Les jeux d'Hitler, Berlin 1936

  • il y a 2 mois
Les Jeux olympiques d'été de 1936 se sont déroulés à Berlin du 1er au 16 août 1936. Ils ont été utilisés par Adolf Hitler et le régime nazi comme un outil majeur de propagande pour présenter une image positive de l'Allemagne nazie au monde. Voici quelques points clés concernant ces Jeux :

Le régime nazi a fait d'importants préparatifs, construisant un grand complexe sportif comprenant un nouveau stade et un village olympique moderne

.
La cérémonie d'ouverture a été grandiose, avec l'introduction de la flamme olympique allumée à Olympie et transportée jusqu'à Berlin par plus de 3000 relayeurs
.
Hitler espérait utiliser les Jeux pour démontrer la supériorité de la "race aryenne", mais ses plans ont été contrariés par les performances exceptionnelles de l'athlète afro-américain Jesse Owens, qui a remporté 4 médailles d'or
.
Le régime a temporairement retiré les signes antisémites et assoupli certaines politiques discriminatoires pendant les Jeux pour donner une fausse image d'une Allemagne tolérante
.
Un film de propagande officiel, "Les Dieux du stade", a été réalisé par Leni Riefenstahl pour documenter l'événement
.
Malgré les tentatives de boycott, notamment aux États-Unis, 49 pays ont finalement participé aux Jeux

.

Ces Jeux olympiques restent un exemple frappant de l'utilisation du sport à des fins de propagande politique par un régime totalitaire.
Transcript
00:00:00C'est ce qu'il y a de plus important dans la vie d'un joueur, c'est d'apprendre à s'occuper d'eux-mêmes.
00:00:07C'est ce qu'il y a de plus important dans la vie d'un joueur, c'est d'apprendre à s'occuper d'eux-mêmes.
00:00:30C'est ce qu'il y a de plus important dans la vie d'un joueur, c'est d'apprendre à s'occuper d'eux-mêmes.
00:01:00C'est ce qu'il y a de plus important dans la vie d'un joueur, c'est d'apprendre à s'occuper d'eux-mêmes.
00:01:30Il y a eu la question de savoir si l'on pouvait se découvrir...
00:01:34Il y a eu la question de savoir si l'on pouvait se découvrir...
00:01:39…s'occuper de nous.
00:01:46On ne peut pas s'occuper de nous, ce n'est pas possible.
00:01:51Il y a une autre question de savoir si l'on peut s'occuper de nous, ce n'est pas possible.
00:01:56Un jeu avec les apparences.
00:02:26Musique douce
00:02:561er août 1936.
00:03:17Ce 1er août 1936, Hitler reçoit le monde entier.
00:03:22Avec son numéro 2, Hermann Göring, en grand uniforme d'apparat,
00:03:28et Joseph Goebbels, en imperméable et chapeau mou, son ministre de la propagande.
00:03:35Le nouveau chancelier du Reich a hérité des Jeux Olympiques qui avaient été attribués en 1931 à la ville de Berlin, avant son arrivée au pouvoir.
00:03:44Hitler ne s'intéresse guère au sport, il ne sait même ni nager ni conduire.
00:03:48Il a d'abord été réticent, à quoi bon dépenser des milliards alors que le pays est exsangue ?
00:03:55Mais il a vite compris le bénéfice que lui a fait miroiter Theodor Leewald, qui dirige le comité d'organisation allemand.
00:04:06Theodor Leewald trône aujourd'hui dans la loge d'honneur.
00:04:10Il aide aux côtés des autres membres du comité olympique international, tous les grands pontifs du CIO.
00:04:23C'est pour eux l'heure de gloire, et celle d'Henri de Bayer-Latour, leur président, qui est à la droite d'Hitler.
00:04:31Tous peuvent se réjouir du redentissement planétaire de la 11e Olympiade.
00:04:41L'histoire des Jeux de Berlin commence vraiment en mars 1933, quand Hitler s'installe au pouvoir.
00:04:48Un jeune berlinois, un étudiant en droit, Sébastien Hafner, raconte.
00:04:54Les événements étaient une décoction des ingrédients les plus bizarres.
00:04:58Ce mois de mars produisit quatre choses qui auraient pour résultat final la domination incontestée des nazis.
00:05:06La guerre, la guerre des nazis, la guerre des nazis, la guerre des nazis, la guerre des nazis, la guerre des nazis...
00:05:13Ce qui aurait pour résultat final la domination incontestée des nazis.
00:05:18La terreur, des actions violentes, des discours de haine, la trahison, et pour finir, un collapsus collectif.
00:05:27Plusieurs millions d'individus s'effondrant simultanément.
00:05:32Fin mars, les nazis se sentirent assez forts pour démarrer le premier acte de leur véritable révolution.
00:05:38De cette révolution qui n'est pas dirigée contre un quelconque régime, mais contre les bases même de la cohabitation des hommes sur terre.
00:05:57Le 28 mars 1933, le nouveau ministre de la propagande, Joseph Goebbels, il a 35 ans,
00:06:03reçoit à son tour Théodore Levalde, le président du comité allemand, venu lui parler de la préparation des jeux olympiques.
00:06:13Il note l'entrevue dans son journal, puis s'adresse à la foule des militants du parti pour lancer la campagne de boycott des commerces juifs qui a lieu trois jours plus tard.
00:06:23Ambiance fabuleuse, écrit-il. Nous gagnerons aussi cette guerre-là. Hitler a l'instinct le plus fin que je connaisse.
00:06:53...
00:07:05...
00:07:21...
00:07:31...
00:07:42Immédiatement, les partisans d'Hitler engagent aussi une guerre contre leurs adversaires politiques,
00:07:49les rouges, communistes, socialistes, syndicalistes et simples opposants qu'ils internent dans des camps de rééducation et de redressement.
00:07:58Comme à Oranienburg, au nord de Berlin, dans une ancienne brasserie.
00:08:04...
00:08:10En Suisse, à Lausanne, ces mesures d'exception prises par les nazis inquiètent Henri de Bayer-Latour, le président du CIO.
00:08:20Le 3 mai, il met les points sur les i très officiellement.
00:08:25Il est indispensable que M. Hitler soit préalablement mis au courant que les jeux sont donnés à une ville et non à un pays,
00:08:34qu'ils n'ont aucun caractère politique, racial, national, confessionnel.
00:08:41Le président du CIO s'agace aussi beaucoup de la volonté d'ingérence qu'il devine de la part du gouvernement allemand dans l'organisation même des jeux.
00:08:51Au cas où ces conditions, poursuit-il, ne recevraient pas l'approbation du chancelier,
00:08:56il serait préférable que la ville de Berlin retira sa candidature.
00:09:03Theodor Lewald et le comité allemand répondent à Bayer-Latour, le président du CIO,
00:09:09que le gouvernement allemand respectera entièrement les règles olympiques
00:09:13et qu'il mettra les athlètes allemands, quels qu'ils soient, sur un pied d'égalité.
00:09:21Le CIO se satisfait de cette promesse.
00:09:29Un chantier pharaonique commence.
00:09:36On avait d'abord envisagé d'agrandir les installations sportives existantes,
00:09:40mais finalement l'architecte Werner Mach reçoit la mission de concevoir un stade gigantesque.
00:09:5036 millions de Reichsmark seront finalement nécessaires,
00:09:54alors que 2,6 millions avaient été prévus à l'origine.
00:10:00Quand on a invité le monde entier, dit Hitler, il faut construire quelque chose de beau et de grandiose,
00:10:06et quand on a 4 millions de chômeurs, il faut leur donner du travail.
00:10:21Le directeur du chantier se félicite.
00:10:24Pour donner du travail et du pain au maximum de chômeurs possible,
00:10:27car il y en avait des centaines de milliers à Berlin,
00:10:30on a essayé d'effectuer toutes les réalisations avec aussi peu de machines que possible
00:10:35et de soutenir le travail manuel d'une manière presque anti-économique.
00:10:43En réalité, l'occupation des chômeurs passe par le travail sous-payé
00:10:47et celle des jeunes par le travail obligatoire.
00:11:07Comme j'aurais aimé être architecte, ne cesse de dire Hitler,
00:11:11que l'on voit ici visiter le chantier avec Werner Mach.
00:11:16On ne construit pas dans le Reich, ajoute un diplomate en poste à Berlin,
00:11:20un bâtiment public, voire un simple pont, qu'il en ait examiné le projet.
00:11:25Il rêve de remanier et d'embellir à sa manière toutes les grandes villes,
00:11:29à commencer par Berlin, et de les orner de monuments massifs
00:11:33qui laisseront de lui une trace impérissable.
00:11:39Pour les finitions, des murs de verre devaient protéger la construction en béton,
00:11:43comme dans le stade de Vienne.
00:11:45Hitler devint furieux et menaça d'annuler les jeux.
