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100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat. Année de Production :

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00:00:00Bonjour à tous, ravi de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100% Sénat,
00:00:14l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17Les sénateurs de la Commission des Affaires Étrangères ont auditionné David Collomb,
00:00:21chercheur au Centre d'Histoire de Sciences Po et auteur du livre intitulé
00:00:25« La guerre de l'information, les États à la conquête de nos esprits ».
00:00:29Ce livre montre comment les grandes puissances tentent de contrôler les opinions publiques
00:00:34en manipulant l'information, notamment depuis le développement d'Internet.
00:00:37Je vous laisse écouter cette audition.
00:00:39Vous évoquez ces stratégies globales, cohérentes, multidirectionnelles,
00:00:45déployées par les États autoritaires pour affaiblir les démocraties occidentales.
00:00:50Vous analysez notamment les actions de la Russie,
00:00:54mais vous citez aussi, et c'est intéressant, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord.
00:01:01Vous pourrez sans doute nous exposer le lien entre la guerre informationnelle
00:01:05et les affrontements plus conventionnels, y compris sur les champs de bataille.
00:01:10Comment les États autoritaires en sont-ils venus à développer ces stratégies ?
00:01:14Quels sont leurs contours et leur efficacité ?
00:01:17Comment s'en prémunir ?
00:01:19Et aussi, comment répliquer, sans renoncer à notre tour, aux libertés démocratiques ?
00:01:26C'est probablement la difficulté de l'exercice.
00:01:30Enfin, vous pourrez peut-être nous indiquer comment nos partenaires et alliés répondent à ces enjeux.
00:01:35Je pense en particulier, pas seulement, mais en particulier aux États-Unis,
00:01:40qui ont compris avant les autres l'importance du champ informationnel.
00:01:44Voilà, sans être plus long, M. le Professeur,
00:01:46je vous laisse présenter votre analyse au cours d'un propos luminaire.
00:01:49Et puis, nos collègues de la Commission pourront vous interroger.
00:01:54Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site du Sénat.
00:02:00Je m'en réjouis, car je crois que votre audition, aujourd'hui,
00:02:02a aussi un rôle d'information à l'intention de nos compatriotes.
00:02:07M. le Professeur, vous avez la parole.
00:02:14Mesdames et Messieurs,
00:02:18sur le bouton.
00:02:20Et, M. le Président,
00:02:22Mesdames et Messieurs les sénateurs et les sénatrices,
00:02:24Mesdames et Messieurs, je voudrais d'abord vous remercier pour votre invitation.
00:02:27Je suis très heureux de pouvoir venir m'exprimer devant vous,
00:02:29non pour présenter un livre, mais effectivement pour traiter du sujet de ce livre,
00:02:34à savoir la guerre de l'information,
00:02:36qui, à mes yeux d'historien, caractérise non seulement les dix dernières années,
00:02:41mais en réalité la période que nous avons connue depuis la fin de la guerre froide,
00:02:48c'est-à-dire depuis qu'à l'équilibre de la guerre froide a succédé un déséquilibre,
00:02:54qui est celui de la guerre de l'information.
00:02:57La guerre froide était caractérisée par l'opposition de deux modèles économiques,
00:03:01idéologiques et par le recours à des conflits périphériques et à la crainte du conflit nucléaire.
00:03:07La guerre de l'information se caractérise par des conflits directs,
00:03:12mais en deçà du seuil de conflictualité ouvert,
00:03:15par le recours à l'information comme à une arme,
00:03:18aussi bien dans l'espace médiatique traditionnel que dans l'espace cybernétique.
00:03:24Le bouleversement introduit par la fin de la guerre froide, en réalité,
00:03:28est en effet lié à l'avènement des systèmes d'information numériques
00:03:32et à leur utilisation aussi bien dans un champ militaire que dans un champ médiatique et civil.
00:03:37Il est lié aussi à l'avènement de médias planétaires, à l'image de CNN.
00:03:43Il est lié aussi, et je dois le dire pour commencer,
00:03:46à une volonté quelque peu hégémonique des États-Unis en matière d'information à la fin de la guerre froide.
00:03:52Volonté hégémonique qui s'est traduite en 1991 par le recours à l'information
00:03:57comme à une arme, aussi bien sur le champ de bataille pour des opérations d'information,
00:04:02pour des opérations de cyberguerre, pour également des opérations visant à permettre aux soldats américains
00:04:09de disposer d'un contrôle de l'espace informationnel sur le champ de bataille,
00:04:13mais aussi une domination informationnelle dans le champ médiatique global
00:04:18pour faire prévaloir le point de vue des États-Unis.
00:04:21Et par la suite, cela a conduit à une évolution très profonde de la doctrine des États-Unis.
00:04:29Par exemple, avec l'avènement de ce que l'on a appelé, Joseph Nye a appelé, le soft power,
00:04:33qui en est une conséquence directe où l'on promeut son pays à travers ses valeurs, ses symboles, sa culture,
00:04:41à travers la naissance de la cyberguerre, le mot naît à ce moment-là et traduit à la fois
00:04:48les actions dans le cyberespace menées par des pirates informatiques et des soldats cyberguerriers,
00:04:55mais aussi la guerre du net, la guerre d'internet, c'est-à-dire la volonté des États,
00:05:01à commencer par les États-Unis, de faire prévaloir leur récit dans ce nouvel espace d'information et de communication
00:05:07qui échappe au cadre traditionnel régulé des médias dans un régime démocratique comme dans un régime autoritaire.
00:05:15Et cette volonté de domination de l'information a été perçue, on le sait aujourd'hui,
00:05:20de façon très nette par un certain nombre de régimes comme une menace existentielle.
00:05:27Cela a été perçu comme une menace existentielle pour le régime russe qui a vu, certes, la disparition de l'URSS et du Parti communiste,
00:05:37mais pas la disparition des services de renseignement qui, depuis 1918 pour le renseignement militaire russe
00:05:45et depuis 1954 pour le KGB devenu FSB et SVR, ont poursuivi sur la longue durée une entreprise qui était résumée
00:05:55par une formule de Rolf Wagenbrecht prononcée en 1986 à Dresde, Dresdouin.
00:06:01Certains Vladimir Poutine étaient alors agents de liaison du KGB auprès de l'Astasie.
00:06:06Il s'agissait d'un travail de décomposition des sociétés adverses.
00:06:11Travail qui se poursuit, je vais y revenir dans un instant.
00:06:13La menace a été également perçue comme vitale, existentielle, par le régime chinois.
00:06:19On sait aujourd'hui que le président Yang Zemin, devant des cadres du renseignement civil en 1993, a dénoncé, je cite,
00:06:28« la guerre mondiale sans fumée » qui, selon lui, était menée par les États-Unis.
00:06:33De la même façon que les dirigeants du renseignement extérieur russe voyaient la main des États-Unis dans la chute de l'URSS,
00:06:41les dirigeants de Pékin voyaient la main des États-Unis dans les événements du printemps de Pékin
00:06:46et voyaient dans l'essor des médias planétaires une menace pour la stabilité de leur régime.
00:06:52Ce qui a conduit ces régimes autoritaires et d'autres que vous avez cités,
00:06:55M. le Président, l'Iran, la Corée du Nord, à adopter des mesures de protection de leur espace informationnel à l'égard d'ingérences étrangères.
00:07:03On interdit les antennes satellites, on interdit les médias étrangers,
00:07:09on contrôle l'information qui circule à destination de ces citoyens.
00:07:14Mais cela les a conduits également à se doter de ces nouveaux attributs de la puissance à l'ère informationnelle que sont le soft power.
00:07:22La Chine a été le premier pays au monde à se réapproprier le soft power sous le nom de Rwanda-Chili en 1993.
00:07:30La Russie l'a fait par la voie de Vladimir Poutine.
00:07:35C'est la Makaya-Sylla, je crois, pardonnez mon russe, en 2013.
00:07:41Ils se sont dotés aussi d'équipes de hackers, de cyberguerriers,
00:07:45pour faire face à la menace que représentaient à leurs yeux les équipes de cyberguerriers de l'ANSA et les actions offensives.
00:07:51Ils se sont dotés, vous l'avez dit, M. le Président, de médias internationaux pour, dans un premier temps, porter leur voix sur la scène internationale
00:08:00et, dans un second temps, affaiblir la voix de nos démocraties et fragiliser nos démocraties de l'intérieur.
00:08:06Et depuis l'avènement des téléphones portables, depuis l'avènement des réseaux sociaux, ils ont perçu la menace comme particulièrement accentuée.
00:08:14Je crois que le tournant majeur en ce qui concerne la Russie se situe en décembre 2011,
00:08:22lorsque, à la suite des printemps arabes, souvent qualifiés de révolution Twitter ou de révolution 2.0,
00:08:30le Premier ministre Vladimir Poutine a perçu dans les manifestations moscovites la main de la CIA,
00:08:40a considéré que les États-Unis avaient l'intention de recourir à l'information numérique sur les réseaux sociaux,
00:08:47qui était alors tout à fait nouveau, pour renverser son pouvoir, provoquer un changement de régime.
00:08:52Et il craignait, plusieurs sources l'attestent, de finir aussi tragiquement qu'a fini ces jours M. Gaddafi.
00:09:00Ce qui, en retour, a conduit, dans les années qui ont suivi, à une militarisation des espaces informationnels numériques,
00:09:07c'est-à-dire la transformation en armes de ce qui étaient des outils d'information et qui étaient perçus par ces régimes autoritaires
00:09:16comme une menace pour la stabilité de leur régime.
00:09:20Il en va de même pour le président Xi Jinping, lorsqu'il accède au pouvoir, au lendemain de l'essor sur les médias sociaux chinois
00:09:30d'une contestation inédite dans l'histoire de la Chine, à la suite du tremblement de terre de Xinjiang.
00:09:36Contestation des dirigeants, des fonctionnaires, contestation du régime politique,
00:09:43qui a conduit, en retour, à l'adoption par la Chine de mesures de contrôle de son espace informationnel
00:09:49qui sont en tout point comparables aux mesures prises par la Russie.
00:09:53Vous savez, Charles Péguy disait qu'il faut dire ce que l'on voit, surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit.
00:10:01Beaucoup de choses ont été vues, mais beaucoup ont refusé de voir ce qu'ils voyaient parce qu'ils voulaient voir, au contraire,
00:10:09dans les échanges avec ces régimes autoritaires, dans le discours porté par certains dirigeants de ces régimes autoritaires,
00:10:17une promesse de changement, une promesse de démocratisation.
00:10:22Je cite dans mon livre ce discours de Bill Clinton à l'université de Pékin en 1998 qui, aujourd'hui, apparaît d'une extraordinaire naïveté
00:10:30lorsque, devant les dirigeants du Parti communiste, il explique qu'après quatre jours de visite des villages en Chine,
00:10:36il avait vu l'information circuler librement, il avait vu les téléphones portables permettre à des villageois de s'organiser,
00:10:42de se doter de leur propre syndicat, de se doter de leur propre système électoral, de procéder eux-mêmes à leurs élections.
00:10:49Il avait vu un vent de liberté sur la Chine et, au retour dans l'avion, il glisse à l'oreille du correspondant du New York Times qui l'accompagnait
00:10:56qu'il était convaincu que ce que les Américains appellent le free flow of information, la libre circulation de l'information,
00:11:03allait conduire à l'effondrement du Parti communiste chinois.
00:11:06Et ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est non seulement au fait que le Parti communiste chinois ne s'est pas effondré,
00:11:14mais que le Parti communiste chinois s'est, en l'espace de 20 ans, depuis l'adoption par l'armée populaire de libération de la doctrine dite des trois guerres,
00:11:24doté du plus grand appareil de renseignement au monde, plus grand appareil de renseignement de l'histoire,
00:11:29il s'est doté de la plus grande cyber-armée au monde, il s'est doté des plus grandes équipes de cyber-mercenaires,
00:11:35il s'est doté d'outils stratégiques lui permettant de porter sa supériorité informationnelle par-delà ses frontières,
00:11:44il s'est doté d'outils de communication que n'ont pas d'autres régimes autoritaires.
00:11:50La Russie de Vladimir Poutine a pu instrumentaliser, comme je le raconte, les systèmes publicitaires de Facebook pour semer le chaos aux États-Unis
00:11:58et interférer avec les élections, mais le Kremlin n'a jamais disposé de l'équivalent de TikTok,
00:12:06qui est aujourd'hui une arme redoutable entre les mains d'un régime autoritaire qui peut interférer directement avec le cerveau de milliards de personnes sur la planète
00:12:16au profit de ses ambitions géostratégiques.
