100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans 100% Sénat.
00:00:13En cas de cohabitation, comment se fait la répartition du pouvoir
00:00:17entre le Président et le Premier ministre en matière de politique étrangère ou de défense ?
00:00:22La question n'est pas si simple à trancher car notre constitution n'est pas si claire.
00:00:27Il y a bien l'article 5 qui dit que le Président est le chef des armées,
00:00:31mais il y a aussi l'article 21 qui dit que le Premier ministre
00:00:35est responsable de la défense nationale.
00:00:38Pour y voir plus clair, la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat
00:00:43a auditionné hier trois experts.
00:00:45Olivier Gohin, docteur en droit public, le diplomate français Pierre Ceylal
00:00:49et Bruno Tertrais, le directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique.
00:00:55Écoutez leurs analyses.
00:00:57Lorsque nous avons un chef des armées qui est devenu coutumièrement un chef
00:01:04constitutionnel et fonctionnel et non pas seulement organique des armées,
00:01:08nous sommes aussi dans un pouvoir du Président de la République en matière de défense
00:01:12qui n'a jamais été sérieusement contesté.
00:01:17Il n'a jamais été contesté en fait majoritaire,
00:01:21c'est-à-dire dans l'hypothèse de conjonction des majorités présidentielles
00:01:27et législatives, situation que nous avons connue entre 1962 et 1986.
00:01:38Étant précisé qu'avant 1962, nous avons une coalition majoritaire qui s'effrite.
00:01:44Il n'y a pas véritablement fait majoritaire parce qu'en réalité,
00:01:46le Président de la République n'est pas encore élu au suffrage universel direct.
00:01:51Vous me direz, il ne l'est pas non plus en 62.
00:01:53Si, parce qu'il engage sa responsabilité politique sur le référendum de 1962
00:01:59et il gagne ce référendum et à ce moment-là, en réalité, il s'installe
00:02:03comme étant dans la situation d'une élection au suffrage universel direct.
00:02:09En somme, il y a une confirmation de cette situation en 65 par son second septénat inachevé.
00:02:22Bien sûr, il y a la cohabitation.
00:02:27La cohabitation, j'aurais peut-être une divergence avec vous sur ce point, M. le Président,
00:02:33c'est aussi une hypothèse de majorité absolue, mais je dirais inversée.
00:02:38C'est-à-dire qu'en réalité, le Premier ministre est en situation d'avoir une majorité absolue
00:02:44au sein de l'Assemblée nationale et c'est en effet à ce moment-là un problème de légitimité qui se pose,
00:02:51c'est-à-dire que la légitimité du Président de la République est plus faible
00:02:54parce qu'il est plus distancié par rapport à l'élection.
00:02:58Le Premier ministre vient d'obtenir cette majorité absolue contraire.
00:03:04Il y a d'ailleurs eu des difficultés, je ne le cache pas, entre 1997 et 2002,
00:03:08au cours de la troisième cohabitation entre le Président de la République et le Premier ministre
00:03:14sur des questions qui portaient sur les relations internationales et aussi sur la question de la défense.
00:03:22L'exemple le plus connu, c'est sans doute l'opposition du Premier ministre Lionel Jospin
00:03:28à l'intervention des troupes françaises en Côte d'Ivoire en décembre 1999
00:03:33au soutien du Président Conan Bédier qui venait d'être renversé.
00:03:38Il avait succédé au Président Oufoué de Bouigny.
00:03:41Le Président Chirac souhaitait cette intervention qui était d'ailleurs assez simple
00:03:44parce qu'en réalité nous avons des troupes à Abidjan,
00:03:47mais le Premier ministre s'y est opposé et ça ne s'est pas fait.
00:03:52Je peux dire que cela a été mal vécu au sein de l'institution militaire.
00:03:57Mais il y a peu d'exemples d'accrocs et cet accroc est sans doute le plus important et le plus fâcheux.
00:04:08Alors il y a aussi cette hypothèse de la majorité relative où nous étions entre 88 et 93
00:04:15avec, il est vrai, un écart très faible par rapport à la majorité absolue,
00:04:20où nous étions entre 2022 et 2024 avec un écart un peu plus important
00:04:29et où nous sommes peut-être, je n'en ai pas sûr, depuis 2024, depuis le 7 juillet dernier.
00:04:38Il me semble que dans cette hypothèse, le système institutionnel n'a pas fonctionné différemment
00:04:46de ce qu'il a connu pendant le fait majoritaire ainsi que pendant la cohabitation
00:04:54qui sont des hypothèses où, par le texte et la coutume interprétative et normative,
00:05:01le président de la République reste en situation dominante à la fois dans les affaires étrangères
00:05:09et dans les questions de défense qui, comme cela est si bien manifesté par votre commission,
00:05:16sont évidemment deux questions indissolublement liées.
00:05:20Voilà, M. le Président, ce que je pouvais dire pour introduire cet exposé.
00:05:27M. le Rambassadeur, c'est à vous.
00:05:33C'est vous qui vous organisez comme vous le souhaitez, il n'y a pas de problème. Chacun parlera.
00:05:37Très bien. Merci, M. le Président. Je précise que mon propos sera également informé
00:05:42par ma modeste expérience au ministère de la Défense, à l'époque ça s'appelait ministère de la Défense,
00:05:47entre 1993 et 2001, puisque j'ai vécu de l'intérieur de cohabitations et à un poste plutôt privilégié à l'époque.
00:05:56Cinq points rapides. Premier point, juste pour confirmer ce que dit à l'instant M. le Professeur.
00:06:02Pour moi, le statut de chef des armées dans les faits, c'est-à-dire fonctionnellement
00:06:07et non pas seulement dans le droit, est difficilement contestable.
00:06:10Le président de la République n'est pas la reine d'Angleterre.
00:06:13Je rappelle un fait qui est parfois mal connu. La France est le seul grand pays occidental
00:06:20dans lequel le chef des armées est élu au suffrage universel direct.
00:06:23La France est le seul grand pays occidental dans lequel le chef des armées est élu au suffrage universel direct.
00:06:30La pratique a confirmé que ce statut était en permanence décliné en conséquences concrètes,
00:06:36même si, bien sûr, le président de la République peut difficilement empêcher en situation de cohabitation,
00:06:42forcer une intervention, ça a été rappelé à l'instant, ou empêcher une révision budgétaire telle qu'on avait fait en 1998.
00:06:521998, ça s'appelait la Revue des programmes de défense. C'était quelque chose qui avait été imposé par le gouvernement.
00:06:57Deuxième point sur la question nucléaire, qu'effectivement, je connais assez bien.
00:07:02La responsabilité du feu nucléaire est indissociable du statut de chef des armées en France, sous la cinquième.
00:07:08Alors certes, il y a eu des controverses juridiques sur le fondement juridique du pouvoir nucléaire présidentiel.
00:07:17Le décret de 1996 a été rappelé par monsieur le professeur. Il recalibrait juridiquement quelque chose qui n'était pas totalement assuré en 1964,
00:07:29le fameux décret de 1964 sur les forces aériennes stratégiques. Ce décret a été mis à jour en 2009.
00:07:35Et en 2016, c'est citant que l'assise juridique du pouvoir nucléaire présidentiel me semble aujourd'hui assez solide.
00:07:44Je rappelle également que le président de la République, au terme de l'article 5 de la Constitution,
00:07:50est garant de notre indépendance, de l'intégrité du territoire, du fonctionnement régulier des pouvoirs publics,
00:07:55ce qui n'est pas du tout anodin dès lors que l'on met en relation ce pouvoir de garant du président avec la dissuasion nucléaire.
00:08:06Il faut rappeler également que l'élection de notre président de la République au suffrage universel direct est liée directement au statut nucléaire.
00:08:18Pourquoi ? Parce que l'une des raisons pour lesquelles le général de Gaulle a voulu cette réforme,
00:08:23je dis bien l'une des raisons, pas la seule, mais c'est très bien documenté par les acteurs de l'époque les plus proches du général,
00:08:30il considérait que seule une élection au suffrage universel direct pouvait lui donner la légitimité nécessaire à l'intérieur et à l'extérieur pour disposer du pouvoir nucléaire.
00:08:45Et donc tout ceci amène l'un de vos prédécesseurs, ce professeur Bernard Chamboud, à parler de constitution atomique dans les années 1970, je crois.
00:08:57Et d'une certaine manière, le pouvoir nucléaire consolide la position fonctionnelle de chef des armées du président.
00:09:06Je rappelle que le poste de chef d'état-major particulier du président de la République, qui a longtemps été en protocole le troisième personnage du balai,
00:09:14fut créé pour le nucléaire, de même que les cabinets militaires du Premier ministre et du ministère des Armées,
00:09:20et que le CEMP, le chef d'état-major particulier président, est le point de contact quotidien, littéralement quotidien, parfois pluricotidien,
00:09:27entre le chef d'état-major des armées et le président de la République.
00:09:30Le deuxième point, dans le domaine nucléaire militaire en général, le rôle du Premier ministre reste significatif.
00:09:37Il prend, au terme du Code de la Défense, les mesures générales d'application des décisions prises en Conseil de Défense et de Sécurité Nationale dans le domaine nucléaire.
00:09:47Il est le responsable de ce que l'on appelle le contrôle gouvernemental dans ces deux chaînes, chaînes de sécurité et chaînes d'engagement.
00:09:56Ce sont des dispositifs très complexes, techniques, mais extrêmement importants qui garantissent que le pouvoir politique contrôle bien, tout au bout,
00:10:06tout au long de la chaîne, la conformité et la sécurité et tout un tas de choses dans le domaine nucléaire militaire, y compris, bien sûr, l'emploi.
00:10:19D'après les sources ouvertes, puisqu'il n'y a pas de texte officiel public dans ce domaine, le Premier ministre est premier dans ce qu'on appelle la chaîne de dévolution.
00:10:30La chaîne de dévolution, c'est ce qui se passe si le président est empêché et que l'intérim n'a pas pu être décidé ou constaté.
00:10:43C'est aussi pour cela, d'ailleurs, que le Premier ministre, là encore, d'après les témoignages et les sources ouvertes, se voit, lorsqu'il entre en fonction,
00:10:50se voit présenter la posture des forces nucléaires, tout comme le président, généralement, à son premier jour de fonction.
00:10:57Toutefois, le Premier ministre, dans ces circonstances totalement extrêmes, bien sûr, nous sommes là pour expliquer la théorie, la pratique autant que les théories, la théorie autant que la pratique.
00:11:08D'après les sources ouvertes, le Premier ministre ne pourrait pas modifier les plans tels qu'ils auraient été approuvés par le président de la République.
00:11:16Donc, il a un pouvoir délégué dans des circonstances on ne peut plus extraordinaires.
00:11:21Ce pouvoir n'est pas la plénitude de l'exercice du pouvoir présidentiel en ce qui concerne l'emploi du nucléaire.
00:11:28Et puis, on peut dire que, là encore, l'expérience des 40 dernières années nous montre que, sur certaines questions, le Premier ministre a eu une influence ponctuelle significative.
00:11:38Michel Rocard disait, par exemple, publiquement qu'il avait persuadé François Mitterrand de changer très vite un certain nombre de plans nucléaires après la fin de la guerre froide.
00:11:50Pierre Bérégovoy est réputé avoir eu une influence importante sur François Mitterrand sur la question des essais nucléaires, de leur pérennité ou non, de leur suspension ou non, et du nombre d'essais effectués.
