• il y a 5 mois

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Transcription
00:00Le 17 mars dernier, l'Assemblée nationale a voté un nouveau droit, la sédation profonde et continue en toute fin de vie,
00:07pour pouvoir, dans certaines conditions, être endormi avant de mourir.
00:11Cette loi inscrit aussi la notion de directive anticipée contraignante.
00:17Tout d'abord, Dr Debrouckère, que pensez-vous de cette nouvelle loi ?
00:22Je pense, premier point, c'est une loi qui vient compléter celle qui avait été votée par l'Assemblée nationale il y a dix ans.
00:30Elle le complète de deux manières, comme vous l'avez bien dit.
00:32D'une part, en inscrivant la notion de sédation profonde et continue,
00:38c'est-à-dire, finalement, la possibilité, dans certaines situations de grande souffrance,
00:44de pouvoir éviter ces souffrances aux patients et de permettre, grâce à l'utilisation de certains médicaments,
00:55qu'ils puissent dormir pour ne pas souffrir au moment où il va mourir.
01:00Je pense que c'est le premier point important.
01:02Il ne s'agit pas de l'endormir pour le faire mourir,
01:06il s'agit de lui permettre d'être apaisé, de ne pas avoir de souffrance psychologique alors qu'il va mourir.
01:16Vous voyez la nuance et l'importance.
01:18Et le deuxième point concernant les directives anticipées dites contraignantes,
01:23c'est tout simplement pour, je dirais dans un premier temps,
01:28faciliter la relation entre le médecin et le malade pour savoir très clairement ce que le patient souhaite
01:38si, malheureusement, il est en situation de fin de vie,
01:41et pour pouvoir, avec le patient, élaborer avec lui ce qu'il souhaite
01:47lorsqu'il ne serait plus capable d'exprimer sa volonté, puisque c'est ça les directives anticipées.
01:52Et dans ce cas, effectivement, le terme de contraignant implique la notion que ce que le patient a souhaité,
01:59il faut le respecter, mais toujours dans une notion importante qu'inscrit la loi,
02:05celle de ne situer ses directives anticipées contraignantes que dans des situations dites de fin de vie.
02:16Voilà, on est bien dans ce cadre-là de la fin de vie.
02:19Alors, justement, qu'en pensez-vous ?
02:23Je pense que c'est un complément à la loi Léonetti.
02:27Alors certains vont considérer qu'on n'avait peut-être pas besoin de ce complément,
02:32d'autres vont considérer que ça peut être une étape vers peut-être une tentative de dépénalisation de l'euthanasie.
02:43Je pense que dans les deux cas, il faut rester clair, nous ne sommes pas dans une dérive euthanasique.
02:50Nous sommes dans un complément qui permet et qui permettra en tout cas à la fois aux professionnels de santé et aux patients
02:56d'être mieux éclairés sur ce qu'il est possible de faire,
03:02ce que nous devons respecter en tout cas, c'est-à-dire d'abord et avant tout le malade,
03:08de ne pas l'abandonner, de le respecter dans sa dignité globale.
03:13C'est un peu dans cet esprit-là qu'il y a eu ce complément.
03:15Et alors en pratique, pour vous, comment se traduit la loi dans les services de soins palliatifs ?
03:22Alors je vais vous faire une confidence.
03:24La loi telle qu'elle est et la loi telle qu'elle a été votée ici tout récemment, le 17 mars,
03:31cette loi, dans le service que j'ai créé, nous l'appliquions déjà, y compris les directives ou disons les points complémentaires qui viennent d'être votés.
03:44C'est-à-dire la notion par exemple, très clairement, de sédation profonde, terminale pour quelqu'un qui est en grande souffrance,
03:51c'était une pratique que nous étions amenés de manière très rare, de manière très rare, à appliquer dans certains cas de grande souffrance.
04:01Souffrance à la fois physique, souffrance psychologique.
04:04Je pense qu'il n'y a rien de pire pour un patient que de l'abandonner et de ne pas traiter sa souffrance dans toutes ses composantes.
04:14C'est-à-dire que pour moi, les soins palliatifs, s'il fallait le résumer à un point et dans la pratique que nous avons,
04:20l'élément qui me paraîtrait le plus important, à côté de la formation nécessaire, c'est celle du non-abandon.
04:26Ne pas abandonner un patient, surtout lorsqu'il est gravement malade et lorsqu'il est en fin de vie.
04:31Est-ce que vous avez un exemple, un cas concret dont vous pouvez nous parler ?
04:36Il y en aurait beaucoup, mais ici à l'instant, il y en a un qui me vient, c'est d'une jeune femme qui était atteinte d'un cancer du poumon,
04:44que nous avions accueilli dans le service et qui était en demande d'un acte euthanasique.
04:51Elle voulait mourir. Je lui ai demandé pourquoi. Elle m'a dit, j'ai peur de mourir étouffée.
05:00Et je lui ai dit, je m'engage, en m'occupant de vous, à ce que vous ne mourriez pas étouffée.
05:07Ça l'a rassurée dans un premier temps. Nous avons appliqué des traitements qui lui ont permis de mieux respirer, de se sentir mieux, d'être moins angoissée.
05:16Et à un moment donné, quand la situation s'est aggravée, lorsqu'elle était vraiment en fin de vie, avec elle, je lui ai dit,
05:25maintenant, je pense que vous êtes beaucoup moins bien, je vais appliquer des médicaments pour que vous n'ayez aucune souffrance,
05:33parce que je pense que ce sont les dernières heures et elle a été consciente.
05:39Et j'ai donc appliqué des traitements qui sont tout à fait dans la logique de la sédation profonde en phase terminale,
05:46telle qu'elle a été votée il y a peu de temps. Mais cet exemple que je vous donne là, il a plus de dix ans. Il a plus de dix ans.
05:56Je vous remercie en tout cas, professeur Debroukaert, d'être venu sur notre plateau, d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir éclairé, surtout sur ce sujet sensible.