00:12:20Je ne vais pas vous mentir, mon anxiété était grande en écrivant ce livre et je ne prends aucun plaisir à exprimer de l'anxiété ni à transmettre de l'anxiété,
00:12:31mais j'ai pour habitude de chercher à voir ce que je vois et à le présenter au plus grand nombre, à charge pour ce plus grand nombre de prendre conscience
00:12:44et surtout de réagir de la façon appropriée. J'ai conscience que nos adversaires ont une stratégie de très long terme,
00:12:52qui est une stratégie, je le disais tout à l'heure, de décomposition. Il s'agit de décomposer la société adverse en affaiblissant ce qui fait sa cohésion.
00:13:00Ce qui fait notre cohésion dans une société démocratique, c'est d'abord la confiance dans nos institutions, la confiance dans notre personnel politique,
00:13:07la confiance dans nos institutions, dans notre personnel administratif, la confiance dans nos médias, la confiance quant à la crédibilité à la valeur de l'information qui nous parvient.
00:13:18Et c'est précisément tout cela qui est visé depuis longtemps par ces services de renseignement qui, sur la durée, font le même travail qu'ils faisaient autrefois,
00:13:28mais avec des outils nouveaux. Vous savez, quand vous regardez le Conseil de sécurité restreint de la Fédération de Russie,
00:13:35ils sont une petite dizaine et cinq au moins parmi eux sont des anciens du KGB qui, comme Vladimir Poutine, sont entrés au KGB dans les années 1970,
00:13:46qui, comme lui, pour beaucoup, sont passés par le premier directorat, c'est-à-dire le renseignement extérieur du KGB,
00:13:52qui pour beaucoup, comme Poutine, ont été formés de mains de maîtres à l'art de la manipulation, de la subversion et de la propagande par Yuri Andropov,
00:14:02qui avait coutume de dire que la meilleure des informations était celle qui trouvait ses propres relais, que l'on n'avait pas besoin de soutenir à bout de bras,
00:14:10qui prenait prise dans un environnement donné et trouvait des élateurs qui, volontairement, allaient amplifier son contenu et conduire à ce que Andropov et les autres
00:14:23appelaient un virus médiatique et ce que les Russes désormais, enfin les stratèges russes de la désinformation, ont coutume d'appeler un virus psychologique,
00:14:31qui, à la manière d'un virus humain, a besoin d'un autre, il se transmet d'humain en humain, qui, à la manière d'un virus, s'il n'est pas détecté par un test,
00:14:42peut infecter un grand nombre de personnes avant que l'on constate les effets produits par ce virus, qui peut se répliquer de lui-même,
00:14:53mais là, non pas d'humain à humain, mais d'esprit à esprit, par-delà les océans, par-delà les frontières, grâce aux outils numériques qui permettent une amplification démesurée.
00:15:04Les épidémiologistes se penchaient sur le R0 et se penchent encore sur le R0. On peut contaminer 10, 15 personnes. Un virus informationnel peut en contaminer 256 à la fois.
00:15:15Sur Snapchat, en 2016, ces 256 vont en infecter 256, qui vont rapidement devenir des millions. Nous avons affaire à quelque chose qui croit ce virus de la désinformation,
00:15:30parce que notre système immunitaire a été systématiquement ciblé par les adversaires de nos démocraties, qui, en fragilisant la distinction entre le vrai et le faux,
00:15:41et la crédibilité de ceux qui ont pour fonction d'établir ce qui est vrai et ce qui est faux, ont favorisé la croyance en des théories parfois absurdes.
00:15:50Quand on songe qu'il y a aujourd'hui 7 millions de personnes au moins aux États-Unis qui affirment que la Terre est plate, et pire encore, il y en a 23 millions qui, à la question « la Terre est-elle ronde ? », répondent « je ne sais pas ».
00:16:01Nous sommes en présence de la déstabilisation profonde, non seulement des fondements de notre cohésion sociale à travers l'instrumentalisation du chaos, l'exploitation de toutes les failles de nos sociétés,
00:16:15les ingérences électorales, la guerre psychologique, la guerre cognitive, mais nous sommes confrontés au pire danger qui soit, qui est l'affaiblissement de notre régime de vérité.
00:16:25Je voudrais, pour terminer cette introduction trop longue, je vous prie de m'en excuser, citer un autre auteur qui m'est cher, qui est Marc Bloch,
00:16:33qui dans « L'étrange défaite » revenait sur la responsabilité des médias français dans la défaite et dans l'esprit de défaite qu'avaient pu gagner nos concitoyens en 1940.
00:16:48Il s'interrogeait en particulier sur les influences étrangères, fascistes, nazis, soviétiques. Notre presse était perméable à ces influences étrangères.
00:17:00Et il se demandait ce que nous avions fait pour donner à ce peuple français ce, je cite, « minimum de renseignements nets et sûrs sans lequel aucune conduite rationnelle n'est possible ».
00:17:13Ce qui est aujourd'hui visé fondamentalement et sur la longue durée par nos adversaires, les régimes autoritaires qui veulent faire s'effondrer un certain nombre de nos régimes démocratiques,
00:17:22c'est ce que Michel Foucault appelait le « régime de vérité ». Ce régime qui permet l'énonciation de faits partagés, qui permet la distinction entre le vrai et le faux,
00:17:33et qui permet surtout à nos concitoyens et nos concitoyennes d'avoir seulement la possibilité d'avoir une conduite rationnelle.
00:17:41Et ce que nous devons, je crois, collectivement défendre aujourd'hui, c'est cette capacité pour nos concitoyens de disposer d'une information intègre, nette, sûre, qui garantisse une conduite rationnelle,
00:17:54dans le respect, vous l'avez dit, M. le Président, de ce qui fonde à la fois la faiblesse intrinsèque et la force de nos démocraties, à savoir le fait que nous sommes des sociétés ouvertes,
00:18:04que nous sommes des sociétés de liberté, liberté d'expression, liberté de réunion, liberté d'association, liberté d'informer, liberté d'opinion,
00:18:13et que toute atteinte à ces libertés, au nom de la lutte contre les manipulations de l'information, n'a pour effet que de conforter le scepticisme et la défiance de ceux qui en souffrent déjà,
00:18:23et de conforter le discours de nos adversaires, qui ont beau jeu, alors, de comparer notre attitude à la propre attitude qui est la leur, à l'égard, par exemple, de leurs opposants ou de leurs minorités.
00:18:37Je conclue le livre par ces mots d'un poète allemand, Friedrich Elderlin, « Là où croient le péril, croient aussi ceux qui sauvent ».
00:18:46Je suis convaincu que la prise de conscience dont cette audition est, à mes yeux, l'expression et le plus sûr moyen pour nos démocraties de faire face aux enjeux de l'année 2024,
00:18:57qui sera une année difficile pour nous tous. Merci beaucoup.
00:19:02Merci à vous pour ces propos préliminaires. On va rentrer dans la phase questions-réponses. J'ai quatre demandes de parole, mais il peut y en avoir d'autres.
00:19:12Je vous propose qu'on fasse question-réponse, une question-réponse au fil de l'eau. Première question, c'est François Bonneau.
00:19:21Merci, Président. Merci, Monsieur, pour la clarté de vos propos sur les menaces virales du monde.
00:19:28Avec plus de 200 millions d'utilisateurs actifs, Tchadjipiti s'est imposé comme un acteur de masse dans l'IA conversationnelle.
00:19:40On peut considérer que quiconque prendrait le contrôle de l'architecture neuronale de cette intelligence artificielle pourrait orienter les réponses produites à des fins politiques, voire idéologiques.
00:19:51Certains chercheurs recommandent d'investir massivement dans les technologies de reconnaissance stylométrique et de tournure linguistique redondantes afin de détecter les productions pures de l'intelligence artificielle.
00:20:02Quels sont, selon vous, les outils adéquats pour encadrer l'utilisation de l'intelligence artificielle afin d'en préserver les bienfaits tout en bannissant les pratiques malveillantes, bien évidemment très réelles ?
00:20:16Merci pour votre question. Effectivement, c'est un enjeu essentiel que celui de l'intelligence artificielle, qui est un enjeu qui ne se limite pas à la génération de faux contenus, qui est ce qui intéresse le plus la discussion publique actuellement.
00:20:30Mais il y a beaucoup de choses que l'on ne voit pas aisément, qui sont beaucoup plus dommageables à nos démocraties, notamment le recours à des outils d'intelligence artificielle pour détecter automatiquement des failles dans nos systèmes d'information,
00:20:42des failles qu'exploitent par exemple des pirates informatiques pour perturber le fonctionnement de systèmes adverses.
00:20:49Le Guardian a révélé il y a deux jours la pénétration de systèmes d'une centrale nucléaire britannique par des hackers agissant pour la Chine et la Russie.
00:21:01Ces détections des failles ne se limitent pas aux systèmes structurels mais également aux failles de nos esprits.
00:21:08Et l'une des particularités de l'intelligence artificielle telle qu'elle est utilisée aujourd'hui d'ores et déjà par les plateformes numériques quelles qu'elles soient est l'exploitation de l'analyse prédictive de la personnalité à des fins de micro-ciblages publicitaires
00:21:23et parfois d'exploitation subversive des failles de nos esprits par certains acteurs malveillants pour produire des effets parfois dommageables pour nos sociétés.
00:21:33Il y a enfin cette question de la génération de faux contenus qui pose un problème systémique dans la mesure où les progrès de l'intelligence artificielle sont des progrès exponentiels
00:21:44qui nécessairement devraient conduire prochainement à une situation fort désagréable dans laquelle le faux primera quantitativement sur le vrai dans l'environnement informationnel.
00:21:57Ce qui aura des effets en retour.
00:21:59Tous les systèmes, par exemple les systèmes de moteurs de recherche qui reposent sur une approche inductive, c'est-à-dire statistiquement déterminent le vrai en fonction de l'information qui domine.
00:22:12La terre est ronde parce que la plupart des gens sur internet affirment qu'elle est ronde.
00:22:18Si un jour l'information selon laquelle elle est plate domine, un système de ce type pourrait à une question posée par un utilisateur répondre bien sûr que la terre est plate.
00:22:29Autrement dit, ce problème est systémique.
00:22:32Je crains pour ma part que toute approche autorégulatrice soit vouée à l'échec.
00:22:43Comme ont été vouées à l'échec les approches autorégulatrices engagées par la Commission européenne à l'égard de la diffusion de la désinformation sur les plateformes numériques en décembre 2018.
00:22:55Je constate que l'approche réglementaire du DSA, là où elle a été implémentée, ne donne pas les résultats escomptés et ne peut pas apporter de réponse en temps réel aux dangers représentés par la menace.
00:23:10Dans la mesure où tous les chercheurs en matière de désinformation s'accordent à dire que la désinformation a produit ses effets lorsqu'elle a été diffusée.
00:23:18Vous pouvez ensuite démentir une fausse information, elle laissera des traces.
00:23:22Vous pouvez chercher à démentir une fausse information auprès de gens qui pensent que la terre est plate.
00:23:29Vous les conforterez dans l'idée que la terre est plate parce qu'ils considéreront que c'est louche si vous cherchez à les convaincre du contraire.
00:23:36Autrement dit, j'ai pour ma part une autre approche qui consiste à envisager plutôt de privilégier un espace intègre en matière informationnelle dans le domaine numérique.
00:23:50Pourquoi ne pas considérer un espace dans lequel pourraient interagir des internautes sans modèle publicitaire qui exploiterait leur fragilité psychique et donnerait prise à des influenceurs, notamment étrangers, malveillants.
00:24:10Pourquoi ne pas envisager un système qui ne permettrait pas non plus l'amplification artificielle des contenus, ni le recours à l'intelligence artificielle.
00:24:21Autrement dit, un système proprement humain d'information qui offrirait des garanties d'intégrité pour ses utilisateurs.
00:24:29Il me semble que c'est une voie qui a trop peu été envisagée et qui n'est pas la moins difficile à mettre en œuvre si l'on considère les possibilités techniques de certaines plateformes comme Blue Sky,
00:24:39qui sont des plateformes décentralisées qui pourraient, par exemple, si la Commission européenne s'orientait dans cette direction,
00:24:48permettre à tous les utilisateurs européens de bénéficier d'un espace intègre respectueux en soi par définition des règlements européens en vigueur et qui ne poserait pas les mêmes risques systémiques.