00:12:03Quatrième point, l'expérience des cohabitations montre, à mon sens, que le président a le dernier mot sur les décisions les plus importantes.
00:12:11J'appelle parfois la période pendant laquelle Jacques Chirac était Premier ministre et Brigitte Clardestin président à la première cohabitation.
00:12:21C'était une quasi-cohabitation. Il y avait eu – on ne s'en souvient peut-être pas beaucoup – un débat très vif, public, sur la doctrine de dissuasion à l'époque entre le Premier ministre et le président.
00:12:32C'est le président qui avait eu le dernier mot.
00:12:34Entre François Mitterrand et Jacques Chirac, vous le savez bien, la controverse sur la reprise ou non des essais nucléaires s'est éclosée, en tout cas jusqu'à l'élection de Jacques Chirac, par le maintien de cette suspension.
00:12:50Et il y a un moment très solennel dans lequel le président Mitterrand a voulu réaffirmer la plénitude de ses fonctions et de ses pouvoirs dans le domaine de la dissuasion nucléaire.
00:13:01La conférence de presse de 1994, extrêmement solennelle, où c'était véritablement l'affirmation de la constitution atomique et du président jupitérien.
00:13:12François Mitterrand, en 1994, rappelle donc qu'il exerce la plénitude de ses fonctions dans le domaine nucléaire alors qu'on était encore en cohabitation.
00:13:20Il y a eu ensuite un épisode très intéressant. C'est celui du Livre blanc sur la défense de 1994, donc en cohabitation.
00:13:26Et ce Livre blanc avait été rédigé par le gouvernement, mais en fin de parcours, en fin d'exercice, un certain nombre de points avaient été soumis au président de la République.
00:13:37Et il avait, je peux en témoigner personnellement, rayé quelques phrases, modifié quelques points, mais il avait été considéré que s'agissant d'un Livre blanc sur la défense,
00:13:48un texte gouvernemental, sans statut juridique particulier, mais c'était trop important pour essayer de faire ça sans le plaid-accord du président de la République.
00:13:56Donc sur les questions relatives à l'OTAN, sur les questions relatives au nucléaire, et sur deux ou trois points, le président de la République avait mis sa main littéralement.
00:14:04Enfin, dans la dernière cohabitation en date, celle de Jacques Chirac avec Lionel Jospin, c'était très particulier parce que je crois qu'à ce moment-là,
00:14:14Jacques Chirac avait déjà en mémoire les cohabitations passées et donc tirait bénéfice pour l'exercice de son pouvoir de ces cohabitations.
00:14:24Et il y avait eu un épisode très intéressant, que j'ai suivi d'extrêmement près, qui était la remise à plat justement de la doctrine nucléaire
00:14:33et quasiment l'ensemble de nos programmes nucléaires en cohabitation de manière extrêmement consensuelle. C'est un modèle, à mon sens, je pense que Pierre peut en témoigner,
00:14:42c'est un modèle de refonte consensuelle à l'époque, de remise à plat et de refonte de l'ensemble des questions relatives à la politique nucléaire militaire,
00:14:51notamment sur le point de vue de la doctrine. C'était un exemple de cohabitation nucléaire apaisée. Je peux en témoigner personnellement.
00:15:00Il est vrai que c'était aussi ces cohabitations des situations dans lesquelles le Premier ministre était un candidat possible, voire déclaré, à l'élection présidentielle.
00:15:11Et donc, moi je m'en souviens très bien, dans les années 90, on sentait que ce que le Premier ministre voulait ou pouvait dire sur cette question particulière
00:15:22était aussi informé par la perspective de le voir lui-même un jour aux commandes. Donc, et c'est mon dernier point, toutes les cohabitations passées ne nous informent finalement
00:15:34que très partiellement ce que serait une éventuelle forme de cohabitation demain. Premièrement, parce qu'un Premier ministre n'est pas forcément un candidat à l'élection présidentielle en puissance.
00:15:46Deuxièmement, parce que le régime sous le contrôle de M. le Professeur Gouin a tout de même évolué dans sa pratique ou dans sa coutume.
00:15:54On peut parler de certaines formes de présidentialisation supplémentaires depuis 2007, notamment avec l'élargissement du mandat du Conseil de défense élargi à la Sécurité nationale.
00:16:07On l'a bien vu, par exemple, pendant la crise du Covid-19. C'était en vertu du fait qu'il s'agit non plus seulement d'un Conseil de défense et de Sécurité nationale que ce Conseil a largement traité de ces questions.
00:16:19On peut parler aussi du CNR, des affaires de renseignement, avec cet effort de coordination depuis l'Elysée. Et puis, bien sûr, ça a été déjà mentionné, c'est mon dernier point,
00:16:31et je n'irai pas plus loin parce que, M. le Président, vous l'avez mentionné, la réforme de 2008, qui veut qu'au bout de quatre mois, il y ait non seulement information,
00:16:41mais aussi contrôle parlementaire et donc autorisation parlementaire à la poursuite d'une opération extérieure. Il reste à définir ce qu'est exactement l'envoi de troupes à l'étranger et l'opération extérieure.
00:16:51Et il est possible que les juristes en fassent leur miel dans les mois ou les années qui viennent. Merci, M. le Président.
00:17:00Merci, messieurs. Merci beaucoup. Donc, la parole est maintenant pour terminer à M. Sellal. M. l'Ambassadeur.
00:17:07M. le Président, mesdames et messieurs, il a été rappelé qu'aux yeux du général de Gaulle, il n'y avait pas de diarchie au sommet de l'État.
00:17:16Néanmoins, la Constitution organise un exécutif bicéphale entre le président de la République, élu au suffrage universel, et le Premier ministre, nommé par le président de la République.
00:17:29Et même si la répartition des rôles et des pouvoirs entre ces deux têtes est définie par une série d'articles de la Constitution que M. le Professeur a rappelés,
00:17:40articles 5, 15, 20, 21, j'emprunterai au Conseil constitutionnel la formule selon laquelle tout ceci se caractérise par une certaine plasticité.
00:17:51Et cette plasticité des dispositions constitutionnelles a permis deux lectures, deux pratiques différentes de cette relation entre les deux têtes de l'exécutif,
00:18:04selon ce que je qualifierais de régime de droit commun, puisque nous avons connu quand même davantage depuis 1958 de périodes dans lesquelles il y avait unité politique
00:18:15entre les deux têtes de l'exécutif qu'une situation différente.
00:18:20Donc deux lectures possibles et deux pratiques qui se sont exprimées.
00:18:25L'une dans laquelle le centre de gravité du pouvoir est très clairement, voire complètement du côté du président de la République,
00:18:33avec une chaîne verticale du président vers l'administration via le Premier ministre, le gouvernement et les ministres.
00:18:40Et l'autre dans laquelle il y a déplacement de ce centre de gravité vers le chef de gouvernement, vers le Premier ministre,
00:18:48et peut-être une application plus littérale des dispositions de la Constitution selon lesquelles le gouvernement conduit et dirige la politique de la nation.
00:19:02Monsieur le Professeur évoquait une pratique qui a valeur de coutume.
00:19:06Et c'est vrai que deux types de pratiques se sont imposées qui constituent une coutume constitutionnelle,
00:19:13aussi bien dans la première des situations, la plus générale encore une fois, que l'autre.
00:19:19Et un certain nombre de principes, d'habitudes, de procédures, de méthodes ont été mis en place,
00:19:26encore une fois dans chacune des deux circonstances, qui, sans être contraignantes au plan juridique, ont valeur d'inspiration et guident la pratique.
00:19:35J'y ajouterai un élément supplémentaire, c'est que cette pratique et cette coutume existent également aux yeux des partenaires étrangers et des institutions internationales.
00:19:46Nul ne s'est étonné, c'est le moins que l'on puisse dire, que le président de la République parte aujourd'hui au sommet de l'OTAN.
00:19:54C'est une pratique, une coutume qui n'est pas fixée et définie par un texte,
00:20:02mais il est clair que, dans un sommet international, nos partenaires se sont habitués, depuis 60 ans, à voir siéger le président de la République.
00:20:10J'insiste sur ce point parce que, dans la manière dont la relation entre les deux têtes de l'exécutif est organisée,
00:20:18en particulier en matière de politique étrangère et également de défense,
00:20:22la manière dont les partenaires de la France considèrent la pratique française est un élément très important.
00:20:29Monsieur le professeur évoquait le caractère inapproprié de la formule du domaine réservé,
00:20:41selon laquelle la politique étrangère, dans son contenu, ses méthodes, ses pratiques, sa matière,
00:20:47relèverait de manière évidente du président de la République et échapperait à la sphère gouvernementale.
00:20:54Vous savez fort bien, monsieur le président, mesdames et messieurs,
00:20:57que la politique étrangère ne constitue pas quelque chose de disjoint par rapport aux questions économiques, sociales, de toute nature.
00:21:06Et ceci est particulièrement vrai en matière de politique européenne.
00:21:09On voit mal comment on pourrait considérer qu'au titre de l'article 52, par exemple, rappelé par monsieur le professeur,
00:21:16le président de la République négocie et ratifie les traités.
00:21:20Si ce traité portait sur des matières qui relèvent de tout le champ de l'action gouvernementale,
00:21:25il aurait, par le biais de sa responsabilité en matière de négociation de traités,
00:21:30la haute main sur toutes les matières relevant de l'action gouvernementale.
00:21:34Cela montre bien que, en particulier en ce qui concerne les affaires européennes,
00:21:38et j'y reviendrai dans un instant, la formule du domaine réservé n'est pas appropriée.
00:21:46Ce sur quoi je voudrais insister, monsieur le Président,
00:21:51puisque vous avez bien voulu rappeler ma pratique de trois cohabitations,
00:21:57c'est que, quels que soient certains moments de tension,
00:22:04in fine, un accord entre les deux têtes de l'exécutif est absolument indispensable à toute prise de décision.
00:22:10Qu'il s'agisse de choses importantes comme la conclusion d'une négociation ou la conclusion d'un traité,
00:22:16ou de nomination d'ambassadeur.
00:22:19Dans la pratique que j'ai vécue, en particulier dans la dernière cohabitation,
00:22:24où, en tant que directeur de cabinet, j'étais responsable de l'élaboration des propositions de nomination d'ambassadeur,
00:22:30c'est que, par un travail informel et des contacts quotidiens,
00:22:33on s'assure d'un consensus entre les deux têtes de l'exécutif.
00:22:38Et, en cinq ans de cohabitation, on a dû nommer, je ne sais pas, 130, 140 ambassadeurs.
00:22:48Je n'ai pas souvenir du point de blocage durable qui est excédé les doigts d'une main.
00:22:55Et ceci est assez normal lorsqu'il s'agit de nommer des ambassadeurs et des responsables administratifs de haut niveau.
00:23:02En pratique, le consensus est indispensable.
00:23:05Juridiquement, il prend la forme du contressaint du Premier ministre et du ministre
00:23:10sur les nominations réalisées en Conseil des ministres ou la présidence du Président de la République.
00:23:15Mais il y a nécessité absolue d'un commun accord.
00:23:19Je me permettrai, M. le Président, d'insister plus particulièrement sur les questions de politique européenne,
00:23:27puisque ce sont celles qui ont donné lieu à diverses interrogations au cours des dernières semaines.
00:23:34La première question, c'est qui doit siéger au Conseil européen aujourd'hui ?
00:23:40La pratique française, depuis que ce Conseil européen existe,
00:23:45il a d'ailleurs été créé sur l'initiative française du Président Giscard d'Estaing,
00:23:50c'est que le Président de la République siège au Conseil européen.
