Pendant les épreuves des Jeux Olympiques, il y aura une épreuve de surf mais pas de parasurf au regret de notre invité du jour Thomas Da Silva, triple champion de France non voyant. Les championnats du monde se dérouleront quant à eux en Californie en novembre prochain. Un rêve et une consécration que souhaite atteindre notre champion français !
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00:00Oui, bonjour Thomas. Bonjour Émilie. Champion du monde, c'est bien parti pour, non ?
00:04On verra ça au mois de novembre. Les championnats du monde ISA parasurf
00:09auront lieu entre le 3 et le 9 novembre sur la plage de Huntington en Californie.
00:14Et en tout cas, nous sommes déjà champions du monde parasurf par équipe 2023.
00:18Ah, et c'est le rêve absolu d'être champion du monde ?
00:20C'est la consécration pour tout sportif dans son sport, je pense.
00:26Et vous manque quoi pour y arriver ? Pas l'envie en tout cas, ni le courage ?
00:29Ni l'envie, ni le courage. Il me manque le petit truc qui fait que tout se passe bien
00:35et tout se déroule comme on a prévu.
00:38Champion du monde bientôt de parasurf, mais déjà champion de France,
00:43trois fois para, on dit para parce que vous êtes non-voyant.
00:47Ça n'a pas toujours été le cas ? Non, ça n'a pas toujours été le cas.
00:50Moi, j'ai perdu la vue à l'âge de 10 ans, en 2011, suite à un AVC
00:54qui m'a atrophié les données optiques. Et donc, ça a été comme une deuxième naissance.
01:00Quand je suis sorti du coma, il a fallu tout réapprendre à marcher, à parler et à vivre.
01:05À marcher, parler, vivre. Et vous vous êtes dit, tiens, si je me mettais au surf ?
01:09Tout à fait. Alors, le surf n'est pas venu tout de suite à moi.
01:12Il est venu à moi en 2015, au travers de mon papa
01:16et au travers d'une association, l'Association Nationale Andisurf.
01:19Mais comment est-ce qu'on peut faire du surf quand on ne voit pas ?
01:23C'est la question que, généralement, les gens se posent.
01:26Alors, en fait, c'est très simple. Déjà, il faut savoir que l'océan,
01:30c'est quand même un terrain de jeu qui est très chouette et très agréable,
01:33contrairement à la vie sur Terre. Parce que dans l'océan,
01:36hormis le risque de noyade, il n'y a pas de danger, il n'y a pas d'obstacle.
01:39Excusez-moi, ça bouge un peu dans l'océan.
01:41Ça bouge un petit peu, mais il n'y a pas d'obstacle, il n'y a pas de risque de prendre un poteau
01:44ou de trébucher sur une marche, par exemple. C'est vraiment un terrain de jeu
01:47qui est très, très chouette. Et donc, comment ça se passe ?
01:50En fait, dans l'eau, lors de mes sessions, je suis accompagné par un ami,
01:54par un binôme qui va me guider, qui va m'orienter dans l'espace
01:57pour me permettre de pouvoir prendre des vagues.
01:59Oui, c'est ça. Vous êtes un binôme. Il vous indique, il vous décrit comment il fait.
02:03Il y a des codes ? À droite ? À gauche ? Attention à la vague ?
02:06Enfin, je n'en sais rien, j'imagine.
02:08Avant de rentrer à l'eau, il va toujours me décrire un petit peu le plan d'eau,
02:11me donner des indications si le plan d'eau est glacé, s'il est agité,
02:16comment sont les vagues, si elles vont être creuses ou assez rondes.
02:19Et une fois qu'on est dans l'eau, il ne va pas me dire d'aller à droite ou à gauche.
02:23On va communiquer sous le système du cadran.
02:27Donc, lui, il va me donner des heures, parce que quand on est non-voyant,
02:30on parle en heures. Par exemple, pour aller tout droit, il va me dire « rame à midi ».
02:33Et si j'ai besoin d'aller à droite, il va me dire « rame trois heures à droite ».
02:36D'accord. Et là, c'est facile, vous vous ramez trois heures à droite.
02:39Exactement. Tout à fait.
02:40Évidemment. Vous le disiez, à chaque fois d'entrer dans l'eau,
02:43il doit vous donner la taille des vagues.
02:45Oui.
02:46Pourquoi ? Parce que si c'est trop gros, vous n'y allez pas.
02:48Ça dépend, en fait, parce que nous, on est quand même assez téméraires
02:51et on aime bien les sensations.
02:53Donc, dans la limite du raisonnable, on va surfer du gros jusqu'à 2,50 m, 3 m, par exemple.