00:11:48Il ne mettrait jamais les pieds dans un tel endroit.
00:11:51Le soir, il appelle Albert Speer, un jeune architecte qui est son protégé.
00:11:58Dans la nuit, j'ai esquissé un projet prévoyant de revêtir de pierres naturelles
00:12:02le squelette de béton et d'accentuer les corniches.
00:12:06Je fis aussi disparaître le verre et Hitler fut satisfait.
00:12:11Le béton, matériau de la modernité par excellence, sera masqué.
00:12:18Le stade doit avoir l'air édifié en pierres de taille pour paraître plus authentique.
00:12:28Le grand stade pourra redonner vie à la Rome antique,
00:12:31renouée avec le Colisée, avec Épidore, avec la Grèce ancienne, avec l'Antiquité.
00:12:41Le stade Adolf Hitler
00:12:47Quand le ministre de l'Intérieur propose de baptiser le stade Stade Adolf Hitler,
00:12:52ce dernier, avec l'appui de Goebbels, lui préfère un nom chargé plutôt d'histoire.
00:12:57Un nom imité du grec.
00:13:00Olympia Stadion.
00:13:04Jamais l'humanité, dira-t-il, n'a été spirituellement et physiquement
00:13:09plus proche de l'Antiquité qu'aujourd'hui.
00:13:24Pendant que le chantier avance, les diplomates bien informés alertent leur chancellerie.
00:13:29Le consul général américain à Vienne, George Messer Smith,
00:13:32met en garde dès le début de l'année 1934 son gouvernement.
00:13:39Tous les sports en Allemagne sont aujourd'hui sous le contrôle direct du gouvernement.
00:13:43C'est un instrument du parti pour former la jeunesse dans l'idéal national-socialiste.
00:13:49Pour le parti, la tenue des J.O. de 1936 à Berlin
00:13:53est devenue le symbole de sa conquête du monde.
00:13:59Si les Jeux ne se tenaient pas à Berlin,
00:14:02ce serait un des coups les plus durs portés au prestige du national-socialisme
00:14:06dans une Allemagne en cours d'éveil politique.
00:14:09Un des moyens les plus efficaces de montrer que l'Allemagne
00:14:12n'est pas la seule à se battre.
00:14:16Il n'est pas impossible que quelques Juifs soient autorisés
00:14:19à figurer dans les équipes allemandes,
00:14:21mais il faut bien comprendre que ce n'est qu'un écran de fumée.
00:14:29L'ambassadeur de France à Berlin, Antonin von der Leyen,
00:14:33s'adresse au président de l'Allemagne,
00:14:36le président de l'Allemagne,
00:14:39le président de l'Allemagne,
00:14:42L'ambassadeur de France à Berlin, André-François Poncet, poursuit.
00:14:48L'éviction de la vie publique des communistes, des socialistes,
00:14:52des nationaux allemands, des catholiques et des juifs
00:14:55ne représente encore que l'un des aspects du grand renversement des choses
00:14:59auxquels Hitler procède méthodiquement.
00:15:04De le voir ainsi réaliser sa doctrine,
00:15:07en écrasant froidement tout ce qui le gêne,
00:15:09a quelque chose de saisissant.
00:15:15J'ai l'impression, moi qui l'observe, d'assister à un changement de décor
00:15:19sur une scène dont on n'aurait pas baissé le rideau.
00:15:30Aux Etats-Unis, le congrès juif américain,
00:15:33des clubs sportifs noirs, des fédérations d'athlétisme,
00:15:36des associations, des syndicats, des journaux qui avaient milité
00:15:39pour déplacer les Jeux ailleurs qu'à Berlin,
00:15:42prônent maintenant le boycott.
00:15:45En réponse, le comité olympique américain
00:15:48se décide à dépêcher une commission d'enquête en Allemagne.
00:15:56En septembre 1934, la commission d'enquête
00:15:59se réduit à Avery Brundage, l'un de ses membres.
00:16:03Il est seul, il ne parle pas un mot d'allemand,
00:16:06on lui montre ce qu'il veut voir.
00:16:09De toute façon, il a de grandes sympathies pour l'ordre qui règne en Allemagne,
00:16:12pour les conceptions sportives du national-socialisme.
00:16:17A son retour, Avery Brundage affirme
00:16:20que les Juifs allemands sont satisfaits de leur sort d'un point de vue sportif.
00:16:27La question noire permet aussi à beaucoup en Amérique
00:16:30d'admettre la discrimination que l'on pratique en Allemagne à l'égard des Juifs.
00:16:36Le lendemain même de son retour,
00:16:39le comité américain vote l'acceptation de l'invitation allemande à l'unanimité.
00:16:47Et à Berlin, le spectacle des Olympiades se prépare.
00:17:00Le spectacle des Olympiades
00:17:04Le spectacle des Olympiades
00:17:27Les manifestations de milliers de personnes à New York et ailleurs,
00:17:30dans les grandes villes aux Etats-Unis, ne servent à rien.
00:17:33Pas plus que la mobilisation des partisans du boycott,
00:17:36au Canada, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas,
00:17:39en Suisse, en Norvège, en Suède, en Tchécoslovaquie,
00:17:43en France, en Espagne,
00:17:46où est même lancé le projet de contre-Olympiades,
00:17:49des Olympiades populaires qui devront avoir lieu à Barcelone.
00:17:53Aucune des grandes puissances ne veut risquer de crise diplomatique avec l'Allemagne.
00:17:57Les États s'en remettent au CIO
00:18:00et les adversaires des Jeux de Berlin n'arrivent pas à stopper la machine olympique
00:18:04qui est en marche.
00:18:23Tout est prétexte à impressionner les esprits.
00:18:26Une cloche monumentale est fabriquée pour retentir au-dessus du stade de Berlin
00:18:30pour attirer jusque dans l'Olympia Stadium
00:18:33toute la jeunesse d'Allemagne et du monde.
00:18:53Même l'arrivée de la cloche est célébrée en grande pompe
00:18:56comme la visite d'un invité de marque.
00:19:06Dans chaque quartier, chaque ville, chaque village,
00:19:10un comité sert de relais local.
00:19:13Des volontaires olympiques sont créés
00:19:16dans toutes les villes de plus de 500 habitants.
00:19:19Un train olympique spécial,
00:19:22quatre camions Mercedes-Benz sillonnent le pays
00:19:25et en particulier les campagnes.
00:19:34Quelque part en Allemagne,
00:19:36Victor Klemperer écrit dans son journal
00:19:39Le peuple dans sa grande majorité est satisfait.
00:19:43Une minorité accepte Hitler comme un pays.
00:19:46Tout le monde voit en lui le libérateur des affaires extérieures.
00:19:50Tout le monde a peur des russes comme un enfant a peur du Krokmiten
00:19:53et tous, sauf ceux qui ne sont pas sincèrement grisés,
00:19:57jugent inopportun au nom du réalisme politique de s'indigner.
00:20:01Tout le monde tremble pour son pain, sa vie.
00:20:05Tout le monde est si épouvantablement lâche.
00:20:08Et je ne suis pas meilleur que mes compatriotes ariens.
00:20:13Côté piles, les bonnes oeuvres,
00:20:16auxquelles se prêtent devant les caméras les lieutenants d'Hitler,
00:20:20Goebbels et Göring.
00:20:31Nous avons aujourd'hui en France
00:20:34un des meilleurs moments de l'histoire.
00:20:38Nous avons aujourd'hui en Allemagne
00:20:415,2 millions d'enfants
00:20:44avec leurs parents
00:20:47pour leur offrir la joie de la fête.
00:21:07C'est une guerre de l'homme.
00:21:21Côté face, la cruauté de la persécution des juifs
00:21:24est systématiquement organisée
00:21:27jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne.
00:21:33La persécution se durcit avec les lois de Nuremberg
00:21:36sur la protection du sang et de l'honneur allemand.
00:21:45Interdiction du mariage et des relations extra-conjugales
00:21:48avec de vrais Allemands.
00:21:51Interdiction d'avoir une domestique arienne de moins de 45 ans.
00:21:54Privation de tous les droits civiques.
00:21:59Les juifs deviennent des pariahs.
00:22:07Il y a des débuts de pogroms ça et là
00:22:10et nous nous attendons à être assassinés d'un jour à l'autre.
00:22:13Pas par les voisins, mais par les nettoyeurs
00:22:16que l'on mobilise en les qualifiant d'âmes du peuple.
00:22:19Note le professeur Klemperer
00:22:22spécialiste de la littérature française du XVIIIe siècle
00:22:25révoqué de l'université comme tous les fonctionnaires
00:22:28les médecins, les avocats
00:22:31désignés comme juifs.
00:22:37La discrimination frappe aussi
00:22:40évidemment les sportifs.
00:22:43S'ils sont juifs, ils ne sont pas admis à s'entraîner
00:22:46dans les clubs allemands.