00:23:54Très longtemps, le chef de l'État français était le seul chef de l'État à participer au Conseil européen.
00:24:03Ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisqu'il y a d'autres chefs de l'État,
00:24:07Président de la République élus au suffrage universel dans leurs pays respectifs, qui siègent au Conseil européen.
00:24:13Je crois qu'il y en a aujourd'hui 5, la France, la Bulgarie, Chypre, la Lituvanie et la Roumanie.
00:24:20J'observe cependant qu'il y a des Présidents de la République élus au suffrage universel,
00:24:24le Président portugais par exemple, qui ne participent pas au Conseil européen.
00:24:28Le critère n'est pas celui-là, ce sont les dispositions constitutionnelles
00:24:32et les relations entre le chef de l'État et le chef du gouvernement dans les pays considérés.
00:24:41Une observation liée à la pratique,
00:24:45le problème concret de la représentation de la France au Conseil européen
00:24:49était fortement atténué dans le passé, la dernière période de cohabitation incluse,
00:24:54par le fait que chaque État membre disposait de deux sièges au Conseil européen.
00:24:58C'était le cas de 1986 à 1988, c'était le cas de 1993 à 1995,
00:25:04et c'est encore le cas de 1997 à 2002.
00:25:08La fiction, si j'ose dire, c'est que le Premier ministre occupait le siège
00:25:14qui était normalement celui du ministre des Affaires étrangères.
00:25:17Depuis 2004, il n'y a plus qu'un seul siège au Conseil européen,
00:25:23et la question pourrait se poser,
00:25:26mais là, je crois que la réponse est apportée par la coutume évoquée par M. le Professeur,
00:25:31à savoir qu'il paraît difficilement contestable, compte tenu des habitudes prises,
00:25:35compte tenu de la manière dont nos partenaires attendent les prises de position de la France,
00:25:41que le Président de la République n'y siège pas.
00:25:48Deuxième question, et surtout dans le contexte où le Président de la République,
00:25:52donc en période par hypothèse de cohabitation, siègerait seul au Conseil européen,
00:25:57que peut décider le Conseil européen ?
00:25:59Là, c'est un point qui déborde un peu du champ de nos réflexions ce matin,
00:26:06il faut toujours se souvenir que le Conseil européen n'a pas de pouvoir législatif.
00:26:10Le Conseil européen donne des grandes impulsions, définit des grandes orientations,
00:26:15mais sauf dans un très petit nombre de cas, il n'a pas de pouvoir décisionnel propre,
00:26:20de pouvoir législatif.
00:26:21Dès lors qu'il y a un accord politique qui se dessine sur une question budgétaire,
00:26:26le lancement d'un programme, l'ouverture d'une négociation avec un pays tiers,
00:26:32ensuite, la mise en œuvre concrète et les décisions juridiques
00:26:36dépendent des formations du Conseil des ministres.
00:26:39Conseil agriculture, Conseil écofine, Conseil transport, Conseil environnement.
00:26:44Et seuls les membres du gouvernement siègent dans ces formations du Conseil.
00:26:50Et le Conseil européen n'a aucune autorité hiérarchique sur les formations du Conseil des ministres.
00:26:55Le Conseil européen n'a aucune capacité de modification, de réformation ou d'annulation
00:27:00d'une décision d'un Conseil des ministres.
00:27:02En d'autres termes, un président de la République qui accepterait un Conseil européen
00:27:07ou qui prendrait des engagements sur des sujets qui ne seraient pas ensuite
00:27:12mis en œuvre au niveau gouvernemental par les ministres représentant la France
00:27:18dans les conseils correspondants, verrait sa parole et son crédit sérieusement entamés.
00:27:25Ce qui me conduit à la conclusion conforme à la pratique que j'ai toujours vécue,
00:27:30à savoir la nécessité d'un common accord entre le président de la République et le gouvernement
00:27:35pour toute question susceptible de faire l'objet de décisions au niveau européen.
00:27:40Encore une fois, cela a été peut-être un peu plus simple à organiser
00:27:45lorsque le Premier ministre et le président siégeaient ensemble au Conseil européen.
00:27:49Époque que j'ai bien vécue entre 1997 et 2002 et qui donnait lieu à une préparation
00:27:53extrêmement médiculeuse de toute réunion européenne, de tout sommet pour vérifier
00:27:58qu'en toute circonstance le commun accord entre le Premier ministre et le président serait réalisé.
00:28:03Il faudra, s'il devait y avoir cohabitation demain, inventer de nouvelles méthodes
00:28:09mais qui, encore une fois, devraient, pour le crédit de la politique étrangère de la France
00:28:13et pour la parole de la France, reposer sur un common accord entre le président de la République et le gouvernement.
00:28:20Une dernière question qui a fait l'objet également de polémiques dans le débat préélectoral.
00:28:27Qui désigne le commissaire français ? Est-ce une responsabilité, une provocative du président de la République ?
00:28:34Est-ce un choix gouvernemental ?
00:28:38Sur ce point, il faut surtout avoir à l'esprit que, selon les termes même du traité,
00:28:44un membre de la Commission n'est pas un représentant de son état membre.
00:28:48Donc il ne s'agit pas, en cas d'alternance en particulier, de dire
00:28:52« le commissaire a été désigné par le gouvernement précédent, il doit le remplacer puisque la majorité a changé ».
00:28:57On désigne une personnalité qui est ensuite choisie avec le président ou la présidente de la Commission
00:29:05et qui fait l'objet d'un vote global du Collège dans son ensemble par le Conseil des ministres.
00:29:12Donc le fait qu'in fine, il y ait besoin d'une décision d'un Conseil des ministres,
00:29:19fait que le gouvernement a son mot à dire.
00:29:21Néanmoins, on peut considérer que le président de la République a un droit préférentiel
00:29:27à choisir une personnalité qui lui paraît correspondre à la manière dont un Français doit être membre de la Commission.
00:29:35Mais sur ce point encore, il doit s'assurer d'un commun accord,
00:29:38que rien ne serait pire qu'un président de la République qui désignerait un commissaire,
00:29:42que le gouvernement ensuite, au niveau du Conseil qui sera amené à approuver la composition du Collège,
00:29:48ne marquerait pas son accord sur le candidat choisi par le président de la République.
00:29:53Voilà, Monsieur le Président, quelques leçons tirées de l'expérience.
00:29:57Je me permets de confirmer, si besoin était, ce que disait Bruno Tartret tout à l'heure à propos de la dissuasion.
00:30:05C'était un modèle de recherche d'un commun accord que l'exercice qui avait été mené de mise à plat de la doctrine de dissuasion en 98-99,
00:30:17exercice auquel j'avais eu l'honneur de participer
00:30:20et qui marquait une volonté de faire reposer la stratégie française sur un consensus profond entre les forces politiques qui était assez remarquable.
00:30:30Et de manière générale, nos partenaires à cette époque avaient été particulièrement impressionnés, dans ce domaine comme dans d'autres,
00:30:39par la manière dont les positions françaises reflétaient véritablement une position nationale.
00:30:44Et j'ajouterais qu'il aurait été de ce fait extrêmement difficile d'essayer d'enfoncer un coin dans ces positions en jouant de telle ou telle formation ou parti politique par rapport à un autre.
00:30:57Donc il peut y avoir également certains avantages à mettre en place ces méthodes et ces pratiques.
00:31:02Ça assure une solidité, une cohérence et une unité aux positions françaises qui se révèlent au final bénéfiques à la politique étrangère de la France.
00:31:09Merci, Monsieur le Président.
00:31:12Merci, Messieurs. Merci pour ces propos très éclairants.
00:31:16Je vais donc donner la parole à mes collègues. Je me permets de dire que pour qu'il y ait un fait majoritaire inversé, encore faut-il qu'il y ait une majorité.
00:31:25Et que ce sera peut-être un des points sur lesquels on va vous demander des précisions. Mais je laisse la parole à Roger Carucci.
00:31:31Merci, Monsieur le Président. D'abord, une remarque liminaire sur l'appellation « chef des armées ».
00:31:41En réalité, la République a pris conscience ou pris acte du fait qu'en 1940, les chefs des armées, que ce soit le général Issim-Gamelin, Weygand ou Pétain,
00:31:54avaient insisté pour que ce soit un armistice et pas une capitulation, ce qui était contraire à l'autorité politique.
00:32:00Et par conséquent, après la guerre, l'autorité politique a voulu reprendre la main en disant « non, non, c'est plus les militaires qui sont chefs des armées,
00:32:08c'est l'autorité politique pour éviter, justement, qu'on se retrouve à nouveau dans cette situation ».
00:32:13Moi, j'ai eu l'honneur, si je puis dire, de conduire au Sénat comme à l'Assemblée la réforme de 2008.
00:32:20Je ne vois pas, et j'ai le souvenir de débats pendant des mois avec le Conseil constitutionnel et avec le Parlement,
00:32:28je ne vois pas comment on peut contester la prééminence du chef de l'État en matière de politique étrangère et de défense.
00:32:36L'objet, ce n'est même pas le sujet de domaine réservé ou pas, c'est plus la continuité de l'État.
00:32:43Le président de la République était élu avant, pour 7 ans, depuis, pour 5 ans, mais lui, il est là 5 ans.
00:32:51Et il a la certitude de la durée du mandat. Aucun gouvernement n'a cette certitude.
00:32:57Et donc, faire en sorte que la politique étrangère ou la politique de défense puisse varier considérablement en fonction des gouvernements
00:33:06ou des majorités du moment, c'est extrêmement compliqué par rapport aux engagements internationaux de la France.
00:33:12En revanche, dans la réforme de 2008, et vous l'avez tous rappelé, article 52, l'ensemble des éléments sur le fait d'informer
00:33:23ou de faire voter par le Parlement, au bout de 4 mois, l'intervention des forces à l'étranger, c'était, je m'en souviens parfaitement,
00:33:31le débat entre Nicolas Sarkozy à l'époque et François Fillon. Nicolas Sarkozy voulait donner plus de pouvoir au Parlement
00:33:37disant que, de toute façon, le Parlement, donc le Premier ministre, seul responsable devant le Parlement, avait la main sur les budgets,
00:33:46avait la main sur les éléments financiers pour payer, pour faire en sorte que les forces de défense ou que nos ambassades soient alimentées.
00:33:55Donc, il y avait forcément nécessité d'un lien. Mais le président de la République tenait beaucoup à l'époque à ce que le Parlement reprenne un peu la main
00:34:05et ne soit pas totalement écarté de la définition qui aurait été seulement entre le Premier ministre et le chef de l'État.
00:34:12En revanche, clairement, je pense que la vision, c'est quand même le chef de l'État sur la continuité. J'ai quelques souvenirs, pour un peu plus tard,
00:34:22mais souvenirs puisque le ministre chargé des Relations avec le Parlement est assis systématiquement à côté du Premier ministre pour les QSG.
00:34:30Et j'ai quand même quelques souvenirs de François Fillon me disant « Roger, c'est inadmissible, je vais démissionner ».
00:34:37Je lui dis « Non, pas tout de suite, c'est la troisième fois que tu me le dis cette année ». Il me dit « Non, mais j'apprends par la presse
00:34:44que la France va ouvrir une nouvelle base militaire à Madagascar ». Et je lui dis « Oui ». Il me dit « Non, mais attends, je n'ai pas été prévenu, rien ».
00:34:56Et on voit bien qu'il y a quand même, dans la gestion même des affaires, le fait que le chef de l'État a la prééminence.
