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00:00Bonjour Pierre Bourgois, vous êtes maître de conférences en sciences politiques à l'université catholique de l'Ouest,
00:05auteur de l'ouvrage le néo-conservatisme américain, la démocratie pour étendard aux éditions PUF.
00:11Joe Biden a totalement raté la semaine dernière son débat face à Donald Trump.
00:15Hier c'était comme un oral de rattrapage. Est-ce que d'après vous il s'en est bien sorti ?
00:20Vous l'avez dit en fait, le débat de la semaine dernière a laissé plus de traces que prévu.
00:24Et finalement si on regarde un petit peu les jours qui ont suivi en fait ce débat,
00:28on se rendait compte que cette interview attendue était bien plus qu'attendue.
00:33En fait c'était un véritable test. Vous l'avez montré dans le reportage,
00:37en fait Biden a eu hier une journée où il a été dans le Wisconsin,
00:40un discours avec un prompteur, donc on avait finalement peu de surprises.
00:43Et cette interview c'était finalement la première fois où sans prompteur,
00:46il devait répondre aux questions du journaliste donc Stefano Poulos,
00:48journaliste rompu, ancien représentant, enfin représentant pardon,
00:52directeur de campagne de Bill Clinton en 92.
00:55Donc Biden était très très attendu. Il s'en est bien sorti ? Oui et non.
00:59Il n'y a pas eu de grosses catastrophes mais il y a eu des moments d'hésitation importants.
01:02On l'a vu hésiter notamment lorsque il a posé la question
01:04« Est-ce que vous avez regardé le débat que vous avez mené face à Trump ? »
01:11Il a dit qu'il ne s'en rappelait pas, enfin qu'il ne savait pas.
01:13Évidemment l'équipe de Trump a utilisé cet argument pour montrer que finalement
01:17il perdait la mémoire, etc.
01:19Donc sur le fond il n'y a pas eu de grosses surprises.
01:22Il vote en touche.
01:24Mais on voit encore les hésitations qu'on avait déjà vues pendant le débat.
01:28Mais est-ce que ce test va rassurer les démocrates inquiets ?
01:31Non, pour l'instant ce qu'on observe c'est qu'il commence à y avoir un mouvement qui se met en place.
01:35Hier vous avez eu notamment Warner, un sénateur qui, selon Washington Post en tout cas,
01:41essaye de monter petit à petit un groupe qui viserait à faire pression sur le président candidat
01:48pour qu'il lâche la campagne.
01:50On se rend compte que le phénomène commence à grossir.
01:53Pour l'instant il s'agit de voir si les principales figures du Parti démocrate le lâchent ou continuent à le soutenir.
01:59Hier on a eu les hésitations de Nancy Pelosi, une figure très importante du Parti démocrate,
02:04qui commence à émettre des doutes.
02:06Donc je pense que les prochaines semaines vont être très importantes pour ces figures importantes.
02:09Si on voit que les figures majeures du Parti démocrate commencent à le lâcher,
02:12là on pourra dire que Biden sera vraiment vraiment acculé.
02:14Donc l'idée d'une renonciation pour l'instant n'est pas encore totalement écartée.
02:18Mais est-ce que ce n'est pas de toute façon déjà trop tard vu le déroulement de la campagne ?
02:23Si vous voulez, de toute façon, s'il y a un renoncement de Joe Biden, ça va se faire en vue de la convention du Parti démocrate
02:30qui aura lieu fin août.
02:32Ça va se jouer encore une fois dans les prochaines semaines,
02:34parce qu'en fait là Joe Biden commence vraiment vraiment à être, en tout cas, de plus en plus sous pression.
02:39Il n'est pas encore isolé.
02:41S'il devient isolé, s'il n'a plus que ses fidèles, les fidèles de chez Fidel, qui sont avec lui,
02:45je pense que là il aura du mal à résister.
02:47Vous avez renoncé, du coup, lors de la convention qui se tient, je crois, à Chicago, fin août.
02:52Quels seraient les candidats ou la candidate qui pourrait le remplacer ?
02:57Naturellement, évidemment, Kamala Harris.
02:59De plus en plus, même d'ailleurs, les élus démocrates commencent à évoquer l'idée.
03:02Il y a des instituts de sondage aussi qui ont montré que Kamala Harris pouvait faire finalement peut-être mieux que Joe Biden face à Donald Trump.
03:08Kamala Harris est la figure finalement la plus naturelle.