00:25:00Pardon pour cette réponse très longue.
00:25:02Merci pour la réponse. La parole est à Roger Carucci.
00:25:08Oui, professeur. Bon, les ingérences étrangères, c'est vieux comme le monde. En 1914, Benito Mussolini, qui possédait un journal en Italie, Popolo d'Italia,
00:25:22recevait de l'argent des services secrets français et anglais pour pousser l'Italie à entrer en guerre. Dans l'entre-deux-guerres, l'œuvre française Je suis partout
00:25:31recevait de l'argent des nazis et des fascistes italiens pour faire justement la propagande de ces pays et d'un changement de politique française.
00:25:41Donc, ce n'est pas récent. Soyons francs, après la Deuxième Guerre mondiale, les soviétiques d'un côté, la CIA de l'autre côté ont financé des syndicats, des journaux en France et ailleurs.
00:25:54Donc, ce n'est pas nouveau. L'ingérence étrangère, c'est un élément de politique étrangère depuis des siècles. Je dirais presque depuis des millénaires.
00:26:03J'ai quelques souvenirs dans mes études d'avoir vu qu'Athènes ne se privait pas de payer certains services à Sparte. Donc, ce n'est pas nouveau.
00:26:12Mais ce qui a changé, c'est le contact direct. C'est qu'avec le système des réseaux, en réalité, on ne peut plus trouver un responsable.
00:26:28Nos services d'enquête ne peuvent plus annoncer qu'on met en examen tel ou tel parce qu'il a reçu de l'argent des services étrangers.
00:26:38Maintenant, le service étranger a un accès direct à des millions de personnes en même temps. Et là, on ne sait plus trop comment réagir.
00:26:50Alors, vous avez raison. Le premier élément, c'est probablement que les citoyens retrouvent confiance ou crédit dans la parole publique dans leur propre pays
00:27:03ou dans leurs médias dans leur propre pays parce que dès qu'ils n'ont plus confiance, forcément, l'ingérence étrangère est plus forte. Et en tout cas, elle a plus d'impact.
00:27:15Mais... Alors, j'entends bien ce que vous dites sur pourquoi ne pas développer un secteur intègre sans publicité. C'est probablement une arme claire.
00:27:25Mais est-ce que nos gouvernants ne sont pas en réalité aussi coupables de ne pas être capables de défendre la démocratie ?
00:27:34Avec mon cher collègue, nous allons présenter le budget qu'on apprécie, qu'on approuve, enfin qu'on n'apprécie pas mais qu'on approuve, sur les médias extérieurs de la France.
00:27:47On est extrêmement rêveurs, naïfs. On met trois francs six sous de crédit sur nos médias extérieurs alors qu'on se fait promener en Afrique,
00:28:01on se fait promener au Proche-Orient, on se fait promener partout et on continue de penser qu'avec trois machins, on va trouver la solution.
00:28:09Il est clair que face aux dictatures, face aux régimes autoritaires, que je refuse d'appeler, je ne sais pas quoi, le sud global,
00:28:17l'appellation qu'est d'or c'est stupide, s'il en est devant l'éternel, mais enfin bon, laissons cela.
00:28:23Mais est-ce que... Parce que vous parlez de l'importance de l'ingérence étrangère. Mais est-ce que ce n'est pas d'abord la faiblesse de notre réaction, de nos régimes ?
00:28:34La démocratie, ça ne se défend pas que par la parole. Est-ce que là-dessus, on ne devrait pas être plus forts dans la présence de médias extérieurs,
00:28:46qu'ils soient d'ailleurs français, britanniques, américains ? Est-ce que les pays démocratiques ne sont pas faibles face à des offensives chinoises,
00:28:56russes ou autres, dans le domaine des médias, avant même de l'être dans le domaine de l'Internet ?
00:29:02Merci Monsieur le Sénateur pour votre question. La force de notre société, ce sont ces valeurs, et ce sont ces valeurs que nous devons défendre pour rester attrayants dans le monde.
00:29:23Vous avez tout à fait raison de souligner que l'influence étrangère n'est pas nouvelle et que ce qui est nouveau, c'est sa portée, qui est sans commune mesure avec ce qui a été connu jusqu'à présent.
00:29:39En ce qui concerne les moyens que l'on peut mettre en œuvre, il me semble que le premier à mettre en œuvre est la transparence.
00:29:48Nous avons besoin de mettre en évidence aux yeux du plus grand nombre la réalité de ces ingérences étrangères.
00:29:56Pour cela, une proposition qui a été, je crois, faite par l'un de nos services de renseignement et qui me paraît parfaitement judicieuse,
00:30:07c'est l'adoption d'une loi comparable à celle qui existe depuis 1938 aux États-Unis et qui fait obligation à quiconque mène une action d'influence à l'intérieur de notre territoire,
00:30:17pour le compte d'un agent étranger, étatique ou non étatique, de déclarer son activité.
00:30:22Il ne s'agit pas d'une loi d'hyperticide, comme l'est la loi sur les agents étrangers du Kremlin, qui, une fois que quelqu'un est qualifié d'agent étranger, lui vaut les pires choses.
00:30:35Là, il s'agit d'une loi de transparence pour rendre visible au plus grand nombre ce qui se passe en matière d'ingérence, quantifier l'ingérence des différents pays,
00:30:47autoritaires comme non autoritaires du reste, quant à leur volonté de faire prévaloir un certain nombre de récits.
00:30:54Il y a une tentation de certains pays, par exemple, de fragiliser le soutien de notre opinion publique envers le rayonnement de la France en Afrique et dans l'océan Indien.
00:31:04Cela doit être rendu visible au plus grand nombre pour que la société s'en empare et que ce ne soit pas le monopole de nos services voués à la défense et la protection de notre souveraineté.
00:31:18En même temps, parmi ces services, il me semble qu'il est aujourd'hui plus que nécessaire de renforcer et de doter plus considérablement ceux qui sont en première ligne de cette guerre de l'information
00:31:33et qui ont fait la preuve de leur efficacité. Je pense en premier lieu, bien évidemment, à Viginium. Je pense en premier lieu à la sous-direction du Quai d'Orsay en charge de ces questions stratégiques,
00:31:47de la veille et de la riposte. Ils sont, de mon point de vue de chercheur, sous-dotés, sous-équipés, compte tenu de la menace.
00:31:56Et à la veille d'une année électorale et à la veille d'une année marquée par les Jeux olympiques, qui vont être un peu le supermarché mondial de l'ingérence et de la déstabilisation,
00:32:09il est plus qu'urgent aujourd'hui de leur donner les moyens de faire face à cette menace.
00:32:17Enfin, s'agissant de nos médias de service public, il est bon de rappeler qu'ils sont des médias de service public et non des médias d'État,
00:32:27qu'ils ne sont pas aux ordres du pouvoir exécutif et ne sont pas là pour porter la voie de tel ou tel membre de l'exécutif, mais de porter la voie de l'intérêt général,
00:32:41bien évidemment aussi la voie de la France, mais sans recourir à la manipulation comme le font d'autres médias qui sont des médias d'État
00:32:51et dont les rédacteurs en chef s'honorent eux-mêmes publiquement d'être, je les cite, des guerriers de l'information.
00:32:59Le doigt sur la couture du pantalon pour obéir aux ordres de leurs autorités politiques.
00:33:07Il faut investir dans le journalisme de qualité. Vous savez, je vois aussi dans nos médias internationaux des journalistes extraordinairement valeureux
00:33:15qui font face à des campagnes de déstabilisation qui parfois les visent eux-mêmes, qui sont d'une brutalité inouïe,
00:33:21qui font face à une croissance exponentielle de la désinformation avec peu de moyens. Ils ont besoin aujourd'hui d'être aidés.
00:33:29Et puis, nous avons besoin de renforcer l'immunité de notre société face à ces ingérences par le renforcement du journalisme de qualité.
00:33:36Ce que j'appelle le journalisme de qualité, c'est le journalisme qui répond à une démarche déontologique et éthique,
00:33:44qui s'engage à suivre cette démarche et qui, par exemple, dans le cadre actuel de ce qui existe,
00:33:53adhère à la démarche de Reporters sans frontières qui s'appelle JTI, Journalism Trust Initiative,
00:34:00s'engager à respecter ces règles déontologiques, accepter un audit extérieur pour vérifier qu'ils assurent bien cela.
00:34:08Et nous pourrions envisager de réorienter une partie des aides publiques à la presse en priorité vers ce journalisme de qualité.
00:34:17Nous pourrions envisager de contraindre les plateformes numériques à amplifier la portée de ce journalisme de qualité.
00:34:23Il ne s'agit pas de stigmatiser l'autre journalisme, il s'agit d'encourager ce journalisme de qualité et potentiellement de confiance.
00:34:32Pardon encore une fois pour cette réponse très longue.
00:34:34Olivier CADIC.
00:34:36Merci beaucoup. Effectivement, très intéressant.
00:34:41Nous avons reçu un spécialiste de l'OTAN qui combat les trolls et qui nous a montré que le temps moyen pour lire une news est de 7 secondes.
00:34:52Donc effectivement, les technologies de manipulation ne sont pas nouvelles, comme l'a dit notre collègue.
00:34:59Mais surtout, le vrai, le faux, tout dépend de l'idée qu'on s'en fait.
00:35:03Et chacun a sa vérité, apparaît le concept de vérité alternative.
00:35:09Donc en fait, l'objet c'est de créer la confusion dans les esprits.
00:35:14C'est ça que cherchent à faire en fait les Russes souvent.
00:35:20Et vous avez raison, une fake news est réussie à partir du moment où elle est disséminée.
00:35:26Et je voudrais rappeler quand même que le mariage du Bounty au Mali a été quand même le plus grand cas d'école.
00:35:31Puisqu'aujourd'hui encore, vous tapez sur les réseaux sociaux et vous allez sur les moteurs de recherche et vous allez voir ça comme un fait avéré.
00:35:38Alors que personne n'a jamais vu une photo du mariage ni des mariés.
00:35:41Donc on ne sait même pas de quoi il s'agit.
00:35:43Mais toujours est-il que ça a fait son effet.
00:35:46Ce qui me gêne un petit peu, enfin ce que je comprends, j'apprécie tous vos propos.
00:35:50Mais j'ai l'impression que tout n'est que défensif dans la réaction qu'on devrait avoir en disant on va donner une information de qualité.
00:36:02Essayer de la rendre intègre.
00:36:04Mais tout ça en fait, c'est une réaction par rapport à ce qui nous arrive.
00:36:08Taïwan travaille cette question fortement.
00:36:13D'ailleurs, ils ont développé tout un modèle de réponse.
00:36:17Faisant en sorte que la communauté, la collectivité participe à la réaction avec des réponses à une fake news en deux heures, en utilisant l'humour.
00:36:28Mais tout ça n'est que de la défense.
00:36:30Est-ce que vous ne trouvez pas que Prigogine nous a montré la voie pour déstabiliser la Russie ?
00:36:37Quels sont les points faibles de la Chine et de la Russie sur lesquels nous pourrions travailler et être de notre côté un petit peu offensifs ? Merci.
00:36:47Merci Monsieur le Sénateur pour votre question.
00:36:50J'insiste sur l'aspect défensif dans la mesure où je sais que l'aspect offensif a fait l'objet d'investissements importants depuis longtemps.
00:37:00Il y a longtemps que nos armées ont pris conscience de la menace de la propagande djihadiste.
00:37:06Que l'amiral Coustillère a constitué une équipe et a mené des actions de contre-discours.
00:37:15La France est dotée d'un com' cyber qui est un modèle international de ce qui peut être fait pour porter le combat au-delà de nos frontières.
00:37:28Mais vous aurez compris que si je n'évoque pas l'aspect offensif, c'est parce que ma priorité en tant que chercheur et auteur de ce livre,
00:37:39c'est de préserver la sérénité de nos débats démocratiques, de préserver notre démocratie, de préserver nos libertés face à des ingérences étrangères
00:37:53auxquelles on n'oppose pas toujours une réponse adaptée.
00:37:58Je vais vous parler, comme je crois le faire sans langue de bois, vous citer Taïwan.
00:38:04L'approche de Taïwan est une approche horizontale.
00:38:07C'est-à-dire que l'ensemble de la société, pour commencer, est consciente de la menace.