00:35:06Après, on peut se dire « Oui, dans les conseils européens, il faut partager, oui, par rapport à un certain nombre de sujets ».
00:35:13Mais je ne vois pas comment un gouvernement n'ayant pas la certitude de la continuité pourrait se dire, et je pense que Mme Le Pen a eu tort de dire ce qu'elle a dit
00:35:24dans sa campagne quand elle a dit « Je reprends la main, si je puis dire, si on arrive au pouvoir ». Je ne vois pas comment c'est faisable et possible.
00:35:34Je pense que ce n'est même pas une question de domaine réservé. Je parlerais plutôt de la prééminence du chef de l'État qui a la continuité,
00:35:43qui désigne le Premier ministre. Il avait été question en 2008 de supprimer l'article 20, ou plus exactement, j'en ai un souvenir précis,
00:35:52dans la rédaction, de dire « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, virgule, sauf en matière de défense et de politique étrangère ».
00:36:03Et cette rédaction n'a pas été retenue à l'extrême fin, mais c'était quand même symbolique de ce que cela voulait dire.
00:36:16Pas de réaction particulière, sinon c'était une question et une réponse.
00:36:22La dernière hypothèse était en réalité une écriture de la coutume.
00:36:28J'entends bien que la Constitution parle de la continuité de l'État à l'article 5, mais ce n'est pas suffisant pour fonder en droit la prééminence du président de la République.
00:36:41Et le droit n'est pas clair, précisément parce que tout n'a pas été aligné. Je voudrais citer le Code de la Défense, l'article 11.31-1.
00:36:52Il reprend l'article 9 de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Il est de droit positif.
00:36:57« Le Premier ministre responsable de la défense nationale exerce la direction générale et la direction militaire de la défense.
00:37:04À ce titre, il formule les directives générales pour les négociations concernant la défense et suit le développement de ces négociations.
00:37:11Il décide de la préparation et de la conduite supérieure des opérations et assure la coordination de l'activité en matière de défense de l'ensemble des départements ministériels. »
00:37:19Il y a du vrai, mais il y a beaucoup de faux. Et en particulier, cette hypothèse où le Premier ministre serait à ce point responsable de la défense nationale,
00:37:30qu'il viendrait formuler les directives générales pour les négociations concernant la défense et qu'il viendrait surtout décider de la préparation et de la conduite supérieure des opérations.
00:37:40Ce n'est pas ainsi. Et vous voyez bien qu'il y a, en somme, des résidus, des éléments qui ne sont pas en conformité avec cette thématique générale qui est juste de la prééminence du Président de la République.
00:37:58Je voudrais juste ajouter d'un mot que nous avons aussi le juge pour interpréter les textes. Et en particulier, nous avons un juge important qui est le Conseil d'État.
00:38:07Et le Conseil d'État veille à soutenir la prééminence du Président de la République.
00:38:15Alors, différentes hypothèses juridiques. Nous avons bien sûr la théorie de l'urgence. Nous avons la théorie de la circonstance exceptionnelle. Nous avons aussi la théorie des actes de gouvernement.
00:38:25Par exemple, dans l'arrêt Greenpeace de 1995, le Conseil d'État vient dire au sujet de la reprise des essais nucléaires décidée par le Président de la République, Jacques Chirac, que nous sommes en acte de gouvernement.
00:38:40Que par conséquent, il y a une incomplétence du juge. Nous avons la thématique de la tradition républicaine qui est en réalité la coutume.
00:38:48Avis de 1953, les décrets-lois font partie de la tradition républicaine, la capacité de venir prendre ce que nous appelons aujourd'hui des ordonnances, malgré l'article 13 de la Constituante de 1946 qui disait que l'Assemblée nationale vote seule la loi.
00:39:05C'est d'ailleurs même vrai en matière contentieuse, avec un arrêt du 8 avril 2009, M. Hollande et Matus, où il nous est dit la tradition républicaine qui est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle.
00:39:23Et puis nous avons, je l'indique, la jurisdiction meillée. C'est une jurisdiction importante de 1992, Assemblée 10 septembre 1992, qui dit ceci.
00:39:32Le Président de la République est le Président du Conseil des ministres. C'est lui qui fixe l'ordre du jour du Conseil des ministres.
00:39:39C'est lui qui, par conséquent, peut faire venir en Conseil des ministres des questions qui ne sont pas prévues par un texte comme relevant du Conseil des ministres.
00:39:50C'est-à-dire que si elles ne sont pas prévues par un texte comme relevant du Conseil des ministres, elles ne sont pas dans la compétence du Président de la République.
00:39:55Elles sont donc dans la compétence du Premier ministre. Pas du tout.
00:39:59Si une question est venue en Conseil des ministres, elle est régulièrement traitée par le Président de la République et elle l'est par lui tant qu'elle n'est pas rendue au Premier ministre.
00:40:09Il y a donc une sorte d'effet de cliquet qui existe.
00:40:12Or, le décret du 14 janvier 1964 dont il était question tout à l'heure sur les forces aériennes stratégiques, c'était un décret qui n'était pas en Conseil des ministres.
00:40:23Même si effectivement le Président de la République l'avait signé. Il s'appelle un décret présidentiel.
00:40:27Le décret du 12 juin 1996 est un décret en Conseil des ministres.
00:40:31C'est-à-dire qu'il bloque la situation.
00:40:34C'est-à-dire que tant que la compétence n'est pas rendue par le Président de la République au Premier ministre, par un acte contraire, on appelle ça le paralysme des formes,
00:40:45et bien cette compétence reste entre les mains du Président de la République.
00:40:50C'est très important cet effet de cliquet.
00:40:53Et c'est particulièrement d'ailleurs important en matière de sécurité. C'est une question que nous n'avons pas abordée.
00:40:57Mais la conscience qui n'est pas très claire en matière de défense est muette en matière de sécurité.
00:41:02Qu'est-ce qui s'est passé au cours de la troisième cohabitation ?
00:41:06Le Premier ministre a réclamé la sécurité en disant « c'est ma compétence ».
00:41:11Il a créé un Conseil en matière de sécurité.
00:41:16Et qu'a fait le Président de la République en 2002, lorsqu'il a été réélu et lorsque le fait majoritaire a été rétabli ?
00:41:24Il a supprimé ce Conseil de sécurité intérieure, présidé par le Premier ministre,
00:41:30et il a créé un Conseil de sécurité intérieure qu'il présidait.
00:41:34Donc il a fait entrer la sécurité dans sa compétence.
00:41:37Et en 2009, on a réuni défense et sécurité dans ce Conseil de défense et de sécurité nationale,
00:41:43qui est en fait le Conseil de défense de 62 et le Conseil de sécurité intérieure de 2002.
00:41:51Juste deux très brèves remarques en réaction à l'intervention de M. le Sénateur Karouchi.
00:41:56De mémoire, il s'agissait de l'annonce de l'ouverture de la base militaire d'Abu Dhabi.
00:42:01Et certains disent que le ministre de la Défense lui-même l'aurait appris par la presse.
00:42:08Et puisque vous avez mentionné l'intervention de Mme Le Pen,
00:42:13je dois dire que j'ai été très surpris par son intervention parce qu'elle contredit ce que je vous disais à l'instant,
00:42:19à savoir qu'un candidat potentiel à l'élection présidentielle
00:42:24ne semble pas avoir intérêt à dévaloriser la fonction de chef des armées.
00:42:29J'avoue que cette déclaration m'a laissé perplexe.
00:42:38On ne la commentera pas davantage.
00:42:41Gouverner, c'est prévoir.
00:42:44C'est l'anticipation et la stratégie, sans doute.
00:42:48Je laisse la parole à Vivette Lopez.
00:42:51Oui, merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour vos propos.
00:42:55Mes questions iront au professeur Gowen.
00:42:59On évoque assez souvent, surtout actuellement, le général de Gaulle.
00:43:03Mais le général de Gaulle, c'était une époque.
00:43:06Les temps ont changé.
00:43:08Est-ce que vous pensez qu'il réagirait de la même façon aujourd'hui ?
00:43:14Enfin, il y a de grandes chances que s'il était là,
00:43:16peut-être que la France ne serait pas dans l'état où elle est aujourd'hui.
00:43:19Ça, ce sera ma première question.
00:43:21Vous avez évoqué la dissolution d'une assemblée.
00:43:25C'est pas compliqué, ça peut se faire.
00:43:28On le voit bien, même si on constate aujourd'hui
00:43:31combien la situation est délicate, même très délicate en France aujourd'hui.
00:43:35Mais être chef des armées, ce n'est pas rien.
00:43:38Évidemment, le président, le général de Gaulle,
00:43:42était lui-même un chef militaire.
00:43:45Donc, il pouvait effectivement être chef des armées.
00:43:49Mais les présidents qui lui ont succédé
00:43:53avaient au moins fait leur service militaire,
00:43:55même s'ils n'avaient pas fait la guerre.
00:43:57Mais aujourd'hui, on ne fait plus même pas son service militaire.
00:44:00Je ne crois pas que le président de la République actuelle ait fait son service militaire,
00:44:04le Premier ministre non plus.
00:44:06Comment est-ce possible d'être le chef des armées ?
00:44:11J'ose espérer qu'il se fait conseiller par le chef des armées.
00:44:15Mais comment est-ce possible de pouvoir être chef des armées
00:44:19alors qu'ils sont censés tout connaître ?
00:44:22C'est quand même délicat, cette question.
00:44:29Je me garderai bien de faire parler le général de Gaulle
00:44:35en rappelant du reste qu'il a été le chef de l'État.
00:44:40Au moins pendant la période du gouvernement provisoire de la République française.
00:44:46Et que du reste, c'est à un texte de janvier 1946
00:44:51que nous devons l'appellation de chef des armées.
00:44:55De sorte qu'il y avait déjà...
00:44:57En somme, que la conscience de 1946 est en retrait
00:45:00par rapport à ce texte qui est l'un des derniers
00:45:03que le général de Gaulle a signé
00:45:06avant de quitter ses fonctions.
00:45:08Fin janvier 1946.
00:45:11J'entends bien que le général de Gaulle correspond à une époque.
00:45:14Mais précisément, il me semble que,
00:45:17si je puis le dire ainsi, il a essayé de se survivre
00:45:21à travers, en particulier, l'élection au suffrage universel direct.
00:45:24Ceci a été dit très justement par M. Tertré.
00:45:27C'est en liaison, bien sûr, avec cette question de la dissuasion
00:45:31et de la personnalisation que cela suppose du pouvoir.
00:45:37En somme, c'est ce qu'il dit en disant qu'il n'y a pas d'hiérarchie au sommet de l'État.
00:45:41Il y a un chef d'État.
00:45:43Et ce chef d'État, qui est président de la République,
00:45:45est le chef des armées.
00:45:47Parce que l'armée et l'État, ce sont deux questions
00:45:51qui sont absolument et indissolublement liées
00:45:53du récit-là écrit à ce sujet,
00:45:55emparqué dans le fil de l'épée.
00:45:57Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir fait ces classes
00:46:01que j'ai faites, comme aspirant,
00:46:03pour pouvoir être chef des armées.
00:46:06Tout simplement parce qu'être chef des armées,
00:46:08c'est avoir la conduite d'une politique.
00:46:11Et ce qui est important, c'est que précisément,
00:46:14c'est la mise en œuvre de cette politique
00:46:16qui l'a du reste soutenue devant le peuple français.