00:22:49Si, d'aventure, ils sont admis
00:22:52ils ne sont jamais qualifiés pour participer aux épreuves éliminatoires
00:22:55malgré leurs performances.
00:22:58Seule exception,
00:23:01Hélène Mayer, l'escrimeuse allemande
00:23:04émigrée aux Etats-Unis
00:23:07pourtant considérée comme demi-juive
00:23:10selon les lois de Nuremberg
00:23:13est acceptée dans l'équipe du Reich
00:23:16où elle sert de caution.
00:23:19Ce qui permet au secrétaire du comité olympique américain
00:23:22interviewé par le New York Times
00:23:25de prétendre sans vergogne
00:23:28les Allemands ne font pas de discrimination
00:23:31Les juifs sont éliminés
00:23:34parce qu'ils ne sont pas assez beaux en tant qu'athlètes.
00:23:37D'ailleurs, il n'y a même pas une douzaine de juifs
00:23:40qui est la classe olympique.
00:23:53L'Etat s'empare des athlètes
00:23:56en lieu et place des clubs sportifs.
00:23:59Ils ont directement en main leur recrutement,
00:24:02leur sélection et leur entraînement.
00:24:05Les athlètes sélectionnés reçoivent un passeport olympique
00:24:08qui leur permet d'avoir les transports, la nourriture,
00:24:11l'hébergement, les frais médicaux, gratuits
00:24:14ainsi qu'une compensation de leur salaire
00:24:17ce qui n'en fait plus vraiment des amateurs
00:24:20comme le voudrait le règlement olympique.
00:24:24Les Jeux de Berlin sont un champ de bataille
00:24:27une bataille que l'Allemagne nationale socialiste doit gagner.
00:24:54A quelques kilomètres du grand stade,
00:24:57on incarcère les gêneurs, les détracteurs des Jeux,
00:25:00les homosexuels, les mendiants,
00:25:03les prostituées non enregistrées,
00:25:06tous ceux que l'on n'a pas envie de voir dans Berlin.
00:25:09Plus d'un millier de personnes y sont regroupées.
00:25:12600 gitanes qui s'étaient installés à proximité
00:25:15de l'église de Berlin.
00:25:19Mais les Berlinois profitent des beaux jours de l'été 36.
00:25:22Ils se préparent à une excellente célébration
00:25:25des joueurs de la finale de la belle année.
00:25:28Mais les Berlinois profitent des beaux jours de l'été 36.
00:25:47Ils se pressent vers les plages du lac de Wannsee,
00:25:50à quelques stations de métro du centre de Berlin.
00:26:06«Toute la façade de la vie normale était restée presque intacte»,
00:26:10rapporte Sébastien Hafner.
00:26:14Les cinémas, les théâtres, les cafés étaient pleins.
00:26:17Des couples dansaient dans des salles et des jardins,
00:26:20des promeneurs flânaient innocemment dans les rues,
00:26:23des jeunes gens heureux se prélassaient sur les plages.
00:26:29Un état de fait que les nazis ont abondamment exploité pour leur propagande.
00:26:35«Venez voir notre pays, il est normal, paisible, joyeux».
00:26:44La folie, l'angoisse, la tension sous-jacente,
00:26:48cette ambiance de danse macabre, on pouvait évidemment ne pas la voir.
00:27:11Pax Olympica.
00:27:13Les agences de voyage et les offices de tourisme de 39 pays dans le monde
00:27:17diffusent 3 millions de brochures éditées en 14 langues,
00:27:21qui vantent la tradition d'hospitalité séculaire de l'Allemagne.
00:27:30Le discours officiel se fait très rassurant.
00:27:33L'Allemagne traitera tous les ressortissants étrangers comme ses invités,
00:27:37sans distinction de race ni de couleur.
00:27:45Chaque pays sera libre de composer son équipe nationale ainsi qu'il l'entend,
00:27:50sous-entendu quand bien même certains athlètes seraient juifs ou noirs.
00:27:59Même le fondateur de la renaissance des Jeux Olympiques,
00:28:02Baron Pierre de Coubertin, est sorti de sa retraite pour l'occasion.
00:28:07J'ai l'impression que toute l'Allemagne,
00:28:10depuis son chef jusqu'au plus humble de ses écoliers,
00:28:14souhaite ardemment que la célébration de 1936
00:28:19soit l'une des plus belles que le monde ait vue.
00:28:23Dès aujourd'hui, je veux remercier le gouvernement et le peuple allemand
00:28:27pour l'effort dépensé en l'honneur de la 11e Olympique.
00:28:36Les Jeux Olympiques, s'écrit le député socialiste français Jean Longuet,
00:28:41son grand-père était Karl Marx,
00:28:43ont été conçus par les dirigeants actuels du Reich
00:28:46comme une apothéose du régime nazi,
00:28:49de ce régime qui prétend, à l'ombre d'un immense drapeau à croix gammées,
00:28:53faire manœuvrer tous les sportifs de l'univers.
00:28:56Cela n'a plus rien de commun avec les Jeux Olympiques
00:28:59tels que nous les avons connus jusqu'à présent.
00:29:05Le 7 juin 1936, Heinrich Mann, le frère de Thomas Mann,
00:29:10écrivain comme lui, prononce à Paris
00:29:13un appel solennel contre les Jeux de Berlin.
00:29:17Le nazisme ne voit en l'homme qu'un matériau qu'il utilise pour ses buts cruels.
00:29:22Comment un régime qui s'appuie sur les travaux forcés
00:29:25et qui prépare la guerre et qui n'existe qu'à travers une propagande mensongère,
00:29:30comment un tel régime pourrait-il respecter le sport pacifique
00:29:34et les sportifs défendant des idéaux de liberté ?
00:29:39Croyez-moi, poursuit Heinrich Mann,
00:29:41les sportifs internationaux qui iront à Berlin
00:29:44ne seront là-bas que des gladiateurs, les prisonniers
00:29:47et les bouffons d'un dictateur qui se prend déjà pour le maître du monde.
00:29:562 août 1914, mobilisation pour la guerre, 1er août 1936,
00:30:01mobilisation pour le sport et la paix.
00:30:04Cette année nous apporte heureusement un 2 août plus pacifique.
00:30:07Et si de jeunes Français parlent au Berlin,
00:30:09ce n'est que pour de loyaux combats sur le seul terrain sportif.
00:30:26A Berlin, nous accueillons l'équipe olympique de Japon
00:30:30composée de 150 combattants.
00:30:55C'est très difficile pour moi d'accueillir ces jeunes qui viennent de l'étranger.
00:31:02Parce que je sais que les jeunes de l'étranger,
00:31:06dans tout ce que je viens de dire,
00:31:10veulent faire de la propagande.
00:31:13Monsieur le docteur Goebbels, ministre de la Propagande du Reich,
00:31:17déclare qu'il lui est difficile de prendre la parole
00:31:21et que quand il parle des interprètes malveillants,
00:31:26il déclare toujours que c'est dans une intention de propagande.
00:31:31Il dit qu'au-delà du cadre sportif des Jeux olympiques,
00:31:37cette fête qui nous réunit puisse accomplir une mission politique
00:31:44et puisse contribuer à jeter un pont entre les nations
00:31:49dans une entente mutuelle et dans la paix internationale.
00:32:12Les mesures anti-juives sont suspendues le temps des Jeux.
00:32:16Provisoirement.
00:32:19La milice du parti reçoit le 22 juillet 1936 des consignes formelles.
00:32:24C'est notre devoir de convaincre les étrangers
00:32:27qu'en Allemagne règne le calme, l'ordre et la sécurité
00:32:31et que le peuple allemand souhaite la paix de tout cœur.
00:32:34Une occasion unique d'en informer le monde
00:32:36se présente avec les Jeux olympiques à venir.
00:32:38Des représentants de presque tous les pays du monde
00:32:41viennent en Allemagne en tant que sportifs ou spectateurs.
00:32:44Et à leur retour, ils raconteront dans leur pays
00:32:47ce qu'ils ont découvert en Allemagne.
00:32:49Lors de ces semaines de Jeux olympiques,
00:32:51nous voulons prouver au monde entier qu'il s'agit de mensonges
00:32:54lorsqu'on affirme que les persécutions de Juifs ont lieu en Allemagne.
00:32:58Dans cette perspective, il ne faudra pas non plus
00:33:01entonner de chants guerriers d'avant la prise du pouvoir.
00:33:04Cela pourrait faire naître de fausses impressions.
00:33:08Les journalistes étrangers, qui ont été conviés par centaines
00:33:11à assister aux Jeux, pourront en témoigner.
00:33:37Applaudissements
00:34:08Les athlètes, venus des quatre coins du globe,
00:34:11s'émerveillent de l'accueil qu'il aurait fait.
00:34:18A quelques kilomètres de Berlin,
00:34:20le village olympique, spécialement construit pour la circonstance,
00:34:24les attend au milieu d'un paysage de forêt,
00:34:27de lacs, de collines et de prairies.
