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La traque dArce Montes

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Personnes
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00:00Cet homme s'appelle Francisco Arce Montes.
00:06Le 14 avril 2001, il est arrêté aux Etats-Unis pour le viol et le meurtre de Caroline Dickinson.
00:13Il aura fallu cinq ans aux enquêteurs pour retrouver cet assassin.
00:16Cinq ans au cours desquels ils ont traqué une ombre.
00:20L'affaire débute le 18 juillet 1996 en France.
00:30Une jeune britannique de 13 ans et demi a été découverte morte dans sa chambre à l'auberge de jeunesse de Pleine-Fougière, dans la région de Rennes, où elle se trouvait en vacances.
00:41Elle a été violée et vraisemblablement étouffée.
00:43Une conférence de presse est prévue dans la journée par le juge d'instruction de Saint-Malo.
00:47Elle permettra sans doute d'en savoir plus sur les circonstances de ce viol et de ce meurtre qui demeurent pour l'heure bien mystérieux.
00:53Ça s'est passé la nuit sans témoin et le violeur et le meurtrier est parti.
01:06Comment est ce possible dans l'auberge qui affiche complet ce soir?
01:09La personne n'aurait rien vu, rien entendu.
01:12Les quatre camarades de classe de Caroline qui dormait dans sa chambre n'ont pas été réveillés et l'assassin est reparti aussi discrètement, aussi sereinement qu'il est arrivé.
01:22Alors il y a un signe, une espèce de signature même, qu'il a laissé, que l'agresseur a laissé sur place.
01:31Il y a une signature et un objet.
01:36La signature est corporelle, c'est une agression sexuelle, donc on retrouve du sperme sur le corps de la victime.
01:43Et puis il y a un morceau de coton qui est sur le sol de la chambre, à côté du cadavre.
01:51Mais c'est à peu près tout.
01:53Caroline Dickinson avait 13 ans.
01:55Elle participait avec sa classe à un voyage de découverte en Bretagne.
02:01Il y a une personne qui entre dans l'auberge à 4 heures du matin.
02:07Puisqu'il y a une enseignante qui entend des pas sur les gravillons et qui entend la personne repartir vers 4 heures 50.
02:20Et donc là elle regarde par la fenêtre et elle voit un homme de dos.
02:25Ce sont des adolescentes qui ont entre 13 et 15 ans, qui avaient des journées bien remplies dans le cadre de leurs vacances,
02:32qui doivent donc avoir un sommeil profond.
02:36Cet individu a peut-être vu ces personnes, mais je pense que ce type d'individu dans ce genre de circonstances,
02:44à partir du moment, si j'ose dire, où il a découvert sa proie, rien ne peut l'arrêter.
02:48Et une fois que c'est parti, c'est malheureusement parti.
02:51L'assassinat s'est donc fait en présence des 4 autres jeunes filles.
02:54Tout le laisse à penser.
02:58La dernière lettre que Caroline écrit la veille de sa mort à son père ne livre aucune information aux enquêteurs.
03:04Elle ne mentionne aucune rencontre suspecte, aucun flirt, aucun incident.
03:09C'est vraiment très bien ici, disait-elle.
03:15On est parti sur 5 hypothèses.
03:17Celle du jeu de rôle qui tourne mal, au sein du groupe.
03:20Le rendez-vous amoureux qui tourne mal.
03:23On sait que le groupe avait été en place depuis quelques jours et avait pu lier certaines amitiés avec des jeunes du secteur de Blaine-Fougère.
03:32Le rôdeur autour des auberges, les familles de l'auberge.
03:38Donc voilà autant d'hypothèses qui méritaient qu'on les aborde les unes après les autres.
03:43Et dans lesquelles on pouvait trouver potentiellement un responsable.
03:49Les gendarmes privilégient celles du rôdeur.
03:52Car dans l'après-midi du meurtre, un homme avec des tatouages sur les bras a été aperçu près de l'auberge.
03:58La description de l'individu interpelle les gendarmes.
04:01Ils connaissent un homme correspondant au profil, un SDF, qu'ils ont arrêté par le passé.
04:07Un homme au casier judiciaire plutôt chargé.
04:10Ils lancent un avis de recherche.
04:12Localisé Patrice Padé, 40 ans.
04:15L'individu est vêtu d'un jean et porte un sac à dos de couleur foncée.
04:24Identification rapide, interpellation discrète et mise en examen.
04:27Sitôt les aveux effectués.
04:29Un homme d'une quarantaine d'années, apparemment sans domicile fixe, est aujourd'hui en prison.
04:34Les cheveux courts, blonds, une moustache, une boucle d'oreille et des tatouages sur les bras.
04:39Voilà la description que fait la secrétaire de mairie du SDF meurtrier présumé de la petite Caroline.
04:45Cet homme d'une quarantaine d'années, incarcéré hier soir à la maison d'arrêt de Saint-Malo,
04:49a avoué le viol et le meurtre de la jeune fille.
04:55J'allais à ma radio et c'est là que j'ai entendu, viol et meurtre d'une dame de 13 ans à Pleine-Plougère.
05:00Là, je me suis dit, automatiquement, ils vont tomber dessus, c'est clair.
05:05Ben oui, je suis tatoué des pieds à la tête.
05:08Puis en plus, à l'époque, j'avais un petit os en manche avec une grande gueule de dos ouverte et tout.
05:13J'étais repérable, mais bon, je me disais, je m'en fous, les gens, ils ont pas à me juger, je suis dans le jésus.