00:38:13L'ensemble de la société a accès à des informations factuelles sur l'état de la menace.
00:38:20L'ensemble de la société est éduqué, non pas aux médias de façon générale, mais à la désinformation, comment la détecter et comment s'en prémunir.
00:38:31L'ensemble de la société est mobilisé dans une démarche qui relève de ce que j'appelle dans le livre la défense informationnelle.
00:38:40En France, nous avons une approche en silo, une approche en tuyau d'orgue.
00:38:46Nous avons des services qui ne collaborent pas toujours suffisamment entre eux.
00:38:51Et nous avons une tendance assez lourde à privilégier le secret pour tout ce qui relève des questions dont nous traitons ce matin.
00:38:59Et cette tendance nous est préjudiciable dans la mesure où, souvent, elle nous conduit à ne pas appréhender les opérations d'ingérence à l'échelle qui est la leur.
00:39:10Permettez-moi de donner un exemple récent. C'est Moldave qui ont dessiné sur les murs des étoiles de David.
00:39:17Vous avez d'un côté le volet judiciaire et sécuritaire. Vous avez de l'autre le volet de l'amplification artificielle sur Twitter pour porter cela à la connaissance des journalistes.
00:39:30Vous avez ensuite le volet médiatique avec l'absence de formation des journalistes à ce type d'opérations de déstabilisation dont ils sont couramment la cible.
00:39:39Et tout cela est traité de façon dispersée.
00:39:43Monsieur le Président, tout à l'heure, vous évoquiez ce que les États-Unis ont fait.
00:39:48La principale réalisation des États-Unis a été en la matière le GEC, le Global Engagement Center, le centre d'engagement global.
00:39:57Comme son nom l'indique, il appréhende la menace à l'échelle globale, c'est-à-dire qu'il unit des personnels du Pentagone, donc des militaires,
00:40:08à des personnels civils du département d'État, à des personnels de la communauté du renseignement, c'est-à-dire les 15 services de renseignement principaux des États-Unis,
00:40:19aux représentants des médias internationaux qui sont associés à la discussion, à un écosystème de chercheurs, à un écosystème d'industriels qui aussi prennent part à cette dimension.
00:40:31Et nous avons besoin d'une même approche globale.
00:40:34Enfin, permettez-moi une dernière remarque, puisque j'ai été invité par le Comcyber à m'exprimer récemment à Rennes à l'occasion de la Cyber Week.
00:40:41Et j'ai fait le tour de notre industrie en matière de cyber défense.
00:40:49Je ne citerai aucun industriel, mais j'ai été frappé par le fait que nous disposons vraiment d'industriels remarquables qui proposent tout ce qu'il faut en matière de défense de nos systèmes d'information.
00:41:00Vraiment, la France est un pays leader dans le monde en matière de cybersécurité.
00:41:05Nous avons une industrie remarquable.
00:41:07Que proposent ces industriels pour la dernière faille de sécurité qui se situe entre la chaise et l'ordinateur,
00:41:18c'est-à-dire l'être humain qui va cliquer sur le lien sur lequel il ne devrait pas cliquer,
00:41:24l'être humain qui va relayer l'information qu'il ne devrait pas relayer,
00:41:30l'être humain qui, recevant une information, va réagir par un acte de colère et, dans certains cas, passer à un acte délictuel ou criminel.
00:41:39À l'heure actuelle, nous ne proposons rien.
00:41:42Et c'est la raison pour laquelle il me paraît aujourd'hui plus que jamais nécessaire d'engager une démarche de défense informationnelle
00:41:49pour sensibiliser nos concitoyens à la menace, les doter des outils de percevoir la menace, de voir ce qu'ils voient, d'agir en conséquence,
00:41:58doter aussi nos services et notre armée des moyens d'établir des liens consubstantiels,
00:42:05non seulement avec les industries de défense, mais avec tous les citoyens et toutes les citoyennes qui sont préoccupées par ces questions
00:42:11et adopter cette démarche défensive qui nous permettra d'affronter la menace qui se présente devant nous
00:42:18et qui ne va pas, malheureusement, dans un temps prochain, décroître.
00:42:23Je suis encore une fois désolé de vous répondre si longuement.
00:42:27Merci beaucoup, Monsieur le Professeur.
00:42:31Je crois que votre livre est un livre de salubrité publique, un livre trop rare d'ailleurs.
00:42:36Et je suis bien entendu entièrement d'accord avec vous.
00:42:41Je voudrais peut-être faire quelques remarques.
00:42:45La première, c'est que vous datez, il faut toujours dater les études que l'on fait d'un certain moment,
00:42:52vous le datez de la fin de la période de la guerre froide.
00:42:56Je ne remonterai pas jusqu'à Sparte et Athènes comme Roger Carousse le faisait tout à l'heure.
00:43:01Mais je dirais que nous avons un retard d'un siècle en fait.
00:43:05Nous n'avons pas seulement un retard de quelques décennies, nous avons un retard d'un siècle.
00:43:09Ce sujet, le sujet de la désinformation, le sujet de l'infiltration, le sujet des cinquièmes colonnes,
00:43:16Roger y a fait allusion tout à l'heure, il a commencé en 1917 avec la création de la Tcheca et du NKVD.
00:43:23Et nous avons eu des périodes, et je suis d'accord avec lui là-dessus, peut-être encore plus difficiles et plus dangereuses.
00:43:30Et la première de ces tentatives, c'était la tentative qui a duré presque un siècle, qui a duré 70 ans,
00:43:42c'était la création des partis communistes.
00:43:44Nous avons vécu dans les sociétés démocratiques, et particulièrement en France et en Europe,
00:43:48avec le principal outil de désinformation qui était les partis communistes,
00:43:52et qui était largement d'une nuisance aussi grande que celle des réseaux sociaux.
00:43:57Aujourd'hui, nous avons vécu avec le mouvement de la paix qui a désarmé,
00:44:01et qui a notamment désarmé la France, mais qui a désarmé beaucoup de démocraties.
00:44:05Je cite une anecdote, dans les années 80, quand j'étais président de la Saint-Ventier,
00:44:10on travaillait avec Solidarnosc. Solidarnosc nous a révélé, ce que d'ailleurs la direction du Figaro savait,
00:44:17que le correspondant du Figaro à Varsovie et que le correspondant du Figaro à Moscou étaient des agents du KGB.
00:44:23Et que le Figaro trouvait ça très bien, parce que ça leur permettait d'avoir des renseignements de première main.
00:44:28Mais c'était déjà comme ça, à cette échelle.
00:44:32D'ailleurs, la deuxième période difficile, je vous rappelle que Reuvel écrivait à la fin des années 70, en 1980, comment les démocraties finissent.
00:44:42C'était l'époque de Carter, des otages américains en Iran.
00:44:45C'était l'époque où les Russes soviétiques étaient en Afghanistan, en Érythrée, aujourd'hui on dit le Mali, le Niger, etc.
00:44:53Ils étaient déjà en train de conquérir une bonne partie de l'Afrique et de nous en chasser, ou de chasser les Occidentaux.
00:45:01Comment ça s'est terminé ?
00:45:03Ça ne s'est pas terminé parce qu'on a gagné la guerre de l'information, cette guerre, ou la guerre des renseignements.
00:45:09Le bouquin de Robert Little, La Compagnie, et probablement, je le recommande à tout le monde ici, à ceux qui ne l'ont pas lu,
00:45:16c'est l'histoire de la guerre entre la CIA et le KGB.
00:45:18Sur le plan de l'information et du renseignement, le KGB l'a gagnée, cette guerre.
00:45:22Et de très loin.
00:45:24Comment elle s'est terminée ?
00:45:26Elle s'est terminée parce qu'un jour, contre tous les courants, un homme a eu la volonté, un homme qu'on présente ici, et notamment en Europe,
00:45:34comme un semi-demeuré, qui a été un des plus grands présidents des États-Unis, en définitive, a décidé qu'on allait en terminer par la volonté politique.
00:45:44Et après Carter, Reagan est arrivé, et c'est Reagan qui a mis l'URSS à genoux, et qui a entraîné par la guerre des étoiles la fin de l'URSS.
00:45:53C'est donc pas un problème de renseignement, c'est un problème de volonté politique, que, évidemment, nous n'avons pas aujourd'hui.
00:45:58Évidemment, évidemment.
00:46:00Alors, ça m'amène à ma deuxième remarque, c'est celle sur la naïveté.
00:46:05J'ai demandé ici, au Sénat, en 2018, à Cédric O, à l'époque ministre chargé du numérique, l'interdiction de RT et de Spoutnik.
00:46:17Je me suis fait renvoyer dans mes buts, certains s'en souviennent peut-être, au nom de la liberté d'expression.
00:46:24J'expliquais que RT et Spoutnik n'étaient évidemment pas des médias, que c'était fabriqué directement au directeur ad du FSB,
00:46:31que, bon, je vais pas plus loin, et que, évidemment, il était de salut public d'interdire ces non-médias, ces chaînes de désinformation.
00:46:43Cédric O a été offusqué en disant, mais enfin, mon gouvernement ne va pas faire une telle atteinte à la liberté d'expression.
00:46:52Le 27 février 2022, du jour au lendemain, on s'est aperçu qu'il n'y avait plus de problème de liberté d'expression.
00:46:57La naïveté, les démocraties, c'est ça le problème.
00:47:00Elles réagissent parfois, et d'ailleurs, jusqu'à présent, elles ont gagné, mais elles réagissent tard.
00:47:05Et cette naïveté continue, cette naïveté continue.
00:47:09Troisième remarque.
00:47:10Le plus grand danger, c'est pas celui, à mon avis, de l'influence extérieure, c'est celui de la menace qui vient de l'intérieur.
00:47:19Cette menace, je ne parle pas d'une menace sur le plan de la désinformation, mais Obama disait, les réseaux sociaux,
00:47:26il disait d'Anti-Atlantique il n'y a pas très longtemps, les réseaux sociaux sont devenus la principale menace contre nos démocraties.
00:47:32Les réseaux sociaux, par leur abrutissement, par l'ensemble de ce qu'ils représentent, pas la peine de faire de dessin ici, tout le monde le sait.
00:47:41Et il n'était pas le seul à le dire, Obama.
00:47:42Xi Jinping, il y a quelques mois, disait à un airé aux pages de chef d'entreprise,
00:47:47mais vous êtes en train, avec vos réseaux sociaux, nous les contrôler...
00:47:51Xi Jinping ne parlait pas de censure.
00:47:52Bien sûr, il y a la censure des réseaux sociaux en Chine.
00:47:54Mais il y a aussi des choses assez intelligentes que nous ne faisons pas et qui n'ont pas de la censure,
00:47:59c'est le contrôle de l'utilisation, ne serait-ce que des horaires des réseaux sociaux pour les enfants.
00:48:04Xi Jinping a expliqué, vous êtes en train de détruire une génération qui ne fait plus rien en classe,
00:48:10qui ne dort pas la nuit parce qu'elle regarde les réseaux sociaux, etc.
00:48:12Nous, nous les empêchons, nous leur donnons des horaires pour les regarder, etc.
00:48:18Nous les protégeons.
00:48:20Nous ne faisons rien de cela.
00:48:23Je voudrais faire une dernière remarque.
00:48:25Mickaël Vallée, qui est là, et moi-même avons fait récemment, rendu un rapport sur TikTok.
00:48:31Le rapport s'appelle « La tactique TikTok, opacité, addiction et ombre chinoise ».
00:48:37Et nous terminons ce rapport en disant qu'il y a des mesures de santé publique,
00:48:41des mesures de salubrité publique, qui est le contrôle de l'âge, qui est le contrôle de la modération, etc.
00:48:47Et nous sommes allés voir le ministre du numérique, qui nous a dit « Oui, oui, oui, il n'y a pas de problème,
00:48:51vous avez raison, et on va faire ça, etc. »
00:48:53Et puis d'ailleurs, je prépare une grande loi sur le numérique, qui est l'adaptation du DSA en France.
00:49:00Et moi, je suis tout à fait d'accord avec ce que dit Thierry Breton sur le DSA.
00:49:03Et c'était un espoir, le DSA.
00:49:05Le DSA est paru.
00:49:07Il donnait jusqu'au mois d'août aux plateformes pour se mettre en conformité avec toutes les recommandations.
