pas très loin, du même endroit, mais on n'est pas restés là.
00:41:41Écoutez, je vais vous dire sincèrement, les Américains, ils ne faisaient pas de détails.
00:41:52Pendant l'hiver 1944, plusieurs dizaines de pendaisons publiques de soldats noirs
00:41:58ont lieu dans des villages de l'ouest de la France.
00:42:01Généralement à proximité du lieu du crime.
00:42:04Ou au centre du bourg, comme ici à Montour.
00:42:08Ou là, à l'entrée du château de Plumaudan.
00:42:14La potence mobile se déplace de village en village.
00:42:18Et au pays de la guillotine, l'US army a dû faire venir un bourreau du Texas.
00:42:31Le Texas a tout sous contrôle, et la disproportionnation et les chiffres que j'ai essayé d'expliquer
00:42:39ont conduit les militaires américains à décider qu'ils allaient faire un problème négro.
00:42:46Ils ne vont pas faire un problème américain, ils vont le faire un problème négro.
00:42:52Et les africains qui ont fait le scapegoat pour ce genre de mauvais comportement,
00:42:57le « garçon américain », l'ont expulsé de ce pays.
00:43:21Le chant a toujours été...
00:43:22De l'avoir baptisé comme ça...
00:43:27Mais ça, ce sont les gens du quartier qui l'ont mis, qui ont été marqués par ça.
00:43:33C'est tout à fait ça.
00:43:35Et comment on peut le traduire ?
00:43:36« Parc » en inédit, c'est littéralement le chant de celui qui est noir.
00:43:41Mais le « inni » là, c'est un vocabulaire qui est fort.
00:43:46Mais je ne suis pas surpris que les gens à l'époque ont sorti ça.
00:43:52Pourquoi ? Parce qu'ils avaient quelque part une petite haine après les Noirs.
00:43:57Je pense que c'est ça.
00:43:59Ces gens qui vivaient en Bretagne ou en Normandie
00:44:02avaient très probablement jamais vu de personnes de couleur noire de leur vie.
00:44:08Et c'était un élément d'étrangeté totale.
00:44:12Mais c'est aussi...
00:44:14Les soumettre à ce type de spectacle, c'est quand même diaboliser le Noir.
00:44:19C'est faire naître un racisme qui n'était pas nécessairement en eux.
00:44:27Donc c'est vraiment assez diabolique comme mise en scène.
00:44:351945.
00:44:37Louis Guillou a quitté son uniforme de l'armée américaine.
00:44:41Il reprend ses habits d'écrivain,
00:44:43vit entre Saint-Brieuc et le Paris littéraire du quartier Saint-Germain.
00:44:50Peu à peu, l'Europe oublie la guerre.
00:44:52La culture américaine fait son entrée massive sur le vieux continent.
00:44:56Cinéma, musique, littérature,
00:44:59même les cinéastes amateurs français rejouent des clichés de la conquête de l'Ouest.
00:45:05La France rurale se reconstruit et se modernise.
00:45:09Elle a hâte de tourner la page.
00:45:16Les victimes des crimes de la libération préfèrent taire leurs souffrances
00:45:20pour éviter de paraître ingrates ou d'être montrées du doigt.
00:45:25Tout le côté psychologique n'était rien pris en compte.
00:45:28À ces époques-là, on n'en parlait pas.
00:45:30Mais nous, on voyait bien la vie de maman,
00:45:33la relation qu'elle avait avec nous,
00:45:35les choses, s'enfoncer dans le travail comme elle a fait,
00:45:39se tuer par le travail, ne vivre que ça.
00:45:42C'était évident qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas.
00:45:45Les soirs, à pleurer dans son lit,
00:45:49et sans rien dire à personne.
00:45:51Moi, si on pouvait au moins...
00:45:54dire que...
00:45:57dire que...
00:46:00On croit que...
00:46:02Une reconnaissance pour ma mère, je ne sais pas.
00:46:05Elle chantait beaucoup aussi.
00:46:07Elle chantait tout le temps, en entraillant les vaches.
00:46:11Moi, j'ai entendu dans les brûleries.
00:46:13Oui, on a entendu tous, mais elle chantait aussi.
00:46:17J'ai dû même chercher le prénom de mon grand-père maternel.
00:46:23Je ne sais pas si tu comprends.
00:46:27Je trouvais ça indécent.
00:46:30Oui.
00:46:32Irrespectueux de sa mémoire.
00:46:34Pour moi, c'est pareil.
00:46:36Putain, mais il s'appelle...
00:46:38Il y avait un décalage entre l'investissement...
00:46:40Il y avait une omerta là-dessus.
00:46:42La famille maternelle et la famille paternelle.
00:46:44Elle n'a que 47 ans.
00:46:46Mais quand on ne veut pas faire mal à quelqu'un,
00:46:50on ne sait pas comment aborder les sujets comme ça.
00:46:53Je pense que tout le monde aurait aimé en parler,
00:46:55mais on ne pouvait pas.
00:46:57Parce que c'était comme ça.
00:47:02Louis Guillou va mettre 30 ans pour écrire OK Joe.
00:47:05Il hésite à en faire un roman.
00:47:07Le narrateur s'appelle d'abord Francis,
00:47:09puis François,
00:47:11puis Bernard,
00:47:13et enfin Louis.
00:47:16Guillou assume son malaise et sa culpabilité dans cette histoire.
00:47:20Sa responsabilité de petit maillon d'une justice expéditive.
00:47:26Son récit n'est pas un pamphlet anti-américain.
00:47:29Pour lui, la nature humaine est trop complexe
00:47:32pour distribuer des rôles simplistes de héros ou de salauds.
00:47:38Le livre sort en 1976,
00:47:40quatre ans avant sa mort.
00:47:42Mais pas si inaperçu.
00:47:44La France giscardienne
00:47:46n'est pas prête à égratigner l'image du libérateur.
00:47:51À vous écrivez cinq premières.
00:47:57Au fond, vous êtes un marginal.
00:47:59Vous êtes un marginal de la littérature,
00:48:01vous êtes un marginal de la politique.
00:48:03Vous êtes toujours marginal.
00:48:05Franc-tireur.
00:48:07Il y a tout de même ce mot tiré dedans.
00:48:09Vous serez toujours un franc-tireur,
00:48:11un marginal.
00:48:13Si j'étais plus violent,
00:48:15je serais volontiers un terroriste.
00:48:18Je réprouve le violent.
00:48:20C'est difficile d'être terroriste.
00:48:22Ça vous démange des fois.
00:48:24C'est un dernier, oui.
00:48:26Je me suis aperçu d'une chose bien simple.
00:48:30C'est qu'on vivait dans un monde
00:48:34dit chrétien.
00:48:39Où personne n'était le frère de l'autre.
00:48:41Dit républicain.
00:48:43Où les citoyens étaient égaux.
00:48:46Où tout n'était pas vrai.
00:48:50Où on était obligatoirement étrangers
00:48:54et considérés et tenus pour tels.
00:48:57En somme, un monde esclavagiste.
00:49:00Il est resté.
00:49:02Et c'est encore comme ça.