00:34:32140 maisons installées au milieu des bouleaux.
00:34:38Le paysage de la terre
00:34:44Selon Louis Amperini, coureur du 5000,
00:34:47les résidences ressemblent plutôt à des motels.
00:34:50Il n'y a que des douches.
00:34:52On dit qu'Hitler a fait retirer toutes les baignoires d'Allemagne
00:34:55parce qu'il ne les trouve pas assez hygiéniques.
00:35:00Quand certains athlètes américains,
00:35:02après avoir mangé une banane ou une pomme,
00:35:05détruisent leurs rognons par terre,
00:35:07des Allemands accourtent aussitôt pour les ramasser.
00:35:09C'est le pays le plus propre que j'ai jamais vu.
00:35:22Tous les équipements sont très modernes.
00:35:24Il y a des boutiques de toutes sortes
00:35:26où l'on peut même acheter des appareils photos.
00:35:28On dirait un grand centre commercial.
00:35:32Quel charme dans cette vie en commun
00:35:34avec des champions de nations différentes
00:35:36qui partagent le même idéal.
00:35:43Dans cet espace hors du monde,
00:35:45les concurrents peuvent se préparer à être les meilleurs.
00:35:53Je retrouve là plusieurs de mes bons amis américains,
00:35:56ajoute le champion suisse Paul Martin,
00:35:58de ces jeunes athlètes qui incarnent si bien,
00:36:00à mes yeux, le véritable sportif moderne.
00:36:03Rieur, franc, harmonieusement développé.
00:36:06Quelle belle mentalité possèdent ces gars d'outre-Atlantique,
00:36:09formés à l'école du sport et des luttes chevaleresques.
00:36:17En eux, point de jalousie et de sentiments haineux
00:36:20envers l'athlète vainqueur.
00:36:22Leur admiration va à leur adversaire
00:36:25s'il a bien défendu ses chances,
00:36:27avec autant de spontanéité
00:36:29et de joie à la victoire d'un ami.
00:36:37Archie Williams, coureur du 400 m,
00:36:40dans la rue, les gens nous reconnaissent immédiatement
00:36:43et nous abordent pour avoir un autographe.
00:36:45Ils veulent nous parler, nous invitent à prendre un café.
00:36:48Je les ai sentis vraiment sincères
00:36:50dans leur chaleur et leur désir de nous recevoir.
00:37:00Des jeunes garçons ou des jeunes filles,
00:37:02tous très sympathiques, nous servent d'anges gardiens.
00:37:05Observe le champion cycliste belge Gérard Lagneau.
00:37:08Ils sont habillés tout en blanc.
00:37:10Ils nous escortent où que nous allions.
00:37:12Ils sont à notre service.
00:37:14Ils sont chargés de nous faciliter la vie.
00:37:16On les appelle et ils arrivent pour nous secourir.
00:37:19Mais peut-être qu'ils nous espionnent,
00:37:21car ils parlent chacun très bien notre langue.
00:37:30Le Suisse Paul Martin, qui est médecin dans le civil,
00:37:33raconte encore,
00:37:35l'athlète olympique est traité comme une créature divine.
00:37:39Dans la zone boisée, près du village olympique,
00:37:42qui est surnommée le jardin d'amour,
00:37:45de très jolies filles s'offrent aux athlètes,
00:37:48ceux qui ont le type arien.
00:37:50Les filles sont d'habitude professeurs de sport
00:37:53ou membres de l'alliance,
00:37:55Les filles sont d'habitude professeurs de sport
00:37:58ou membres de la ligue des jeunes filles allemandes.
00:38:01Elles ont à laisser passer pour rentrer dans le village
00:38:04et pour se mêler aux sportifs.
00:38:06La forêt est délicieuse.
00:38:08Il y a un petit lac charmant.
00:38:10En cas de grossesse,
00:38:12on dit que la fille pourra montrer le badge de son partenaire
00:38:15pour prouver l'origine olympique de son bébé.
00:38:18Et l'Etat prendra tout en charge.
00:38:26Pour veiller sur la préparation des Jeux,
00:38:29au nom du comité allemand,
00:38:31Théodore Levalde a pris comme bras droit Carl Diem,
00:38:34un théoricien de la gymnastique.
00:38:42Un beau jour, Carl Diem interpelle une jeune femme
00:38:45qui s'entraîne dans l'un des parcs de Berlin.
00:38:48Elle a l'impression d'être en train d'entraîner
00:38:51une jeune femme qui s'entraîne dans l'un des parcs de Berlin.
00:38:55Mademoiselle Riefenstahl,
00:38:57comme vous savez,
00:38:59je suis chargée de préparer les Jeux olympiques
00:39:02et il serait bête à pleurer que cette beauté
00:39:05ne reste pas fixée sur la pellicule.
00:39:08Lénie Riefenstahl est actrice et cinéaste.
00:39:11Hitler l'adore depuis qu'elle a réalisé le film
00:39:14Triomphe de la Volonté.
00:39:16Grandiose propagande à la gloire du Parti National Socialiste
00:39:19et du Führer.
00:39:21Et l'on voudrait maintenant en haut lieu
00:39:23qu'elle fasse de même avec les Jeux.
00:39:28« Je m'amuse à avoir des flashes »
00:39:30raconte Lénie Riefenstahl
00:39:32quand elle imagine son film à venir.
00:39:37Je voyais soudain les antiques ruines
00:39:39des lieux sacrés de l'Olympique classique
00:39:41resplendir sous les rayons du soleil
00:39:43qui dissipaient des brumes.
00:39:45Je voyais défiler devant moi les temples grecs
00:39:48et les statues d'Achille et d'Aphrodite.
00:39:52Puis je revis le sublime discobole de Miron
00:39:55que j'avais pu admirer dans un des musées de Munich.
00:39:59Le monde
00:40:15Je rêvais, tout éveillé, qu'il prenait chair irrésistiblement
00:40:20qu'il continuait au ralenti
00:40:22le fameux mouvement suspendu
00:40:24qui avait fait la célébrité mondiale de cette statue
00:40:27depuis le Vème siècle avant notre ère.
00:40:37Le marbre s'anime,
00:40:39les statues se transforment en danseuses,
00:40:43elles deviennent des flammes qui se confondent
00:40:45dans le feu olympique.
00:40:58La pauvre reconstitution imaginée
00:41:01sous le patronage du comité olympique allemand
00:41:04et sans doute par Karl Dimm lui-même
00:41:07pour lancer les Olympiades de Berlin
00:41:09et le rituel de la flamme
00:41:11ne risque pas d'inspirer Leni Riefenstahl.
00:41:16La cinéaste bien-aimée d'Hitler
00:41:18projette une tout autre mythologie,
00:41:21une antiquité plus wagnerienne,
00:41:24un grand rite sacré
00:41:26plutôt que ce spectacle de kermesse.
00:41:32Dans le stade de l'Olympiades,
00:41:34des jeunes filles vêtues de costumes antiques
00:41:36allument par les rayons solaires
00:41:38la torche qui de relais en relais
00:41:40sera portée jusqu'à Berlin.
00:41:42C'est ainsi que 3000 coureurs
00:41:44participeront à cette course symbolique.
00:41:54Au propylée de l'acropole,
00:41:56la torche passe sous les drapeaux
00:41:58des 52 nations qui prennent part
00:42:00à la 11e Olympiade de Berlin.
00:42:02Un prêtre de la Grèce antique
00:42:04figuré par un acteur
00:42:06reçoit la torche
00:42:08et d'un geste symbolique
00:42:10allume le sanctuaire du Parthénon.
00:42:24Le jour du tournage,
00:42:26raconte Leni Riefenstahl,
00:42:28le paysage de l'Olympi
00:42:30disparaissait sous les bagnoles et les motos.
00:42:32L'autel sur lequel la flamme olympique
00:42:34allait être allumée
00:42:36ne payait vraiment pas de mine.
00:42:38Il était même d'une effrayante banalité.
00:42:42Malgré tous leurs efforts,
00:42:44nos caméramens n'arrivaient pas à cadrer
00:42:46tant la foule était dense et indisciplinée.
00:42:48Nous n'aperçûmes que de loin
00:42:50la tête du premier coureur
00:42:52et il nous fallait absolument
00:42:54tout refaire par nos propres moyens.
00:43:02Seul le quatrième coureur
00:43:04de cette première équipe
00:43:06ressemblait à l'image idéale
00:43:08du jeune grec aux cheveux bruns.
00:43:10Il refusa tout net de nous suivre.
00:43:12Il avait honte de se déplacer
00:43:14en notre compagnie
00:43:16avec ce petit short moulant
00:43:18qu'on lui avait fait porter.
00:43:20Comme nos hommes lui promettaient
00:43:22de lui prêter des affaires,
00:43:24il monta avec nous en voiture.