03:12Mais on a aussi le gouverneur de Californie, Newsone, évidemment,
03:15qui ne se positionne pas directement, mais qui est une des personnalités les plus importantes du parti démocrate.
03:20Donc on a quelques figures.
03:21Mais c'est vrai que pour l'instant, finalement, il y a encore une forme de silence autour de ce renoncement.
03:27Et donc pour l'instant, les principales figures n'osent pas se prononcer publiquement.
03:31Et ce duel finalement entre Trump et Biden, ça dit quoi d'après vous de la société américaine ?
03:36Et par ailleurs, ça dit quoi du parti républicain et du parti démocrate qui n'ont pas trouvé d'autres candidats ?
03:42Oui, cette élection est intéressante à multiples niveaux.
03:46Je pense qu'elle cristallise énormément les divisions que vous avez déjà depuis plusieurs années, plusieurs décennies aux États-Unis.
03:53On parle souvent de l'Amérique profonde versus les grandes villes, les côtes notamment.
03:57Il y a ça, d'ailleurs, derrière cette élection.
04:00Il y a aussi cette image d'une démocratie, qu'on le veuille ou non, vieillissante, en déclin, une démocratie américaine en déclin.
04:06On voit que Donald Trump, presque 80 ans, Joe Biden, 81 ans.
04:11Une incapacité à renouveler ses cadres, une forme aussi d'insatisfaction des électeurs.
04:17Si vous sondez un petit peu les électeurs américains, vous voyez que finalement, c'est une élection souvent un petit peu par défaut.
04:23Les électeurs qui vont voter pour Biden, beaucoup disent qu'ils votent surtout pour éliminer Trump.
04:28Finalement, on a le sentiment quand même d'une démocratie américaine un peu figée, voire même en déclin.
04:35Et Joe Biden, on l'a vu, il a clairement comme handicap son âge et sa santé, qui apparaît comme fragile, en tout cas.
04:42Mais il a quand même un bon bilan, en tout cas sur le plan économique.
04:45Est-ce que c'est important comme argument pour le vote ?
04:49C'est ce que lui met en avant. Dans l'interview, justement, d'ABC, que vous avez mentionné, il essaye de ramener aux éléments de fond.
04:54Or, on est dans les derniers mois d'une campagne, une campagne justement très agressive.
04:58Donald Trump attaque en permanence le candidat Biden.
05:01Biden fait la même chose. Et finalement, on se pose la question, est-ce que les éléments de fond vont vraiment être très importants ?
05:06On parle presque plus de politique étrangère.
05:08D'une manière générale, la politique étrangère n'a jamais occupé une place centrale dans les débats de politique, de campagne aux États-Unis.
05:14Mais c'est vrai que là, tout est axé sur la santé de Biden ou les procès de Donald Trump.
05:19Vous avez raison.
05:21On comprend globalement pourquoi la classe moyenne et ceux qui se sentent les perdants de la mondialisation votent pour Donald Trump.
05:28Mais c'est surprenant quand même maintenant du côté du parti républicain qu'il continue à soutenir ce candidat qui a autant de casseroles.
05:37Oui, c'est un autre problème. En effet, si vous voulez, côté républicain, Donald Trump, si vous voulez, a réussi à faire évoluer la ligne de son parti.
05:48Il a finalement fait chasser les non-trumpistes.
05:51Il y a eu des mouvements dans les années 2016-2017.
05:55Mais finalement, on voit bien aujourd'hui que le parti est acquis à la cause de Donald Trump.
05:59Ce qui serait intéressant de voir, c'est l'après Donald Trump.
06:01Quelles sont les figures, d'ailleurs, en parlant de Dos Santis, qui derrière Donald Trump vont pouvoir reprendre le parti républicain ?
06:08Il se trouve qu'aujourd'hui, c'est vrai que Donald Trump a réussi à calmer toute forme d'opposition au sein de son parti.
06:12Mais on avait quand même vu Mike Pence, par exemple, lorsqu'il contestait le résultat de l'élection présidentielle,
06:18prendre ses distances très clairement avec Donald Trump, ou même Nikki Haley, qui a dénoncé son comportement.
06:24Mais finalement, Nikki Haley notamment, a été battue au primaire du parti républicain.
06:30Donald Trump a une assise sur son électorat pour l'instant.
06:33Il incarne une figure, déjà en tant qu'ancien président, mais il incarne une figure importante.