02:57Non, mais vous, en fait, ce que je voulais vous faire dire,
02:59c'est que plus les vagues sont grosses, plus vous aimez ça ?
03:02Oui.
03:03C'est-à-dire ? Pourquoi ?
03:04Parce qu'en fait, nous, quand on n'y voit pas, on a besoin de ressentir les choses.
03:09Et sur une vague qui va être assez petite et assez molle,
03:12on ne va pas ressentir forcément l'énergie de la vague sous nos pieds.
03:16Alors que plus la vague va être grosse et creuse, plus la vague va avoir de l'énergie
03:21et du coup, on va avoir des ressentis qui sont décuplés.
03:23Et nous, ce qu'on recherche, c'est quand même la sensation forte
03:26parce que ça reste un sport extrême.
03:27La sensation forte et la sensation de liberté dans l'eau.
03:32Oui, tout à fait.
03:33La sensation de liberté, d'énergie, la sensation de glisse.
03:37Vous vous sentez plus libre dans l'eau que sur terre ?
03:39Tout à fait. Oui, oui, bien sûr.
03:40Parce que dans l'eau, je n'ai aucun frein, si ce n'est...
03:43Vous n'avez pas votre canne ?
03:45Non, parce qu'on ne peut pas surfer avec une canne.
03:48Évidemment, mais c'est ce qui vous donne cette sensation de liberté.
03:52Oui, exactement.
03:53La sensation d'être comme tout le monde.
03:55Le handicap se dissout dans l'eau un petit peu.
03:58C'est comme si plus rien n'existait
04:00et on est concentré et centré uniquement sur l'instant présent.
04:04Donc, prendre la vague et suivre la vague avec la planche de surf.
04:07Le handicap dont vous avez souffert quand même ?
04:09Comment ?
04:10Le handicap dont vous avez souffert un peu, ça isole, vous disiez.
04:13Le handicap visuel, c'est un handicap qui isole
04:16parce qu'on ne peut pas savoir où se situent les gens dans l'espace.
04:19Donc, on ne peut pas aller vers eux.
04:21Si les gens ne viennent pas à nous,
04:23on ne va pas pouvoir faire le premier pas, généralement.
04:26C'est le surf qui vous a aidé à ne plus être isolé, justement ?
04:29Oui, au travers du sport en général et au travers le surf,
04:34ça m'a permis, moi, de trouver un certain équilibre dans ma vie
04:39et de rencontrer du monde, de voyager, etc.
04:42Et au travers, si vous voulez, de toutes ces actions,
04:44toutes les compétitions, les voyages que je peux entreprendre,
04:47mon but, c'est aussi de promouvoir le blind surfing
04:50et de favoriser l'inclusion et de montrer que,
04:53malgré une cécité visuelle ou un handicap quelconque,
04:57on peut s'épanouir au travers du sport.
04:59Le surf, on disait qu'il ne sera pas présent lors des Jeux paralympiques de Paris.
05:03Vous le regrettez ?
05:04Un petit peu, et nous avons eu la décision du CIP,
05:07le Comité International Paralympique.
05:09Ça ne sera pas non plus aux Jeux de 2028 à Los Angeles.
05:12Il y a des pétitions qui sont en train de circuler
05:14pour essayer de faire changer les choses.
05:16Il faut se battre tous les jours, en fait.
05:19Il faut, pourquoi ? Parce que ça serait plus de reconnaissance aussi ?
05:22Les Jeux olympiques, dans la carrière d'un sportif, c'est la consécration.
05:27C'est quand même le summum de la compétition du très haut niveau.
05:32C'est les Jeux olympiques, oui.
05:34Alors avant ça, il y a quand même les championnats du monde.
05:36Vous l'avez dit, ça sera en novembre.
05:39Il y a quand même une cagnotte litchi, c'est ça ?
05:42Pour vous aider, si on veut ?
05:43Tout à fait. Nous, on a besoin d'être soutenus
05:46pour faire les compétitions à partir du mois de septembre.
05:49Il y a déjà 3 111 euros qui ont été récoltés.
05:52Exactement.
05:53Il vous en faut combien ?
05:54Nous, on a besoin de 11 000 euros et on remercie déjà
05:56toutes les personnes qui ont participé à notre projet
05:59pour atteindre mon objectif de devenir champion du monde à la fin de l'année.
06:02C'est pour aller voyager, pour dormir sur place, c'est ça ?
06:04Exactement, c'est les frais VHR, véhicules, hébergement, restauration, tout simplement.
06:08C'est entendu, le sport de haut niveau en étant handicapé, c'est possible.
06:13Vous en êtes la preuve.
06:15Merci beaucoup Thomas Daciva d'être passé par Télécom.
06:17Merci Émilie.