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Mazzeri, chamans de la montagne corse. Sous le soleil corse, les montagnes recouvertes d'un épais manteau vert se jettent dans le bleu de la mer Méditerranée. Cette nature omniprésente a inspiré aux hommes de nombreuses légendes et croyances telles que le mazzérisme. Reliant le monde des vivants à celui des morts, cette pratique divinatoire ancienne raconte une Corse de tradition orale. Aujourd'hui, elle a pratiquement disparu, sauf dans certains villages de montagnes...

La Guadeloupe de tous les saints. Bordée par l'océan Atlantique et la mer des Caraïbes, la Guadeloupe est une terre d'échanges. Au fil des siècles, l'archipel s'est nourri de la culture des colons européens et de celle des esclaves africains. De ce choc culturel sont nées des pratiques spirituelles uniques, mêlant christianisme et animisme. Un métissage longtemps considéré comme de la sorcellerie, qui a continué à s'enrichir au contact de nouveaux arrivants notamment venus d'Inde.
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00:25Générique
00:28C'était un dimanche, et tous les dimanches, on allait à l'école,
00:32on n'avait pas de vacances, on n'avait pas de malfaitants.
00:36Et si je me souviens bien, c'était le 1er dimanche,
00:39et j'étais vieille, et quand on avait fermé le balcon,
00:43il y avait deux lébreux qui jouaient.
00:46Les lébreux, vous savez ce que c'est les lébreux ?
00:48Ils jouaient ensemble, et ils disaient,
00:50oh, il y a un peu d'eau, il y a un peu d'eau,
00:53et il va, il tire, et tombe les deux lébreux.
00:56Ça, ça a été vrai, ça n'a pas été similaire,
00:59ce n'était pas dans mes temps, mais c'est vrai,
01:01je l'ai vu comme ça aussi,
01:03mais ce n'était pas quand j'étais petite.
01:05Il y avait deux lébreux qui jouaient ensemble,
01:08tous les deux, bien, et en même temps,
01:10dans le même pays, ils n'avaient pas de malfaitants.
01:13L'un d'eux, avant, il disait aux lébreux,
01:15et puis à la porte, il disait, oh, il va,
01:17il prend son fils, et qu'est-ce qu'il veut ?
01:19Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:21Comment dans les murs ? Dans les murs, comment tu te sens ?
01:24Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:26Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:28Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:30Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:32Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:34Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:36Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:38Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:40Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:42Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:44Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
01:46Comment tu te sens ? Il dit, oh, il va, il dit, je vais te mettre dans les murs.
02:11Dans cette Corse des hauteurs, ce pays de chasseurs et d'éleveurs,
02:15la nature a une emprise puissante sur les hommes qui côtoient le sauvage
02:19et entretiennent une relation assumée avec la mort.
02:25Le massif représente le peuple corse qui, depuis les temps immémoriaux,
02:29est en étroite relation avec la mort.
02:32La mort, pour nous, est une fidèle compagne.
02:35En quelque sorte, les morts enterrent les morts, mais ils ont besoin d'un guide.
02:39Et ce guide est parmi les vivants.
02:44Ce passeur des morts, né dans cette Corse de vastes forêts hérissées de sommets,
02:49est venu du fond des âges.
02:55Les premiers habitants de l'île croyaient qu'un esprit, qu'une force vitale,
02:59animait chaque être, chaque pierre.
03:03Le mazerisme est sans doute un héritage de cette religion première animiste.
03:13Tout au sud de l'île, du côté de Rocapina,
03:18des pierres dressées racontent la foi du peuple qui vivait là il y a 6000 ans.
03:23Nous sommes à Cahours. Derrière, il y a un Cahours rocheux avec des grottes
03:27que les archéologues ont fouillées.
03:29Il y en a plus d'une cinquantaine qui étaient des sépultures collectives.
03:32Donc, on est au pied d'une immense nécropole.
03:40Nous sommes sur un alignement qui date du Néolithique moyen.
03:44Ce qui est intéressant dans cet alignement,
03:46c'est qu'il représente comme une sorte de procession.
03:49Ces endroits symbolisent le passage, le franchissement, et donc la mort.
03:58Parce que la mort, dans toutes ces sociétés,
04:00elle était comprise comme un passage,
04:02et mourir, c'était simplement aller de l'autre côté.