00:49:04Je n'ai pas pensé autrement de ma vie entière.
00:49:09Louis Guillaume est mort il y a plus de 40 ans.
00:49:12Aujourd'hui,
00:49:14le livre de Jo trouve de nouvelles résonances
00:49:16alors que nos sociétés s'interrogent
00:49:18sur les discriminations raciales
00:49:20et les violences sexuelles.
00:49:22En 2022,
00:49:24le livre a été réédité.
00:49:26Cette œuvre littéraire
00:49:28est désormais reconnue
00:49:30comme un témoignage précieux par les historiens.
00:49:34L'armée américaine, elle,
00:49:36peine toujours à bousculer
00:49:38le mythe du libérateur pur et sans tâche.
00:49:40Le service de communication
00:49:42du cimetière militaire de l'Oise
00:49:44a refusé que je filme
00:49:46les tombes des soldats pendus.
00:49:52Elles sont regroupées
00:49:54dans le carré des morts sans honneur,
00:49:56reléguées à l'écart des tombes des héros,
00:49:58derrière une entrée de service
00:50:00inaccessible au public.
00:50:04Ce genre de silence
00:50:06qui se perpétue sur des générations,
00:50:08ça hantage de doutes
00:50:10et ça, à mon sens,
00:50:12ça alimente
00:50:14des discours
00:50:16conspirationnistes ou complotistes
00:50:18sur l'armée américaine.
00:50:20À mon avis, il faut ouvrir le grand.
00:50:22Il faut regarder là où ça fait mal,
00:50:24regarder les mensonges,
00:50:26regarder les injustices
00:50:28pour pouvoir finalement
00:50:30être convaincu
00:50:32que l'institution dont on parle
00:50:34n'a pas peur de son passé.
00:50:38...
00:51:04J'aurais voulu qu'un jour
00:51:06on en parle officiellement.
00:51:08Qu'on dise
00:51:10les américains nous ont libérés
00:51:12mais on va
00:51:14se joindre à la peine
00:51:16des salins, des tournalets
00:51:18qui ont eux perdu leur grand-père.
00:51:20Tué par un de nos libérateurs.
00:51:22Je veux pas qu'il ait de médaille,
00:51:24il a pas besoin de médaille.
00:51:26Mais qu'on dise qu'ils n'ont pas fait que du bien.
00:51:28Mais que le mal
00:51:30qu'ils m'ont fait,
00:51:32c'est petit comme ça
00:51:34par rapport au bien qu'ils nous ont fait.
00:51:36Et c'est peut-être pour ça
00:51:38qu'on nous a fait taire.
00:51:40On nous a pas fait taire.
00:51:42On a créé
00:51:44un coffre
00:51:46autour de nous.
00:51:50Moi ma mère,
00:51:52elle m'en a parlé.
00:51:56Mais quand on a commencé à parler,
00:51:58elle m'a dit,
00:52:00ma mère m'a dit,
00:52:04t'as que ça à faire.
00:52:06T'as cerclé ton jardin ?
00:52:08J'ai dit non.
00:52:10Eh ben il est en taille.
00:52:12C'était clos.
00:52:16Je ne sais pas comment j'ai retrouvé ma chambre.
00:52:18Il y faisait aussi noir que dehors.
00:52:22Ni comment j'ai retrouvé mon lit.
00:52:24Je me suis endormi aussitôt,
00:52:26enveloppé dans mes trois couvertures.
00:52:30Oui, c'est vrai qu'un homme qui s'endort
00:52:32ferme les yeux sur bien des choses.
00:52:38Ok Joe, documentaire réalisé
00:52:40par Philippe Barron,
00:52:42ou comment, à l'automne 1944,
00:52:44l'écrivain Louis Guyou
00:52:46est devenu, vous venez de le voir,
00:52:48le témoin privilégié d'Histoire sombre
00:52:50de la Libération, celle
00:52:52de viols et de meurtres
00:52:54commis par des GIs sur des
00:52:56populations civiles françaises.
00:52:58De quoi s'interroger plus au-delà
00:53:00d'un sujet très longtemps
00:53:02passé sous silence, les violences
00:53:04sexuelles commises en temps de guerre.
00:53:06C'est ce que nous allons faire maintenant
00:53:08avec nos invités présents
00:53:10sur ce plateau de Débat Doc.
00:53:12Pour commencer, Julie Le Gag,
00:53:14bienvenue. Vous êtes
00:53:16historienne, maîtresse de conférences
00:53:18à l'Université de Paris-Nanterre.
00:53:20Votre dernier ouvrage,
00:53:22co-écrit avec Nicolas Patin,
00:53:24s'intitule Guerre mondiale,
00:53:26désastre et le deuil.
00:53:28C'est un ouvrage de publier
00:53:30chez Armand Colin. Véronique Naoum Grappe
00:53:32est également avec nous. Bienvenue.
00:53:34Vous êtes anthropologue
00:53:36et ethnologue spécialiste des crimes
00:53:38de guerre et des conflits
00:53:40de l'ex-Yougoslavie et de la
00:53:42Tchétchénie. On y reviendra
00:53:44avec vous, bien sûr, dans un instant,
00:53:46sur ces conflits relativement récents
00:53:48et où...
00:53:50un grand nombre de viols
00:53:52sur cette période.
00:53:54Jusqu'à l'Ukraine, hélas.
00:53:56Jusqu'à l'Ukraine, bien entendu.
00:53:58Julie Le Gat, on va revenir sur ce qu'on vient
00:54:00de voir, ce film que nous avons
00:54:02vu ensemble, car ici,
00:54:04c'est un épisode qui est,
00:54:06finalement, pas si connu que cela des Français.
00:54:08Depuis quand est-ce qu'on s'est
00:54:10intéressé aux viols
00:54:12et aux violences sexuelles commises
00:54:14par les soldats américains lors de la Libération ?
00:54:16C'est vrai que c'est un sujet
00:54:18assez peu connu.
00:54:20Même si on voit qu'il y a une mémoire
00:54:22locale qui est très ancrée,
00:54:24on voit l'émotion de ses descendants,
00:54:26de personnes qui ont été victimes
00:54:28de ces crimes pendant la guerre.
00:54:30On s'est intéressé,
00:54:32surtout,
00:54:34il y a un certain nombre d'études
00:54:36qui se sont publiées autour des années 1990-2000,
00:54:38où on revoit
00:54:40cette image des soldats américains
00:54:42qui étaient présentés uniquement
00:54:44comme des héros, comme des libérateurs,
00:54:46et où on écorne un peu le mythe.
00:54:48On voit que, certes, ce sont des libérateurs,
00:54:50mais qu'ils se sont comportés également
00:54:52comme des conquérants
00:54:54qui ont commis des crimes,
00:54:56commis des exactions,
00:54:58qu'il s'agisse de pillages,
00:55:00ou, voire, sous l'emprise de l'alcool,
00:55:02notamment, des violences
00:55:04sur l'ensemble de la population
00:55:06et, en particulier,
00:55:08sur les femmes avec des violences sexuelles.