00:49:12La recommandation principale, Breton l'avait très, très bien résumée,
00:49:15tout ce qui est interdit hors ligne doit être interdit en ligne.
00:49:17Ça paraît vraiment de bon sens.
00:49:19C'est absolument le contraire qui se passe aujourd'hui.
00:49:21Le RGPD n'avait rien réglé.
00:49:23Le DSA, on le voit maintenant.
00:49:25Il a été mis en place.
00:49:27Le mois d'août s'est passé.
00:49:29Et aujourd'hui, vous avez vous-même tout à l'heure expliqué ce qui se passe sur TikTok.
00:49:34En prenant un exemple, on pourrait en prendre des milliers.
00:49:38Ça ne fait que s'aggraver.
00:49:42Alors, tout cela participe d'une grande naïveté.
00:49:48Je pense que la question qui se pose, c'est la question que posait Lénine.
00:49:53Que faire ?
00:49:55Parce que la tâche est gigantesque.
00:49:58Elle est à l'extérieur.
00:49:59Elle est à l'intérieur.
00:50:00Et on part avec un handicap considérable.
00:50:04Les dictatures sont de retour.
00:50:07On les a cru mortes en 90.
00:50:10Dans les années 90, on avait cru que le XXe siècle,
00:50:12qui était le siècle de la lutte à mort entre les démocraties et les dictatures,
00:50:16s'était terminé par la victoire des démocraties.
00:50:19On s'aperçoit aujourd'hui que ce n'est pas vrai.
00:50:21Que c'est même la tendance inverse qui se passe.
00:50:23Et on en est presque aujourd'hui à espérer.
00:50:26Et d'ailleurs, l'exemple de Reagan que j'ai pris tout à l'heure
00:50:29montre que le pire n'est pas toujours sûr.
00:50:31On en est à espérer que les dictatures elles-mêmes soient en train de commettre des erreurs.
00:50:38Peut-être pire que la guerre en Ukraine.
00:50:40Et pour Poutine, qu'il la gagne ou qu'il la perde,
00:50:42une erreur considérable qui va affaiblir le clan des dictatures.
00:50:46La situation en Chine, on est en train de s'en apercevoir.
00:50:49Et du point de vue démographique, économique, etc.,
00:50:51beaucoup moins bonne qu'on ne le pensait.
00:50:53L'Iran est en proie.
00:50:54Voilà, le clan des dictateurs s'est reformé.
00:50:56Mais en même temps, le clan des dictateurs ne va pas beaucoup mieux que les démocraties.
00:51:00Je voudrais vous poser une dernière question.
00:51:02J'avais présenté ici au Sénat un amendement
00:51:06qui a été voté à l'unanimité.
00:51:09Et qui disait, schématiquement,
00:51:14dans la polémique sur les éditeurs et les hébergeurs,
00:51:19vous savez que les plateformes disent
00:51:21« Nous ne sommes pas des éditeurs, nous sommes des hébergeurs,
00:51:23donc nous n'avons pas de responsabilité. »
00:51:25Le Sénat a voté cet amendement qui disait, en substance,
00:51:29à partir du moment où une plateforme
00:51:32trie l'information qu'elle reçoit de ses abonnés par des algorithmes,
00:51:37elle a un statut d'éditeur et non pas un statut d'hébergeur.
00:51:40Si vous votez, si on vote cette loi,
00:51:42ça veut dire que les plateformes deviennent responsables
00:51:45alors qu'elles sont aujourd'hui irresponsables
00:51:47et que toute la source du problème est là.
00:51:49Évidemment, cet amendement voté à l'unanimité au Sénat
00:51:53n'a pas été présenté à l'Assemblée nationale,
00:51:55ne sera pas présenté vers le gouvernement.
00:51:57Je voulais vous demander ce que vous pensez de cela.
00:52:00Quand je dis que faire, bien entendu,
00:52:02il y a beaucoup d'autres questions, si vous avez des réponses.
00:52:04Mais sur ce sujet particulièrement,
00:52:06je suis désolé d'avoir été beaucoup trop long.
00:52:09Le propos est intéressant.
00:52:12Ma liste de questions s'est un petit peu agrandie.
00:52:16Je vais peut-être donner la parole à Mickaël Vallée,
00:52:18qui l'a demandé et qui est le second rapporteur du rapport TikTok.
00:52:23Mickaël.
00:52:26Je suis co-rapporteur sur le cyber,
00:52:28mais je n'ai fait que présider la commission d'enquête TikTok.
00:52:30Claude Méliuret était le rapporteur et l'initiateur, surtout,
00:52:34et qui a suivi ça.
00:52:35C'est important que l'audition soit captée,
00:52:37puisque je commence par dire que Claude Méliuret a cité Lénine.
00:52:40Cela restera au compte rendu des travaux du Sénat.
00:52:47Vous avez évoqué tout à l'heure le parallèle avec les questions de virus.
00:52:52Lorsque nous tombons dessus d'un virus dont on n'attendait pas l'ampleur
00:52:56et auquel on n'était pas préparé dans la vie quotidienne,
00:52:59en très peu de temps, on explique aux gens,
00:53:02et on fait de la pédagogie de manière générale
00:53:04pour expliquer pourquoi les masques, pourquoi le contact,
00:53:08comment ça circule, quels sont les bons gestes barrières,
00:53:12comment on s'organise pour pouvoir sortir, pas sortir,
00:53:15et le message passe, puisque l'un dans l'autre,
00:53:18d'un point de vue de l'ordre public,
00:53:20on peut penser ce qu'on veut des mesures qui ont été mises en œuvre,
00:53:22mais en tout cas, elles ont été plus ou moins respectées.
00:53:25La pédagogie est le premier élément essentiel.
00:53:28Vous avez parlé des États étrangers,
00:53:30vous avez parlé de la façon dont on s'organise sur Viginum,
00:53:34le ComCyber, etc.
00:53:36Vous avez répondu à la question que j'avais sur Viginum,
00:53:38mais là se pose aussi une question de très long terme,
00:53:41qui est celle de l'éducation.
00:53:44On a vite su tous, parce que les biologistes et les épidémiologistes
00:53:48nous ont expliqué comment fonctionnait ce virus,
00:53:51mais on ne sait pas comment fonctionne notre cerveau,
00:53:54ou on le sait trop peu, en termes de vulgarisation scientifique.
00:53:57Ce sont des choses qui passent assez pas.
00:53:59Notamment des télévisions de services publics comme Arte,
00:54:02qui ont essayé de faire de la pédagogie là-dessus,
00:54:04avec des petites capsules vidéo qui ont bien fonctionné.
00:54:06C'est une goutte d'eau dans l'océan.
00:54:08Les questions de plasticité cérébrale,
00:54:10la façon dont nous réagissons,
00:54:12le fait que, on a pu l'entendre dans les auditions
00:54:14lors de la commission TikTok,
00:54:16même si vous êtes un peu outillé en termes de raisons critiques,
00:54:21une fausse information,
00:54:23une première fois vous arrivez à la balayer,
00:54:25une deuxième fois, si vous la prenez toute la journée,
00:54:2750, 100 fois,
00:54:29mécaniquement et de manière scientifique,
00:54:31par rapport aux questions de plasticité cérébrale
00:54:33que nous expliquent les neuroscientifiques,
00:54:36ça finit par pénétrer,
00:54:38et on finit par se dire, je résume,
00:54:40il n'y a pas de fumée sans feu.
00:54:42Il y a des scientifiques qui travaillent
00:54:44très sérieusement, de manière mondiale,
00:54:46sur des cohortes, avec du recul,
00:54:49on les a auditionnés pendant la commission TikTok,
00:54:52en ce moment sur les infox.
00:54:54Les premiers résultats montrent que,
00:54:56quand on explique à des cohortes d'enfants,
00:54:59dans un cadre éducatif,
00:55:01à l'école ou au collège,
00:55:03que voilà ce que c'est qu'une infox,
00:55:05comment il faut vérifier la source, etc.,
00:55:07un des premiers effets constatés,
00:55:09c'est qu'ils en viennent à douter de tout.
00:55:12Parce que, quand on met en place
00:55:14des mécanismes de défense,
00:55:16on a cette difficulté-là.
00:55:18Ma première question est la suivante.
00:55:20Est-ce qu'un des enjeux,
00:55:22la question de défense, cyber, la technique,
00:55:24ce n'est pas l'éducation ?
00:55:26Et est-ce qu'on a les moyens, en termes financiers,
00:55:28de mettre en œuvre quasiment une nouvelle matière,
00:55:31en termes éducatifs, qui va au-delà
00:55:33de l'éducation morale et civique,
00:55:35et qui est vraiment d'outiller nos citoyens
00:55:37pour les rendre libres ?
00:55:39Deuxième question.
00:55:41On peut parler des étrangers,
00:55:43on peut parler de notre naïveté,
00:55:45mais déjà, avant d'aller sur les réseaux sociaux,
00:55:47n'a-t-on pas commis une erreur fondamentale
00:55:50dans la façon dont nous avons payé
00:55:52les pouvoirs publics et l'État ?
00:55:55Un réseau qui s'appelle la TNT,
00:55:57qui a introduit dans tous les foyers
00:55:5918, 20 ou 25 chaînes,
00:56:01quand on en avait 5 ou 6,
00:56:03et où, c'est une opinion personnelle,
00:56:05elle ne sera peut-être pas partagée
00:56:07par tout le monde, quand même,
00:56:09quand vous zappez un peu, vous vous rendez compte
00:56:11ou vous avez l'impression que la France
00:56:13est un endroit où votre voisin
00:56:15est un criminel en puissance,
00:56:17puisque vous n'avez que des documentaires
00:56:20Vous hésitez à sortir dans la rue
00:56:22l'été au Cap d'Agde ou ailleurs,
00:56:24parce que vous avez constamment des reportages
00:56:26sur la police municipale au Cap d'Agde
00:56:28ou que sais-je, avec des trucs complètement anxiogènes.
00:56:30On a des émissions de télévision
00:56:32où les gens s'en mettent plein la figure
00:56:34en permanence.
00:56:36Ce sont des canaux publics.
00:56:38C'est-à-dire que c'est nous qui devrions choisir
00:56:40à qui on confie ça.
00:56:42Est-ce que dans notre naïveté collective,
00:56:44il n'y a pas aussi ce premier sujet-là ?
00:56:46Moi, je vais citer Poutine,
00:56:48comme Claude Maluret citait Lénine,
00:56:50quelque chose qui n'est pas passé à la télévision
00:56:52n'a pas existé.
00:56:54Eh bien nous, si on ne voit à la télévision
00:56:56que des choses qui ne sont marginales dans la vraie vie,
00:56:58on finit par croire qu'on vit tous
00:57:00dans un quartier où la BAC
00:57:02intervient avec le voisin qui se fait arnaquer,
00:57:04merci Julien Courbet,
00:57:06et le voisin d'en face sur le palier
00:57:08qui est un tueur en série, en puissance
00:57:10et qui pourtant était un voisin sans histoire.
00:57:14Merci messieurs les sénateurs pour vos questions.
00:57:16S'agissant des premières
00:57:18qui m'ont été posées,
00:57:20je vais répondre à la question là.
00:57:22Plus facile pour moi
00:57:24qu'est la question hébergeurs ou éditeurs.
00:57:26Pour moi,
00:57:28comme spécialiste de la propagande,
00:57:30il ne fait aucun doute,
00:57:32et spécialiste de la propagande numérique,
00:57:34qu'ils ne peuvent prétendre être des hébergeurs,
00:57:36ils sont des éditeurs à partir du moment
00:57:38où ils hiérarchisent le contenu.
00:57:40Ou par exemple, l'actuel propriétaire
00:57:42de X Twitter a choisi
00:57:44de baisser le nombre de personnes
00:57:46qui pouvaient être touchées
00:57:48par les publications de New York Times,
00:57:50et augmenter de façon drastique le nombre de personnes
00:57:52qui peuvent être touchées par des publications
00:57:54à caractère antisémite. Nous sommes en présence
00:57:56d'un choix éditorial, nous sommes en présence
00:57:58d'un éditeur de contenu, et il devrait être traité
00:58:00comme tel.