00:43:32Mon effable grec classique
00:43:34n'était pas du tout grec
00:43:36mais fils d'immigrés russes.
00:43:38Il s'appelait Anatole
00:43:40et se laissa apprivoiser
00:43:42à mesure que nous approchions de Delphes.
00:43:44Sur le terrain,
00:43:46la réalité est plus modeste.
00:43:48Ce qui n'empêche pas Carl Dimm
00:43:50de donner libre cours à son emphase.
00:43:54Nous sommes en présence
00:43:56de la seule véritable fête mondiale
00:43:58de notre temps,
00:44:00la seule fête depuis qu'existe
00:44:02la terre qui englobe tous les peuples
00:44:04où se retrouvent joyeusement
00:44:06les coeurs de toutes les nations civilisées.
00:44:10Cette course de relais
00:44:12qui n'avait jamais existé auparavant
00:44:14et dont Goebbels revendique
00:44:16la paternité,
00:44:18relie Olympie et Berlin,
00:44:20la Grèce antique
00:44:22et le nazisme.
00:44:30Pendant 12 jours,
00:44:323075 coureurs franchissent
00:44:34plus de 3000 kilomètres
00:44:36en passant après Athènes,
00:44:38par Sofia, Belgrade,
00:44:40Budapest, Vienne,
00:44:42Prague, puis l'Allemagne.
00:44:56Le passé est millénaire,
00:44:58sacré, quasi mystique,
00:45:00mais les techniques sont de pointe.
00:45:02La flamme a été allumée
00:45:04par concentration des rayons du soleil
00:45:06comme le faisaient les Grecs
00:45:08et l'Egypte.
00:45:10L'entreprise Krupp a été chargée
00:45:12de réaliser la torche en acier
00:45:14et Daimler-Benz s'est occupée
00:45:16de repérer le trajet.
00:45:20Une automobile suit le coureur
00:45:22avec une torche de rechange,
00:45:24c'est plus prudent.
00:45:28Leni Riefenstahl s'exclame,
00:45:30cette chaîne humaine
00:45:32est comme un pont d'histoire
00:45:34entre l'antiquité et notre époque contemporaine.
00:45:38Dans la mythologie d'Hitler,
00:45:40le peuple allemand descend des Grecs.
00:45:42Les Grecs seraient
00:45:44les premiers Aryens.
00:45:48Maintenant,
00:45:50Hitler apparaît sur son char
00:45:52et Rudolf Hess, son dauphin,
00:45:54s'en fait l'interprète
00:45:56pour souhaiter à tous
00:45:58la bienvenue à Berlin.
00:46:08...
00:46:28...
00:46:36A Berlin,
00:46:38ce 1er août 1936,
00:46:40c'est enfin le grand jour.
00:46:42Joseph Goebbels,
00:46:44le ministre de la propagande,
00:46:46a commencé la matinée
00:46:48par une scène de ménage
00:46:50avec son épouse Magda.
00:46:52Il note tout dans son journal.
00:46:54Réception à l'Altes Museum
00:46:56...
00:47:20...
00:47:22...
00:47:24...
00:47:26...
00:47:28...
00:47:30...
00:47:32...
00:47:34...
00:47:36...
00:47:38saubres et précieuses, dans l'immense décor.
00:47:41Une acclamation salue le maître de l'Allemagne.
00:47:44Sans hâte, lentement escorté par les deux présidents des Olympiades,
00:47:48M. de Bayer-Latour et M. Levalde,
00:47:51suivi de tout le comité olympique, des dignitaires et des ministres,
00:47:55ils s'avancent.
00:47:57Immédiatement reconnaissables, en petite tenue des troupes d'assaut,
00:48:01d'un pas assuré qui sort le soldat et le chef.
00:48:04Et comme une petite fille, jaillie on ne sait d'où,
00:48:07se précipite pour lui offrir des fleurs,
00:48:09le fureur prend même le temps de s'arrêter quelques secondes
00:48:12pour caresser la petite tête d'or.
00:48:19J'ai vu Mussolini à Rome inaugurer son stade.
00:48:22Il apparaissait comme s'il montait subitement par un truc de théâtre.
00:48:26On eût dit qu'il sortait d'une trappe.
00:48:28Ici, le cortège se déroule sur la piste, posément.
00:48:38Les drapeaux sont hissés avec lenteur le long des mâts,
00:48:42avec une gravité quasi religieuse.
00:48:45Invisibles, la cloche monumentale se met à battre depuis son beffroi.
00:48:50Elle répand du haut des airs sa grande voix de bronze,
00:48:54comme une prière et une adjuration,
00:48:57la pulsation d'un chœur dérin,
00:49:00d'une invitation,
00:49:03d'un appel.
00:49:10Tout le monde fait le salut,
00:49:12mais on peut surprendre certains qui oublient ou hésitent un instant.
00:49:18On dit d'ailleurs que la police attend la sortie du stade,
00:49:21ceux qui ont refusé de saluer le fureur.
00:49:25Le principal épisode de la journée est la revue des nations.
00:49:29Trois à quatre mille hommes et femmes faisant le tour de la piste
00:49:33de l'immense paysage de l'Histoire.
00:49:36Il s'agit d'une série d'événements,
00:49:39des événements de la vie,
00:49:41des événements de la mort,
00:49:43des événements de la mort,
00:49:45des événements de la mort,
00:49:47des événements de la mort,
00:49:49des événements de la mort,
00:49:51Trois mille hommes et femmes faisant le tour de la piste de l'immense stade
00:49:55pour se masser en colonne,
00:49:57équipe par équipe, en face de la tribune,
00:50:00où se tient le fureur.
00:50:02En tête arrive l'équipe grecque,
00:50:04à qui était dû cet honneur comme à la mère des jeux
00:50:07et à l'aîné de la famille olympique.
00:50:10Derrière le drapeau bleu et blanc
00:50:12s'avance le vainqueur du premier marathon moderne de 1896,
00:50:16Spyridon Louis,
00:50:18avec sa tête de vieux paysan
00:50:20et son jupon de laine blanche.
00:50:31Les autres nations viennent en ordre derrière leur drapeau.
00:50:37L'Union soviétique,
00:50:39la grande puissance ennemie du moment,
00:50:41est absente.
00:50:43Annoncée sur la liste des concurrents,
00:50:45l'Espagne, où auraient dû avoir lieu des contre-Olympiades,
00:50:48ne paraît pas.
00:50:50Le gouvernement républicain vient d'être attaqué
00:50:52par un putsch des partisans du général Franco.
00:50:59Le monde parade.
00:51:01On marche en cadence, on accélère,
00:51:03on ralentit le pas selon les pays.
00:51:06La Suisse multiplie les exercices de voltige.
00:51:11L'Autriche est à la fête.
00:51:18Les ovations n'en finissent pas le long des gradins,
00:51:20comme si on promenait la main sur un clavier.
00:51:23Hourra !
00:51:24Délire de joie et de triomphe
00:51:26qui s'adresse à des frères de race,
00:51:28à une famille retrouvée.
00:51:36Le Japon, avec sa précision quasi métallique.
00:51:39La Turquie, le Brésil, le Pérou.
00:51:42La Hongrie tient à bout de bras un petit feutre à plumes
00:51:45qu'on prendrait pour une volaille.
00:51:47La Brésilande républicaine remet son chapeau pour saluer
00:51:50et se couvre comme rublasse.
00:51:59L'Angleterre, phlegmatique, détachée,
00:52:01correcte et nonchalante,
00:52:03avec la préoccupation de ne rien surfaire.
00:52:10L'équipe italienne exagère la raideur du salut fasciste
00:52:14que lui rend le prince Umberto de Savoie,
00:52:16qui représente ici Mussolini.
00:52:22L'écrivain Thomas Wolff,
00:52:24qui a publié à New York quelques mois plus tôt
00:52:26Of Time and the River,
00:52:28Le Temps et le Fleuve,
00:52:30séjourne en Allemagne où il s'est fait beaucoup d'amis.
00:52:32Lui aussi se trouve quelque part parmi la foule.
00:52:37Le stade était un tournoi de couleurs
00:52:39qui vous prenait à la gorge.
00:52:41La splendeur accumulée des bannières
00:52:43rendait les grands défilés américains des foires mondiales
00:52:46et des cérémonies d'investiture présidentielle
00:52:48minables par comparaison.
00:52:57Le moment inouï, ce fut, pour Louis Gillet,
00:53:00le passage de l'équipe française.
00:53:02Un alignement irréprochable,
00:53:04de la crânerie, point de jactance,
00:53:06mais le sentiment juste
00:53:08que l'on passait un examen devant des connaisseurs.
00:53:10Un petit pas de cérémonie
00:53:12avec un rien de piafant,
00:53:14de balancer, de rasser,
00:53:16à les braves petits.
00:53:17Il faisait le salut du bras tendu,
00:53:19le beau salut olympique
00:53:21qui ressemble au salut de l'épée.