04:09Il y a des tas de légendes, d'ailleurs, qui ont survécu sur ces pièces, sur ces mégalithes,
04:12qui en font des endroits qui relient l'âge,
04:15qui ont survécu sur ces pièces, sur ces mégalithes,
04:17qui en font des endroits qui relient les espaces différents,
04:20c'est-à-dire le monde des vivants et le monde des morts,
04:22le monde des hommes et le monde des dieux.
04:38Les femmes qui ne pouvaient pas avoir d'enfants
04:40venaient dans ces endroits-là capturer une âme
04:43et demandaient aux morts de lui donner une vie à naître.
04:48Et donc ces pierres étaient vraiment comprises comme des pierres sacrées
04:52qui faisaient le lien avec le monde des morts,
04:55mais aussi qui permettaient à la vie de revenir du monde des morts.
05:04Ce décor grandiose de rochers surplombant la plaine
05:07devient ainsi leur refuge, mais aussi leur nécropole.
05:12À partir du néolithique, il y a un système,
05:14une organisation sociale qui s'est diffusée en Corse,
05:17notamment avec le pastoralisme.
05:20Ce rocher a une forme très particulière,
05:22il ressemble à une girole, je dirais.
05:25Il a une forme qui est propice aussi au rassemblement,
05:27donc on peut imaginer qu'à cet endroit-là,
05:29les gens pouvaient se rassembler,
05:32puisqu'elle peut accueillir quand même beaucoup de monde.
05:37On dit que c'est à cette époque
05:39que naît cette relation si singulière
05:41que les Corses entretiennent avec la mort.
05:45Un berger au XIXe, il vivait de la même façon qu'un berger au néolithique,
05:50il vivait dans les mêmes endroits, avec les mêmes besoins
05:53et avec le même système de croyance.
05:56Il y a des choses qui se sont transmises en ligne directe
05:59pendant des millénaires et des millénaires de bouche à oreille.
06:04Au Xe siècle, voilà la Corse évangélisée.
06:09Il y a un peu de réconciliation,
06:11mais il y a aussi un peu de disparition.
06:23Dissimulé dans les châtaigniers,
06:25les églises poussent comme celles de San Chilico,
06:28nommées en hommage à un saint
06:30qui aurait tué de ses mains un serpent.
06:39C'est un serpent loin d'aine, sauvage,
06:41mais qui, au Moyen Âge,
06:43et on va dire certainement dans une époque reculée,
06:46était un espace habité.
06:52Si la pureté de ces lignes en fait une chapelle romane,
06:56à bien y regarder, San Chilico est loin d'être ordinaire.
07:03Ici, les figures païennes se mêlent au symbole chrétien.
07:09Parvis reste environné de pierres dressées,
07:12utilisées aussi pour encadrer la porte.
07:15Au lendemain de l'évangélisation,
07:17il se murmure que les matseri,
07:20ceux qui ont le don d'annoncer la mort,
07:23sont désormais les âmes des mal baptisés.
07:34Un geste, une formule mal prononcée,
07:37ça peut être un comportement de la part du prêtre,
07:41de la famille, tous les quoiques possibles.
07:44J'ai entendu que c'était surtout des problèmes de vocabulaire,
07:47de formules mal énoncées,
07:49qui pouvaient, par la parole,
07:51et c'est vrai qu'en Corse, la parole a son importance,
07:54marquer une personne à vie.
07:56L'imaginaire collectif corse considère un matseri
08:00c'est quelqu'un qui est entre deux mondes,
08:03qui n'a pas été libéré de cette porosité
08:06entre les vivants et les morts,
08:08de ces limites fluctuantes.
08:13Dans cette Corse où la religion catholique
08:16imprègne le quotidien,
08:18il se perpétue des croyances
08:20à nul autre pareil en Méditerranée.
08:30Elles persistent dans chaque forêt,
08:33sur chaque versant où sont installés les hommes,
08:36et singulièrement dans cette contrée
08:38longtemps la plus peuplée et la plus riche,
08:41la Castanica.
08:43Une région qui tient son nom et sa fortune d'un arbre.