00:58:02En ce qui concerne ensuite
00:58:04ce que vous disiez de Ronald Reagan,
00:58:06je voudrais juste rendre
00:58:08ce qui lui est dû
00:58:10au renseignement français,
00:58:12qui, en traitant une source
00:58:14en Russie, a
00:58:16permis à notre
00:58:18président d'alors, François Mitterrand,
00:58:20de transmettre des informations à Reagan sur l'état
00:58:22réel de l'économie russe,
00:58:24qui ont pu l'aider
00:58:26dans ses prises de décision et dans
00:58:28ses choix. Mais plus
00:58:30fondamentalement, ce à quoi
00:58:32vous avez fait référence, c'est la
00:58:34guerre cognitive. C'est là
00:58:36nous disent de façon très publique
00:58:38les dirigeants
00:58:40de l'armée populaire de libération de la République
00:58:42populaire de Chine. C'est là
00:58:44que se trouve
00:58:46le théâtre
00:58:48de combat ultime
00:58:50des nations au XXIe siècle,
00:58:52à l'intérieur même
00:58:54du cerveau de
00:58:56nos concitoyens. Et c'est la raison
00:58:58pour laquelle des investissements
00:59:00considérables sont faits par ces acteurs,
00:59:02notamment par la Chine,
00:59:04pour pénétrer l'esprit
00:59:06de nos concitoyens. Vous citiez
00:59:08TikTok, bien évidemment, qui est une porte
00:59:10d'entrée à la fois
00:59:12majeure et particulièrement
00:59:14inquiétante. Mais il y en a d'autres. Un récent
00:59:16rapport publié le 3 septembre, au moment
00:59:18semble-t-il, de Microsoft, indique
00:59:20que parmi tous les influenceurs
00:59:22qui sont financés par le ministère des Affaires
00:59:24étrangères chinois en Europe,
00:59:26les plus nombreux sont les Français.
00:59:28Et qu'en recrutant des influenceurs français
00:59:30et francophones, il s'agit aussi d'achever,
00:59:32de réduire l'influence
00:59:34de la France en Afrique, dans l'océan
00:59:36indien. Il y a une entreprise de déstabilisation
00:59:38à l'égard de notre pays qui est
00:59:40manifeste et qui n'est même pas dissimulée.
00:59:42Toutes les doctrines
00:59:44militaires de la Chine et de la Russie
00:59:46sont disponibles en ligne. Toutes les
00:59:48adaptations qui sont faites aujourd'hui par
00:59:50les doctrines militaires occidentales,
00:59:52celles du Pentagone il y a quelques jours,
00:59:54celles de l'OTAN qui est en train
00:59:56d'évoluer, sont également disponibles
00:59:58et montrent qu'il y a une prise de conscience
01:00:00mondiale de la
01:00:02gravité inédite,
01:00:04de l'intensité inédite
01:00:06de la menace cognitive
01:00:08chinoise dans toutes les dimensions.
01:00:10S'agissant de l'information, oui monsieur
01:00:12le sénateur, je suis d'accord avec vous, nous faisons face à une infodémie.
01:00:14Et face à
01:00:16cette infodémie, il nous faut
01:00:18quelque part sortir d'autres cloisonnements
01:00:20qui sont là, des cloisonnements universitaires et scientifiques
01:00:22français. Dans mes différents
01:00:24livres que je consacre
01:00:26au parcours de manipulateurs de masse,
01:00:28je constate souvent qu'ils ont des parcours qui sont
01:00:30inenvisageables en France.
01:00:32Ils font de la physique nucléaire
01:00:34et ensuite de l'informatique,
01:00:36ou ils font de l'informatique
01:00:38et de la psychanalyse, ou de la psychologie
01:00:40sociale. Ils font
01:00:42certaines disciplines qui aujourd'hui
01:00:44en France sont très dévalorisées
01:00:46comme la psychologie, sont des
01:00:48disciplines absolument cruciales et centrales
01:00:50dans d'autres pays,
01:00:52notamment dans l'entourage
01:00:54de monsieur Zuckerberg, il y a de nombreux
01:00:56psychologues, des psychologues dont ceux
01:00:58que vous avez auditionnés sont régulièrement consultés
01:01:00par telle ou telle plateforme pour les aider à faire face
01:01:02à ce phénomène d'infodémie.
01:01:04Donc il nous faut avoir une approche
01:01:06globale aussi en termes scientifiques et
01:01:08accepter de faire discuter
01:01:10et dialoguer des scientifiques qui n'ont pas
01:01:12l'habitude de dialoguer. Je ne cache pas
01:01:14que pour ma part, parmi les scientifiques
01:01:16que je côtoie, celui
01:01:18qui m'apporte le plus est un mathématicien,
01:01:20David Chavallarias,
01:01:22qui a énormément de talents et dont l'un
01:01:24des talents est de rendre visibles
01:01:26ces phénomènes qui sont invisibles,
01:01:28ces phénomènes d'interaction
01:01:30sur les réseaux sociaux, où il rend
01:01:32visible ce
01:01:34virus informationnel
01:01:36sur Twitter
01:01:38en particulier. S'agissant de l'éducation,
01:01:40oui, bien évidemment, il faut éduquer, comme le fait Taïwan,
01:01:42comme le font de nombreux pays, comme le fait
01:01:44la Finlande, comme le fait la Suède, il faut éduquer nos enfants
01:01:46des plus jeunes âges, non pas tant
01:01:48à un scepticisme
01:01:50à l'égard de l'information, mais
01:01:52à une démarche constructive qui
01:01:54consiste d'une part à leur expliquer
01:01:56comment on construit l'information,
01:01:58comment on distingue le vrai
01:02:00du faux, et comment
01:02:02certains peuvent chercher à
01:02:04affaiblir la distinction entre le vrai du faux
01:02:06pour les tromper. Une des démarches
01:02:08cognitivistes qui me paraît
01:02:10la plus porteuse d'espoir aujourd'hui
01:02:12est celle d'un laboratoire
01:02:14de l'université de
01:02:16Cambridge, d'où sont
01:02:18sorties certaines des innovations les plus
01:02:20dommageables pour l'histoire de
01:02:22l'humanité, je parle de celles qui ont été exploitées
01:02:24par Cambridge Analytica et par le
01:02:26renseignement militaire russe à partir de 2014.
01:02:28Donc dans un autre laboratoire,
01:02:30quelqu'un qui est du côté
01:02:32clair de la force et non du côté obscur
01:02:34qui s'appelle Sander van der Linden
01:02:36travaille à l'élaboration
01:02:38de vaccins
01:02:40psychologiques. Vous savez,
01:02:42dans l'analyse traditionnelle de la
01:02:44propagande, il y avait ce que l'on appelait à partir
01:02:46de 1937 la vaccine. Vous allez
01:02:48atténuer
01:02:50une information qui vous est dommageable
01:02:52en devançant en quelque sorte
01:02:54l'arrivée de cette information par un
01:02:56petit élément d'information qui va
01:02:58atténuer la portée. De la même façon
01:03:00que c'est une souche affaiblie
01:03:02du virus qui
01:03:04est à l'origine du vaccin
01:03:06traditionnel. Donc une souche
01:03:08affaiblie de désinformation pour
01:03:10renforcer le système immunitaire
01:03:12des individus eux-mêmes
01:03:14face à l'information. Nous en avons
01:03:16je crois grand besoin.
01:03:18Et enfin,
01:03:20l'OCDE s'est emparé de ces
01:03:22questions, a créé un groupe
01:03:24expert sur
01:03:26les manipulations de l'information
01:03:28qui a tenu une première réunion publique
01:03:30récemment.
01:03:32L'OCDE a lancé aussi
01:03:34des initiatives pour collecter
01:03:36les initiatives prises
01:03:38par ces différents états membres qui ont porté
01:03:40des fruits. Et
01:03:42le secrétaire général de l'OCDE
01:03:44a une formule qui me
01:03:46semble tout à fait pertinente pour
01:03:48nous indiquer ce que pourrait être
01:03:50la direction vers laquelle collectivement
01:03:52nous pourrions aller. Il
01:03:54substitue au free flow of
01:03:56information, à la libre circulation de l'information
01:03:58qui était l'approche traditionnelle des Etats-Unis
01:04:00depuis toujours,
01:04:02le free flow of trusted
01:04:04information, la libre
01:04:06circulation d'informations
01:04:08fiables. Ce vers quoi nous
01:04:10devons tendre, c'est une réflexion
01:04:12collective sur le cadre et les modalités
01:04:14d'une diffusion
01:04:16libre d'informations
01:04:18fiables pour
01:04:20répondre à l'infodémie
01:04:22par une diffusion aussi
01:04:24massive que possible d'une information
01:04:26à même de faire face
01:04:28à la défiance. Vous savez, pour terminer
01:04:30sur RT, lorsqu'il y a eu
01:04:32l'interdiction, je fus l'un des
01:04:34rares parmi les chercheurs à m'exprimer
01:04:36publiquement en faveur
01:04:38de cette interdiction au nom de ce
01:04:40que j'appelais
01:04:42l'état d'urgence informationnel. C'était un
01:04:44état d'urgence, il fallait prendre des mesures
01:04:46et cette mesure me paraissait justifiée.
01:04:48Rétrospectivement, le même chercheur que je suis
01:04:50fait le constat que cette mesure
01:04:52non seulement a été sans effet,
01:04:54puisque l'interdiction de RT
01:04:56ne s'est pas traduite par l'interdiction
01:04:58de facto de l'accès à ces
01:05:00contenus, que ces contenus
01:05:02ont continué de circuler,
01:05:04soit par le recours à des VPN
01:05:06et aux consultations sur le web, soit
01:05:08par la diffusion massive de ces contenus
01:05:10par des vidéos sur YouTube
01:05:12et au passage, permettez-moi de relever
01:05:14le fait que s'agissant de RT,
01:05:16le modèle de diffusion privilégié
01:05:18à l'échelle mondiale par
01:05:20sa rédactrice en chef
01:05:22repose
01:05:24sur une diffusion micro
01:05:26ciblée sur les médias sociaux et non pas
01:05:28sur un nombre de téléspectateurs devant leur écran.
01:05:30Donc l'interdiction de la chaîne sur l'écran
01:05:32ne change pratiquement rien.
01:05:34Mais surtout, l'interdiction de
01:05:36RT, je le constate à chaque
01:05:38fois que je fais des conférences publiques,
01:05:40a eu pour effet de conforter
01:05:42la défiance d'un grand nombre de nos concitoyens,
01:05:44d'encourager
01:05:46une défiance à l'égard de ceux qui ont pris cette
01:05:48mesure qui est interprétée comme une mesure liberticide
01:05:50et qu'il est possible d'expliquer
01:05:52mais ce qui est beaucoup plus difficile
01:05:54c'est de faire face
01:05:56à cette défiance, tandis
01:05:58que lorsque ces mêmes personnes,
01:06:00y compris des gens qui sont adeptes de théories
01:06:02du complot, vraiment déconnectés de
01:06:04toute réalité, entendent un discours
01:06:06qui repose sur
01:06:08les fondements même
01:06:10de notre République, la liberté,
01:06:12à commencer par la liberté d'expression,
01:06:14la liberté d'opinion,
01:06:16la discussion leur est
01:06:18beaucoup moins favorable.
01:06:20Et somme toute,
01:06:22si quelqu'un veut chanter les jouanges de
01:06:24Vladimir Poutine ou affirmer que la terre est plate,
01:06:26il en a le droit.
01:06:28Ce qui est plus problématique pour nous,
01:06:30c'est lorsque ce discours est artificiellement
01:06:32amplifié, relayé,
01:06:34porté aussi par des agents d'influence
01:06:36financés par le Kremlin,
01:06:38qui lui donnent une place tout à fait disproportionnée
01:06:40dans notre espace informationnel.
01:06:42Et
01:06:44nos démocraties, je pense,
01:06:46ont les moyens d'assumer
01:06:48leur force par la force
01:06:50de leur liberté et de leur modèle.
01:06:52C'est ma conviction de citoyen,
01:06:54en même temps que de chercheur.
01:06:58Merci. Je vous propose de prendre
01:07:00en série les trois dernières questions,
01:07:02comme ça ce sera
01:07:04votre réponse et votre conclusion,
01:07:06si vous le voulez bien, M. le Professeur.
01:07:08La parole est à Gisèle Jourdat.
01:07:10M. le Président, alors non,
01:07:12je n'évoquerai pas les pays qui nous sont
01:07:14chers, au Président et à moi-même,
01:07:16à savoir, vous les avez évoqués,
01:07:18la Chine,
01:07:20dont on minimisait
01:07:22l'impact.