05:21Hop, comptant d'identité, pas de problème, je sors mes papiers.
05:26Vu que j'avais entendu le truc, je me suis dit, gendarme, une meuf de 13 ans violée et tuée,
05:33moi, je suis sur la haute de mon sac à dos, j'ai un droit au contrôle.
05:37J'ai pas été surpris du tout.
05:40Et je me tâchais pas, de toute façon.
05:42J'avais rien à m'approcher, je me tâchais pas.
05:44C'est tout. Voilà.
05:48Lorsque je l'ai mis en examen, non pas dans mon bureau,
05:52mais pour des raisons de protection, et notamment de protection à son égard,
05:56parce que, bien entendu, la presse, elle, était persuadée que c'était lui,
06:01dans une caserne de gendarmerie voisine, dans mon bureau, en présence d'un avocat.
06:07Alors, un avocat commis d'office, mais c'était quand même le bâtonnier en exercice de Saint-Malo
06:11qui se trouvait être de permanence ce jour-là, Patrice Padé,
06:15auquel j'ai proposé, conformément au code de procédure pénale,
06:19soit de répondre à mes questions, soit de ne rien dire du tout,
06:22soit de faire des déclarations spontanées, m'a dit, monsieur le juge,
06:27c'est moi, je reconnais, je vous expliquerai ça plus tard,
06:30je suis fatigué, j'ai envie de dormir, mais rassurez-vous, c'est bien moi.
06:35Padé, l'ex-taulard et sa gueule de coupable, qui boit, qui fume et qui, à cette époque, se drogue.
06:41Sevré durant 48 heures, harcelé, en manque, il répond par rouille aux questions qu'on lui pose.
06:47Je m'appelais sur 5, dont un en uniforme.
06:51L'autre, il enlève sa gourmette, sa chevalière, il me fout d'énormes baffes et tout.
06:57Bon, et puis, ils sont là, il y en a un qui dit, allez, allez, blonde et tout.
07:02L'autre, il dit, alors, elle était couchée, ça aura plus marre.
07:05L'autre, il dit, hein, c'est une belle blonde.
07:07L'autre, après, il veut dire, allez, beaux yeux bleus et tout.
07:10C'est... On ne savait même plus quoi répondre, quoi, en fin de compte.
07:15C'est complètement aberrant, c'est...
07:17C'est pire que quand même, quand t'as la main sur le cerveau, en fin de compte.
07:22C'est-à-dire, n'importe quel type, n'importe quel type, il pourrait avouer n'importe quoi.
07:29De toute façon, le gros, celui-là, il a dit, on l'a, de toute façon, celui-là, on le lâchera pas, de toute façon, il faut qu'il plonge.
07:36Dès le départ, sans savoir si j'étais coupable ou innocent.
07:43C'est-à-dire qu'il leur fallait un coupable à tout prix.
07:46Padé fait la une, livré à la presse qui se déchaîne, qui le présente comme un monstre.
07:52Pour tous, à ce moment, l'assassin de Caroline Dickinson est sous les verrous.
07:59Il s'agit d'une enquête qui a été rondement menée, qui a fait l'objet de gros moyens dès le départ.
08:04Et donc, finalement, je me dis, ça y est, le porte à porte a été particulièrement efficace.
08:10On a une identification d'un auteur et que, par conséquent, donc, on est uniquement dans la dernière phase qui consiste à confirmer, à charge ou à décharge éventuellement,
08:21mais à confirmer l'implication de la personne interpellée dans ce meurtre.
08:26Moi, ce que j'attendais, le résultat de l'ADN, c'est que je savais que ça existait.
08:33Là, ils en mettent 17 jours.
08:35Maintenant, il faut juste 10 heures pour nous avoir les résultats.
08:40Padé croupit en prison.
08:42Il a avoué et cela suffit.
08:44L'abbé du Mont-Saint-Michel retrouve sa quiétude quand la nouvelle tombe.
08:50Un cataclysme pour les enquêteurs, pour la justice.
08:54Patrice Padé est libre.
08:56Il a quitté la maison d'arrêt de Plomeur en fin d'après-midi, dans la voiture de son avocat.
09:01C'est bien la science qui a sorti Patrice Padé de prison.
09:04Pas les premiers résultats d'une enquête de terrain qui semblait l'accabler.
09:07Les tests génétiques l'affirment.
09:08Pourtant, gendarme et juges soutenaient que le SDF avait avoué.
09:13Quand la famille va découvrir que l'analyse génétique a démontré l'innocence du premier suspect
09:24et quand la famille va découvrir que les aveux du premier suspect sont des aveux sans valeur,
09:31donc nécessairement des aveux extorqués d'une manière ou d'une autre,
09:35que ce soit la pression psychologique ou la pression physique ou les deux,
09:39la famille est profondément choquée.
09:47La famille Dickinson pense rapidement que des enquêteurs qui sont capables de faire avouer un innocent,
09:54pensent que ces enquêteurs-là ne sont pas fiables et qu'il faut changer d'enquêteur.
09:58Et c'est ce que je demanderais d'ailleurs.
10:00Je demanderais qu'on remplace l'équipe.
10:03À la demande de la famille, je me rapprocherais du juge à plusieurs reprises,
10:10non seulement pour demander au juge de rencontrer la famille pour faire le point.
10:13Le juge dira oui dans un premier temps et puis après, de moins en moins, oui et finalement non.
10:18Et puis, je demanderais également que les gendarmes soient remplacés par d'autres enquêteurs.
10:25À la demande des parents Dickinson, la cour d'appel de Rennes a donc décidé d'employer les grands moyens.