08:49Nous sommes en Castanica,
08:51qui est une région à part,
08:53on pourrait presque dire une île en pleine terre,
08:55une île dans l'île.
08:57C'est le royaume des châtaigniers,
08:59qui pour nous, des châtaigniers,
09:01qui sont plus que des arbres,
09:03je les considère un peu comme des arbres frères.
09:10Dans cet océan de châtaigniers,
09:13le mazérisme a trouvé un terreau fertile
09:16qui s'exprime jusque dans l'écorce de cet arbre,
09:19pourvoyeur de nourriture.
09:27Si l'on regarde bien
09:29chaque forme de l'arbre qu'il prend,
09:32on a l'impression d'un ensemble bas-relief
09:35qui représente des têtes d'animaux,
09:38peut-être de sorcières, de sorciers,
09:41des êtres fabuleux,
09:43donc une sorte de condensation
09:45de toutes nos croyances et de toutes nos peurs.
09:50Le mazér, c'est quelqu'un comme n'importe qui,
09:53comme nous et moi,
09:55qui se dédouble en rêve.
09:58Et obligatoirement, il doit se poster près de l'eau,
10:01que ce soit un torrent, un marécage, une fontaine.
10:04Et là, il attend,
10:06posté avec des armes différentes suivant les âges.
10:09Et il attend qu'un animal paraisse.
10:11Il faut dire que, selon nos croyances,
10:13l'homme possède son double animal.
10:15Ça peut être un renard, ça peut être un sanglier,
10:18ça peut être un poisson.
10:20Et donc il attend que la bête arrive,
10:22sorte de l'eau et s'approche de lui.
10:24Suivant l'âge, donc, il lui décoche un trait d'arbalète,
10:27une flèche, une balle,
10:29où il assomme avec une massue,
10:31d'où le nom étymologique,
10:33le mot maz, maz, mazza,
10:35amazza, tuer.
10:36Et lorsqu'il a tué la bête, il s'en approche.
10:38Ici, c'est par exemple un sanglier.
10:40Il découvre qu'à la place de l'aure,
10:42c'est le visage, un visage humain,
10:44d'homme ou femme,
10:46dont il sait qu'il va mourir.
10:55Aujourd'hui, ces croyances
10:57semblent s'être éteintes.
10:59Mais dans les villages de montagne,
11:01ils se chuchotent encore avec un mélange
11:03de respect et de crainte
11:05que certains sont des mazzeris.
11:14N'importe qui peut devenir subitement mazzéro.
11:17Il suffit d'être un mazzéro
11:19et d'être un mazzero.
11:21Il suffit de faire un rêve
11:23durant lequel on se voit être convié
11:25à d'étranges chasses,
11:27comme lors d'une mandraka,
11:29cet affrontement nocturne
11:31entre plusieurs mazzeris.
11:35On en a vu la trace
11:37dans la forêt de l'Hospédale,
11:39piquée de milliers de pins
11:41et peuplée de nombreuses
11:43espèces animales.
11:52L'anvier du 31 juillet
11:54vers le 1er août,
11:56les groupes de mazzeris
11:58de deux villages
12:00vont s'affronter,
12:02mais un rêve.
12:04Tout se passe, toujours un rêve,
12:06pour défendre la pérennité
12:08de leurs villages.
12:10Ça veut dire que le groupe
12:12de mazzeris gagnant
12:14va assurer la pérennité
12:16de leurs villages.
12:18Alors que les perdants,
12:20malheureusement, apportent
12:22une mauvaise nouvelle
12:24dans leur village,
12:26qui va être exposé
12:28à une mortalité importante.
12:36Et pour se livrer bataille,
12:38on cueille des tiges
12:40d'asphodèles
12:42qui finissent dans un grand feu,
12:44uniquement pour
12:46l'existence de la mandraka.
12:52Alors sur les batailles,
12:54c'est important de savoir
12:56de quelle manière le village
12:58allait apprendre la nouvelle.
13:00Donc ce n'est pas à travers
13:02le langage.
13:04Ce n'était pas quelque chose
13:06qui allait être transmis
13:08par les mazzeris,
13:10qui ne font que rêver.
13:12C'est la fumée.
13:14Donc si on voit que
13:16la fumée monte,
13:18on sait que le village a gagné.