00:46:19Je suis d'ailleurs assez étonné de vérifier
00:46:21qu'à l'occasion des campagnes présidentielles,
00:46:23il y ait peu de questions qui sont posées
00:46:25sur les questions de relations internationales
00:46:27ou sur les questions de défense.
00:46:28Alors qu'après tout, ce sont des questions qui sont considérables
00:46:31et qu'assez fréquemment, on descend dans des questions
00:46:34qui paraissent tout de même plus accessoires.
00:46:40La dissolution de l'Assemblée nationale,
00:46:43si je prends cette question,
00:46:46elle n'est pas en elle-même reprochée au président de la République.
00:46:49La question, c'est de savoir pourquoi il l'a fait.
00:46:51Il faut un motif.
00:46:53Lorsque le général De Gaulle dissout de l'Assemblée nationale,
00:46:56il le fait deux fois, il le fait en 1962,
00:46:59parce qu'il y a un conflit et que c'est le peuple
00:47:01qui va régler ce conflit,
00:47:03par le référendum et par la dissolution de l'Assemblée,
00:47:06et on établit le fait majoritaire,
00:47:08et puis il le fait en 1968 parce qu'il y a visiblement aussi
00:47:10une crise politique et que cette crise doit être
00:47:13tranchée par le retour au peuple souverain.
00:47:16Dans l'hypothèse où nous sommes,
00:47:19je ne vois pas très bien ce qui, personnellement,
00:47:22je ne vois pas personnellement très bien
00:47:24ce qui justifiait cette dissolution.
00:47:27Mais peut-être que d'autres aussi le pensent.
00:47:32Certains doivent avoir la réponse.
00:47:35La question...
00:47:37Pardon, je n'avais pas vu qu'il y avait un nouvel inscrit.
00:47:39Pascal Aliza.
00:47:41Oui, M. le Président, merci.
00:47:43Et merci tout d'abord d'avoir organisé
00:47:45cette réunion et cet échange.
00:47:48Je crois qu'effectivement, c'était important
00:47:51et particulièrement intéressant.
00:47:53Et merci à nos invités pour les éclairages
00:47:55qu'ils nous ont donnés.
00:47:58Moi, j'ai une question qui peut être dérangeante,
00:48:03qui ne reflète pas forcément ce que je pense.
00:48:06Mais quand on voit quand même comment se déroule,
00:48:10s'est déroulée la séquence électorale,
00:48:13quand on voit un certain nombre d'acteurs politiques nationaux
00:48:18dont je ne partage absolument pas les engagements,
00:48:21mais qui sont, je dirais, dans leurs actions militantes,
00:48:26toujours à la limite de la sédition.
00:48:29Certains n'ont même franchi le pas.
00:48:32Est-ce que vous pensez vraiment,
00:48:35et c'est une inquiétude pour moi,
00:48:38est-ce que vous pensez vraiment
00:48:40que tous les principes que nous partageons,
00:48:43que vous avez rappelés, qui me semblent d'ailleurs bons
00:48:45pour la conduite du pays,
00:48:47sont encore compris
00:48:50et vont être longtemps encore acceptés
00:48:53par une majorité de Français
00:48:56qui est votée pour certains à l'extrême droite
00:48:59ou pour d'autres à l'extrême gauche ?
00:49:01Pendant combien de temps encore nos concitoyens,
00:49:04ou en tout cas un certain nombre d'entre eux,
00:49:07vont-ils admettre l'état de droit
00:49:10qui pour certains est finalement le refus du suffrage universel
00:49:15avec un sentiment de frustration terrible
00:49:18où en fait on nous dit que voter ne sert à rien
00:49:21puisque de toute façon tous décident à Paris
00:49:24et puis le conseil constitutionnel passe derrière,
00:49:28le conseil d'état passe derrière.
00:49:31Je ne suis pas sur cette ligne-là, ce n'est pas mon propos.
00:49:34Mais pourtant c'est ce qu'on a entendu à longueur de temps
00:49:37pendant la campagne électorale.
00:49:39Moi je crois qu'on est dans une situation extrêmement grave
00:49:42et je souhaite vraiment que nos institutions puissent tenir.
00:49:46Désolé, je casse peut-être un peu l'ambiance,
00:49:49mais je suis très inquiet, très très inquiet
00:49:52de ce qui se passe actuellement.
00:49:59Je vous en prie, je ne sais pas comment vous voulez...
00:50:02Je vais tenter de donner une réponse en droit.
00:50:05La première chose qu'il faut rappeler,
00:50:08c'est cet article 5 de la Constitution
00:50:11qui nous dit que le Président de la République
00:50:14assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
00:50:18Or le fonctionnement régulier des pouvoirs publics,
00:50:21ce n'est pas seulement une régularité dans le temps,
00:50:24c'est aussi une régularité dans la norme.
00:50:27Il a donc par conséquent, lui en particulier,
00:50:30à veiller au respect de l'état de droit.
00:50:33Par ailleurs, il y a des juges.
00:50:36Je dirais, bien sûr, ils sont liés à l'état de droit.
00:50:39Mais c'est eux qui sont en charge, en quelque sorte,
00:50:42de veiller au respect du droit.
00:50:45Le juge international,
00:50:48j'entends bien que son pouvoir est faible.
00:50:51Le juge européen,
00:50:54et je dirais les deux juges européens,
00:50:57la Cour de Luxembourg et la Cour de Strasbourg,
00:51:00même si je comprends bien
00:51:03que cela pose un problème
00:51:06au regard du positionnement de la Constitution
00:51:09par rapport au droit international
00:51:12et au droit de l'Union Européenne.
00:51:15Et je pense personnellement
00:51:18que si on est en situation de souveraineté nationale,
00:51:21c'est la Constitution qui doit primer.
00:51:24Et puis il y a le juge constitutionnel,
00:51:27le juge judiciaire et le juge administratif,
00:51:30ce sont eux les gardiens de l'état de droit.
00:51:33Au demeurant,
00:51:36l'action des pouvoirs publics
00:51:40est encadrée par le droit.
00:51:43Il y a des procédures de vérification
00:51:46de constitutionnalité.
00:51:49J'entends bien que ceci est difficile à entendre,
00:51:52que le législateur soit sous le contrôle d'un juge.
00:51:55Je pense qu'à cet égard,
00:51:58le juge doit être exemplaire,
00:52:01ou devrait l'être.
00:52:04Il faut qu'il fasse attention
00:52:07dans sa jurisprudence.
00:52:10En particulier,
00:52:13puisque je suis dans le champ de la critique
00:52:16et que mon métier me le permet,
00:52:19je pense que trouver des cavaliers législatifs
00:52:22comme il a pu le faire en janvier dernier,
00:52:25si facilement,
00:52:28est assez gênant au regard de l'interprétation
00:52:31qu'il donne de l'article 45 de la Constitution.
00:52:34Juste une petite remarque.
00:52:37Je ne m'aventurerai pas
00:52:40sur des terrains politiques extrêmement sensibles,
00:52:43monsieur le sénateur.
00:52:46En revanche, je voudrais vous faire part
00:52:49de mon expérience personnelle de citoyen
00:52:52sur ce que j'entends depuis déjà plusieurs années
00:52:55dans des cercles intellectuels ou politiques,
00:52:58plutôt d'un côté de l'échiquier politique que de l'autre,
00:53:01mais qui me troublent,
00:53:04y compris parce que j'ai une modeste formation
00:53:07de juriste et que je respecte profondément
00:53:10l'État de droit.
00:53:13Je sens monter dans une partie de l'élite française,
00:53:16au sens le plus large du terme,
00:53:19une contestation de la légitimité du juge.
00:53:22Conseil d'État, Conseil constitutionnel,
00:53:25Cour européenne des droits de l'homme,
00:53:28c'est quelque chose que je n'avais pas vu,
00:53:31que je ne connaissais pas il y a 20 ans.
00:53:34Je fais donc part de ce sentiment,
00:53:37de cette perception sans porter de jugement dessus.
00:53:40Pour vous dire simplement qu'à mon sens,
00:53:43c'est bien antérieur aux campagnes
00:53:46européennes et législatives récentes.
00:53:49C'est juste une remarque,
00:53:52ce n'est pas un commentaire,
00:53:55il y a quelque chose qu'on sent,
00:53:58qui est troublant à bien des égards,
00:54:01à la fois pour le juriste et pour le citoyen.
00:54:08Une remarque dans le même sens,
00:54:11si vous le permettez.
00:54:14Le sujet de préoccupation que nous pouvons avoir
00:54:17en tant que citoyens, que j'ai en tant que diplomate,
00:54:20et que parfois nos partenaires éprouvent,
00:54:23à quel point les principes de l'État de droit,
00:54:26la primauté des engagements internationaux,
00:54:29la continuité de ces engagements,
00:54:32le respect du droit européen,
00:54:35sont contestés par une part très importante
00:54:38de l'électorat français.
00:54:41Ce qui frappe beaucoup les partenaires aussi,
00:54:44c'est que de très loin,
00:54:47la représentation nationale française
00:54:50est reposante, hostile à ces principes,
00:54:53qui n'a aucune comparaison avec ce qui existe ailleurs en Europe.
00:54:56Et en soi, c'est un sujet de préoccupation.
00:55:03Juste un mot, moi je pense que ce qui est contesté,
00:55:06c'est la supraconstitutionnalité du droit international
00:55:09ou européen.
00:55:12Et parce que cela donne une impression
00:55:15de dépossession de la souveraineté
00:55:18par les nationaux.
00:55:21Voilà ce qu'il me semble.
00:55:24Je pense qu'il faut essayer de réduire un peu cette question.
00:55:27Parce que soutenir la supraconstitutionnalité,
00:55:30c'est entrer dans le fédéralisme.
00:55:33Permettez-moi une nuance.
00:55:36Je pense que la contestation du rôle du Conseil constitutionnel
00:55:39et celle de la suprématie du droit européen
00:55:42sont de la même nature.
00:55:45C'est très intéressant.
00:55:48Je pense qu'on pourrait apporter
00:55:51beaucoup de réponses.
00:55:54Il va y avoir d'autres questions.
00:55:57Ça me rappelle mes premières années de droit
00:56:00et un sujet de droit constitutionnel
00:56:03qui nous avait été soumis.
00:56:06Le Conseil constitutionnel, chien de garde de l'exécutif
00:56:09ou charge jurisprudentielle des droits et des libertés.
00:56:12Ce que vient de dire le professeur Gouin est juste.
00:56:15La ligne de crête est très étroite.
00:56:18L'indépendance et la crédibilité du Conseil constitutionnel
00:56:21dépendront de sa capacité à juger en droit
00:56:24et pas en juger de manière plus politisée.
00:56:27Je pense que la ligne de crête est étroite.
00:56:30Nous compterons sur le Conseil constitutionnel
00:56:33dans les mois à venir.
00:56:36À condition qu'il conserve cette crédibilité
00:56:39et cette neutralité.
00:56:42Sur la question des traités européens,
00:56:45il y a une certaine radicalisation de l'opinion.
00:56:48Dans les élus en général,
00:56:51il y a une tendance à critiquer
00:56:54les décisions du Conseil constitutionnel
00:56:57ou du Conseil d'Etat
00:57:00en considérant que c'est sa faute si les choses ne vont pas.
00:57:03On instille dans l'opinion publique
00:57:06une certaine méfiance vis-à-vis de ces institutions
00:57:09sur lesquelles on compte beaucoup aujourd'hui.
00:57:12Peut-être qu'on a moins compté sur elles il y a quelques années.