01:07:24Il y a du Parti communiste chinois,
01:07:26mais dont on a vu
01:07:28le grand combat avec
01:07:30les routes de la soie qui nous ont chers
01:07:32et dont nous avons particulièrement étudié.
01:07:34En revanche,
01:07:36vous citez les Etats-Unis,
01:07:38vous citez la Chine,
01:07:40vous citez donc la Russie.
01:07:42En ce qui concerne la Russie,
01:07:44moi j'aimerais savoir
01:07:46si vous avez une idée
01:07:48de l'ampleur de l'implication
01:07:50de l'appareil désinformationnel russe
01:07:52dans le conflit actuel au Proche-Orient.
01:07:54Mais,
01:07:56vous évoquez donc ces
01:07:58Etats-Unis, donc Chine et Russie.
01:08:00Quid de l'Inde ?
01:08:02Dans cette
01:08:04guerre de l'information
01:08:06dont vous dites qu'elle n'a ni début ni fin,
01:08:08quelle est donc son
01:08:10implication ? Parce qu'on voit quand même l'Inde
01:08:12en pointe dans beaucoup de sujets,
01:08:14que ce soit sur
01:08:16la stratégie du spatial, etc.
01:08:18On la voit quand même arriver
01:08:20sur les marchés. Quel est
01:08:22votre sentiment sur ce sujet-là ?
01:08:24Et une autre
01:08:26partie de ma question,
01:08:28vous y avez répondu puisque
01:08:30M. le ministre
01:08:32Maluret l'a évoqué,
01:08:34avait trait aux propos
01:08:36de Thierry Breton par rapport
01:08:38à la création
01:08:40d'un réseau, donc
01:08:42Blesky, dont j'aurais voulu connaître
01:08:44votre opinion sur sa
01:08:46faisabilité.
01:08:48Excusez ma voix un peu
01:08:50difficile.
01:08:52Ensuite,
01:08:54je finirai
01:08:56mon questionnement sur
01:08:58les propos
01:09:00et l'engagement du
01:09:02président de la République.
01:09:04Il a fait de l'influence
01:09:06un objectif stratégique
01:09:08de notre défense et sécurité
01:09:10nationale. Il y a
01:09:12bien une prise de conscience, mais le
01:09:14problème est de savoir avec
01:09:16quels outils une démocratie peut s'engager
01:09:18dans une guerre de l'information.
01:09:20On a vu que nos médias,
01:09:22RFI ou France 24,
01:09:24refusent d'être perçus
01:09:26comme des outils de notre influence.
01:09:28Quelle méthode la France
01:09:30peut-elle employer à votre sentiment ?
01:09:34Merci Gisèle. Je passe la parole
01:09:36à Alain Houpert.
01:09:40Merci président.
01:09:42Je crois qu'il n'y a rien
01:09:44de pire dans l'histoire que les trous de mémoire.
01:09:46On oppose toujours
01:09:48le bien et le mal, mais
01:09:50qu'est-ce que le bien et qu'est-ce que le
01:09:52mal ?
01:09:54Il y a le problème de la parole officielle.
01:09:56Souvenez-vous de la guerre du Golfe
01:09:58
01:10:00il y a eu une manipulation mondiale
01:10:02de Colin Powell,
01:10:04de George Bush
01:10:06sur les armes de destruction massive.
01:10:08Et là, j'étais
01:10:10fier d'être Français, d'avoir
01:10:12un Premier ministre, Dominique de Villepin,
01:10:14se faire quasiment traiter
01:10:16de menteur par le reste du monde entier.
01:10:18Donc,
01:10:20la parole officielle, elle est importante,
01:10:22mais
01:10:24faut-il défendre ?
01:10:26On est toujours
01:10:28fort contre le faible
01:10:30et faible contre le fort.
01:10:32Et là, vous avez parlé
01:10:34des printemps arabes,
01:10:36c'est la guerre 2.0,
01:10:38mais les printemps arabes, c'est le résultat
01:10:40de la guerre du Golfe.
01:10:42C'est aussi le résultat de l'action française
01:10:44quand on est allé chercher Roménie.
01:10:46En Libye,
01:10:48c'est le résultat de l'histoire.
01:10:50N'oublions pas tout ça.
01:10:52La manipulation a toujours existé.
01:10:54Souvenez-vous
01:10:56du président
01:10:58Howard Wilson,
01:11:00le pacifique,
01:11:02qui s'est servi
01:11:04de grandes personnes de la communication
01:11:06comme Bernard Bernays
01:11:08pour faire
01:11:10changer l'opinion
01:11:12américaine qui était très pacifique
01:11:14et qui ne voulait pas
01:11:16entrer dans la première guerre mondiale
01:11:18et heureusement pour nous.
01:11:20Mais la manipulation,
01:11:22elle est partout.
01:11:24Et pour en terminer,
01:11:26la République française,
01:11:28elle vient d'une révolution
01:11:30qui a commencé par des réseaux sociaux
01:11:32de l'époque qui s'appelaient les libelles.
01:11:34Et les libelles, c'était
01:11:36nos grands écrivains
01:11:38comme Mirabeau,
01:11:40au risque de leur vie,
01:11:42qui ont balancé
01:11:44avec la population parisienne
01:11:46des petites affiches pour réveiller
01:11:48ceux qui ne savaient pas.
01:11:50Et grâce à ces libelles,
01:11:52grâce à ces petits réseaux sociaux,
01:11:54on a eu la révolution française
01:11:56et on a eu la République française.
01:12:02C'est l'avantage d'une audition
01:12:04comme celle-là, c'est un échange large.
01:12:06Valérie Bouyer.
01:12:08Merci monsieur le Président.
01:12:10Monsieur le Président,
01:12:12j'ai trois petites questions
01:12:14à vous poser.
01:12:16Tout à l'heure, mes collègues ont évoqué
01:12:18un réseau extrêmement puissant
01:12:20qui a déstabilisé
01:12:22nos démocraties
01:12:24et qui était extrêmement bien organisé
01:12:26et qui continue à l'être.
01:12:28C'est celui du Parti communiste.
01:12:30Il y avait toutes les universités,
01:12:32les grands acteurs
01:12:34dont on célèbre bientôt
01:12:36je crois qu'il y a un spectacle
01:12:38à la gloire de l'un d'entre eux,
01:12:40des journaux
01:12:42qui continuent à exister
01:12:44où effectivement
01:12:46il était difficile
01:12:48de résister
01:12:50à cette propagande, y compris même
01:12:52des petits journaux pour les enfants
01:12:54comme Pif Gadget.
01:12:56Et aujourd'hui, on a un petit peu
01:12:58la même chose qu'avec le wokisme
01:13:00et vous n'avez pas évoqué
01:13:02ce mouvement
01:13:04extrêmement important
01:13:06où on assiste,
01:13:08c'est ma première question aujourd'hui
01:13:10puisque vous avez vu que
01:13:12sur le plan économique, le wokisme
01:13:14est sanctionné par les consommateurs
01:13:16si on peut en juger par la déroute
01:13:18de Walt Disney
01:13:20qui revient sur sa politique
01:13:22alors qu'en politique, il est imposé
01:13:24aux démocraties
01:13:26de façon parfois très violente.
01:13:28On voit ce qui se passe aux Etats-Unis,
01:13:30on voit même ce qui se passe parfois
01:13:32chez nous également et c'est ma première question.
01:13:34Pourquoi vous n'avez pas évoqué le wokisme ?
01:13:36Ma deuxième question, c'est que
01:13:38vous avez parlé de l'influence bien évidemment
01:13:40et
01:13:42une affaire qui, moi, m'a
01:13:44beaucoup secouée, je dois dire
01:13:46c'est l'arrestation d'une
01:13:48journaliste grecque et d'autres
01:13:50personnes qui avaient subi
01:13:52l'influence au niveau des instances européennes
01:13:54du Qatar et du Maroc
01:13:56et on n'a plus du tout
01:13:58entendu parler de cette affaire mais on sait bien qu'on a trouvé
01:14:00alors là, ce n'était pas des valises de billets
01:14:02mais des baignoires de billets
01:14:04chez elles et chez d'autres
01:14:06justement pour qu'elles puissent
01:14:08pour qu'elles puissent, en tout cas
01:14:10c'est la police belge qui avait trouvé ça
01:14:12pour qu'elles puissent influencer
01:14:14de quelle façon et ma troisième question
01:14:16pourquoi on ne parle pas de ça ? Parce que je pense
01:14:18que c'est très important au niveau de nos instances
01:14:20les influences via les réseaux sociaux
01:14:22via aussi
01:14:24tout ça est très relayé
01:14:26et ma troisième question, vous avez parlé
01:14:28de l'interdiction de RT
01:14:30dont acte, pourquoi on ne parle pas
01:14:32d'Al-Qaïda aujourd'hui
01:14:34et d'Al-Jazira
01:14:36excusez-moi, quel lapsus
01:14:38d'Al-Jazira
01:14:42Bien, ben voilà monsieur le professeur
01:14:44je vous propose de répondre à
01:14:46cette dernière série de questions
01:14:48et de nous livrer votre conclusion, merci à vous
01:14:50Merci, je vais vous répondre aussi brièvement que possible
01:14:52d'abord en ce qui concerne la Russie
01:14:54et je répondrai par la même occasion à la question qui porte sur le
01:14:56wokisme. La Russie en réalité
01:14:58depuis
01:15:00très longtemps
01:15:02a constitué un
01:15:04un réseau d'informations
01:15:06vous faisiez référence au mouvement de la liberté
01:15:08aux interactions avec les
01:15:10partis communistes à l'étranger
01:15:12du temps de la guerre froide
01:15:14un réseau d'ONG, un réseau
01:15:16d'experts de soutien
01:15:18qui demeurent très vivants
01:15:20aujourd'hui, il y a de très nombreux
01:15:22soutiens de la Russie
01:15:24dans des environnements
01:15:26français à grande échelle
01:15:28et pour le sujet qui est le mien
01:15:30qui est celui des ingérences étrangères
01:15:32je ferai remarquer que
01:15:34il y a un axe aujourd'hui de désinformation
01:15:36qui est un axe qui unit
01:15:38la Russie
01:15:40l'Iran
01:15:42la Chine et leurs alliés
01:15:44respectifs, Corée du Nord
01:15:46la Syrie de Bachar el-Assad
01:15:48le Hezbollah
01:15:50notamment
01:15:52et cet axe est un axe
01:15:54contre-factuel, c'est à dire que c'est une
01:15:56grande communauté d'informations
01:15:58contre-factuelles
01:16:00qui s'emploient
01:16:02à diffuser des informations
01:16:04pour
01:16:06contrer l'information officielle
01:16:08et présenter une multitude de vérités
01:16:10alternatives sans toujours avoir de soucis
01:16:12de cohérence quant au récit
01:16:14alternatif qui est construit, c'est à dire qu'il s'agit
01:16:16davantage de déconstruire que de construire
01:16:18un réel discours alternatif
01:16:20et nous sommes
01:16:22ici en présence
01:16:24d'acteurs qui s'emploient depuis longtemps
01:16:26à instrumentaliser toutes les
01:16:28failles préexistantes de nos sociétés
01:16:30et là où des failles n'existaient pas
01:16:32à en créer de nouvelles
01:16:34et de mon point de vue
01:16:36la question du moquisme s'inscrit dans
01:16:38cette perspective, c'est à dire que
01:16:40il y a, s'agissant de la Russie
01:16:42pour ne prendre que cet exemple
01:16:44une stratégie de long terme qui date
01:16:46déjà de la guerre froide et consistante
01:16:48à instrumentaliser les revendications des
01:16:50minorités, quel que soit
01:16:52le type de minorité en question
01:16:54d'instrumentaliser
01:16:56toutes les dénonciations
01:16:58des inégalités
01:17:00ou du racisme par exemple
01:17:02dans les sociétés occidentales
01:17:04pour approfondir
01:17:06et creuser les
01:17:08divisions. Vous avez cité le
01:17:10Qatar, il ne fait aucun doute que le Qatar est
01:17:12aujourd'hui un acteur majeur
01:17:14d'ingérence, non seulement en France
01:17:16mais dans de nombreux autres pays
01:17:18avec des relais qui sont
01:17:20parfois extrêmement
01:17:22bruyants
01:17:24et je pense qu'une loi
01:17:26de transparence
01:17:28en matière d'ingérence étrangère
01:17:30comparable au FARA des Etats-Unis
01:17:32serait
01:17:34de nature à nous permettre
01:17:36d'avoir
01:17:38des faits sur lesquels s'appuyer