10:30Elle retire le dossier au juge Zogg qui menait l'instruction depuis un an.
10:33L'enquête sera désormais menée par le conseiller Van Rumbeck, juge habitué au dossier sensible.
10:39Depuis un an, les parents de Caroline multiplient les conférences de presse.
10:42Journaux et télé relaient leurs désarrois.
10:45Face aux erreurs des enquêteurs qui piétinent, l'affaire prend une tournure politique.
10:49Les relations entre les autorités britanniques et françaises se tendent.
10:53Pourquoi, alors qu'elles disposent de l'empreinte ADN du meurtrier,
10:57la justice française ne procède-t-elle pas à des tests sur tous les habitants de la région?
11:02Puisque le meurtre a eu lieu à Pleine-Fougère, à l'intérieur de l'auberge de Jeunesse.
11:07Et donc, on peut penser que celui qui a commis le meurtre connaissait les lieux.
11:11Donc, on peut penser que c'est peut-être.
11:13En réalité, ce n'était pas le cas, d'ailleurs, mais on pouvait légitimement se dire.
11:17Une des hypothèses sérieuses, c'est que c'est un type du coin.
11:20Donc, la famille Dickinson me dit pourquoi ne fait-on pas comme on fait chez nous?
11:24La police anglaise, dans une affaire pareille à l'époque, procédait à des tests
11:28génétiques systématiques de toute la population d'une localité.
11:31Cette technique, les Britanniques l'ont utilisée quelques mois avant le meurtre
11:35de Caroline Dickinson pour résoudre une autre affaire.
11:38Le meurtre de Céline Figard, une jeune Française violée et étranglée
11:42par un chauffeur routier près de Londres.
11:46Contrairement aux Français, les Anglais disposent déjà d'un fichier d'empreinte génétique.
11:50Ils ont testé plusieurs milliers de chauffeurs.
11:53Ils ont comparé les ADN des suspects avec ceux inscrits dans leur fichier.
11:57Une affaire élucidée en quelques mois.
12:01Alors, évidemment, la justice, les médias anglais n'arrêtaient pas
12:06d'évoquer notamment cette affaire là, et puis de comparer et de dire
12:10écoutez, regardez la justice, la police française.
12:15Elle n'est pas, elle n'est pas au niveau de notre police.
12:19Et au-delà, certains médias n'hésitaient pas à dire que c'était volontaire.
12:24La victime était anglaise, donc ça n'avait pas d'importance.
12:26Donc, on faisait le minimum pour retrouver le meurtrier.
12:29Et les articles sont d'une rare violence.
12:32Ils s'adouciront lorsque la justice française accédera à la demande des
12:36parents de Caroline. Tester la population masculine de pleine Fougère.
12:42Nous sommes très satisfaits que la cour d'appel ait décidé de reprendre l'affaire en main.
12:49Satisfait aussi qu'elle nous accorde les méthodes d'enquête que nous avions
12:52demandées avec notre avocat.
12:54Dans la région de Nîmes notamment, je sais que ces tests génétiques
12:58systématiques ont permis d'identifier un pioleur.
13:04Cette affaire prenait une mauvaise tournure.
13:06On crève l'abcès, on fait cette mesure et puis on va voir
13:10comment on peut, est-ce qu'on peut retrouver cet auteur
13:14qui a échappé aux enquêteurs au début.
13:16Il faut y aller, on ira, puis c'est tout.
13:18En espérant qu'il n'y a pas d'erreur dans les tests.
13:21C'est vrai, tout le monde aimerait bien savoir ce que c'est quand même.
13:24Si c'est quelqu'un du coin ou...
13:27On sous-sonne tout le monde dans ce genre de truc là.
13:29Très difficile.
13:31Je ne sais pas, je pense qu'il faut absolument que ça soit trouvé.
13:34On ne va pas laisser des gars comme ça en liberté.
13:36C'était destiné à relancer le dossier.
13:37Je n'y croyais pas spécialement pour ma part.
13:39Je ne pensais pas, je ne pensais pas que le meurtrier était nécessairement de
13:44Plaine-Fougère et je ne croyais pas que ces examens systématiques à
13:48Plaine-Fougère allaient automatiquement nous permettre de trouver le coupable.
13:52Il fallait relancer l'enquête.
13:54Ça a permis de la relancer.
13:55L'idée sera un peu de trouver le coupable par élimination, quitte à le
13:59chercher ensuite ailleurs.
14:00À partir d'un simple cheveu, les gendarmes en compareront l'ADN à celui
14:03du violeur prélevé sur la victime.
14:06On a quand même la preuve absolue, c'est-à-dire on a l'ADN de l'auteur.
14:10Mais tout le problème, c'est de mettre un nom sur cette signature.
14:14Ce n'est pas facile parce que reprendre un dossier un an après, les témoins
14:21commencent à perdre la mémoire.
14:23On ne peut plus recueillir d'indices.
14:26C'est extrêmement difficile.
14:28C'était, je ne dirais pas un coup de poker, mais je peux vous dire, c'était
14:32loin d'être gagné d'avance.
14:35C'est toujours été mon angoisse dans ce dossier, c'est de me dire bon, on va
14:39mettre les moyens qu'il faut, on va travailler à fond sur ce dossier, on va
14:42essayer de remettre un peu d'équerre tout ça.
14:45Mais quelle chance a-t-on de retrouver l'auteur ?
14:49Il faut faire travailler son cerveau.
14:50C'est vraiment, là, c'est Sherlock Holmes en quelque sorte.