00:57:15On en revient à ce que je disais tout à l'heure
00:57:18sur la crédibilité et la nécessité de faire preuve de neutralité
00:57:21dans les décisions et de ne juger qu'en droit.
00:57:24Mais ce n'est que mon avis.
00:57:27La parole est à Bruno Sido.
00:57:30Merci Monsieur le Président.
00:57:33Une question, une petite et une plus importante.
00:57:36Quand on dit que le Président de la République est chef des armées,
00:57:39est-ce que ça veut dire qu'il peut faire seul
00:57:42ce qu'il veut, comme il veut, quand il veut, etc. ?
00:57:45Qu'en pensez-vous ?
00:57:48Et finalement, qu'est-ce que ça veut dire d'être chef des armées ?
00:57:51C'était ma première question.
00:57:54La deuxième et plus large, c'est quand il a été décidé
00:57:57que le Président de la République serait élu au suffrage universel,
00:58:00ce qui n'a pas été modifié à cette occasion pour préciser
00:58:03le rôle du Président de la République et celle du Premier ministre,
00:58:06voire supprimer le poste du Premier ministre.
00:58:12Je vous laisse vous organiser.
00:58:20À bord des bâtiments militaires, par exemple,
00:58:23il y a ce qu'on appelle le Loubet,
00:58:26c'est-à-dire il y a les photos des chefs.
00:58:29Au sommet, il y a le Président de la République.
00:58:32Il y a la photo du Président de la République à bord des bâtiments.
00:58:35Parce qu'être chef des armées, organiquement, c'est donner des ordres.
00:58:38C'est-à-dire que le Président de la République va donner des ordres
00:58:41en matière militaire, en particulier des ordres d'engagement
00:58:44lorsqu'il va venir décider de telle ou telle opération.
00:58:47Et là, je bascule de l'organique au fonctionnel.
00:58:50C'est-à-dire qu'étant le chef fonctionnel des armées,
00:58:53il est en mesure de donner des ordres qui mettent en œuvre
00:58:56une politique de défense qui lui appartient de définir.
00:58:59Il lui appartient de définir.
00:59:02En fait majoritaire, ça va de soi, mais même, d'ailleurs,
00:59:05en cohabitation, parce que, comme j'ai essayé de le dire,
00:59:08la coutume survie en était à la cohabitation.
00:59:11La majorité relative est tantôt en été
00:59:14une hypothèse assez proche du fait majoritaire.
00:59:17Il y a un écart par rapport à la majorité absolue,
00:59:20mais cet écart n'est pas si considérable
00:59:23qu'il ne puisse pas être comblé.
00:59:26C'est ce que l'on a vérifié.
00:59:29Après tout, il n'y a pas eu de censure,
00:59:32y compris avec un article 49 aligné à 3,
00:59:35dans les hypothèses de majorité relative
00:59:38que nous avons vécues entre 83 et 93.
00:59:41Il y a eu beaucoup de 49 alignés à 3,
00:59:44ou entre 22 et 24.
00:59:47Alors ensuite, j'ajouterais que,
00:59:50au point d'instaurer un régime présidentiel
00:59:53que signifierait la suppression du Premier ministre,
00:59:56on a voulu un régime parlementaire.
00:59:59Il est parlementaire puisqu'il a les deux éléments
01:00:02du régime parlementaire.
01:00:05Il y a la possibilité de censurer le gouvernement
01:00:08et la possibilité de dissoudre l'Assemblée nationale.
01:00:11Simplement, évidemment, il est un régime parlementaire
01:00:14très particulier parce qu'il y a une situation
01:00:17très remarquable du président de la République,
01:00:20indépendant organiquement puisqu'il dépend
01:00:23du suffrage universel direct et non pas de l'Assemblée
01:00:26ou des assemblées réunies, et aussi fonctionnellement
01:00:29puisqu'en particulier il a des pouvoirs propres
01:00:32dans la Constitution.
01:00:35Juste un point sur ce que veut dire
01:00:38effectivement le rôle de chef des armées,
01:00:41notamment pendant les opérations militaires.
01:00:44C'est un parc général qui ne tient pas seulement à la France.
01:00:47C'est littéralement depuis les années 1960
01:00:50dans les pays occidentaux.
01:00:53On voit pour un certain nombre de raisons,
01:00:56y compris d'ailleurs technologiques,
01:00:59c'est-à-dire la capacité de communiquer directement
01:01:02depuis la capitale avec les forces militaires sur le terrain.
01:01:05Les chefs d'État et de gouvernement américains,
01:01:08britanniques, français et autres,
01:01:11ont tenté de piloter eux-mêmes
01:01:14de la manière la plus finement possible
01:01:17certaines opérations militaires.
01:01:20Au point d'ailleurs que dans l'institution militaire,
01:01:23et encore une fois ça n'est pas propre à la France,
01:01:26on se plaint.
01:01:29Leur rôle c'est d'exécuter les directives du chef des armées.
01:01:32Mais cette notion de pilotage fin des opérations militaires
01:01:35ou cette tentation du pilotage fin des opérations militaires
01:01:38par les chefs d'État et de gouvernement occidentaux,
01:01:41c'est une tendance générale depuis des années.
01:01:44Un exemple que Pierre a connu,
01:01:47moi je me souviens très bien
01:01:50pendant la guerre du Kosovo,
01:01:53des instructions de Jacques Chirac
01:01:56sur les ponts qu'il fallait tirer ou pas tirer.
01:01:59Non pas parce que c'était lui
01:02:02qui choisissait les objectifs militaires,
01:02:05mais parce qu'il estimait quasiment en temps réel
01:02:08qu'il ne fallait pas détruire tel ou tel type d'objectifs
01:02:11qui pouvaient être considérés à tort ou à raison
01:02:14comme des objectifs civils
01:02:17ou dont la symbolique aurait été trop importante.
01:02:20Un exemple parmi d'autres,
01:02:23je pense que tous les présidents de la période actuelle
01:02:26ont raisonné de cette manière.
01:02:29C'est plus une remarque sur ce que ça veut dire concrètement
01:02:33pendant les opérations militaires.
01:02:36Je ne dis pas que les chefs des armées
01:02:39remplacent le chef d'état-major des armées
01:02:42ou le commandant de l'opération,
01:02:45mais il y a quand même parfois des décisions presque tactiques
01:02:48qui peuvent être suggérées par le chef des armées.
01:02:51J'ai effectivement le même souvenir.
01:02:54Cette question des cibles pendant la guerre du Kosovo
01:02:57faisait l'objet de concertations quotidiennes
01:03:00qui impliquaient directement la présidence de la République.
01:03:03Pour prolonger la réponse à votre question,
01:03:06monsieur le sénateur,
01:03:09être chef des armées, en tout cas,
01:03:12ça ne permet pas de prendre des décisions
01:03:15sur le niveau d'équipement des forces armées
01:03:18ayant des implications budgétaires fortes.
01:03:21J'ai le souvenir que ceci avait été précisé
01:03:24dès le début de la dernière cohabitation, en 1997,
01:03:27où les limites de ce que pouvait faire un conseil de défense
01:03:30en matière de décision et des implications budgétaires
01:03:33avaient été fixées très précisément par le Premier ministre de l'époque
01:03:36et le ministre des Finances qui était Dominique Roscan.
01:03:39Tout ce qui avait des implications budgétaires
01:03:42relevait exclusivement du conseil des ministres
01:03:45et de la gestion gouvernementale.
01:03:48Marie-Henriette Carlotti.
01:03:51Merci, Président.
01:03:54Je voudrais d'abord dire à mon collègue Alizar
01:03:57que, ici, tout le monde défend l'État de droit.
01:04:00J'espère qu'il n'en a pas douté une seconde.
01:04:03Ma question, permettez-moi, Président,
01:04:06ne développe pas trop la question uniquement de la défense.
01:04:09C'est d'une manière générale.
01:04:12La Constitution de 1958 a été construite
01:04:15pour une alternance démocratique entre une droite et une gauche
01:04:18et, quand il y avait eu une cohabitation,
01:04:21elle avait fonctionné.
01:04:24Elle a permis, d'ailleurs, une pérennité des institutions.
01:04:27Je crois que c'est une Constitution qui a résisté à travers les années
01:04:30plus que toutes les autres précédemment.
01:04:33Aujourd'hui, on est dans une configuration différente avec trois blocs,
01:04:36avec des blocs, deux en particulier, et surtout le nôtre,
01:04:39particulièrement divisé.
01:04:42On risque d'avoir un gouvernement minoritaire.
01:04:45Est-ce qu'elle est capable, encore à ce jour,
01:04:48d'assurer un fonctionnement traditionnel et normal des institutions ?
01:04:51Qu'est-ce qu'on a comme prise ?
01:04:54Je pense que la première échéance qui va nous arriver,
01:04:57c'est le vote du budget.
01:05:00Merci.
01:05:19Je ne pense pas, Madame,
01:05:22que la Constitution a été rédigée
01:05:25dans l'hypothèse d'une alternance droite-gauche.
01:05:28Ce n'est pas une question qui a été abordée
01:05:31au moment de la rédaction de la Constitution.
01:05:34Ce que l'on a voulu, c'est un parlementarisme rationalisé.
01:05:37Ce qu'on a voulu, c'est une stabilisation institutionnelle
01:05:40et, en particulier, bien sûr,
01:05:43une stabilisation de l'exécutif.
01:05:47Et j'indique que, du reste,
01:05:50l'article 49 de l'INA 3,
01:05:53c'est-à-dire l'engagement de responsabilité sur un texte,
01:05:56ce sont les ministres d'État qui l'ont voulu,
01:05:59et en particulier Guy Mollet.
01:06:02Effectivement, nous sommes en situation
01:06:05d'avoir trois blocs aujourd'hui.
01:06:08C'est une situation qui peut ne pas paraître normale
01:06:11et, en effet, c'est assez étonnant.
01:06:14C'est un scrutin qui est uninominal, qui est majoritaire,
01:06:17même s'il est à deux tours.
01:06:20Sans doute, il y a une mue qui est en train de se produire,
01:06:23qui s'est produite, par exemple, en Grande-Bretagne,
01:06:26lorsqu'on a eu une hypothèse de tripartisme
01:06:29par émergence du Parti travailliste,
01:06:32jusqu'au moment où le Parti travailliste s'est substitué au Parti libéral.
01:06:35En réalité, on avait un bipartisme conservateur-libéral
01:06:38et on est passé à un bipartisme conservateur-travailliste
01:06:41en passant avec une phase intermédiaire,
01:06:44c'est à peu près l'entre-deux-guerres,
01:06:47qui a signifié la disparition ou la dissolution du Parti libéral
01:06:50au profit du Parti travailliste.
01:06:53Même s'il y a eu aujourd'hui un Parti libéral-démocrate
01:06:56qui est réapparu, mais je ne veux pas rentrer dans ces détails.
01:06:59Autrement dit, il est possible qu'aujourd'hui,
01:07:02on ait en sorte une mutation du système politique français
01:07:05selon des situations qui se produisent
01:07:08dans beaucoup de pays européens, je l'indique,
01:07:11c'est-à-dire en réalité une droite
01:07:14qui est en train de changer,
01:07:17de se nationaliser en quelque sorte,
01:07:20car c'est finalement là, à mon sens,
01:07:23qu'est le problème.
01:07:26Ce n'est pas l'existence d'un bloc de gauche,
01:07:29mais c'est l'existence de deux blocs à droite
01:07:32et c'est une question qu'ont à régler en particulier les républicains.
