Développé depuis plusieurs années, notamment dans une note de 2012, la "nouvelle France" de Jean-Luc Mélenchon, correspond à un tournant idéologique des insoumis. Mais le concept ne fait pas consensus à gauche.
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00:00Jean-Luc Mélenchon a donné une conférence vendredi soir, l'occasion pour lui de marteler son nouveau slogan, il parle de la Nouvelle France.
00:08Ça veut dire quoi la Nouvelle France ?
00:09C'est un concept qu'il développe depuis plusieurs semaines désormais, il l'a explicité vendredi donc à l'occasion d'une conférence donnée dans les locaux
00:16du parti ouvrier indépendant qui est une émanation du parti des travailleurs, vous vous souvenez peut-être du parti des travailleurs, lui-même qui était une émanation de
00:23l'organisation communiste internationaliste,
00:25l'organisation trotskiste, pour laquelle il milita dans sa jeunesse. Et donc la Nouvelle France, écoutez ce qu'il en dit.
00:31Quelle est la Nouvelle France ? Ce sont ses populations, les populations racisées, les populations féminines,
00:37ce sont les populations de la jeunesse, c'est l'hégémonie politique de cette Nouvelle France telle que je viens de la décrire,
00:45par genre, par manière de vivre, par culture,
00:48que nous allons appeler à la conquête du pouvoir parce que nous en connaissons la date et le moyen, c'est
00:542027 et c'est l'élection présidentielle.
00:57Les populations racisées, les populations féminines et la jeunesse, c'est la nouvelle martingale de Jean-Luc Mélenchon.
01:03Alors d'où vient ce tournant stratégique ? Alors historiquement, le débat il est né à gauche en mai 2011
01:09dans un think tank qui s'appelle Terra Nova et qui publie à cette date là une note baptisée
01:14« Gauche, quelle majorité électorale ? »
01:16Elle s'affiche sur l'écran et cette note, c'est amusant parce qu'elle va faire scandale à l'époque,
01:21elle détermine en fait les scénarios possibles pour une victoire de la gauche
01:24et un de ces scénarios explique que la gauche n'a plus intérêt à coller d'une certaine façon avec les ouvriers qui sont partis
01:31au Front National, enfin qui votent pour le Front National,
01:34qui est une forme de victoire de ce qu'on appelle le libéralisme culturel et qu'il faut plutôt mettre en avant des concepts tournant autour de
01:39la jeunesse, des femmes et des immigrés.
01:41En fait, c'est un parallèle qui est fait avec l'élection de Barack Obama à l'époque, qui en 2008 avait été élue notamment en s'appuyant sur
01:47les femmes, sur les jeunes et sur le vote des communautés afro-américaines ou latino.
01:51Alors vous allez me dire, pourquoi Jean-Luc Mélenchon reprend ce thème aujourd'hui ?
01:54C'est d'autant plus surprenant, je le disais pour la petite histoire, qu'il le fait dans les locaux du Parti des Travailleurs
01:58et qu'à l'époque, les insoumis, qui ne s'appelaient pas encore insoumis, étaient vent debout contre cette note de Terra Nova
02:05qui, en gros, revenait à oublier les ouvriers, à oublier le prolétariat, à oublier l'agenda social pour faire autre chose.
02:11Mais en fait, il y a un tournant stratégique chez les insoumis qui date de 2018. En 2018, ils viennent de perdre l'élection.
02:17En 2017, il leur manque les fameuses 700 000 voix. C'est un slogan qu'on entend beaucoup.
02:20Et à cette date, les insoumis se disent, on va aller les chercher dans les quartiers populaires.
02:24C'est de là que datent, vous savez, tous les tournants idéologiques des insoumis sur le racisme d'État, sur les violences policières, sur la laïcité.
02:33C'est pour s'adresser à de nouvelles cibles électorales. Et c'est une stratégie, avec beaucoup de concepts, issue de la gauche américaine.
02:41Et ça fait consensus à gauche, cette stratégie ?
02:43Non, alors ça ne fait pas consensus. Et notamment chez François Ruffin, qui a accordé deux jours avant la conférence de Jean-Luc Mélenchon,
02:49une interview au Monde où il dénonce ce choix. Il le dit désormais dans les textes de Jean-Luc Mélenchon.
02:53C'est la nouvelle France qui s'oppose sans doute à la vieille France. C'est Terra Nova, dit-il, avec même le nouveau parti anticapitaliste.
03:03Pour le député de la Somme, cette stratégie, elle est perdante. Il explique en gros qu'elle mène la gauche à avoir trois trous.
03:08Un trou géographique, la France des bourgs. Un trou démographique, les personnes âgées. Et un trou social, les salariés modestes.
03:13C'est bien de parler à la jeunesse, aux femmes et aux gens issus de la diversité, mais il ne faut pas oublier le reste, dit-il.
03:19On ne gagnera pas sans. En fait, il y a deux logiques qui s'affrontent, si je résume.
03:22Une stratégie de premier tour. Jean-Luc Mélenchon veut se hisser en tête au premier tour avec ses trois cibles électorales.
03:28Et il se dit, au second, je serai face à l'extrême droite et les gens seront obligés de voter pour moi.
03:32Et puis, il y a les autres, Ruffin, mais aussi les socialistes, qui considèrent que c'est bien beau de se hisser en tête au premier tour,
03:37mais qu'il faut convaincre au second qu'il faut une majorité sociologique pour ça.