14:53C'est forcément intellectuel.
14:55L'enquête, elle ne peut être que profondément intellectuelle.
14:59Et cette enquête-là est une enquête dans une affaire de cette nature-là, où
15:04on a un cadavre, mais au fond, rien d'autre qu'un cadavre et une signature
15:07génétique qui est inexploitable dans un premier temps.
15:10Donc, dans une affaire comme celle-là, il faut, il faut, avant de lancer les
15:15enquêteurs à droite, à gauche, avant de procéder à des tests, avant de procéder
15:19à des vérifications, il faut essayer d'imaginer, à partir du peu d'éléments
15:24qu'on a, qui pourrait être le meurtrier.
15:28Pendant tout ce temps, que fait Francisco Arce Montes ?
15:33Le matin du meurtre, il quitte tranquillement Pleine-Fougère sans être
15:36inquiété. Il se rend à Cherbourg.
15:39De là, il embarque pour l'Angleterre.
15:42Le 20 juillet, il apprend par la radio que Caroline Dickinson est morte.
15:47Il vide alors son compte en banque, reprend le bateau, traverse la France
15:51et gagne l'Espagne, son pays natal.
15:56De son côté, Renaud Van Roonbeek change de méthode.
15:59Il confie le dossier à un psychologue qui se rend sur les lieux du crime et
16:03dresse le profil du tueur.
16:06Il faut avoir une certaine habitude pour commettre ce type d'infraction,
16:11de ce genre de périple, puisque la chambre est extrêmement exiguë.
16:16Vous pouvez toucher quasiment presque tous les murs quand vous êtes relativement
16:20grand, ce qui veut dire que vraiment, il est capable de faire ça dans un climat
16:24extrêmement confiné. Caroline Dickinson n'y dort pas seule.
16:27Il y a d'autres jeunes filles qui dorment à côté, d'autres préadolescentes.
16:30Et Caroline Dickinson est la seule qui, par contre, dort à terre.
16:34Et c'est peut-être ce qui va faire que l'agresseur va la choisir à elle
16:38parce qu'elle est plus facile d'accès, en quelque sorte, et plus facile à agresser.
16:42Donc, c'est à peu près...
16:45C'est très probable puisque les autres, c'est plus compliqué.
16:48Donc, pour les agresser, elles sont sur les lits superposés.
16:51Et puis, très vite, on sent qu'on a affaire à quelqu'un qui est capable d'être excité
16:57pour pouvoir l'agresser sexuellement dans ce climat où à tout moment,
17:01quelqu'un peut se réveiller, le dénoncer ou poursuivre ou témoigner contre lui.
17:06Donc, ça veut dire que c'est un prédateur sexuel.
17:09Et donc, ça veut dire que derrière, il y a sûrement une trajectoire
17:14d'infracteur sexuel.
17:15Montez est bien un délinquant sexuel qui a déjà sévi par le passé,
17:20en Allemagne notamment.
17:22Mais ça, les enquêteurs l'ignorent encore.
17:24C'est à partir de là où je crois qu'on rentre dans une logique qui nous oblige
17:29à nous pencher sérieusement sur les faits de même nature qui ont été commis dans les auberges de Genèse.
17:39L'intuition est bonne, car la nuit même du meurtre,
17:42une autre jeune fille avait été sexuellement agressée à 50 kilomètres seulement de Pleine-Fougère.
17:48Ici, dans l'auberge de Genèse de Saint-Lunaire.
17:51Et les points communs sont très troublants.
17:54Les jeunes filles avaient le même âge.
17:56Elles venaient d'Irlande.
17:57Elles étaient en voyage scolaire.
17:59Mais étrangement, les premiers enquêteurs feront l'impasse sur l'agression de Saint-Lunaire.
18:05Lorsqu'ils découvrent cet élément dans le dossier, un an après les faits,
18:10le juge Van Roonbeek est persuadé que les deux meurtres sont liés.
18:16Moi, je suis arrivé assez vite à la conclusion, sans être certain,
18:19parce que je me méfiais toujours des a priori.
18:22C'est la vraie difficulté dans ces dossiers, c'est qu'il faut toujours avoir l'esprit large.
18:26Mais j'avais quand même le sentiment que c'était le même auteur qui avait agi sur les deux sites.
18:33Donc ça modifie la donne, parce que c'était plus un local qui traînait par là
18:40et qui repérait par hasard un groupe de jeunes Anglaises à ce moment-là.
18:44Ça devenait plus quelqu'un qui tournait sur des auberges,
18:49en tout cas sur deux auberges qui n'étaient pas très éloignées l'une de l'autre.
18:57J'avais étudié aussi les horaires déclarés par les jeunes filles
19:00et ça collait parfaitement à un témoignage près.
19:03C'est-à-dire qu'on avait un auteur qui était venu d'abord à Pleine-Fougère,
19:08qui avait traîné jusqu'à minuit, minuit-une heure,
19:11et puis les jeunes filles faisaient la fête, elles ne se couchaient pas, c'était un peu le bazar.
19:16Donc de guerlasse, il est parti à Saint-Lunaire,
19:20et là il a commencé une agression sur Keith Riley.
19:25Et on avait là, je me souviens des témoignages de mémoire, notamment Jenna Ellis,
19:31on avait des jeunes filles qui là s'étaient réveillées,
19:34qui l'avaient entendue et qui l'avaient interpellée, qui l'avaient appelée, qui avaient allumé la lumière.