00:55:10Le documentaire parle de 152
00:55:12procès de ce type
00:55:14du côté de
00:55:16l'armée américaine.
00:55:18En réalité, ce sont
00:55:20environ 17 000 viols
00:55:22et violences sexuelles
00:55:24qui ont été répertoriées par
00:55:26un historien qui s'appelle Fabrice Virgili,
00:55:28notamment. Alors, des violences
00:55:30sexuelles commises à la fois en Angleterre
00:55:32et notamment avant le débarquement,
00:55:34on l'a vu dans ce documentaire en France
00:55:36durant la libération,
00:55:38et au fur et à mesure se libéraient les territoires
00:55:40et jusqu'en Allemagne, bien entendu.
00:55:42C'est un chiffre, aujourd'hui,
00:55:44communément
00:55:46accepté, ce chiffre d'environ
00:55:4817 000 viols effectués par
00:55:50des GI de l'armée américaine.
00:55:52La question d'évaluation est très
00:55:54compliquée, très problématique,
00:55:56puisqu'on a plusieurs types de sources.
00:55:58On a, effectivement, les condamnations judiciaires
00:56:00qui sont la face émergée
00:56:02de l'iceberg,
00:56:04qui sont liées
00:56:06au...
00:56:08Un premier cas, c'est que les femmes
00:56:10n'osent pas, forcément, porter plainte
00:56:12du fait de la honte,
00:56:14n'ont pas envie que ce qui leur est arrivé
00:56:16soit connu de leur entourage.
00:56:18Ensuite, il faut que les plaintes soient
00:56:20recueillies, acceptées.
00:56:22Il faut ensuite qu'il y ait poursuite
00:56:24du crime et, éventuellement,
00:56:26condamnation,
00:56:28ce qui impose de trouver
00:56:30des preuves suffisantes pour condamner.
00:56:32On va revoir, si vous voulez bien,
00:56:34un extrait du documentaire,
00:56:36puis je viens vers vous tout de suite après,
00:56:38sur ces condamnations
00:56:40de ces soldats américains
00:56:42lors de la libération
00:56:44en Bretagne.
00:57:14...
00:57:36Avec, dans ce témoignage
00:57:38d'une historienne
00:57:40américaine,
00:57:42ce sous-sujet, finalement,
00:57:44qui était la ségrégation dont souffraient les soldats
00:57:46afro-américains,
00:57:48y compris sur ces questions,
00:57:50au sein de l'armée américaine.
00:57:52C'est vrai que ce qui frappe lorsqu'on voit ce documentaire,
00:57:54on a affaire à des libérateurs.
00:57:56Or, les violences sexuelles,
00:57:58les violents temps de guerre, sont souvent le fait
00:58:00des conquérants, par définition.
00:58:02Parce qu'il faut se mettre
00:58:04à l'échelle, en temps réel,
00:58:06d'une situation
00:58:08dans un village,
00:58:10dans une soirée, à un moment donné,
00:58:12où la vie politique internationale est un peu éloignée,
00:58:14parce qu'il y a une famille
00:58:16désarmée, qui a vécu la guerre,
00:58:18qui est épuisée, etc.,
00:58:20qui est désarmée avec les enfants, les vieux, etc.,
00:58:22et en face, des militaires armés
00:58:24et conquérants,
00:58:26qu'ils soient les libérateurs
00:58:28ou pas. Et dans cette situation
00:58:30d'inégalité
00:58:32d'emblée du rapport de force,
00:58:34c'est dans cette situation
00:58:36où la domination est impliquée
00:58:38dans la scène, même par les positions des gens,
00:58:40c'est-à-dire qu'un militaire armé sera toujours
00:58:42plus fort qu'une petite fille de 4 ans
00:58:44ou qu'une vieille de 80 ans,
00:58:46et donc, c'est là
00:58:48que la possibilité des viols,
00:58:50des exactions arrivent, parce qu'il y a ce moment
00:58:52d'impunité, de vertige, et constatons
00:58:54que même en temps de paix,
00:58:56c'est dans les situations de domination extrême,
00:58:58par exemple, dans des orphelinats,
00:59:00où vous avez des vieux prêtres
00:59:02qui ont le sacré, le pouvoir, etc.,
00:59:04et des petits-enfants orphelins, démunis, etc.,
00:59:06dans les familles où
00:59:08le chef de famille est un tyran,
00:59:10etc., qui domine les enfants, qui en plus
00:59:12aiment le tyran insistueux,
00:59:14et qui sont dans un état effrayant,
00:59:16et dans les périodes d'esclavagisme
00:59:18où la démographie de 3 continents
00:59:20a été changée à cause des viols
00:59:22pendant 3 siècles en situation d'esclavagisme,
00:59:24dans les immeubles du XIXe siècle
00:59:26où les petites jeunes filles
00:59:28de province qui ont quitté
00:59:30la Bretagne sont au 6e étage,
00:59:32et où tous les hommes bourgeois de la famille
00:59:34font leur prouesse sexuelle,
00:59:36et là, les font basculer dans le champ de la prostitution
00:59:38parce que la honte bascule du côté de la victime.
00:59:40Donc, soyons très clairs,
00:59:42le viol, qui est une torture,
00:59:44s'inscrit dans les situations
00:59:46de domination, même
00:59:48à se poser la question, est-ce que la domination
00:59:50qui, in fine, est toujours
00:59:52physique, de quelqu'un qui est plus fort
00:59:54que quelqu'un en face, qui est au-dessus,
00:59:56ne se termine pas dans le corps ?
00:59:58Est-ce que le viol n'est pas
01:00:00l'expression même
01:00:02de la domination sur un être humain ?
01:00:04On a souvent
01:00:08comparé les femmes victimes
01:00:10de ces violences sexuelles
01:00:12à des butins de guerre. En réalité,
01:00:14dans la mémoire
01:00:16collective, butins de guerre,
01:00:18on va même jusqu'à parler de repos du soldat
01:00:20lorsqu'il est question de violences
01:00:22sexuelles en temps de guerre.
01:00:24C'est un énorme cliché,
01:00:26c'est dans l'Odyssée,
01:00:28c'est dans les guerres.
01:00:30Donc cette idée que quand le soldat
01:00:32qui donc a été frustré sexuellement
01:00:34et cette idée que le soldat masculin,
01:00:36ivre de vin
01:00:38et de sang, est aussi ivre d'autre chose,
01:00:40c'est dans sa Lambeau de Flaubert,
01:00:42quand il va y avoir le succès, la victoire,
01:00:44là, il va piller, violer, etc.
01:00:46C'est un cliché.
01:00:48Ce qui veut dire que ça n'est pas éternel de tout temps,
01:00:50il y a toujours des viols de guerre ? Non.
01:00:52Il peut y avoir des situations où
01:00:54l'armée conquérante fait le tour
01:00:56de la ville conquise, prend les clés,
01:00:58change le nom,
01:01:00vole quelque chose et puis va ailleurs,
01:01:02on les laisse tranquilles, c'est pas obligé du tout,
01:01:04c'est pas du tout une mécanique.