13:20C'est assez révélateur
13:22qu'il n'y a pas beaucoup
13:24de communication.
13:26Tout passe à travers des signes
13:28et des images.
13:30Donc c'est la tradition orale,
13:32certes, mais une tradition
13:34ancrée
13:36dans les signes qu'on lit
13:38dans la nature.
13:40Interprétant ce monde,
13:42le mazzérisme nous raconte
13:44une corse de traditions orales
13:46teintées d'irrationnels.
13:48Il dévoile
13:50l'inquiétude sourde face à la mort
13:52qui frappe parfois sans raison
13:54dans ces villages rudes,
13:56donnant enfin un ordre
13:58au mystère de la nature.
14:10Le Dîner du Seigneur
14:22A Petit Canal,
14:24comme dans toute la Guadeloupe,
14:26le dimanche est pour beaucoup d'habitants
14:28le jour du Seigneur.
14:34Depuis la colonisation de l'île au XVIIe siècle,
14:36la religion catholique
14:38vit avec ferveur.
14:50Cette foi cohabite avec d'autres
14:52croyances plus anciennes,
14:54ce que les colons appelaient
14:56des supertitions.
15:00Au début d'année,
15:02automatiquement, on passe de l'encens
15:04dans la maison, de l'eau bénite,
15:06pour protéger sa maison.
15:08On allume des bougies,
15:10pour éclairer.
15:12Il y a des supertitions, faut pas se le cacher.
15:20Baignée par l'océan Atlantique
15:22et la mer des Caraïbes,
15:24la Guadeloupe abrassait
15:26la culture des colons européens
15:28avec celle des esclaves africains.
15:36Ce choc des cultures va donner
15:38naissance à un christianisme truffé
15:40de croyances animistes.
15:44Longtemps taxés de sorcellerie,
15:46ces pratiques religieuses peu orthodoxes
15:48vont également se nourrir
15:50des religions de nouveaux arrivants,
15:52celle des indiens notamment.
16:02En résulte,
16:04le métissage spirituel.
16:20Petit canal,
16:22sur grande terre,
16:24le pays de la canne par excellence.
16:28Son climat sec et ensoleillé
16:30permet à la plante de se gorger de sucre.
16:34Pour développer cette culture,
16:36les colons français entrent dans le commerce triangulaire.
16:40Et à partir de 1641,
16:42des milliers d'Africains
16:44sont débarqués sur les côtes guadeloupéennes.
16:50Au pied de l'église,
16:52l'escalier rappelle d'où viennent
16:54les racines des premiers arrivants.
17:00Une grande partie des peuples
17:02qui ont été capturés
17:04et qui ont été amenés ici
17:06comme captifs et qui sont devenus esclaves
17:08sont indiqués ici.
17:10Donc nous avons des peuls,
17:12nous avons des bambaras,
17:14nous avons des aradas.
17:16Et donc ça symbolise, si vous voulez,
17:18ce voyage transatlantique
17:20depuis l'Afrique jusqu'à la Guadeloupe.
17:24Dès la sortie du bateau,
17:26les religieux inculquent aux esclaves
17:28les rudiments du catéchisme
17:30Le catholicisme
17:32est la seule religion autorisée.
17:36Mais sous les apparences
17:38de la foi chrétienne,
17:40d'autres cultes perdurent.
17:44Un Dominicain,
17:46le père Jean-Baptiste Labat,
17:48en fait l'observation.
17:52Il va nous décrire les pratiques
17:54qui pour lui sont des pratiques superstitieuses
17:56comme par exemple
17:58le fait que certains esclaves
18:00avaient une idole
18:02à laquelle ils parlaient.
18:04Donc le père Labat va avoir ce regard
18:06disons de supériorité
18:08en traitant
18:10toutes ces pratiques
18:12par le mépris.
18:16Ses croyances ont tout simplement
18:18voyagé depuis l'Afrique.
18:22A quelques pas de l'église,
18:24un majestueux figuier bagnant
18:26a investi les murs
18:28de l'ancienne prison communale.
18:34A Petit Canal,
18:36il se dit que les esclaves
18:38auraient planté des graines
18:40lors de sa construction
18:42pour qu'elles détruisent l'édifice.