19:39Et là l'auteur s'en va, il commence à appuyer,
19:45on voit la scène en lisant les déclarations des jeunes filles,
19:49il est à genoux près de Keith Riley
19:53et là il entend les autres qui se réveillent,
19:57donc il se lève, il s'en va.
19:59Il est entre deux et trois heures du matin,
20:02et la scène du meurtre de Caroline Dickinson se passe, elle, à quatre heures, quatre heures et demie du matin.
20:09Donc on voit qu'il est monté en puissance en quelque sorte,
20:12il n'est toujours pas parvenu à ses fins, mais là il revient au point de départ.
20:17Donc vous voyez, en étudiant le dossier, j'arrivais à me faire une idée de l'auteur.
20:22Donc on n'était plus sur quelqu'un d'un peu simplet du secteur,
20:25qui aurait comme ça fait un acte purement ponctuel,
20:29mais sur quelqu'un qui avait déjà repéré quand même deux sites,
20:33quelqu'un qui était beaucoup plus organisé.
20:38Le rapprochement des deux affaires permet aux enquêteurs de se faire enfin une idée de l'homme qu'ils recherchent.
20:46Ce sont les témoignages de deux jeunes filles et d'un animateur qui ont permis d'établir ce portrait robot.
20:51Le juge Zogg, à l'époque, les avait mis de côté.
20:54Dix-huit mois plus tard, c'est cette piste que privilégie le conseiller Van Roonbeek.
20:58John Dickinson s'est déplacé pour prendre connaissance de ce portrait robot
21:02et lancer un appel à la coopération des Bretons.
21:08Nous sommes vraiment enthousiasmés.
21:10C'est la meilleure piste que nous ayons depuis longtemps.
21:13Le portrait est excellent.
21:15Lorsque les gens le verront, il y aura sûrement quelqu'un pour reconnaître cet homme.
21:22De son côté, le journal anglais Le Sun propose 100 000 francs de récompense
21:26pour tout témoignage permettant d'arrêter le meurtrier de Caroline.
21:29Jamais avare de sensationnalisme, le quotidien populaire va même plus loin,
21:33en placardant 2000 affiches dans toute la Bretagne.
21:47Le portrait est largement diffusé.
21:49Les gendarmes reçoivent des centaines d'appels.
21:52Chaque témoignage est vérifié.
21:54Parallèlement, le juge oriente son enquête sur des personnes
21:57déjà connues pour délinquance sexuelle.
22:01L'angoisse qu'il y avait, c'est qu'il recommence.
22:03On a aussi travaillé sur les personnes qui étaient détenues,
22:07qui auraient pu être relâchées avant les faits,
22:10incarcérées après, donc les mises en arrêt.
22:14On a travaillé sur les tribunaux, les personnes condamnées.
22:18On a travaillé sur les hôpitaux psychiatriques,
22:21puisque le psychiatre m'avait aiguillé aussi en me disant
22:24c'est quelqu'un qui peut faire des cours séjour en hôpital psychiatrique.
22:28Il y avait aussi des choses sans fin.
22:30Il y a des poltères qui sont à 5-6 km.
22:34Il y a des saisonniers l'été, donc il a fallu aller dans chaque ferme,
22:39leur demander la liste des gens qui travaillaient,
22:41y compris ceux qui n'étaient pas déclarés, les rassurer,
22:45et puis là, se faire communiquer les identités,
22:48voir où ces gens habitaient, est-ce qu'ils avaient un passé, etc.
22:51Là aussi, ça a été...
22:54Je leur ai mis une certaine pression, je dois dire.
22:59Cette recherche va permettre aux enquêteurs
23:02d'établir une première liste de suspects.
23:04Fin 1997, le juge demande que lui soient également transmis
23:08tous les incidents survenus dans des auberges de jeunesse en France
23:12les années précédentes.
23:13Intrusions, attentats à la pudeur, agressions sexuelles,
23:17dès lors, des centaines de faits sont portés à la connaissance des enquêteurs.
23:22Vous avez des spécialistes en gendarmerie, vous avez les anachrimes,
23:26donc ils font de l'analyse criminelle,
23:28et eux, avec tous les renseignements qu'on leur donne,
23:31ils nous sortent des noms, ils travaillent sur l'environnement,
23:34et vous avez l'enquêteur qui, lui, se déplace,
23:36part avec les différentes fiches,
23:39soit sur le département, s'il y avait le département 35,
23:44ou alors sur le territoire national.
23:48On avait également des noms en Angleterre, en Allemagne, en Hollande,
23:53tout ça a été traité, c'est des gens qui ont été prélevés.
23:55On a retravaillé sur des dossiers où la personne mise en cause
23:59pouvait être décédée, il a fallu parfois les relocaliser,
24:03donc avec un certain nombre de difficultés pour les relocaliser,
24:07et une fois qu'elles étaient relocalisées,
24:09elles étaient réentendues, prélevées.
24:13On a traité 9500 dossiers, des dossiers d'environnement.
24:17Il y a eu 3500 prélèvements.
24:21La procédure, je ne sais pas combien de kilos de papier,
24:27dans cette pièce, vous avez tout le mur qui est jusqu'au plafond,
24:33c'est énorme.
24:35On n'a pas une obligation de résultat, on ne peut pas,
24:38mais au moins on a tout fait pour.
24:40Moi je trouve personnellement, de l'expérience que je retire
24:44par rapport à plein d'autres affaires que j'ai eues dans d'autres domaines,
24:47même si on ne l'avait pas trouvée, je me disais,
24:51c'est quand même le type d'affaires dans lesquelles il faut mettre des moyens.