00:53:27Ce geste déclenche les applaudissements de la foule
00:53:29qui prend ce salut pour le salut hitlérien
00:53:32et l'interprète comme un hommage chevaleresque
00:53:35adressé au troisième Reich et à son chef.
00:53:43L'ambassadeur de France
00:53:45câble au ministre des affaires étrangères.
00:53:49Au jeudi d'hiver en février dernier à Garmisch,
00:53:51nos athlètes avaient également reçu l'accueil le plus chaleureux.
00:53:54Cela n'a pas empêché l'Allemagne
00:53:56d'occuper l'Arénanie un mois plus tard
00:53:58et tous les allemands d'y applaudir.
00:54:03Ni la France, ni la Grande-Bretagne
00:54:05n'avaient en effet réagi à ce coup de force d'Hitler.
00:54:13L'équipe allemande conclut le défilé des nations.
00:54:18Immaculée des pieds à la tête
00:54:20telle des chevaliers teutoniques des temps modernes.
00:54:27Les sportifs qui prêtent allégeance à leur fureur
00:54:30sont suivis par un détachement de la Wehrmacht
00:54:33pareil aux troupes qui viennent de remilitariser
00:54:35la rive gauche du Rhin à la frontière française.
00:54:43Alors qu'il aime tant les discours,
00:54:45Hitler va maintenant prononcer les seuls mots
00:54:47que le protocole olympique l'autorise à dire au micro.
00:55:13L'Allemagne
00:55:29Quel plus beau symbole de paix
00:55:31que se lâcher d'un millier de colombes.
00:55:34Quoique les colombes viennent des pigeonniers de la Wehrmacht.
00:55:38L'offrande au fureur du bouquet de laurier
00:55:41cueillie sur l'altice par le vieux coureur grec Spyridon Louis
00:55:45les chœurs olympiques de Richard Strauss
00:55:48écrits spécialement pour l'occasion.
00:56:08Chargée d'immortaliser les jeux de Berlin
00:56:10la cinéaste Leni Riefenstahl
00:56:12veut décupler la mise en scène des Olympiades.
00:56:15Elle a même répété à blanc le travelling
00:56:17qui lui permettra de filmer le dernier coureur
00:56:20qui surgira dans le stade.
00:56:23À ce moment, l'Alléluia du Messie de Händel
00:56:26éclate et emplit l'espace.
00:56:37Les Etats-Unis
00:57:00L'athlète est le héros moderne.
00:57:02Il offre son corps au peuple, à l'Etat, à l'Allemagne.
00:57:07C'est l'honneur de l'Etat.
00:57:28Alors, au son du glockenspiel,
00:57:31à la musique liquide d'un carillon de cristal,
00:57:34vit descendre par le grand degré une cascade,
00:57:37une nappe de blancheurs et de petites filles.
00:57:40Et toute l'Allemagne des contes de fées,
00:57:42celles des frères Grimm,
00:57:44se mit à danser sur le préau,
00:57:46rapporte Louis Gillet.
00:57:48C'était des figures, des rondes,
00:57:50des farandoles très simples,
00:57:52des arabesques sur la prairie,
00:57:54tantôt comme des pétales effeuillées,
00:57:56tantôt comme les dessins d'un tapis.
00:58:05Puis, ce fut le tour des garçons
00:58:07qui, à grand cri, envahirent la pelouse.
00:58:09En un instant, la scène se changea
00:58:12en un grouillement de culbutes,
00:58:14de cabrioles, de sauts de moutons.
00:58:17Mais il y avait une suite,
00:58:19d'un caractère étrange et imprévu,
00:58:21une danse des femmes,
00:58:23une lamentation,
00:58:25une plainte des suppliantes,
00:58:27en longue théorie.
00:58:29Toutes finissaient par s'abattre
00:58:31la face contre terre,
00:58:33comme si elles s'abîmaient dans le sol,
00:58:35cherchant un refuge
00:58:37dans le sombre Hadès
00:58:39qui avait pris leurs hommes.
00:58:47La nuit se fit sur la pelouse
00:58:49et l'orchestre, pour finir,
00:58:51attaqua le final de la symphonie
00:58:53avec plus de douleurs.
00:58:55Voilà le résumé de cette première journée.
00:58:57Il faisait doux,
00:58:59le temps était tiède,
00:59:01le ciel nuageux et sans lune.
00:59:26Deux ans plus tard
00:59:42Depuis plusieurs jours,
00:59:44les trains déversent des milliers de curieux
00:59:46qui arrivent des quatre coins de l'Allemagne.
00:59:48Les chemins de fer allemands pratiquent des rabaises incroyables,
00:59:51un phénix du kilomètre.
00:59:55L'organisation de loisirs du parti, la force par la joie, tel est son nom, a pris les choses en main pour faire venir les foules dans la capitale.
01:00:11Le pays vient s'admirer dans ce miroir, y contempler l'image de sa grandeur et de son renouveau.
01:00:26L'horizon
01:00:39Arrivé de Brooklyn, le romancier Thomas Wolfe raconte
01:00:44D'un bout de la ville à l'autre, de Lutzgarten à Brandenburger Tor
01:00:48le long de toute la large perspective de Hundert & Linden, à travers les vastes avenues du féerique Tiergarten
01:00:55et plus à travers l'ouest de Berlin jusqu'aux portes même du Stade
01:00:58la ville tout entière était un décor saisissant de banderoles, de bannières hautes de quinze mètres
01:01:04comme celles qui auraient pu orner la tente de quelques grands empereurs.
01:01:19500 guides et traducteurs ont été recrutés.
01:01:23La police berlinoise s'est entraînée à parler anglais, français, espagnol.
01:01:28Le comité d'organisation allemand a éduqué les berlinois à la patience et à la politesse
01:01:33jusqu'à l'art de céder sa place dans le métro.
01:01:40Les inscriptions anti-juives ont été effacées, les affiches arrachées
01:01:45le journal antisémite Der Sturmer, qui se signale par sa haine, est enlevé des coins de rue.
01:01:57Tous les prix augmentent en Allemagne car la viande, les légumes, les fruits
01:02:01tout va à Berlin qui doit avoir l'air du pays de cocaïne.
01:02:06Berlin est à présent un magnifique lieu d'échange où l'on peut se sentir chez soi
01:02:11écrit la correspondante du New Yorkers, Janet Flanner.
01:02:15Le quartier des Kurfürstendamm est maintenant peuplé de restaurants et de cafés.
01:02:21A la demande du gouvernement, les maisons ont été repeintes
01:02:25et les fuchsias ornent les fenêtres.
01:02:28Spécialement celles qui sont sur la route du stade.
01:02:43Les berlinoises ont le droit d'avoir à leurs robes un ourlet de 5 cm plus court qu'avant.
01:02:50Les bourgeois ont le droit d'avoir à leurs robes un ourlet de 5 cm plus court qu'avant.
01:02:59Les journaux étrangers sont réintroduits en ville, le jazz aussi.
01:03:11Depuis quelques mois déjà, l'objectif officiel est de rassurer.
01:03:15On demande même aux diverses polices omniprésentes de restreindre le port de l'uniforme
01:03:20pour ne pas effrayer les visiteurs.
01:03:23Le centre de la Kripo, la criminelle polizei des G.I.O.
01:03:26est maquillé en centre d'information.
01:03:29Seules des femmes y travaillent.
01:03:40Tout n'était pour un temps que douceur et lumière,
01:03:43à l'exception de rares diatribes contre les bolcheviques.
01:03:46Note le journaliste américain, William B.
01:03:50Des écrans de retransmissions par télévision sont même installés
01:03:53dans une quinzaine d'endroits de la ville.
01:03:56C'est un exploit technique, même si les compétitions ressemblent plus
01:03:59à des silhouettes qui s'agitent dans le brouillard.
01:04:04Les photos de presse ont été mises en place.
01:04:07Les écrans de retransmissions sont enregistrés dans le bureau de la police.
01:04:11Les écrans de retransmissions sont enregistrés dans le bureau de la police.
01:04:14Les photos de presse sont enregistrées dans le bureau de la police.
01:04:18Les photos de presse officielles sont fournies aux journaux étrangers.
01:04:21Les retransmissions radiophoniques sont écoutées
01:04:24par 300 millions d'auditeurs à travers le monde.
01:04:33Toute la journée, dès le matin,
01:04:36Berlin devient une oreille branchée sur le stade.
01:04:40Partout, l'air est rempli d'une seule voix.
01:04:43Les gens du salon du Kurfürstendam
01:04:46se mettent à parler à travers des haut-parleurs.
01:04:49La voix amplifiée des speakers
01:04:52fait vivre en direct les événements du stade.
01:04:55L'annonce des épreuves, les acclamations,
01:04:58la proclamation des vainqueurs,
01:05:01les hymnes nationaux ne cessent d'arriver par bouffée.