18:46Dans ces traditions animistes,
18:48l'arbre est investi
18:50d'un esprit et d'une mission.
18:52Il parlait avec les arbres.
18:54Le Baobab qui est au milieu
18:56de la place du village,
18:58lui, il entend tout ce qui se dit.
19:00C'est pour ça qu'on se réunit
19:02sous le Baobab
19:04parce qu'on est sous sa protection.
19:06Et donc il y a une approche
19:08vis-à-vis de la nature
19:10qui n'a rien à voir avec l'approche
19:12notamment des chrétiens ou des musulmans.
19:14La fleur guadeloupéenne
19:16vient nourrir ses croyances.
19:20Et parmi les arbres de l'île,
19:22il en est un,
19:24le fromager,
19:26qui suscite bien des fantasmes.
19:30Il abriterait une créature
19:32au pouvoir diabolique,
19:34le soucougnon.
19:38Un soucougnon, c'est quelqu'un
19:40qui a des pouvoirs
19:42de se dépouiller de sa peau
19:44et de voler dans le ciel
19:46et de se poser sur ses fromagers.
19:48La légende dit que si on trouve
19:50une peau quelconque,
19:52on met du piment dedans
19:54et de telle manière que
19:56quand le soucougnon va venir
19:58et va se reprendre sa peau,
20:00ça va tellement le gratter
20:02qu'il va être désigné.
20:04Alors vous imaginez un petit peu
20:06celui qui avait une maladie de peau,
20:08il ne fallait surtout pas qu'il se gratte
20:10parce qu'il était désigné comme soucougnon.
20:18À une quinzaine de kilomètres
20:20au nord de Petit Canal,
20:22sur la côte atlantique,
20:24se trouve la Porte d'Enfer.
20:28Un nom qui claque
20:30dans ce décor grandiose.
20:34La traite négrière perdure
20:36en Guadeloupe tout au long du XVIIIe
20:38et de la première moitié du XIXe siècle.
20:42Des générations d'esclaves
20:44s'organisent alors pour pratiquer
20:46leurs croyances en secret.
20:48Le territoire est tellement petit
20:50que les gens pratiquent un peu partout.
20:52Derrière l'église, dans le cimetière,
20:54dans les trois chemins, etc.
20:56Mais c'est souvent au bord du haut de mer,
20:58comme si les esprits
21:00arrivaient de la mer.
21:02Ici, c'est des personnes
21:04qui viennent faire un vœu
21:06et poser à droite, à gauche,
21:08une bougie qui va allumer la nuit.
21:14Les intermédiaires sont nécessaires
21:16afin d'interagir avec cette nature
21:18et les esprits.
21:22Dans les Antilles,
21:24c'est le quinboiseur qui officie,
21:26sorte de sorcier
21:28qui ne rejette pas pour autant
21:30la religion chrétienne.
21:34Le quinboiseur,
21:36c'est celui qu'on va consulter.
21:38Lui, il ne fait pas que regarder.
21:40Il vous dira ce qu'il faut faire.
21:42Il vous dira qu'il faut aller enterrer
21:44quelque chose dans le cimetière.
21:46Il vous dira des choses à faire.
21:54On peut visiter la région
21:56sans rencontrer un seul signe
21:58de cette culture du quinbois.
22:02Longtemps interdite,
22:04elle relève de l'intime
22:06et se cache le plus souvent
22:08dans les paysages.
22:14Un simple moulin peut se transformer
22:16en lieu de culte.
22:18Comme ici,
22:20près de Port-Louis.
22:22L'abolition de l'esclavage
22:24en 1848 ne marque pas la fin
22:26de ce mélange magico-religieux.
22:28Bien au contraire.
22:34On raconte qu'entre le Moule
22:36et Saint-François,
22:38la demeure Zévalos,
22:40construite dans la deuxième moitié
22:42du XIXe siècle,
22:44cacherait un terrible secret.
22:48À l'origine,
22:50la maison n'était absolument pas comme ça
22:52puisqu'on sait qu'il y avait
22:54six petits pavillons autour
22:56avec une salle de billard,
22:58deux chambres supplémentaires,
23:00un bureau, des barrages,
23:02une salle de douche.