24:55Parce que si on n'est pas capable de mettre des moyens
24:58sur des viols ou des meurtres d'enfants,
25:01dans nos sociétés, alors qu'on a des moyens,
25:04c'est quelque chose qui ne va pas.
25:34Les enquêteurs n'intéressent plus spécifiquement les enquêteurs.
25:37Au départ, elles comportaient 205 noms,
25:40mais mois après mois, elles aussi s'amenuisent.
25:43Une soixantaine de personnes font encore l'objet de recherches
25:46de la part des enquêteurs, soit en qualité de témoins,
25:49pour nous apporter des éléments que nous n'avons pas actuellement
25:53sur ce qui se passait exactement sur Pleine-Fougère à l'époque des faits,
25:56ou dans l'environnement de Pleine-Fougère,
25:58soit des individus qui nous intéressent pour différentes raisons.
26:02Ce qu'on utilise, c'est qu'il ne soit pas dans les 80 ou 70
26:05qui restaient en recherche.
26:07Alors je sais bien, l'espoir fait vivre,
26:10mais 70 sur 3 000 au départ, les chances s'amenuisent.
26:14Mais en même temps, on se dit toujours,
26:17de toute façon, on se doutait que ça ne serait pas dans ceux
26:20qui viendraient spontanément se présenter avec une carte d'identité,
26:23qu'on le repèrerait. Donc il fallait un écrimage.
26:25On arrive à la fin de l'entonnoir, mais en même temps,
26:27c'est l'épreuve de vérité, parce que là, s'il n'est pas dedans,
26:30c'est qu'il n'était pas dans les 3 000 au départ.
26:32Francisco Arce Montes est sur la liste,
26:35parce qu'en 1994, il s'était introduit dans une chambre
26:39où dormaient des adolescentes.
26:41C'était dans la région de Tours.
26:43Surpris par un éducateur, arrêté,
26:45il est interrogé par les gendarmes, puis relâché.
26:48Montes, un nom parmi d'autres moins intéressant que beaucoup d'autres.
26:53Le problème d'Arce Montes, quand j'ai vu son nom,
26:57c'est qu'il avait attiré l'attention
26:59pour qu'on aille jusqu'à faire un procès verbal du côté de Tours.
27:03Mais en même temps, il était propre sur lui.
27:07Et en plus, je me souviens d'une petite voiture qu'il avait,
27:10devait être une voiture blanche qu'il avait,
27:12qui était immatriculée en Hollande.
27:14Or, nous, on a l'agresseur qui a les cheveux longs,
27:19qui est crade, qui est décrit
27:24comme plutôt quelqu'un qui traîne les rues
27:27que quelqu'un qui est propre comme ça sur lui.
27:29Et puis, on nous parle d'une camionnette,
27:31un van, un little van.
27:33Elle disait, Laura Davek a vu la camionnette.
27:36Bon, donc, son véhicule, ce n'était pas une camionnette.
27:39Et puis, les vérifications qu'on avait faites en Hollande
27:42disaient qu'il était parfaitement bien connu
27:45et qu'il avait effectivement une voiture immatriculée en Hollande.
27:49En plus, on le voit passer quand même à 300 kilomètres de là.
27:53Et finalement, il rentre dans notre liste uniquement
27:57parce que ce jour-là, deux ans avant,
27:59il a été repéré dans une auberge à 300 kilomètres de là.
28:02Donc, vous voyez, le look ne correspondait pas
28:06et je n'avais pas d'attache locale.
28:09Donc, sur mes critères, par contre,
28:12on a su qu'il avait des affaires de mœurs antérieurement.
28:17Ce qui expliquait d'ailleurs qu'il s'intéresse à des jeunes Irlandais.
28:21Ce n'était pas innocent, ce truc.
28:23Mais il y avait du pour et du contre.
28:26Et je peux vous dire que dans cette enquête,
28:29j'en ai au moins eu 7 ou 8 qui étaient costauds,
28:32qui avaient ce look, qui tournaient sur les auberges
28:35et qui étaient connus pour mœurs.
28:37On les appelait les rouges foncés
28:39parce que les rouges étaient...
28:41Les gendarmes les avaient appelés comme ça, les rouges.
28:44C'était vraiment ceux qui étaient très intéressants sur nos listes.
28:47Et parmi les rouges, vous aviez des rouges foncés.
28:50C'était ceux qui, potentiellement,
28:53répondaient à un maximum de critères.
28:56C'était assez inquiétant parce que,
28:58quand on voit des enquêtes comme ça,
29:00on se dit qu'il y a 50 ans,
29:02peut-être même pas il y a 50 ans d'ailleurs,
29:04ces gens-là auraient pu se faire condamner aux assises
29:07sur des présomptions.
29:09Parce qu'il y avait des présomptions,
29:11et même lourdes pour certains.
29:13Mais là, à chaque fois, l'ADN, c'est pas lui.
29:15C'est là que l'ADN, moi, m'est apparu
29:19comme un facteur capital.
29:23C'est la preuve absolue.
29:27Mais c'est aussi la preuve de la non-culpabilité de quelqu'un.
29:32Ce qui va prouver que quelqu'un qui va dire
29:35« non, j'y étais pas », qui est innocent,
29:37va pouvoir l'établir.
29:39Alors, normalement, c'est pas à lui de l'établir.
29:42Donc, c'est une révolution, quelque part.
29:49Lorsque je rendrai le dossier, moi, en juillet 2000,
29:54sur les 63 individus mis en cause
29:57dans des procédures d'intrusion
29:59dans des établissements de cette nature,
30:01il y en aura 61,
30:0361 qui auront été entendus et écartés.