01:05:14Leni Riefenstahl tourne
01:05:17Olympia, les dieux du stade,
01:05:20le film officiel des Jeux.
01:05:23Elle raconte qu'elle fut très surprise
01:05:26que Goebbels ait décidé de le financer intégralement
01:05:29en expliquant que le film constituerait une excellente réclame pour le Reich
01:05:32et qu'il relevait donc de son ministère.
01:05:35Ce qui fut fait à travers une société écran
01:05:38donnant jusqu'à aujourd'hui l'illusion de son indépendance.
01:05:44La Warenheit
01:05:58Sa superproduction coûtera finalement deux millions de Reichmarks,
01:06:014 fois le budget d'un film de l'époque.
01:06:04Les chiffres ?
01:06:07Les opérateurs vont jusqu'à être 60 pour les grands moments.
01:06:10La pellicule est développée chaque jour immédiatement après le tournage.
01:06:17400 000 mètres de pellicule, 250 heures tournées, 2 ans de montage.
01:06:25Et d'innombrables conflits à l'entendre avec Goebbels, avec les arbitres, avec les fonctionnaires du stade.
01:06:34Les géries des nazis nous perçoivent toujours aujourd'hui que les Jeux de 36 n'ont été qu'une sublime compétition entre les meilleurs.
01:06:42Une parenthèse dans l'histoire qui a compté parmi les plus beaux Jeux olympiques.
01:06:51Cette beauté, le film de Leni Riefenstahl doit la promouvoir au-delà des épreuves.
01:06:57Olympia célèbre le corps en pleine vigueur, la beauté des apparences, l'hygiène de la race sportive.
01:07:10Fascinée par la liberté des corps, la souplesse, la grâce, la force, peu importe pour elle la couleur des peaux,
01:07:17Leni Riefenstahl nous marque car elle filme le sport d'une manière très novatrice pour nous.
01:07:24Olympia est un film sur les Jeux. C'est aussi un exploit, une prouesse de cinéma.
01:07:37L'entraînement de l'auteur est un enjeu.
01:07:40L'entraînement de l'auteur est un enjeu.
01:07:43L'entraînement de l'auteur est un enjeu.
01:07:46L'entraînement de l'auteur est un enjeu.
01:07:50L'entraînement de l'auteur est un enjeu.
01:07:52L'entraînement de l'auteur est un enjeu.
01:08:00Leni Riefenstahl fait creuser des fosses dans le sol du stade,
01:08:04pour filmer ce qui se passe à ras-de-terre, pour être au niveau de la piste.
01:08:09pour être au niveau de la piste.
01:08:13Elle filme en mouvement,
01:08:15plaçant sa caméra en haut d'une échelle fixée sur roulette.
01:08:21Elle filme au ralenti.
01:08:24Elle exalte la chorégraphie du geste.
01:08:40Elle utilise un travelling automatique
01:08:42pour filmer les courses en continu, sans opérateur.
01:08:47De gigantesques téléobjectifs lui permettent de capter des détails,
01:08:51des javelots, des pois, des disques qu'on lance.
01:08:59Le stade est devenu son studio de tournage.
01:09:04Rien ne l'arrête.
01:09:06Pas même de filmer après coups de faux speakers,
01:09:09des acteurs qui racontent les scores comme s'ils y étaient,
01:09:12alors que le décor est projeté sur un écran derrière eux.
01:09:16Ou que leurs comparses ne sont que des figurants qui font semblant,
01:09:19plus ou moins bien, de suivre d'imaginaires compétents.
01:09:25Le stade est devenu son studio de tournage.
01:09:29Rien ne l'arrête.
01:09:31Pas même de filmer après coups de faux speakers,
01:09:34des acteurs qui font semblant, plus ou moins bien,
01:09:37de suivre d'imaginaires compétents.
01:09:50Elle n'hésite pas à reconstituer avec les athlètes eux-mêmes
01:09:53qu'elle embobine, ce qu'elle a raté,
01:09:55l'épreuve qu'elle n'a pas pu tourner.
01:09:59Elle fabrique parfois de toutes pièces des moments, des figures,
01:10:02des prises de vue qui ont lieu un autre jour,
01:10:04ou sur un autre terrain, ou dans le stade vide.
01:10:10On peut apercevoir qu'il n'y a personne dans les gradins
01:10:14ou sur les bancs de la piscine.
01:10:21Leni Riefenstahl est partout à la fois.
01:10:24Elle veut tout voir.
01:10:26Elle oublie sa place des jeux du stade.
01:10:42Mise en scène dans la mise en scène,
01:10:45rouages de la grande machine du spectacle de masse,
01:10:48monuments d'images, Olympia ou les dieux du stade
01:10:53amènent notre mémoire à confondre les jeux de 36
01:10:55Riefenstahl a oublié le personnage essentiel de cette fête,
01:11:00celui qu'elle ne montre qu'à peine pour ne pas être accusée d'être à son service,
01:11:05celui à qui cette fête est dédiée.
01:11:17Hitler aurait d'abord préféré ne pas y assister au jeu, selon Leni Riefenstahl,
01:11:22en lui expliquant, nous n'avons aucune chance de gagner des médailles,
01:11:26les Américains vont emporter la plupart des compétitions et les Noirs vont être leurs stars.
01:11:31Être obligé de voir ça, ça ne me réjouit pas du tout.
01:11:35Mais après les deux médailles d'or du premier jour, Hitler se décide à revenir.
01:11:41Le 4 août, Goebbels se prend aussi au jeu.
01:11:45Épreuve excitante, nous les Allemands obtenons une médaille d'or,
01:11:50mais deux grâce à un Nègre, c'est une honte.
01:11:56Je lui ai personnellement connu trois visages, correspondant à trois aspects de sa nature,
01:12:01dira l'ambassadeur André-François Poncet, qui l'a beaucoup fréquenté.
01:12:06Le premier était blême, ses traits mous, son teint brouillé,
01:12:11ses yeux vagues, globuleux, perdus dans un songe,
01:12:15lui donnait un air absent, lointain.
01:12:18Un visage trouble et troublant de médium ou de somnambule.
01:12:24Le second était animé, coloré, transporté par la passion,
01:12:28les narines palpitaient, les yeux lançaient des éclairs,
01:12:31ils exprimaient la violence, l'appétit de domination, la haine de l'adversaire,
01:12:35une audace cynique, un visage forcené.
01:12:40Le troisième était un homme quelconque, naïf, rustique, épais, vulgaire,
01:12:46facile à amuser, riant d'un gros rire bruyant, un visage banal,
01:12:50pareil à des milliers de visages répandus sur terre.
01:13:10Qui nous ferait croire qu'il n'y a rien de plus important au monde que les jeux ?
01:13:14Que se passe-t-il ?
01:13:16L'Espagne brûle, on se fusille, on s'égorge, on se massacre à Barcelone,
01:13:21et nous courons ici, de plaisir en plaisir.
01:13:24Là-bas, incendie et carnage, ici, kermesse et fête galante.
01:13:31À Louis Gillet, William Shirer répond,
01:13:34« Jamais à ma connaissance, les gros bonnets nazis n'avaient organisé de soirées aussi somptueuses.
01:13:39Göring, Ribbentrop et Goebbels, essayant chacun de faire mieux que les autres.
01:13:44La nuit italienne, du ministre de la propagande, dans une île sur le lac de Wannsee,
01:13:49réunit plus de mille invités dans un décor des mille et une nuits.
01:13:53La nuit italienne, dans une île sur le lac de Wannsee,
01:13:57réunit plus de mille invités dans un décor des mille et une nuits.
01:14:00On servit les mets les plus fins et les meilleurs vins que j'eus jamais goûtés en Allemagne nazie.
01:14:08Les hommes d'affaires américains étaient étonnés, nous dirent-ils.
01:14:11Ils n'avaient jamais vu un peuple aussi heureux,
01:14:13aussi satisfait et aussi enthousiaste envers ses dirigeants.
01:14:17Göring leur avait dit que nous, les correspondants étrangers à Berlin,
01:14:20ne racontions que des mensonges sur l'Allemagne nationale socialiste.
01:14:27Le jour de la réunion
01:14:51Recevoir le monde entier était l'un des buts de l'opération.
01:14:58Mais, entre nous, murmure Louis Gillet, qui est venu spécialement de Paris,
01:15:03ils ne s'empressent pas, les hôtes de l'univers.
01:15:08On a eu beau multiplier les avances et leur souhaiter la bienvenue dans toutes les langues du monde,
01:15:12ils se font un peu prier et sont venus en moins grand nombre qu'on ne les attendait.
01:15:18Un couple de Hongrois pour quatre jours au lieu de quatre Américains espérés pour la quinzaine des Olympiades.
01:15:27Le jour de la réunion
01:15:57Le jour de la réunion
01:16:06À midi, on pique-nique sur l'herbe ou, si l'on a les moyens,
01:16:09on va s'installer sous les parasols de l'Olympia Terrace,
01:16:12une brasserie capable de servir douze mille couverts à la fois.