01:01:06Ce sont des situations de domination
01:01:08et d'impunité. Mais dans ces situations,
01:01:10notre culture montre
01:01:12que la domination
01:01:14est dans une population civile
01:01:16frappée par la différence des sexes,
01:01:18puisqu'on est des mammifères. L'armée
01:01:20va traiter différemment la destruction du masculin
01:01:22et la destruction du féminin.
01:01:24C'est pas pareil. Le masculin,
01:01:26on fait couler son sang, on les gorge,
01:01:28on les tripe, on l'assassine tout de suite.
01:01:30Et c'était vrai à Srebrenica
01:01:32comme c'est vrai dans beaucoup
01:01:34d'endroits où il y a des guerres, même maintenant.
01:01:36Mais traditionnellement, même dans les cas
01:01:38de l'Odyssée, les femmes,
01:01:40on les emmène, on les épouse,
01:01:42on leur fait l'enfant de l'ennemi,
01:01:44elles disparaissent. Pour les femmes,
01:01:46comme il y a cette idée qu'elles portent les enfants
01:01:48des deux sexes, la femme, le meurtre
01:01:50de genre, c'est le viol.
01:01:52Avec le viol, on lui fait oublier,
01:01:54on tue le mari, le fils, le frère,
01:01:56tous les hommes de la famille
01:01:58sont niés et piétinés
01:02:00dans le viol de la femme, de l'ennemi,
01:02:02auquel on va faire l'enfant de l'ennemi.
01:02:04Et la femme, on lui fait autre chose.
01:02:06Mais c'est quand même un meurtre de genre,
01:02:08et c'est quand même, on peut dire que le viol,
01:02:10il y a beaucoup de viols d'hommes et d'enfants, hélas,
01:02:12mais le viol des femmes en temps de guerre,
01:02:14c'est un grand cliché culturel que le corps
01:02:16des femmes ennemies, pour le dominer,
01:02:18on le viole.
01:02:20Ce qu'on a constaté dans ce film
01:02:22n'est malheureusement pas propre
01:02:24aux djihaïs lors de la libération,
01:02:26aux russes lorsqu'ils
01:02:28ont avancé
01:02:30sur le territoire de l'Allemagne nazie,
01:02:32notamment aux allemands lorsqu'ils
01:02:34eux-mêmes avaient livré la guerre
01:02:36à l'Union soviétique.
01:02:38Elle touche aussi l'armée française
01:02:40et vous êtes particulièrement intéressé
01:02:42au corps expéditionnaire français
01:02:44qui a opéré en Italie
01:02:46entre, on va dire, 1943
01:02:48et 1944,
01:02:50avec,
01:02:52à l'issue de ses travaux, ces quelques chiffres
01:02:54vous suggérer que
01:02:563000 à 5000 viols ont été
01:02:58commis par ce corps expéditionnaire
01:03:00français durant cette campagne d'Italie.
01:03:02Sachant que ce corps expéditionnaire
01:03:04français avait lui aussi cette spécificité
01:03:06d'être principalement
01:03:08constitué de soldats
01:03:10issus du Maghreb, et notamment
01:03:12concernant ce corps expéditionnaire essentiellement
01:03:14de Marocains, à plus
01:03:16de 60% environ.
01:03:18Autrement dit, l'armée française,
01:03:20elle aussi, a proféré
01:03:22ce type de viols en temps de guerre
01:03:24et notamment durant
01:03:26cette seconde guerre mondiale.
01:03:28Oui, alors effectivement, le corps expéditionnaire français
01:03:30commet des viols,
01:03:323000 à 5000 toujours, je reviens, c'est compliqué d'évaluer,
01:03:34et surtout dans un temps très court,
01:03:36c'est essentiellement en mai-juin 1944,
01:03:38c'est-à-dire au terrain, il y a une
01:03:40guerre d'usure très longue
01:03:42où les soldats tiétines sont embourbés,
01:03:44s'impatientent.
01:03:46C'est une opération
01:03:48où les Français jouent un rôle
01:03:50très important, rompent
01:03:52les lignes de défense allemandes,
01:03:54avancent...
01:03:56C'est durant la fameuse bataille de Monte Cassino.
01:03:58Monte Cassino, oui.
01:04:00Elle était décisive en Italie.
01:04:02Les Français regagnent leur lettre de noblesse par leur rôle.
01:04:04Mais dans le même temps,
01:04:06la percée,
01:04:08l'avancée des troupes françaises s'accompagnent
01:04:10de viols, alors que
01:04:12les armées avancent très vite,
01:04:14que cette armée
01:04:16sous-encadrée... Il y a un problème
01:04:18qui rend plus compliqué
01:04:20le contrôle des hommes.
01:04:22Et dans les petits villages,
01:04:24dans les grottes
01:04:26où les femmes s'étaient réfugiées,
01:04:28de très nombreux viols
01:04:30sont commis. On voit un mode opératoire
01:04:32où on retrouve des viols
01:04:34qui ont été commis aussi en Normandie.
01:04:36Les soldats, prétexte
01:04:38d'aller chercher dans les maisons
01:04:40s'il y a des armes, s'il n'y aurait pas des fascistes
01:04:42cachés, sont,
01:04:44souvent trop bus,
01:04:46sont armés. Il y a effectivement
01:04:48cette violence, cette domination
01:04:50et aussi ces violences
01:04:52sont commises en groupe, c'est-à-dire
01:04:54qu'il y a des soldats qui gardent,
01:04:56d'autres qui menacent
01:04:58avec leurs armes, également les hommes de la famille
01:05:00où il y a cette humiliation
01:05:02d'être incapable de défendre
01:05:04ses propres femmes, ses propres filles,
01:05:06et certains commettent ces viols.
01:05:08207
01:05:10de ces soldats français seront jugés
01:05:12pour violences sexuelles, 39 de ces hommes
01:05:14seront acquittés, le plus souvent faute de preuves,
01:05:16et 28 soldats seront exécutés
01:05:18parce qu'ils ont été pris en flagrant délit.
01:05:20Et néanmoins, vous dites, le commandement français
01:05:22a clairement entretenu l'esprit de revanche
01:05:24des troupes à l'égard des Italiens qui avaient,
01:05:26entre guillemets, trahi la France.
01:05:28Le commandement français a fermé les yeux.
01:05:30Le commandement français, c'était pas n'importe qui,
01:05:32c'était le général Juin, qui devient un héros
01:05:34de la libération en France
01:05:36en 44, 45.
01:05:38En plus, on était liés à cette idée
01:05:40qu'il y aurait eu une carte blanche de 50 heures
01:05:42qui aurait été accordée aux troupes françaises
01:05:44qui auraient permis ces violences
01:05:46et de commises.
01:05:48Évidemment, on ne trouve pas de traces dans les archives
01:05:50d'une telle carte blanche,
01:05:52ça fait partie des choses qui ne sont pas consignées par écrit.
01:05:54Ce que l'on peut voir,
01:05:56je ne suis pas convaincue
01:05:58qu'il y ait une carte blanche au niveau
01:06:00de Juin,
01:06:02mais on peut voir dans
01:06:04les récits des officiers,
01:06:06des sous-officiers, des attitudes extrêmement diverses.