30:08Donc, il ne restera, lorsque je quitterai,
30:11donc, le 16 juillet 2000,
30:13que deux personnes qui n'ont pas encore fait l'objet
30:16d'auditions et de prélèvements.
30:19Un individu plus Francisco Arsemontes.
30:22Il n'y avait pas de fichier, à l'époque.
30:24Il n'y avait pas de fichier.
30:26S'il y avait eu un fichier,
30:28peut-être qu'Arsemontes, quand il avait été
30:30contrôlé à Tours deux ans avant,
30:32il aurait été fiché quelque part.
30:34Et si on l'avait eu dans le fichier,
30:36il suffisait de comparer l'ADN trouvé sur place
30:38avec ce fichier, on aurait tout de suite vu
30:40que c'était lui.
30:42Mais à l'époque, on n'avait pas de fichier
30:44et il y avait beaucoup de réticences
30:46pour créer un fichier.
30:48Je pense que cette affaire,
30:50comme l'affaire Guy-Georges,
30:52ont contribué à l'évolution des mentalités
30:54et finalement à permettre la constitution
30:56progressive d'un véritable fichier.
30:58À la différence des Britanniques,
31:00les enquêteurs français ne disposent pas,
31:02à l'époque, d'un fichier national
31:04d'empreintes génétiques.
31:06Des registres sur lesquels figure l'ADN
31:08prélevé sur toute personne impliquée
31:10dans un crime ou un délit.
31:12Des empreintes génétiques conservées
31:14dans les ordinateurs de la police.
31:16Deux ans et demi après le meurtre,
31:18l'assassin de Caroline Dickinson
31:20est toujours dans la nature.
31:22Début 1999, les enquêteurs n'ont toujours
31:24pas identifié l'empreinte génétique
31:26laissée par le meurtrier.
31:28En France, on oublie peu à peu l'histoire.
31:30En Angleterre, l'affaire suscite toujours
31:32autant d'intérêt de la part des médias
31:34et du public. Deux diplomates de l'ambassade
31:36de Grande-Bretagne étaient d'ailleurs présents
31:38aujourd'hui à Rennes pour témoigner
31:40à la famille Dickinson.
31:42On ne s'est pas fixé des délais,
31:44ça ne se situe pas comme ça,
31:46on essaye de faire en sorte d'arriver jusqu'au bout
31:48de cette enquête. Au bout de cette enquête,
31:50c'est l'interpellation, l'arrestation de l'auteur.
31:52Bref, les enquêteurs affichent leur optimisme,
31:54une conviction partagée par le père de Caroline
31:56qui ce matin a une nouvelle fois rencontré
31:58le juge Van Rymbeek.
32:00Beaucoup de meurtres sont élucidés
32:02bien des années après avoir été commis.
32:04On a les tests ADN qui sont cruciaux,
32:06on a le portrait robot.
32:08Si tout cela est l'aide de la population française,
32:10nous pourrons l'attraper.
32:14Arce Montes,
32:16un nom sans visage, une ombre
32:18qui rôde. Les enquêteurs
32:20savent qu'il est espagnol. Ils demandent
32:22alors aux inspecteurs d'Interpol de leur fournir
32:24les renseignements qu'ils pourraient éventuellement
32:26détenir sur cet homme.
32:28Cette affaire aurait pu
32:30et aurait dû être résolue
32:32beaucoup plus tôt si la coopération
32:34policière européenne fonctionnait.
32:38L'arrêt de la cour d'appel
32:40c'est août 1997.
32:42Sauf erreur de ma part, le meurtre est de 1996.
32:44Dès septembre 1997
32:46ou octobre 1997,
32:48Francisco Javier Arce Montes
32:50fait partie de la liste des suspects.
32:52C'est un espagnol
32:54dont on sait
32:56par ses déclarations lorsqu'il avait été
32:58arrêté un ou deux ans plus tôt en Touraine
33:00dont on savait qu'il avait vécu en Angleterre.
33:02M. Van Rymbeek immédiatement demande
33:04la coopération de la police de Londres
33:06et de la police espagnole.
33:08Pour qu'on lui dise
33:10s'il y a des choses intéressantes
33:12à savoir sur cet individu.
33:14Et bien ça ne va pas fonctionner.
33:16On le cherchait, nous.
33:18Parmi d'autres, on le cherche.
33:20On le diffuse et on leur demande
33:22en Espagne, parce qu'il est en Espagne
33:24et ça c'était le bon réflexe des gendarmes
33:26de dire il faut demander
33:28à la commune de naissance s'il est connu ou pas.
33:30Parce que là au moins on aura son pédigré.
33:32On le demande, ça passe par Interpol
33:34ils nous répondent
33:36non il n'est pas connu.
33:38Je crois même qu'ils vont mettre du temps
33:40à vous répondre, c'est long la réponse.
33:42Oh là là, oui.
33:44C'est long.
33:46Il a fallu la relancer.
33:48De toute façon pour avoir cette réponse-là
33:50je vais vous dire, vous pouvez nous la donner tout de suite.
33:52Inconnue
33:54en Espagne, la réponse
33:56est sidérante, car en août
33:581997, Arcemontes
34:00était sous contrôle judiciaire
34:02dans son pays, accusé de viol.