01:07:36Ce parlementarisme
01:07:39rationalisé,
01:07:42il se traduit par des dispositions constitutionnelles
01:07:45qui, par exemple, en matière budgétaire,
01:07:48sont extrêmement claires.
01:07:51C'est-à-dire que ou bien vous, Parlement, vous nous donnez un budget
01:07:54ou sinon on va le faire tout seul
01:07:57par des ordonnances budgétaires.
01:08:00Nous n'avons pas eu encore d'ordonnances budgétaires,
01:08:03nous devions très bien en avoir.
01:08:06Ça ressemble au système des douzièmes provisoires,
01:08:09on prend le budget de l'année précédente, on divise par douze
01:08:12et on exécute chaque mois un douzième du budget précédent.
01:08:15Ça fonctionne, ça a beaucoup fonctionné,
01:08:18ça a assez bien fonctionné.
01:08:21Sous la Troisième République, c'est comme ça que ça se passait.
01:08:24Et vous avez des limites qui sont extrêmement contraignantes
01:08:27de date.
01:08:30Le F3 fait partie de cette rationalisation.
01:08:33Vous dites qu'est-ce que vous allez venir ?
01:08:36Vous allez continuer votre fonction de contrôle,
01:08:39vous allez continuer votre fonction de législation.
01:08:42Où est le problème ? Le problème, il est côté de la censure.
01:08:45Il ne concerne pas le Sénat.
01:08:48Il concerne l'Assemblée nationale.
01:08:51C'est la question de la censure, c'est-à-dire
01:08:54jusqu'à quand va-t-on permettre au gouvernement minoritaire
01:08:57d'exister ?
01:09:00Et le gouvernement Attal peut tomber
01:09:03le 20 juillet prochain.
01:09:06Motion de censure le 18, vote sur la motion de censure le 20.
01:09:09Terminé. Et qu'est-ce qu'on fait ?
01:09:12C'est ça le problème.
01:09:15Qu'est-ce qu'on fait ? Surtout à partir du moment où il n'y a pas de dissolution possible
01:09:18avant le 7 juillet 2025.
01:09:21En somme, c'est la formule
01:09:25du célèbre Dr Keuil, vous êtes condamné à vivre ensemble.
01:09:28Voilà, vous êtes condamné à vivre ensemble.
01:09:31Il faut que les gens soient raisonnables, en effet.
01:09:34Monsieur l'Ambassadeur.
01:09:37Sachant vivre ensemble, effectivement.
01:09:40Votre question, Madame la Sénatrice,
01:09:43donne l'occasion de revenir sur la formule du Sénateur Carucci
01:09:46sur la notion de prééminence,
01:09:49qui n'est pas une notion très juridique et qui néanmoins
01:09:52ne correspond exactement à ce que nous ressentons.
01:09:55Cette prééminence du Président de la République,
01:09:58elle est totalement incontestable dans une période dite normale.
01:10:01Elle est sujette à question
01:10:04lorsque la prééminence du Président de la République,
01:10:07liée à sa qualité de chef de l'État,
01:10:10à son élection en suffrage universel,
01:10:13se trouve en concurrence avec une autre légitimité
01:10:16qui est la légitimité parlementaire.
01:10:20La Constitution n'offre pas de réponse évidente
01:10:23à ce risque d'affrontement de deux légitimités.
01:10:26La prééminence reste incontestable en termes protocolaires
01:10:29vis-à-vis de l'étranger.
01:10:32Vous vous souvenez, M. le Sénateur,
01:10:35que lors de la toute première cohabitation,
01:10:38Jacques Chirac avait essayé de contester cette prééminence protocolaire
01:10:41et ça lui avait beaucoup coûté dès le départ de cette cohabitation.
01:10:44Elle est aujourd'hui totalement incontestable.
01:10:47Encore une fois, dans la pratique, la coutume internationale,
01:10:50cette prééminence du chef de l'État est incontestable.
01:10:53Mais dès lors que la mise en œuvre de ces décisions
01:10:56suppose l'autre légitimité,
01:10:59cette prééminence, qu'on le veuille ou non,
01:11:02est cornée et remise en cause.
01:11:05C'est la raison pour laquelle, encore une fois,
01:11:08cette prééminence ne peut se poursuivre
01:11:11que s'il n'y a qu'un commun accord
01:11:15sur des positions fondamentales.
01:11:18Je reviens aux affaires européennes.
01:11:21En 1986, c'est Jacques Chirac, Premier ministre,
01:11:24qui a décidé de soumettre à la ratification
01:11:27l'acte unique négocié et conclu par François Mitterrand.
01:11:30En 1997,
01:11:33Lionel Jospin a contesté pendant quelques semaines
01:11:36ce qui est devenu le traité d'Amsterdam,
01:11:39le pacte de stabilité.
01:11:42On a accepté dès lors qu'on y a ajouté
01:11:45les mots « haine de croissance ».
01:11:48Mais pendant toutes ces trois périodes,
01:11:51il y a eu une convergence suffisamment forte
01:11:54sur les options fondamentales,
01:11:57notamment en politique européenne,
01:12:00pour que la prééminence du président de la République
01:12:03n'appelle pas de discussion.
01:12:06Qu'en serait-il avec un chef de gouvernement
01:12:09qui, comme un candidat l'a préconisé,
01:12:12demanderait une réduction substantielle
01:12:15de la contribution française au budget européen.
01:12:18Là, la question de la prééminence du chef de l'État
01:12:21dans la conduite de sa politique européenne
01:12:24serait immanquablement en question.
01:12:39D'abord, je ne suis pas absolument certain, M. l'ambassadeur,
01:12:42que la politique étrangère et la politique européenne
01:12:45soient la même chose.
01:12:48Parce que la politique européenne,
01:12:51c'est largement une politique intérieure.
01:12:54Ça devient assez loin d'une politique étrangère.
01:12:57Sur la question de la prééminence,
01:13:00je pense que le terme est parfaitement juridique,
01:13:03parfaitement ajusté.
01:13:06Il n'y a qu'une période normale et une période d'exception.
01:13:09Précisément, à raison de la coutume,
01:13:12il n'y a qu'une période normale.
01:13:15Cette normalité est en faveur de cette prééminence
01:13:18du président de la République en matière de défense
01:13:21et en matière d'affaires étrangères.
01:13:24J'entends bien que sur les questions
01:13:27internes, économiques, sociales et aussi européennes,
01:13:30parce qu'elles sont économiques et sociales,
01:13:34la position prééminente du président de la République
01:13:37est précisément confortée par cette coutume constituelle
01:13:40qui est une norme, qui est du droit.
01:13:43Vous dites d'ailleurs d'un commun accord.
01:13:46La coutume s'exprime à travers ce commun accord.
01:13:49La coutume, c'est une pratique qui est regardée
01:13:52comme étant de droit.
01:13:55Il y a un commun accord, un consensus
01:13:58en faveur de cette règle de prééminence.
01:14:04Merci beaucoup. Huxury.
01:14:07Merci, Président. Depuis tout à l'heure,
01:14:10nous parlons de cohabitations qui sont
01:14:13des cohabitations politiques.
01:14:16C'est ce que nous avons expérimenté.
01:14:19Mais face à une chambre introuvable,
01:14:22à une majorité impossible, on évoque
01:14:25un Premier ministre dit technique et un gouvernement
01:14:28qui pourrait être constitué, y compris
01:14:31dans les domaines qui nous intéressent, de spécialistes,
01:14:34d'experts. Est-ce que vous pouvez nous dire
01:14:37ce que cela changerait au regard de l'esprit
01:14:40de la Constitution et au regard
01:14:43est-ce que ça changerait également dans les relations
01:14:46entre le Président de la République et le Premier ministre
01:14:49et dans les relations entre le gouvernement
01:14:52et le Parlement ? Je vous remercie.
01:15:02Le gouvernement s'est fait
01:15:05pour faire une politique.
01:15:08Le gouvernement détermine
01:15:11et conduit la politique de la nation.
01:15:14Ce n'est pas l'objet de techniciens.
01:15:17Les techniciens sont chargés de mettre en œuvre une politique.
01:15:20Mais ils ne définissent pas, ne déterminent pas,
01:15:23ne conduisent pas une politique.
01:15:26Je ne vois pas comment on s'en sort
01:15:30en dépolitisant la Vème République
01:15:33qui est un régime politique.
01:15:36Au demeurant, le gouvernement technicien
01:15:39n'échappera pas nécessairement à la censure.
01:15:42Une remarque de bon sens,
01:15:45semble-t-il, c'est qu'il n'y a pas des gouvernements
01:15:48techniciens et des gouvernements politiques.
01:15:51Un gouvernement, c'est un gouvernement.
01:15:54Lorsque ce qu'on appelle des personnalités de la société civile
01:15:57ont été parfois nommées à certains postes,
01:16:00c'était parfois davantage en raison de leur expertise technique
01:16:03que de leur engagement politique notoire.
01:16:06À moins d'ouvrir d'énormes débats
01:16:09sur ce qu'est la technique et la politique,
01:16:12il n'y a qu'une réponse très simple à votre question.
01:16:15Un gouvernement, c'est un gouvernement.
01:16:18Il a les mêmes pouvoirs juridiques,
01:16:21quelle que soit l'identité et le curriculum vitae des personnes nommées.
01:16:24En termes d'influence dans le président, c'est bien sûr autre chose.
01:16:27Pour moi, c'est un autre débat.
01:16:30À mon sens, ce que vous appelez, j'imagine,
01:16:33un gouvernement technique
01:16:36verrait probablement la prééminence du chef de l'État
01:16:39dans un certain nombre de domaines, confortée.
01:16:42Je n'ai pas de réponse plus subtile.
01:16:45Lorsqu'on évoque cette hypothèse
01:16:48d'un gouvernement technique, on a souvent à l'esprit
01:16:51l'expérience de nos amis italiens.
01:16:54Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que
01:16:57ces périodes où il y a en Italie un gouvernement dit technique,
01:17:00souvent dirigé
01:17:03par un ancien gouverneur de la Banque Centrale ou par un universitaire,
01:17:06comme l'était Mario Monti,
01:17:09c'est que cela repose en fait sur un accord entre les chefs de partis
01:17:12pour neutraliser
01:17:15la question du soutien au gouverneur.
01:17:18Nous acceptons, pour une période déterminée,
01:17:21parce que nous avons besoin de remettre de l'ordre dans nos affaires propres,
01:17:24dans chacune de nos formations politiques,
01:17:27que le pouvoir soit en quelque sorte dépolitisé.
01:17:30Nous engageons à ne pas le renverser.
01:17:33Lorsque les dédits de formation politique considèrent que l'expérience est assez durée,
01:17:36on congédie le gouvernement technique
01:17:39et on revient à une procédure normale.
01:17:42Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette culture est un peu éloignée de la nôtre.
01:17:49Patrick Jolim,
01:17:52il est parti.
01:17:55J'avais une question complémentaire, si je peux me permettre,
01:17:58en encore quelques minutes.
01:18:01L'absence de majorité à l'absolu à l'Assemblée nationale devrait conduire
01:18:04à déplacer le centre de gravité des institutions vers le Parlement
01:18:07où des coalitions devront
01:18:10être trouvées pour asseoir la capacité d'un gouvernement
01:18:13à gouverner.
01:18:17Est-elle propice à rediscuter
01:18:20de certaines dispositions de la Constitution
01:18:23qui contribuent aujourd'hui à la présidentialisation du régime ?