01:17:40si l'on pouvait
01:17:42quantifier tout simplement cette ingérence
01:17:44cela conduirait
01:17:46je crois à une prise de conscience
01:17:48la mobilisation de certains esprits
01:17:50il est important
01:17:52quand des gens s'expriment, notamment
01:17:54sur les chaînes de télévision, de savoir d'où ils parlent
01:17:56s'ils sont ou non financés
01:17:58directement ou indirectement
01:18:00qui parle à Chine, qui parle au Qatar
01:18:02qui parle au Kremlin
01:18:04qui parle à un autre Etat
01:18:06s'agissant de l'Inde, je ne me suis pas
01:18:08effectivement focalisé sur cette question
01:18:10dans la mesure où mon livre traite
01:18:12de cette guerre de 30 ans
01:18:14entre les démocraties
01:18:16et les régimes autoritaires
01:18:18et en l'espèce, il m'apparaît que dans le domaine
01:18:20cybernétique, l'Inde est d'abord
01:18:22l'endroit où l'on trouve
01:18:24beaucoup de gens qui vendent des services
01:18:26qui sont utilisés
01:18:28par les uns et les autres
01:18:30aussi bien des services de support informatique
01:18:32que des services de trolling, des services
01:18:34de modération
01:18:36et je n'ai pas, mais
01:18:38c'est peut-être une faiblesse de ma part
01:18:40je n'ai pas identifié de la part de l'Inde
01:18:42de veilléité agressive
01:18:44à l'égard de nos
01:18:46démocraties occidentales
01:18:48Vous avez mentionné cet échange
01:18:50assez surréaliste entre
01:18:52notre commissaire européen
01:18:54Thierry Breton et Elon Musk
01:18:56sur Twitter, lorsqu'il
01:18:58Monsieur Breton rappelait
01:19:00à Elon Musk quelles étaient ses obligations
01:19:02au titre des règlements européens
01:19:04et du DSA
01:19:06et qu'il a fini
01:19:08par inviter les utilisateurs
01:19:10de Twitter, mécontents de Twitter
01:19:12à aller sur Blue Sky, qui est un réseau
01:19:14auquel on ne peut accéder pour l'heure
01:19:16que sur invitation
01:19:18et qui est effectivement un espèce de paradis des journalistes
01:19:20et des experts, où vous ne risquez pas d'être trollés
01:19:22d'être confrontés à
01:19:24de l'agressivité, à de la désinformation
01:19:26ou à des bots
01:19:28pas de tout cas de grande ampleur
01:19:30et il me semble en l'occurrence que
01:19:32Monsieur Breton
01:19:34aurait pu faire suivre sa déclaration
01:19:36des faits
01:19:38avec la création
01:19:40d'un serveur européen
01:19:42accessible à tous
01:19:44financé sur fonds publics
01:19:46et qui nous permettrait de mettre
01:19:48les esprits de nos enfants
01:19:50en particulier à l'abri
01:19:52des ingérences étrangères. Vous savez
01:19:54j'ai deux filles
01:19:56à l'école, elles sont toutes petites
01:19:58la plus grande à 7 ans
01:20:00et à 7 ans la question qui commence à se poser déjà
01:20:02est celle du téléphone portable
01:20:04et sur les téléphones portables
01:20:06des plus grands, de CM1 et de CM2
01:20:08qu'est-ce que l'on voit ? On voit Tik Tok
01:20:10et sur les écrans de Tik Tok
01:20:12qu'est-ce que l'on voit ? On voit ce que
01:20:14Monsieur le ministre Maluret évoquait tout à l'heure
01:20:16c'est-à-dire une volonté manifeste de
01:20:18subvertir les esprits, d'encourager
01:20:20la violence, d'exposer
01:20:22ces enfants à la pornographie
01:20:24de les exposer à la violence, de les exposer
01:20:26à la propagande, de
01:20:28fragiliser. C'est effectivement un enjeu
01:20:30sanitaire avant d'être
01:20:32un enjeu de
01:20:34souveraineté.
01:20:36S'agissant de la remarque que vous faisiez
01:20:38tout à l'heure, s'agissant à propos de la
01:20:40parole officielle, il est certain
01:20:42que le fait que nos démocraties
01:20:44aient pu mentir
01:20:46et manipuler l'opinion publique mondiale
01:20:48n'a pas rendu service sur
01:20:50le long terme à nos démocraties.
01:20:52Les Etats-Unis n'ont rien gagné à manipuler
01:20:54l'opinion publique mondiale comme ils l'ont fait
01:20:56en 2003 au moment de l'entrée
01:20:58en guerre et cela doit être
01:21:00pour nous un enseignement, à savoir
01:21:02qu'une démocratie ne doit pas
01:21:04mener des opérations
01:21:06de manipulation de l'information, ni
01:21:08parrainer des opérations de manipulation
01:21:10de l'information et je me
01:21:12réjouis pour ma part
01:21:14de voir que la France
01:21:16a signé la Déclaration mondiale
01:21:18pour l'intégrité de l'information
01:21:20qui a été lancée
01:21:22à l'ONU en septembre dernier et qui
01:21:24fait notamment obligation, enfin dans
01:21:26lesquelles les pays signataires s'engagent
01:21:28à ne pas mener de telles opérations
01:21:30de manipulation de l'information. Parce que
01:21:32vous savez, j'ai parlé tout à l'heure de la
01:21:34distinction entre
01:21:36le vrai et le faux et cette volonté
01:21:38des régimes autoritaires d'affaiblir notre régime de vérité
01:21:40et toute distinction entre le vrai et le faux.
01:21:42Pour conclure, je voudrais
01:21:44in fine
01:21:46insister
01:21:48sur le fait que ce qui
01:21:50est également en jeu ici, c'est
01:21:52la distinction entre
01:21:54ce qu'est une démocratie
01:21:56et ce qu'est un régime
01:21:58autoritaire. Si par
01:22:00notre réaction
01:22:02face aux manipulations de l'information
01:22:04nous en venons, volontairement
01:22:06ou non, à brouiller cette distinction
01:22:08entre une démocratie et un régime autoritaire,
01:22:10nous
01:22:12ne ferons que conforter en définitive
01:22:14les régimes autoritaires qui
01:22:16attendent précisément de nous cela.
01:22:18Ils attendent précisément de nous
01:22:20que nous portions atteinte à notre
01:22:22régime de liberté. Ils attendent précisément
01:22:24de nous que nous renforcions
01:22:26la défiance
01:22:28à l'égard des institutions publiques
01:22:30par l'adoption de mesures
01:22:32contraignantes ou liberticides.
01:22:34Nous avons plus que jamais besoin
01:22:36de nous défendre
01:22:38par notre modèle et par la liberté.
01:22:40Et une dernière fois, je vous remercie infiniment
01:22:42d'avoir bien voulu m'écouter aujourd'hui.
01:22:44Je suis très heureux d'avoir participé à cette audition.
01:22:48Monsieur le Professeur, merci.
01:22:54Excusez-moi Monsieur le Président, je voulais juste
01:22:56savoir quelle était la différence
01:22:58pour Monsieur entre RT et Al Jazeera.
01:23:00Pour moi, il me
01:23:02semble qu'il n'y en a pas dans la mesure
01:23:04où Al Jazeera apparaît très clairement
01:23:06comme un média d'État. Enfin,
01:23:08m'apparaît comme un média d'État. Je peux me tromper
01:23:10mais
01:23:12probablement pas comme un média de services
01:23:14publics.
01:23:16Voilà qui est clair.
01:23:18Monsieur le Professeur, merci d'avoir
01:23:20consacré
01:23:22du temps
01:23:24à notre commission.
01:23:26Juste deux choses.
01:23:28Premier
01:23:30élément, Gisèle Jourdain n'a pas voulu
01:23:32l'évoquer tout à l'heure. C'est pas
01:23:34anecdotique, vous avez évoqué
01:23:36les recrutements d'agents
01:23:38francophones par les Chinois.
01:23:40Lors de notre premier rapport sur les routes
01:23:42de la soie, on a fait un déplacement
01:23:44en Chine et nous avons
01:23:46visité une université qui n'est pas
01:23:48une université au sens où nous l'entendons nous
01:23:50puisqu'il y a des élèves qui ont
01:23:524 ou 5 ans et les plus âgés
01:23:54sont en fin d'études à 22,
01:23:5623 ans, avec cette
01:23:58particularité que tout se faisait
01:24:00en français. Et en fait,
01:24:02nous avons rencontré de jeunes
01:24:04enfants de classe de CP,
01:24:06CE, etc.,
01:24:08qui nous récitaient des poèmes
01:24:10ou nous chantaient des petites chansons
01:24:12en français.
01:24:14Les plus grands nous parlaient
01:24:16des matières qu'ils étudiaient
01:24:18et effectivement les étudiants qui étaient
01:24:20dans la technologie, dans l'ingénierie,
01:24:22etc., nous exposaient aussi leurs
01:24:24matières. Et en fait, quel était
01:24:26l'avenir de ces
01:24:28cohortes de
01:24:30jeunes en formation ?
01:24:32Pour les plus talentueux,
01:24:34c'était effectivement d'être affectés en France
01:24:36et pour ceux
01:24:38qui l'étaient peut-être un peu moins, mais
01:24:40qui étaient quand même bien formés, c'était
01:24:42d'être les encadrants chinois dans
01:24:44l'Afrique francophone. Quand on
01:24:46imagine des systèmes de formation comme ça,
01:24:48c'est quand même extrêmement impressionnant
01:24:50et c'était en 2018,
01:24:52si ma mémoire
01:24:54est bonne.
01:24:56La phrase d'un de ses étudiants,
01:24:58une de ses dernières interventions a été
01:25:00« Mais comment se peut-il
01:25:02qu'au niveau de l'information
01:25:04on puisse critiquer le pouvoir
01:25:06en place dans les démocraties ? »
01:25:08Moi, ça m'avait énormément choqué.
01:25:10Voilà, ce n'est pas totalement une anecdote,
01:25:12mais c'est un petit peu d'eau à
01:25:14notre moulin collectif.
01:25:16Et pour
01:25:18conclure,
01:25:20vous remerciez
01:25:22de votre présence.
01:25:24Mes chers collègues, vous remerciez aussi
01:25:26de la qualité de ces échanges.
01:25:28Vous avez pu remarquer qu'on travaille ici
01:25:30dans le temps long et effectivement
01:25:32le sujet qui nous a préoccupés ce matin
01:25:34n'est effectivement pas
01:25:36un sujet nouveau,
01:25:38mais je crois réellement qu'il s'accélère
01:25:40en fait et les moyens
01:25:42technologiques qui se développent
01:25:44et on n'a probablement pas
01:25:46encore tout vu, ne vont faire qu'accélérer
01:25:48le problème.
01:25:50Moi, ce que je retiens quand même de ces échanges,
01:25:52c'est que quand on parle
01:25:54du bien et du mal, on est toujours sur
01:25:56une ligne de crête et qu'il
01:25:58est extrêmement difficile
01:26:00de déterminer
01:26:02effectivement, en fonction des points
01:26:04de vue des uns et des autres, ce que
01:26:06peut être le bien et le mal
01:26:08et la conséquence
01:26:10aussi, parce que là,
01:26:12on est bien installés et on a tous
01:26:14je crois un certain niveau d'information
01:26:16mais vous l'avez évoqué,
01:26:18c'est qu'une fois qu'on a tiré nos propres
01:26:20conclusions, comment les partage-t-on
01:26:22avec la population
01:26:24et comment peut-on amener les gens
01:26:26à comprendre qu'à un moment donné, il faut bien réguler
01:26:28tout cela sans que ce soit
01:26:30liberticide. C'était l'audition
01:26:32au Sénat du chercheur David Collomb,
01:26:34auteur du livre intitulé La guerre de l'information,
01:26:36un ouvrage qui montre comment
01:26:38les États tentent de contrôler les opinions
01:26:40publiques en manipulant l'information,
01:26:42notamment depuis le développement d'Internet.
01:26:44Voilà, c'est la fin de cette émission. Merci de l'avoir
01:26:46suivie. Continuez à suivre l'actualité politique
01:26:48et parlementaire sur notre site Internet
01:26:50publicsénat.fr. Je vous souhaite une très bonne journée
01:26:52sur Public Sénat.

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