01:06:08Certains semblent outrés,
01:06:10on le voit,
01:06:12il y a des exécutions sommaires,
01:06:14et d'autres, en revanche,
01:06:16on peut voir qu'il y a une culture
01:06:18qui est propice à la commission
01:06:20de ces exactions, de ces violences sexuelles.
01:06:22C'est-à-dire que quand, dans une unité,
01:06:24vous avez des chansons qui valorisent
01:06:26l'idée que la femme qui va être conquise
01:06:30va avoir envie d'avoir des relations sexuelles
01:06:32avec les conquérants,
01:06:34évidemment, cela crée
01:06:36un contexte propice
01:06:38à de telles violences sexuelles.
01:06:40L'Etat français, tout de même,
01:06:42acceptera l'idée d'indemniser 1488 victimes
01:06:44de ces violences sexuelles,
01:06:46c'est très précis.
01:06:48Le comble, c'est que les Alliés
01:06:50laisseront le soin aux Italiens
01:06:52d'indemniser ces victimes,
01:06:54elles-mêmes italiennes.
01:06:56C'est le règlement de la Deuxième Guerre mondiale,
01:06:58ce n'est pas propre
01:07:00aux unités françaises.
01:07:02Oui, mais on laissera aux Italiens le soin
01:07:04d'indemniser leurs propres victimes.
01:07:06Il revient à chaque armée,
01:07:08de juger ses propres soldats.
01:07:10On ne veut évidemment pas que
01:07:12le vaincu, l'Italie,
01:07:14qui a un statut de co-belligère,
01:07:16puisse juger, c'est une question de souveraineté.
01:07:18En revanche,
01:07:20en vertu du règlement de la guerre,
01:07:22c'est l'Etat italien qui devra indemniser,
01:07:24qui, à partir du moment où il réalise
01:07:26qu'il devra indemniser, est un peu moins
01:07:28enclin à poursuivre ses recherches.
01:07:30Alors, ces méfaits commis par l'armée française,
01:07:32on évoque évidemment la campagne d'Italie
01:07:34avec Julie Le Gac,
01:07:36on pourrait évoquer
01:07:38la guerre d'Algérie,
01:07:40où Gisèle Halimi disait que
01:07:42neuf femmes sur dix
01:07:44qui ont été interrogées par
01:07:46les forces françaises à l'époque ont été violées.
01:07:48Mais, pour ne parler
01:07:50que de ces épisodes...
01:07:52Ce que je trouve, ce travail,
01:07:54il y a de remarquables, et bravo de l'avoir fait,
01:07:56parce qu'il montre quelque chose.
01:07:58Donc, 60% des soldats,
01:08:02j'allais dire coupables ou responsables,
01:08:04sont de culture marocaine.
01:08:06Donc, ça montre bien
01:08:08comment, finalement, il faut faire face à ça.
01:08:10Il faut faire face.
01:08:12Comment, finalement, il y a une double culture
01:08:14qui incite plus ou moins
01:08:16consciemment au viol. Il y a cette fameuse
01:08:18culture patriarcale
01:08:20qui fait même, quand elle te dit non,
01:08:22elle pense oui, que partagent les Français,
01:08:24que partagent les anarchistes, que partagent
01:08:26les athées, etc.,
01:08:28plus une culture, parfois, religieuse,
01:08:30qui peut être, d'ailleurs,
01:08:32évangélique, qu'on peut
01:08:34trouver partout, mais qu'on peut trouver
01:08:36à un point vraiment inscrit et naturalisé
01:08:38dans certaines autres cultures,
01:08:40et donc qui disent, la femme
01:08:42que tu as en face de toi est un demi-être
01:08:44humain, c'est pas un être humain à part entière,
01:08:46parce que quand il y a sous-évaluation
01:08:48et donc
01:08:50racisme envers le sexe féminin,
01:08:52j'aime pas le mot sexisme, mais quand, tout naturellement,
01:08:54c'est religieux, c'est Dieu qui l'a dit,
01:08:56c'est naturalisé à l'extrême.
01:08:58Donc, le soldat
01:09:00qui relève de cette culture, c'est pas qu'il est plus méchant
01:09:02qu'un autre, c'est que dans son système de croyance,
01:09:04bon, ben, il y a les hommes, alors, eux, on se bat
01:09:06à égalité, et les femmes,
01:09:08c'est moins que rien, et en plus,
01:09:10ceux que je vais commettre contre elles,
01:09:12c'est elles qui sont coupables, et c'est ça
01:09:14qu'il y a avec ce crime qui est très particulier
01:09:16et très lourd à porter, c'est qu'il
01:09:18renverse la culpabilité, c'est-à-dire la honte
01:09:20d'être salie, c'est les crimes de souillure,
01:09:22et la honte vis-à-vis des hommes
01:09:24de la famille, qui souvent vont
01:09:26rejeter dans les camps de réfugiés
01:09:28la jeune fille violée de 16 ans, le père qui devrait
01:09:30la protéger, ça lui fait honte,
01:09:32il la jette, le mari,
01:09:34il peut plus voir sa femme, alors qu'il n'est pas forcément
01:09:36religieux, ni rien du tout, l'effet de honte
01:09:38repose sur
01:09:40le féminin, et donc sur les femmes,
01:09:42et donc elles s'enfuient, et c'est elles qui portent ça.
01:09:44Donc, vous voyez le confort,
01:09:46je dirais, culturel et moral,
01:09:48le confort du violeur qui, effectivement,
01:09:50dans l'esprit de corps, les copains,
01:09:52on voit très bien ça dans le livre de Christophe Herbrony,
01:09:54là, c'est pas du tout pour des viols,
01:09:56mais c'est pour les assassinats, fin de la guerre,
01:09:58de ce groupe
01:10:00de policiers réservistes
01:10:02de Hambourg, qui vont finalement être impliqués
01:10:04dans des crimes effroyables,
01:10:06contre des milliers de Juifs,
01:10:08etc., que l'esprit de corps, je viens juste à ça,
01:10:10parce qu'on a parlé d'alcool, tous les soirs,
01:10:12manger ensemble,
01:10:14il dit, si vous voulez ne pas le faire, ne le faites pas,
01:10:16il y a ceux que ça dégoûte, mais manger ensemble,
01:10:18les copains, partager,
01:10:20celui qui le fait pas, c'est d'abord, c'est une lavette,
01:10:22ensuite, c'est un traître, à l'esprit de corps,
01:10:24et boire ensemble,
01:10:26tous les soirs, dans le génocide rwandais,
01:10:28il y avait les beuveries du soir,
01:10:30avec les choses qu'on a volées,
01:10:32aux gens qu'on a assassinés,
01:10:34et les repas, et on peut dire que finalement,
01:10:36l'alcoolisation collective, dans ces cas-là,
01:10:38c'est vraiment une lessiveuse morale.