06:38Et il a compris finalement que plus il est vu, c'est pour ça qu'il multiplie les attaques verbales contre Joe Biden,
06:44plus il est vu, plus justement il arrive à mobiliser la colère, à catalyser cette colère des électeurs.
06:50Est-ce qu'il est l'héritier du mouvement des Tea Parties, en fait ?
06:53Non, le Tea Party était encore un petit peu autre chose.
06:55Il y a des liens, il y a des liens, notamment sur la critique du Big Government, qui est une longue tradition de la droite américaine.
07:01En fait, il cristallise quelque chose de plus profond, on parle souvent de populisme, même si le terme est un peu galvaudé,
07:06en tout cas d'une forme d'Amérique oubliée, l'Amérique des oubliés, cette Amérique profonde,
07:11notamment qui se sent un peu, finalement, lésée par l'Amérique des grandes villes.
07:16Oui, mais on comprend mal pourquoi les cadres, en fait, c'est pour ça, les cadres du parti qui suivent comme ça Donald Trump,
07:22sans faire un parallèle parce que les situations ne sont pas comparables, mais en France, par exemple, ce n'est pas le cas pour les LR.
07:29Oui, bon, je ne sais pas s'il faut faire le comparatif avec la politique française.
07:33Si vous voulez, quand vous avez un leader charismatique, critiqué ou pas, mais charismatique au sein d'un parti politique,
07:39il est difficile de faire une place.
07:41Vous pouvez vous faire une place, c'est-à-dire vous quitter ou vous fonder votre propre mouvement.
07:44Aux États-Unis, c'est très compliqué, on a un système bipartiste, donc deux principaux partis.
07:49Vous pouvez vous présenter en tant qu'indépendant, mais vous savez très bien que vous allez être très isolé sur la scène.
07:54Finalement, dans un système américain qui fonctionne en grande partie sur les ressources financières,
07:58c'est évidemment le GOP, donc le parti républicain, qui catalyse les ressources financières à droite.
08:03Et il est difficile pour un candidat d'exister sans ressources financières.
08:06Et pour Joe Biden, est-ce qu'il en sera de même, par exemple, sur la question des donateurs ?
08:10Oui, alors là, c'est intéressant, le discours de la Maison Blanche, parce que finalement, on voit bien que la porte-parole de la Maison Blanche a indiqué
08:15que récemment, que finalement, les déboires, notamment du débat, n'ont pas impacté les donations.
08:19Je serai un petit peu réservé là-dessus. On a eu récemment, je crois que c'était hier,
08:23quelques articles qui ont montré qu'à Hollywood, notamment, certains donateurs habitués du parti démocrate
08:30commencent à être réticents, conditionnent leurs donations à un retrait de Joe Biden.
08:35Donc, même sur le plan financier, on voit bien que le retrait de Joe Biden peut avoir un impact.
08:40Donc, il pourrait avoir lieu, ce retrait de Joe Biden ?
08:42Il pourrait avoir lieu. De plus en plus, en fait, c'est vrai que là, c'est très intéressant.
08:46On observe une sorte de mouvement. On va voir si ça prend. Je pense que Joe Biden le sait, évidemment.
08:50Et Joe Biden va tout faire pour rassurer dans les prochains jours.
08:53Mais s'il continue à être acculé comme ça, vers la fin juillet, ça va être de plus en plus compliqué.
08:57La conférence de presse qui doit se tenir jeudi prochain, où il doit répondre de manière spontanée aux journalistes, ça sera un moment important ?
09:03C'est toujours un enjeu. Dès que Joe Biden commence à parler sans prompteur, il y a un enjeu.
09:08Et c'est ce qu'il va essayer de faire. Rassurer, comme c'était le cas pour l'interview.
09:12Rassurer, montrer qu'il est à l'aise malgré son âge. Il assume son âge, il le dit lui-même.
09:17Il a dit qu'il était fatigué, mais il dit aussi qu'il est moins performant lié à son âge.
09:21Il va essayer de rassurer, de montrer qu'il a toutes ses capacités.
09:23L'hypothèse Michelle Obama, elle est plutôt...
09:26Elle-même a dit qu'elle n'était pas finalement très intéressée.
09:29Tout est possible, mais je ne pense pas... Je pense que si alternatif il y a, en tout cas, ça devrait être Kamala Harris.
09:34Ou éventuellement une surprise d'un représentant.
09:37Merci beaucoup Pierre Bourbois d'être venu sur France 24. Merci pour votre décryptage de la situation politique aux Etats-Unis.

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