01:18:26Notre commission et le groupe de travail du président Larcher
01:18:29ont plaidé récemment
01:18:32pour un renforcement du contrôle du Parlement
01:18:35sur la prolongation des opérations extérieures,
01:18:38qui ne remettent toutefois pas en cause l'efficacité
01:18:41de la cohorte de transmission politico-militaire.
01:18:44Notre modèle est assez regardé
01:18:47et intéresse beaucoup à l'étranger pour son efficacité.
01:18:50Est-ce qu'il faut aller plus loin vers un véritable parlementarisme
01:18:53sur cet aspect ou sur d'autres,
01:18:56dès lors que l'assise populaire et parlementaire du président se réduit
01:18:59et que le fait majoritaire s'effrite ?
01:19:02Aujourd'hui, on a tous compris
01:19:05qu'il était nécessaire qu'il y ait un accord
01:19:08à minima entre le PR et le PM.
01:19:11Mais on a bien conscience aussi
01:19:14qu'aujourd'hui, la majorité est introuvable.
01:19:17Donc, il y a aussi un certain nombre de questions
01:19:20auxquelles nous n'avons pas vraiment répondu.
01:19:23Je vous pose cette question, si jamais vous pouvez m'y répondre, ce serait parfait.
01:19:26Une question assez juridique tout de même.
01:19:29Je pense qu'il est difficile
01:19:32dans la conjoncture actuelle
01:19:35de venir envisager en plus
01:19:39une révision constitutionnelle.
01:19:42Avec quelle majorité ?
01:19:45Ou alors venir devant le pays ?
01:19:48Après, de toute façon,
01:19:51si on passe par l'article 89, un débat devant les assemblées,
01:19:54ça ne me paraît pas possible ni jouable.
01:19:57J'allais dire, il fallait s'y prendre avant.
01:20:00Il fallait y penser plus tôt.
01:20:03Et ça n'a pas été fait.
01:20:07La fonction de législation
01:20:10va continuer à fonctionner autant qu'elle pourra le faire.
01:20:13C'est-à-dire qu'il faut trouver des textes consensuels.
01:20:16Ça me paraît assez difficile
01:20:19dans la conjoncture, si on vient
01:20:22sur des débats qui concernent les retraites
01:20:25ou qui concernent la nationalité, concernent l'immigration.
01:20:28Je ne suis pas sûr que des consensus existent
01:20:31et qu'on arrive à trouver des majorités à l'Assemblée nationale.
01:20:35Mais du contrôle, bien sûr, on peut renforcer
01:20:38la fonction de contrôle. Le contrôle, ça va tout de même jusqu'à
01:20:41l'engagement de responsabilité,
01:20:44en tous les cas devant l'Assemblée nationale.
01:20:47Et là, évidemment,
01:20:50on va avoir une grave difficulté.
01:20:53Donc je pense qu'il va falloir
01:20:56essayer de trouver la solution d'un gouvernement
01:20:59soit en rétablissant
01:21:03si ça se concevait la majorité
01:21:06absolue, c'est-à-dire en réalité effectivement
01:21:09faire un gouvernement qui irait, si j'ai bien compris,
01:21:12des sociodémocrates
01:21:15et plus à l'Est.
01:21:18Peut-être jusqu'aux républicains.
01:21:21Car il faut aller jusque-là pour trouver
01:21:24un chiffre suffisant.
01:21:27Ça, c'est une question qui est posée au Parti politique.
01:21:30Je peux comprendre qu'il n'y était pas favorable.
01:21:33Et je peux comprendre aussi qu'il ne le soit pas.
01:21:36Ou alors effectivement un gouvernement de minorité.
01:21:39C'est l'hypothèse que nous avons envisagée.
01:21:42Ou des gouvernements de minorité qui, à ce moment-là,
01:21:45feront le minimum minimum.
01:21:48Et ceci jusqu'à la prochaine dissolution.
01:21:51Parce qu'il est évident que la 17e législature
01:21:54va se terminer en 2025.
01:21:58Alors d'abord, pour moi,
01:22:01il n'y a rien d'évident en politique.
01:22:04Je ne sais pas ce qui se passera dans un an.
01:22:07Je ne sais pas ce qu'il sera à la durée de cette législature.
01:22:10Moi, j'ai un constat. Un constat peut-être autant de citoyens
01:22:13que d'experts. C'est que s'il y a déjà
01:22:16un débat depuis un mois sur
01:22:19certaines dispositions du régime politique
01:22:22actuel, à savoir le mode de scrutin,
01:22:25moi, je n'ai pas l'impression que
01:22:28le fonctionnement, les principes
01:22:31fondamentaux de notre Constitution et la Constitution
01:22:34ne soient aujourd'hui contestés.
01:22:37Je ne sais pas si dans un an,
01:22:40en fonction de ce qui se sera passé ou pas passé,
01:22:43le débat sur d'éventuels
01:22:46changements constitutionnels profonds sera renouvelé.
01:22:49Mais je trouve intéressant d'ores et déjà de voir que
01:22:52finalement, la Constitution, encore une fois,
01:22:55le mode de scrutin, ce n'est pas la Constitution,
01:22:58n'est pas contesté en soi. C'est déjà un test important.
01:23:01Et juste une toute petite remarque. Revenir sur un point que je faisais
01:23:04tout à l'heure à propos des pouvoirs du Parlement dans le
01:23:07contrôle des opérations extérieures. De mémoire,
01:23:10il n'est pas question d'OPEX, mais de
01:23:13la décision de faire intervenir les forces armées.
01:23:16Bien, à l'étranger, bien sûr, à l'étranger, c'est important.
01:23:19Je voudrais revenir sur ce point parce que
01:23:22je ne sais pas quelle a été l'intention exacte du législateur,
01:23:25mais doit-on considérer que
01:23:28ce qui ne relève pas nécessairement d'une OPEX...
01:23:31Alors l'OPEX, en plus, a un cadre très précis,
01:23:34géographique, juridique, etc. Par exemple,
01:23:37la formation, les forces spéciales... Est-ce que c'est
01:23:40l'intervention des forces armées ?
01:23:43J'avoue que je ne le sais pas. Mais je pense que
01:23:46ça fait partie des sujets qui méritent d'être
01:23:49creusés en cas de
01:23:52cohabitation d'une manière ou d'une autre dans les
01:23:55mois et les années qui viennent parce que
01:23:58ça ne s'est jamais présenté, mais on pourrait avoir un débat
01:24:01sur ce que c'est exactement au sens juridique,
01:24:04constitutionnel, qu'une intervention
01:24:07extérieure. La réponse n'est pas aussi évidente
01:24:10qu'elle pourrait paraître l'être.
01:24:13De la même manière qu'on a évoqué, évidemment,
01:24:16les questions de défense et d'affaires étrangères, on n'a pas évoqué
01:24:19les questions de renseignements, notamment. Et sur cette question
01:24:22du renseignement, il y a quand même un flou majeur
01:24:25sur lequel on peut peut-être dire quelques mots.
01:24:28Mais entre la répartition des pouvoirs du PR et du PM aujourd'hui,
01:24:31je suis d'accord que la coutume veut qu'en général
01:24:34le PR décide et le PM contresigne en accord
01:24:37et décide d'un certain nombre de choses.
01:24:40Demain, la question peut être complètement différente
01:24:43et après il y a toute la problématique du financement
01:24:46qui va avec et qui est évidemment de la compétence
01:24:49du Parlement et du gouvernement.
01:24:52Proposition du gouvernement.
01:24:55Une remarque sur votre question
01:24:58liée au contrôle parlementaire sur la politique étrangère,
01:25:01la politique de défense.
01:25:04Le fait que notre Président de la République ait une capacité
01:25:07autonome de décision, fondée sur sa prééminence.
01:25:10Je l'ai toujours vécu et ressenti dans les négociations
01:25:13européennes, en particulier comme un avantage comparatif français
01:25:16par rapport à des partenaires
01:25:19qui sont assujettis à des procédures compliquées
01:25:22pour décider d'une intervention extérieure,
01:25:25pour décider d'une exportation d'armement, etc.
01:25:28Et donc je pense que cet avantage relatif
01:25:31qui est un atout dans la négociation internationale
01:25:34devrait être préservé.
01:25:37Dans le même temps, j'ai toujours été frappé par
01:25:40le caractère moins poussé du contrôle parlementaire
01:25:43sur nos négociateurs par rapport à ce qui existe
01:25:46dans la plupart des démocraties européennes.
01:25:49Et je pense que tout en préservant
01:25:52le premier atout,
01:25:55il y a certainement matière à progresser
01:25:58dans la façon dont un gouvernement explique,
01:26:01rencontre, justifie, sollicite avis,
01:26:04contribution à la représentation parlementaire.
01:26:07Je ne suis pas sûr que la période que nous allons vivre
01:26:10soit la plus propice à la mise au point de ces nouvelles méthodes,
01:26:13mais en tout cas je pense qu'il serait important de préserver
01:26:16cet équilibre entre une très grande autonomie de décision
01:26:19qui fait encore une fois partie de nos avantages comparatifs
01:26:22et le besoin démocratique d'un contrôle parlementaire efficace.
01:26:25Merci.
01:26:28Sur la question du renseignement, actuellement le renseignement
01:26:31relève du code de la sécurité intérieure. Il est dans le champ
01:26:34de la sécurité intérieure, même s'il y a aussi une coordination nationale
01:26:37du renseignement, car il y a une communauté du renseignement
01:26:40qui vient aussi dans le champ de la défense.
01:26:43En tous les cas, le renseignement, ça n'est pas intégralement dans la défense.
01:26:46Et donc la question que vous avez posée, M. le Président, est tout à fait judicieuse
01:26:49sur ce point, parce qu'il est peu probable
01:26:52que le renseignement soit couvert
01:26:55en somme par cette coutume en faveur du Président de la République
01:26:58dans le champ de la défense ou des affaires étrangères.
01:27:01La deuxième chose, c'est la distinction qui est faite
01:27:04à l'article 35, si je puis dire implicitement,
01:27:07entre les actions à l'étranger et les opérations extérieures.
01:27:10Il se trouve que j'ai eu à travailler sur ce texte
01:27:13et voilà le souci
01:27:16qui était celui des armées
01:27:19et en particulier celui de la marine nationale.
01:27:23Il y a le territoire national.
01:27:26Lorsque l'on dit
01:27:29à l'étranger, on dit
01:27:32sur un autre territoire national.
01:27:35Lorsque l'on dit extérieur,
01:27:38on dit extérieur au territoire national aussi en haute mer,
01:27:41qui n'est pas un territoire national
01:27:44et qui n'est pas le territoire d'un autre État.
01:27:47Autrement dit, la notion d'opération extérieure est une notion
01:27:50plus large que l'opération à l'étranger.
01:27:53Il n'était pas question de venir donner
01:27:56des informations à la représentation parlementaire
01:27:59au sujet
01:28:02de la position de nos bâtiments
01:28:05ou de la mission de nos bâtiments
01:28:08lorsqu'ils sont en pleine mer, en particulier
01:28:11les sous-marins nucléaires lanceurs d'engin.
01:28:14La prééminence revient donc au président
01:28:18même si le Premier ministre joue toute sa part.
01:28:21Il doit par exemple répondre aux parlementaires
01:28:24qui veulent l'auditionner. Il doit aussi donner un budget
01:28:27aux impulsions du président.
01:28:30100% Sénat, c'est terminé.
01:28:33Sachez que vous pouvez retrouver cette audition sur notre site.
01:28:36Quant à moi, je vous souhaite une très belle journée
01:28:39sur les chaînes parlementaires.
01:28:47Sous-titrage ST' 501