01:16:19«Une grosse dame s'assit à notre table», raconte Jacques-Benoît Méchain,
01:16:23représentant du comité France-Allemagne.
01:16:26«D'une des choristes de l'hymne à la joie.
01:16:28«Quelle vie !» gémit-elle en nous prenant à témoin.
01:16:31«On répète du matin au soir, on n'a plus un instant à soi.
01:16:34«Cet après-midi c'était Haendel, ce soir Beethoven,
01:16:37«demain ce sera de nouveau Haendel.
01:16:39«On est en route de sept heures du matin à minuit.
01:16:42«Si encore on pouvait dormir, mais il n'y faut pas songer,
01:16:45«la commission des logements a installé trois Japonais chez moi.
01:16:48«Ils refusent catégoriquement de coucher dans des lits.
01:16:51«Dès le premier soir, j'ai été réveillé en sursaut par une volée de coups de marteau.
01:16:55«C'étaient les Japonais qui enfonçaient des crampons dans les murs de mon salon
01:16:58«pour suspendre leur hamac.
01:17:02«Croyez-moi, monsieur, dans les Jeux Olympiques,
01:17:04«tout n'est pas rose, loin de là.
01:17:15«Alors je regarde cette foule, cette longue cohue,
01:17:19«cette myriade de visages, ce piétinement infatigable,
01:17:23«ce flot innombrable des Allemagnes,
01:17:26«peuple passion, peuple docile,
01:17:29«fait surtout comme toutes les foules de très petites gens,
01:17:32«de menus mondes, d'artisans, bien que sur son 31,
01:17:35«dans ses habits de confection plus que modestes
01:17:38«et comme étonnés d'être là, et que ce soit tous les jours dimanche.
01:17:44«C'est le mouvement lent, diffus, de nouveaux venus,
01:17:48«qui n'ont pas l'habitude de sentir l'asphalte sous leurs pieds,
01:17:51«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:17:54«intimidés comme s'ils faisaient leur premier pas dans le monde.
01:18:02«N'est-ce pas que depuis 20 ans, depuis la guerre de 14,
01:18:05«ce pays est isolé, vie séparée du monde ?
01:18:08«Alors, comme c'est amusant à voir un Anglais, une Anglaise,
01:18:12«observe encore l'envoyé du journal Gringoire,
01:18:15«ces gens dont on n'avait plus de nouvelles que par Ouidir,
01:18:18«dont on ne connaissait plus l'existence que par les journaux.
01:18:21«Comment est-ce faite une Parisienne ? Comment s'habille-t-elle ?
01:18:48«C'est le mouvement lent, diffus, de nouveaux venus,
01:18:51«qui n'ont pas l'habitude de sentir l'asphalte sous leurs pieds,
01:18:54«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:18:57«intimidés comme sur un parquet trop luisant,
01:19:00«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:03«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:06«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:09«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:12«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:16«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:19«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant,
01:19:22«un peu inquiets comme sur un parquet trop luisant.
01:19:26»
01:19:36Toute l'Allemagne est venue à la fête,
01:19:39les jeunes gens éblouis
01:19:41Les cœurs et les reins, comment les sonder ?
01:19:44Ce qu'il y a à l'intérieur de tous ces crânes,
01:19:46on aimerait le savoir, lire les pensées derrière ces visages,
01:19:49et que deviendront bientôt tous ces enfants.
01:19:57Il y a cette femme qui se laisse emporter par l'enthousiasme,
01:20:00la joie d'être là, à cet instant précis.
01:20:03Il y a des spectateurs impatients,
01:20:05d'autres sont inquiets, mais il ne faut pas le montrer.
01:20:09Il y a ceux que l'on ne voit pas sur ces images,
01:20:11ceux qui n'ont pas pu entrer,
01:20:13les tickets du stade sont trop chers,
01:20:15ceux qui ont peur, ceux qui n'ont pas pu fuir le pays,
01:20:18tous les indésirables et ceux qui sont enfermés ailleurs.
01:20:28Il y a tous ceux qui n'ont pas cessé de prendre des photos
01:20:30pour garder des preuves qu'ils n'ont pas rêvées,
01:20:32ceux qui ont filmé les 15 jours des Jeux avec leur petite caméra,
01:20:36mais qui n'ont rien vu vraiment.
01:20:55Tous ces êtres qui sont tombés sous le charme,
01:20:58le charme maléfique, sans savoir pourquoi,
01:21:01sans pouvoir s'en défendre.
01:21:07Le dernier jour
01:21:29Köbels, le dernier jour.
01:21:32Avec 33 médailles d'or,
01:21:34l'Allemagne est largement en tête des Jeux,
01:21:36la première nation sportive du monde.
01:21:38C'est magnifique.
01:21:40L'armada allemande est parvenue à la première place
01:21:43avec 89 médailles,
01:21:45nettement devant les vainqueurs habituels des Jeux,
01:21:48les Américains.
01:21:50De même que l'Italie devance la France
01:21:52et le Japon, la Grande-Bretagne.
01:22:05L'ambassadeur de France écrit aux ministres des affaires étrangères.
01:22:09Au triomphe de ses athlètes,
01:22:11l'Allemagne associe intimement la personne du Führer.
01:22:14C'est à Adolf Hitler qu'elle attribue le mérite des lauriers
01:22:17dont la jeune Allemagne vient de se couvrir.
01:22:20C'est en lui qu'elle voit, en effet,
01:22:22l'artisan de cet ordre, de cette discipline,
01:22:25de cette unité, de cette concorde nationale,
01:22:28grâce à lui,
01:22:30grâce auquel l'Allemagne a pu se préparer aux Jeux Olympiques
01:22:33dans le calme et la paix.
01:22:35Mais ce dont elle est avant tout reconnaissante au Führer,
01:22:38c'est d'avoir délivré le peuple allemand
01:22:40de ce sentiment d'infériorité
01:22:42qui l'accablait depuis 1919.
01:22:44De l'avoir persuadé
01:22:46qu'il n'avait jamais été vaincu
01:22:48et qu'il était invincible.
01:23:01Après avoir offert aux chanceliers du Reich
01:23:05et au peuple allemand,
01:23:07aux autorités de la ville de Berlin
01:23:10et aux organisateurs des Jeux,
01:23:13le tribut de notre profonde gratitude,
01:23:17l'Allemagne,
01:23:19l'Allemagne,
01:23:21l'Allemagne,
01:23:23l'Allemagne,
01:23:25l'Allemagne,
01:23:27l'Allemagne,
01:23:29nous proclamons la clôture des concours
01:23:34de la 11e Olympiade
01:23:36et selon la tradition,
01:23:38nous convions la jeunesse de tous les pays
01:23:41à s'assembler dans quatre ans à Tokyo
01:23:44pour y célébrer avec nous
01:23:46les Jeux de la 12e Olympiade.
01:24:00On connaît l'exemple saisissant du capitaine von Fürstner.
01:24:04C'était un officier d'élite,
01:24:06d'une distinction parfaite.
01:24:08Jeune encore, un héros de la guerre.
01:24:11A cause de ses mérites,
01:24:13on l'avait désigné pour une tâche particulièrement délicate
01:24:16qui exigeait autant de tact que de fermeté.
01:24:19Il était le directeur du village olympique.
01:24:24Malheureusement, il se découvrit
01:24:27Malheureusement, il se découvrit
01:24:29par je ne sais quelle indiscrétion
01:24:31qu'il avait un point faible.
01:24:33Une de ses grands-mères était juive.
01:24:35Aussitôt, les libelles injurieux,
01:24:37les gais racistes, de faire rage.
01:24:40L'officier ne laissa rien paraître.
01:24:42On le vit jusqu'au dernier jour,
01:24:44ponctuel, affable, cérémonieux, correct,
01:24:47remplir tout son devoir.
01:24:49Le dimanche soir, il fit ses adieux à ses hôtes.
01:24:52Le lendemain, s'occupa encore de leur embarquement.
01:24:57Seulement le mardi matin,
01:24:59son ordonnance le trouva mort.
01:25:01La presse parla d'un accident.
01:25:03Le jeune homme se serait tué
01:25:06en nettoyant son revolver.
01:25:15Dix jours après la fin des Jeux de Berlin,
01:25:18Hitler double la durée du service militaire obligatoire
01:25:21qui passe à deux ans.
01:25:23Moins de deux ans après,
01:25:25l'Autriche est rattachée à l'Allemagne.
01:25:27Un an plus tard,
01:25:29le Reich annexe une partie de la Tchécoslovaquie.
01:25:35L'Europe semble presque surprise
01:25:37quand Hitler attaque la Pologne à l'été 1939
01:25:41et déclenche la Seconde Guerre mondiale.
01:25:55Sous-titrage MFP.
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