23:04C'était vraiment la maison
23:06du grand bourgeois de l'époque.
23:12Zévalos,
23:14c'est aussi une des premières
23:16usines centrales de Guadeloupe.
23:18La fin de l'esclavage marque
23:20un véritable bouleversement
23:22dans l'exploitation sucrière
23:24qui entre dans l'ère industrielle
23:26avec l'arrivée du chemin de fer
23:28et de la vapeur.
23:30Mais pour couper la canne,
23:32il faut toujours des bras.
23:34À partir de 1854,
23:36la Guadeloupe fait appel
23:38à des Indiens venus des comptoirs
23:40français et anglais.
23:42Près de 45 000 travailleurs,
23:44dont le sort évolue peu
23:46par rapport aux esclaves
23:48qui les ont précédés.
23:52Quand ils sont arrivés,
23:54on les a dépouillés de leur âme
23:56puisqu'on leur a interdit
23:58de pratiquer leur riz.
24:00Ils n'avaient pas ce qu'il fallait
24:02pour pouvoir subsister.
24:04On leur a promis du riz,
24:06on leur donne des racines.
24:08Ces gens ont beaucoup souffert.
24:16On raconte même
24:18que le propriétaire des lieux
24:20aurait brûlé certains de ses travailleurs
24:22dans les fours de son usine.
24:26Et que depuis,
24:28leur fantôme hante
24:30les murs de la maison de Zévalos.
24:36La moitié des engagés indiens
24:38n'ont pas survécu à leur passage
24:40en Guadeloupe.
24:421888
24:44sonne la fin de cette immigration.
24:46Mais les survivants font souche
24:48et avec eux,
24:50une nouvelle religion,
24:52l'hindouisme.
24:58Aujourd'hui,
25:00il existe 400 temples hindous
25:02sur l'île dans lesquels
25:04ils peuvent pratiquer leur religion librement.
25:08L'île a intégré cette culture
25:10à son panthéon de croyances.
25:14Sur basse terre,
25:16à l'embouchure de la mer,
25:18près de Petibourg,
25:20Lili et son amie
25:22perpétuent un rituel
25:24qui peut avoir lieu en début d'année
25:26et les premiers vendredis du mois.
25:34Glorieuse dame
25:36de Sainte-Barthélemy,
25:38Lili et son amie
25:40perpétuent un rituel
25:42Glorieuse dame
25:44de Sainte-Barbara, ma vierge noire,
25:46avec ton manteau tu me protégeras,
25:48avec tes mains tu me baigneras,
25:50Amen.
25:54Lili appartient à une nouvelle génération
25:56de quinboiseurs qui piochent
25:58dans de nombreuses croyances pour créer
26:00leur propre religion.
26:02Je suis chrétienne,
26:04mais je me dis aussi
26:06profondément hindoue.
26:08Je me dis aussi profondément
26:10originaire
26:12du continent
26:14d'où vient toute vie,
26:16qui est aussi l'Afrique.
26:18Je suis un mélange de tout ça.
26:20Nous nous rendons dans l'eau,
26:22nous demandons la permission
26:24à l'eau de prendre ce bain
26:26et à ce moment-là,
26:28nous nous lavons.
26:30C'est ce côté-là, ce laver des péchés
26:32qu'on peut retrouver dans le Notre-Père,
26:34notamment. Nous formulons
26:36nos désirs et nos attentes pour ce mois
26:38à venir.
26:40Ce bain démarré, comme on l'appelle,
26:42se pratique à minuit
26:44ou au lever du soleil.
26:46La nature y est très présente
26:48avec ses plantes médicinales,
26:50héritage des Amérindiens et des esclaves
26:52africains.
26:56Quelqu'un peut très bien prendre son bain démarré
26:58et aller à la messe le dimanche matin
27:00et le vendredi
27:02aller au temple hindou.
27:04Si nous arrivons à vivre
27:06avec tout ce métissage en nous,
27:08pourquoi ne pouvons-nous pas
27:10vivre au quotidien avec toutes ces croyances
27:12qui nous composent?
27:16Un métissage de croyances
27:18aujourd'hui considéré
27:20comme une richesse.
27:36Sous-titrage Société Radio-Canada

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