01:10:40Ce qui fait que le lendemain, l'éthique
01:10:42du copain, c'est avec les copains,
01:10:44et on salit les mains, et on y va,
01:10:46et celui qui n'est pas d'accord, c'est une lavette,
01:10:48et lui aussi, on va le violer, parce que s'il n'est pas d'accord,
01:10:50et c'est vrai aussi, je dirais,
01:10:52avec les Wagner de Prigogine,
01:10:54c'est la même idéologie hyper macho,
01:10:56ce que je trouve vraiment important,
01:10:58c'est attention de ne pas caricaturer
01:11:00tel ou tel groupe
01:11:02de soldats qui auraient
01:11:04tendance, peut-être, à pratiquer
01:11:06plus facilement ce genre de
01:11:08crime contre l'humanité,
01:11:10mais par contre, bien voir que
01:11:12la culture
01:11:14du viol, dans une Europe,
01:11:16dans de nombreuses sociétés
01:11:18différentes d'entre elles, la culture du viol
01:11:20tend à faire de la femme
01:11:22la coupable de ce dont elle est victime.
01:11:24Dans ce documentaire,
01:11:26des violeurs
01:11:28sont jugés,
01:11:30certains français ont été jugés aussi dans ce corps
01:11:32expéditionnaire en Italie,
01:11:34et c'est pourtant l'impunité
01:11:36qui prévaut, donc c'est une image
01:11:38qui est rendue par les armées concernées,
01:11:40on juge un certain nombre d'entre eux, néanmoins,
01:11:42ça ne résout pas le problème, puisque c'est tout de même
01:11:44une forme d'impunité qui prévaut.
01:11:46Ce qui est intéressant, c'est que...
01:11:48On peut se méfier, peut-être, en regardant
01:11:50ces procès, voilà ce que je veux dire.
01:11:52Je veux rebondir, effectivement, l'armée française
01:11:54a parfois rejeté la faute
01:11:56sur les soldats marocains,
01:11:58sur une culture de la radia,
01:12:00le fait que c'était impossible de les contrôler.
01:12:02On appelle ça des marockinates, d'ailleurs.
01:12:04Les italiens ont retenu
01:12:06ce terme. Sauf que
01:12:08ces mêmes hommes, qui combattent en Italie,
01:12:10vont ensuite combattre en France et combattre
01:12:12en Allemagne. Et on observe qu'en France,
01:12:14il y a extrêmement peu de viols qui sont commis.
01:12:16Donc il n'y a effectivement pas le même rapport
01:12:18à la population française,
01:12:20mais on voit aussi qu'il n'y a certainement
01:12:22pas la même attitude de l'encadrement
01:12:24qui est capable de contrôler.
01:12:26C'est-à-dire qu'à partir d'un moment où
01:12:28il y a des violences sexuelles, en nombre,
01:12:30il y a une faillite de l'encadrement.
01:12:32Ça, je pense que c'est vraiment très important.
01:12:34On peut penser que ça reste un tabou
01:12:36dans l'armée française, les violences en temps de guerre.
01:12:38Et vous dites non. Ce n'est pas un tabou
01:12:40dans l'armée française, vous ?
01:12:42En tout cas,
01:12:44pour la seconde guerre mondiale,
01:12:46j'ai eu aucune entrave de la part
01:12:48des militaires.
01:12:50Pour avoir accès aux archives,
01:12:52j'ai eu le droit aux dérogations,
01:12:54j'ai pas eu de problème. L'interprétation...
01:12:56On m'a reproché dans mon livre d'avoir
01:12:58accordé trop d'importance, d'avoir écorné
01:13:00quand même une victoire
01:13:02qui était précieuse
01:13:04pour l'armée française.
01:13:06On m'a reproché d'avoir écorné
01:13:08et on m'a reproché beaucoup le titre
01:13:10du livre, Vaincre sans gloire.
01:13:12Ce qui était aussi de montrer
01:13:14qu'ils n'avaient pas eu la gloire qu'ils avaient méritée.
01:13:16Ils avaient à la fois commis des actes peu glorieux
01:13:18et qu'ils n'avaient pas eu la gloire
01:13:20qu'ils auraient pu mériter, puisque
01:13:22c'est dans une campagne qui est assez oubliée.
01:13:24Bravo pour votre titre.
01:13:26L'historienne que vous êtes,
01:13:28comment est-ce qu'elle voit l'évolution
01:13:30du traitement de ce sujet au regard
01:13:32des conflits plus récents ?
01:13:34On va parler avec vous de la Bosnie-Herzégovine,
01:13:36de la Tchétchénie et bien sûr
01:13:38de l'Ukraine, parce que les choses se passent
01:13:40devant nos yeux en ce moment.
01:13:42Comment elle a évolué
01:13:44cette perception
01:13:46des violences sexuelles
01:13:48en temps de guerre au regard
01:13:50des derniers conflits ?
01:13:52Moi ce qui me fascine par rapport à l'Ukraine,
01:13:54parce que c'est ce que je trouve passionnant,
01:13:56c'est de voir que
01:13:58l'immédiateté de
01:14:00la recherche des preuves, c'est-à-dire que là
01:14:02on accumule des preuves,
01:14:04il y a des associations
01:14:06qui vont essayer de recenser l'ensemble des crimes
01:14:08qui sont commis. À bout de chat, on a eu des informations
01:14:10tout de suite après de l'ensemble des crimes
01:14:12qui ont été commis. Donc on peut espérer
01:14:14qu'il y aura des sanctions
01:14:16un peu plus importantes
01:14:18et une meilleure reconnaissance
01:14:20des crimes qui ont été commis.
01:14:22Vous faites le constat qu'il y a une
01:14:24systématisation des viols
01:14:26durant la guerre de Bosnie,
01:14:28c'est ce qui ressortira pour l'essentiel,
01:14:30parce qu'on en est à parler d'une arme de guerre
01:14:32lorsqu'on parle de violences sexuelles aujourd'hui.
01:14:34Une véritable arme de guerre exercée comme telle
01:14:36auprès des populations,
01:14:38notamment les serbes vis-à-vis des bosniaques
01:14:40durant cette fameuse guerre en ex-Yugoslavie.
01:14:42Ce qu'il y avait d'un peu stupéfiant
01:14:44dans les années 90, c'est les témoignages
01:14:46que j'ai recueillis dans les camps de réfugiés
01:14:48ne connaissant rien à rien, tant que je n'avais
01:14:50aucune idée préconçue
01:14:52de ce que j'allais entendre,
01:14:54c'est le
01:14:56journaliste Ron Goodman,
01:14:58qui a documenté ces crimes,
01:15:00a utilisé l'expression de viols systématiques.
01:15:02Mais pourquoi systématiques ?
01:15:04On a l'impression que c'est des choses
01:15:06comme ça, d'éruption barbare en situation
01:15:08d'impunité et de domination.
01:15:10Et donc,
01:15:12là, il faut faire du terrain,
01:15:14on recueille ce que disent les gens, ce que disent les acteurs.
01:15:16Et on s'aperçoit...
01:15:18Donc on se rendit en Bosnie au fur et à mesure
01:15:20des avancées des serbes
01:15:22dans leur macabre
01:15:24nettoyage ethnique,
01:15:26violaient les femmes
01:15:28au fur et à mesure du conflit.
