La fin de BlackBerry : une histoire de ringardisation [Christine Kerdellant]
Lorsque l’iPhone apparait en juin 2007, les fabricants de téléphones à écran minuscule, avec des touches à enfoncer et souvent un clapet, comprennent assez vite que leur marché a explosé. Qu’ils vont devoir passer eux aussi au smartphone, à moins de se contenter d’un marché epsilonesque. Mais chez Blackberry, on n’a pas conscience du danger. Et pour cause : Blackberry est un smartphone avant l’heure, il existe depuis 1999. Il est fiable, sécurisé, il permet un accès gratuit à ses mails, à une époque où les forfaits sont limités et où seule une élite va sur Internet depuis son téléphone. Les autres appareils n’ont que des touches numérotées qui rendent l’écriture fastidieuse (vous vous rappelez ? Il fallait taper trois fois sur le 7 pour faire un "R" !) alors que le Blackberry possède un clavier complet. Il y a aussi une messagerie instantanée entre les utilisateurs, le BlackBerry Messenger. Bref, il est l’accessoire fétiche des cadres et des dirigeants internationaux - l’outil des « pros », financé par l’entreprise, un « privilège » de cadre -, quand l’iphone et ses suiveurs sous Androïd s’attaquent à tout le marché. [...]
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00:00Lorsque l'iPhone apparaît en juin 2007, les fabricants de téléphones à écrans
00:14minuscules avec des touches à enfoncer et souvent un clapet comprennent assez vite que
00:18leur marché a explosé, qu'ils vont devoir passer eux aussi aux smartphones, à moins
00:23de se contenter d'un marché epsilonesque.
00:26Mais chez BlackBerry, on n'a pas conscience du danger.
00:28Et pour cause, BlackBerry est un smartphone avant l'heure.
00:31Il existe depuis 1999, il est fiable, sécurisé, il permet un accès gratuit à ses mails,
00:37à une époque où les forfaits sont limités et où seule une élite va sur internet depuis
00:41son téléphone.
00:42Les autres appareils n'ont que des touches numérotées qui rendent l'écriture fastidieuse.
00:48Vous vous rappelez, il fallait taper trois fois sur le 7 pour faire un R, alors que le
00:52BlackBerry possède un clavier complet.
00:54Il y a aussi une messagerie instantanée entre les utilisateurs, le BlackBerry Messenger.
00:58Bref, il est l'accessoire fétiche des cadres et des dirigeants internationaux, l'outil
01:03des pros, financé par l'entreprise, un privilège de cadre, quand l'iPhone et ses
01:08suiveurs sous Android s'attaquent à tout le marché.
01:11L'immense majorité de la tribu ne veut donc pas renoncer à son BlackBerry.
01:15Après tout, que leur apporterait l'iPhone et son écran tactile ? Ils sont entraînés
01:19à pianoter à toute vitesse sur un clavier physique, avec les touches qui s'enfoncent
01:23sous les doigts.
01:24Ils n'ont pas envie de réapprendre à taper avec un iPhone.
01:27En plus, la marque possède des ambassadeurs extraordinaires comme Kim Kardashian ou Barack
01:33Obama.
01:34En arrivant à la Maison-Blanche en 2009, le président se bat contre ses équipes de
01:38sécurité pour garder son BlackBerry.
01:40Mais comme il l'avoue dans ses mémoires, il est obligé d'accepter que son appareil
01:43soit bridé.
01:44Plus d'appels possibles, plus d'accès à Internet, des échanges de mails limités
01:49à une vingtaine de contacts.
01:52Sa femme Michelle se moque de lui.
01:53Elle lui dit que son téléphone est comme un jouet pour les tout-petits, avec juste
01:56des lumières et des boutons pour faire du bruit.
01:58En dépit de son fan-club, le BlackBerry ne va tenir qu'une décennie, car il se
02:03laisse vieillir sans proposer de nouvelles fonctionnalités.
02:06Et les utilisateurs, peu à peu, vont finir par lui préférer les écrans plus grands,
02:11les applications plus nombreuses et l'interface plus conviviale de l'iPhone.
02:15Malgré l'érosion de sa part de marché, le constructeur du BlackBerry, RIM, s'obstine
02:21à développer son système d'exploitation propriétaire, le BlackBerry OS.
02:25Il attend 2015 et des milliards de pertes avant de basculer sous Android.
02:30Trop tard, le dernier modèle sort en 2018 et en janvier 2022, tous les BlackBerry cessent
02:37de fonctionner.
02:38Entre nostalgie chic et ringardise, la frontière était trop ténue.
02:43La leçon de cette histoire, c'est que vendre un produit qui donne 100% de satisfaction
02:48au moment où débarque un game changer, un acteur qui change la donne, c'est un
02:51piège.
02:52Car c'est au moment où les études marketing dithyrambiques vous sécurisent, les utilisateurs
02:57sont ultra fidèles, ils ne veulent surtout pas qu'on change quoi que ce soit, que vous
03:00courez au contraire le plus grand danger.
03:02Car votre produit, s'il n'évolue pas, se démode.
03:06Et même les inconditionnels finiront par partir la mort dans l'âme, rejoindre les
03:10adeptes du nouveau joujou, plus sophistiqué et qui insensiblement les a fait passer pour
03:16des ringards.
03:17Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org