01:15:30C'est le mot important qui est traduit du serbo-croate
01:15:32qui est purification ethnique
01:15:34ou nettoyage ethnique, sur lequel il y a eu
01:15:36beaucoup de travaux. En gros, l'idée,
01:15:38à partir du moment où vous avez défini
01:15:40collectivement dans un village
01:15:42ceux qui ont le droit d'y rester parce que leur
01:15:44ethnie, ce qui était ridicule dans la Yougoslavie
01:15:46où il n'y avait que des nationalités, tout le monde
01:15:48était marié ensemble, contrairement
01:15:50par exemple au Liban, donc ceux-là ont le droit
01:15:52de rester parce que s'ils s'appellent sur leur
01:15:54carte d'identité, il y a tel adjectif,
01:15:56et ceux-là, non. Et ceux qu'on doit faire partir,
01:15:58comment on fait ? Il y a plusieurs
01:16:00procédures, soit armées, soit
01:16:02dans la Bosnie de l'Est, des
01:16:04règlements stupéfiants,
01:16:06lesbiennes, interdit de sortir de chez soi,
01:16:08interdit, et puis à un moment, obligation.
01:16:10Si vous voulez, il y a eu plusieurs situations, mais
01:16:12les situations que
01:16:14moi, j'avais documentées et qui m'avaient
01:16:16à vrai dire sidérées
01:16:18complètement, c'est que
01:16:20il semblerait que
01:16:22dans le camp de Foca, par exemple,
01:16:24les hommes étaient systématiquement
01:16:26souvent égorgés, ce qui était un peu
01:16:28de la mythologie
01:16:30héritée de l'histoire turque,
01:16:32on voit l'importance dans les pratiques de cruauté
01:16:34de la culture et de la fausse culture
01:16:36dans une nation
01:16:38des faux souvenirs
01:16:40repris par la propagande.
01:16:42Les femmes, elles, de leur côté, sont gardées
01:16:44et on leur fait des enfants. Il y avait eu
01:16:46des campagnes de stérilet en Bosnie, il y avait
01:16:48une situation de femmes bosniaques,
01:16:50évidemment, pas de voile, monogamie,
01:16:52la Slivovitz et campagne de stérilet,
01:16:54n'oublions pas quand même quelques
01:16:56décennies d'une culture qui se voulait
01:16:58athée, etc. Et donc, ces femmes,
01:17:00les voilà assignées à
01:17:02ces viols systématiques
01:17:04qui sont souvent des tortures.
01:17:06Alors, pourquoi ce qui est
01:17:08faire l'amour pour le
01:17:10mammifère humain devient faire la haine ?
01:17:12C'est-à-dire que la haine politique
01:17:14s'exprime dans le corps de l'ennemi,
01:17:16ça, c'est une énigme
01:17:18logique, à mon avis, qui est faux.
01:17:20Mais disons que, non seulement c'était punir,
01:17:22détruire, faire souffrir, puisqu'il y avait
01:17:24vraiment des choses extrêmement, comme on voit
01:17:26d'ailleurs à Butcha, sadiennes
01:17:28et pourquoi ? Pourquoi ce
01:17:30déchaînement ? Et deuxièmement,
01:17:32leur faire faire l'amour. Tu auras un enfant
01:17:34qui te détestera. Cette idée
01:17:36que le fils ressemble au père,
01:17:38il va hériter même de la religion du père,
01:17:40des goûts du père, et de la haine du père.
01:17:42Et donc, le fils se dressera
01:17:44contre la mère, donc elle aura l'enfant.
01:17:46Le viol est un crime continu.
01:17:48Et il y a beaucoup de viols d'hommes et d'enfants.
01:17:50Et c'est une problématique particulière.
01:17:52Mais le viol des femmes a ceci de particulier,
01:17:54c'est qu'il est possible qu'il y ait l'enfant.
01:17:56À qui est cet enfant ?
01:17:58Quel est cet enfant ? Et le travail
01:18:00des ONG, après, c'est comment on se réconcilie ?
01:18:02Il faut parfois que l'enfant pense
01:18:04qu'une fois une femme a dit ça, plus seule que moi
01:18:06il y a lui, donc elle accepte de l'adopter.
01:18:08Mais il faut accepter qu'il n'y a plus de lien
01:18:10ce Moïse entre le père
01:18:12et le fils, qui est une croyance à bas bruit.
01:18:14Que nous avons quand nous faisons notre arbre généalogique
01:18:16et que nous sommes contents de croire
01:18:18des cendres d'Henri IV ou de je sais pas qui.
01:18:20Et donc, si vous voulez, c'est une croyance
01:18:22qui est à l'oeuvre et dans les viols
01:18:24systématiques pour la purification et tenir l'éradication.
01:18:26Je touche l'arbre
01:18:28de l'affligation, je l'éradique,
01:18:30je le déracine, parce que l'idée
01:18:32n'est pas de dévorer l'espace, c'est de dévorer
01:18:34le temps. Que les gens dont
01:18:36je veux qu'il n'existe plus n'aient jamais
01:18:38été là. D'où le viol des tombes et des cimetières.
01:18:40C'est un peu ce qui est en train
01:18:42de se passer en Ukraine,
01:18:44de la part des Russes, ce que vous êtes en train
01:18:46de décrire là. C'est votre avis aussi ?
01:18:48J'ai l'impression, l'année reconquête
01:18:50du territoire, de ces femmes,
01:18:52de sa population, effectivement.
01:18:54Et changer l'identité.
01:18:56Exactement, oui.
01:18:58Par la langue, et le viol,
01:19:00c'est un transfert d'identité majeur.
01:19:02C'est le crime de salissure.
01:19:04Si je vous crache dessus, c'est vous qui
01:19:06devez vous nettoyer, c'est vous qui êtes sali.
01:19:08Mais le viol, c'est vraiment
01:19:10par la possession de l'identité d'autrui
01:19:12jusque dans la génération
01:19:14d'après. Et donc, voyez,
01:19:16cette dimension, d'ailleurs, entre parenthèses,
01:19:18génocide, génos, en grec, c'est naissance.
01:19:20Pour l'anthropologue,
01:19:22ces viols-là, dont vous avez dit
01:19:24qu'ils sont nouveaux, c'est pas qu'ils sont nouveaux,
01:19:26mais pourquoi ils sont systématiques au cœur de l'Europe ?
01:19:28Fin du XXème siècle,
01:19:30univers qu'on voulait
01:19:32différent dans les rapports humains, quand même.
01:19:34Moi, ma génération,
01:19:36qu'est-ce que c'est ? Et là, il y a cette dimension
01:19:38de vouloir anéantir au travers
01:19:40du corps de la femme la communauté
01:19:42tout entière dans son avenir.
01:19:44Le viol en situation de conflit, lorsqu'il est répandu
01:19:46et systématique, est à présent
01:19:48reconnu comme un crime contre l'humanité
01:19:50et un crime de guerre. Depuis
01:19:522008, le Conseil de sécurité
01:19:54des Nations Unies a adopté une résolution
01:19:56qui établit pour la première fois
01:19:58que la violence sexuelle pendant les conflits
01:20:00et ses conséquences représentent
01:20:02une menace pour la paix
01:20:04et la sécurité internationale.
01:20:06C'est-à-dire que la justice
01:20:08internationale se donne les moyens
01:20:10aujourd'hui de faire payer
01:20:12ceux et celles
01:20:14qui rendent
01:20:16ces crimes possibles
01:20:18au sein de leurs armées.
01:20:20Encore faut-il
01:20:22documenter ? Encore faut-il avoir
01:20:24la collaboration de ces armées ?
01:20:26Le gros problème, c'est la documentation,
01:20:28c'est rassembler les preuves, les témoins.
01:20:30Je vous laisse parler.
01:20:32Est-ce qu'on voit
01:20:34pendant la Seconde Guerre mondiale
01:20:36des crimes ? Il y a un espace d'impunité,
01:20:38c'est-à-dire que les armées sont en mouvement,
01:20:40il y a peu moyen de retrouver les coupables,
01:20:42on voit bien que les victimes
01:20:44ont du mal à identifier
01:20:46leur agresseur,
01:20:48donc ils ont eu plus de facilité
01:20:50à identifier les soldats noirs
01:20:52puisqu'ils étaient moins mobiles,
01:20:54précisément, que les soldats américains
01:20:56qui avançaient progressivement.
01:20:58Donc la grande difficulté, c'est de...
01:21:00Et puis de rompre aussi cette solidarité
01:21:02au sein des groupes d'armées.
01:21:04On va cacher son camarade,
01:21:06on va le défendre
01:21:08du fait d'une solidarité, d'une camaraderie.
01:21:10Et ça, on le voit partout.
01:21:12Vous parleriez d'une forme d'impunité
01:21:14aujourd'hui qui persiste
01:21:16malgré le fait que dans les
01:21:18tribunaux, les TPI par exemple,
01:21:20il y ait une nouvelle prise en compte
01:21:22de ces violences sexuelles, l'impunité continue ?
01:21:24C'est vrai que lorsqu'on a signé
01:21:26la paix entre deux belligérants, on ne parle plus
01:21:28de ces violences sexuelles, par exemple.
01:21:30Il y a plusieurs cercles de l'impunité,
01:21:32mais ce que je voudrais dire, même en temps de paix,
01:21:34ce qu'il y a d'extrêmement difficile
01:21:36pour judiciariser et documenter
01:21:38les viols même en temps de paix,
01:21:40c'est d'avoir les preuves.
01:21:42Or, quand même, la justice a besoin de preuves
01:21:44et tant mieux. Donc on a une vraie difficulté
01:21:46même en temps de paix, mais c'est peut-être un autre problème.
01:21:48Mais en temps de guerre,
01:21:50la problématique devient
01:21:52assez énorme, et parce qu'il ne faut pas
01:21:54oublier, le féminisme
01:21:56dirait, mais les juges sont
01:21:58des hommes, les hommes politiques sont des hommes,
01:22:00les militaires sont des hommes,
01:22:02et même quand ils sont contre le viol de leur
01:22:04mère et de leur fille,
01:22:06n'empêche que le viol d'autrui, ils s'en fichent.
01:22:08On pourrait dire ça, peut-être qu'on peut le dire.
01:22:10Moi, ce que je dirais plutôt, puisqu'il y a
01:22:12viol d'hommes et d'enfants, et les viols des hommes,
01:22:14c'est absolument tragique. Comme en Tchétchénie,
01:22:16on leur donnait des prénoms féminins,
01:22:18un vieux paysan tchétchène,
01:22:20mais c'est aussi vrai dans les prisons,
01:22:22dans toutes les prisons,
01:22:24hélas, russes et même américaines.
01:22:26Et donc, le viol de l'homme lui enlève sa masculinité.
01:22:28Et c'est une chose terrible,
01:22:30sauf que lui, ce n'est pas un crime continu,
01:22:32donc il peut le taire absolument
01:22:34et s'en sortir comme ça
01:22:36bien souvent.
01:22:38Le viol de la femme a plus de sens,
01:22:40puisqu'il y a cette différence des sexes
01:22:42et il y a cette capacité
01:22:44de filiation.
01:22:46Mais ce qui sera toujours très difficile,
01:22:48c'est la documentation.
01:22:50Parce que, souvent,
01:22:52du côté des acteurs, on se rend compte,
01:22:54il y a des témoignages
01:22:56où même on force le soldat, il ne veut pas y aller,
01:22:58mais il faut qu'il y aille,
01:23:00sinon c'est lui qui est tué.
01:23:02Alors il dit à la victime,
01:23:04dis que je te l'ai fait.
01:23:06C'est-à-dire, ce côté de prouesse
01:23:08de la sexualité masculine,
01:23:10c'est peut-être ça qui est vecteur d'impunité culturelle
01:23:12en profondeur. Dans des cultures
01:23:14où même nous, en France, on chante,
01:23:16et c'est François Zéritier qui l'avait montré,
01:23:18les chansons dans les écoles,
01:23:20Jeanne Tont qui rencontre quatre garçons
01:23:22toutes les écoles reprennent ça, charmante,
01:23:24la rirette, la rirette, et c'est un viol.
01:23:26Et on rigole.
01:23:28Le fait que la culture du viol
01:23:30enlève la visibilité
01:23:32en tant que crime
01:23:34contre l'être humain, visibilité qui devient énorme
01:23:36quand c'est soi, sa famille,
01:23:38l'enlève culturellement, fait que bien évidemment,
01:23:40y compris dans le monde du droit,
01:23:42les crimes sexuels, on se dit,
01:23:44elle a survécu, elle n'est pas morte,
01:23:46on va lui faire un peu de psy,
01:23:48et fait qu'on minorise
01:23:50le tragique, il faut donner le mot
01:23:52de torture, c'est une torture,
01:23:54c'est destructeur, c'est destructeur
01:23:56de la famille et de l'estime de soi,
01:23:58c'est un crime majeur et il est minorisé.
01:24:00En ce sens, y a un cercle
01:24:02d'impunité culturelle
01:24:04contre lequel on pourrait vraiment faire quelque chose.
01:24:06Eh bien ce sera le mot de la fin,
01:24:08on précise aussi que le violent
01:24:10temps de guerre est interdit par tous les codes
01:24:12militaires des armées occidentales
01:24:14depuis le XVIIe siècle,
01:24:16et pourtant, on a envie de dire,
01:24:18d'avoir entendu et vu
01:24:20ce documentaire au Quai de Giau
01:24:22que nous proposions aujourd'hui dans cette émission.
01:24:24Un grand merci vraiment à toutes et à tous
01:24:26d'avoir participé à ce
01:24:28débat doc consacré
01:24:30aux violences sexuelles en temps de guerre.
01:24:32Vos réactions, ce sera sur hashtag débadoc.
01:24:34Merci à Selma Sally qui, comme à l'accoutumée, m'a aidée
01:24:36à préparer cette émission. Je vous donne rendez-vous
01:24:38pour un prochain débat doc, ça sera bien sûr
01:24:40avec son documentaire et son débat.
01:24:42A très bientôt.
01:24:44Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org