34:06On aurait aimé une réponse rapide
34:08et nous dire, oui il est connu, il a été arrêté à tel endroit
34:10pour tel fait. Et là on envoyait une équipe d'enquêteurs
34:12sur place, parce que là il devenait
34:14potentiellement intéressant puisqu'il recommençait un an après
34:16et puis là, peut-être qu'on aurait pu
34:18retrouver son ADN beaucoup plus vite.
34:20Et là aussi, en supposant
34:22si on avait
34:24un fichier ADN dans chaque pays
34:26s'il avait été
34:28comme ça existait en Angleterre à l'époque
34:30et ça n'existait manifestement pas en Espagne
34:32comme en France, c'est là qu'on voit qu'on était vraiment
34:34dans l'amateurisme total. S'il y avait
34:36un fichier, il aurait été dedans, on aurait comparé
34:38l'ADN, on aurait tout de suite vu que c'était lui.
34:40Et l'affaire, elle était réglée.
34:42Et il a raison M. Dickinson quand il dit
34:44ne faites pas qu'un fichier en France, pensez au
34:46fichier européen.
34:48Alors là, si vous parlez de fichier
34:50européen, là on vous
34:52catalogue.
34:54Bon.
34:56En résumé, inconnu en Espagne
34:58mais il a eu des problèmes, notamment
35:00en Allemagne où il a pu urger de la prison pour des faits d'agression
35:02sexuelle. Inconnu en Espagne.
35:04C'est proprement ahurissant qu'il y ait eu
35:06cette réponse. Pourquoi ? Parce qu'on a
35:08su plus tard, à la suite
35:10de l'arrestation
35:12en Floride d'Arsèmontès,
35:14qu'un an presque jour pour jour après
35:16le meurtre de Caroline Dickinson, en Espagne,
35:18il a tenté d'agresser
35:20sous la menace d'un couteau,
35:22il a tenté de violer sous la menace d'un couteau
35:24d'une jeune fille, qu'il a été arrêté,
35:26qu'il a été plusieurs mois en prison
35:28et que finalement il ne s'est pas présenté à son procès
35:30et qu'il est dans la nature. Et on répond
35:32à la justice française,
35:34on ne le connaît pas. C'est un dysfonctionnement
35:36majeur. En tout cas, ça montre bien quelque chose que j'ai
35:38toujours dit, c'est qu'en matière
35:40judiciaire, dès qu'on franchit les frontières,
35:42c'est le système D.
35:44C'est le coup de chance,
35:46on n'a pas les outils nécessaires. C'est bien la preuve
35:48qu'Interpol, il faut qu'ils aillent
35:50plus loin. Qu'est-ce qu'ils disent, là, à Interpol,
35:52face à ça ? Ils ne peuvent que
35:54reconnaître leur erreur. S'ils en sont
35:56à corps à dire,
35:58non, non, on travaille très bien,
36:00bon, ils n'ont rien compris. Mais qu'ils fassent leur
36:02autocritique, qu'ils aillent voir pourquoi, dans un cas
36:04comme ça, ça n'a pas fonctionné. Et qu'ils le disent,
36:06qu'ils jouent la transparence. Et qu'ils le disent.
36:08Après tout, l'erreur est humaine.
36:10Donc, vous me demandez
36:12s'ils nous ont aidé ? Non.
36:14Je ne sais pas que c'est la faute des Espagnols.
36:16Il y a Interpol en Espagne,
36:18pourquoi ne nous informent-ils pas que
36:20l'auteur est interpellé pour viol ?
36:22Il a été arrêté, en prison.
36:24Et on ne sait pas.
36:26Alors, Interpol ne sait pas.
36:28Pourquoi ils ne le savent pas ?
36:30S'ils ne le savent pas,
36:32quel est leur... à quoi ils servent ?
36:34Franchement.
36:38Alors qu'il est en liberté provisoire en Espagne,
36:40Montes ne se présente pas
36:42à son procès. Il est en fuite.
36:44L'année 2000 passe.
36:46Il devient le suspect numéro 1.
36:48Mais l'homme reste insaisissable.
36:50Il change de pays, traverse les frontières,
36:52alors même qu'il est recherché.
36:54C'est Montes,
36:56manifestement,
36:58poussé par les investigations,
37:00par la traque de l'auteur.
37:02On ne le traque pas lui, mais on traque l'auteur.
37:04Et par conséquent,
37:06très rapidement, il quitte la France,
37:08il rejoint la Grande-Bretagne, il va quitter la Grande-Bretagne,
37:10il va se retrouver en Espagne.
37:12Et donc, sans que la pression
37:14de l'affaire ou de l'enquête d'Ekinson
37:16le poursuivent,
37:18comme il est un peu en marge,
37:20il va
37:22très rapidement
37:24repartir sur les Etats-Unis.
37:26Début 2001, l'enquête n'avance plus.
37:28Quand ? La chance va enfin sourire
37:30aux enquêteurs, grâce à un coup de pouce
37:32de la presse. Depuis 5 ans,
37:34les journaux britanniques relatent
37:36les déboires et les rebondissements de l'enquête d'Ekinson.
37:38Un dernier article paraît
37:40le 2 avril 2001 dans le Sunday Times.
37:42Et cette fois, contrairement
37:44à la règle, qui consiste à ne jamais dévoiler
37:46le nom d'une personne soupçonnée
37:48de meurtre, les journalistes britanniques
37:50bien informés lâchent le nom du suspect,
37:52Francisco Arce Montes.
37:56L'effet est immédiat et
37:58plutôt surprenant, car l'information
38:00qui manquait tant aux enquêteurs français
38:02arrive des Etats-Unis.
38:04Un policier américain du service
38:06de l'immigration de l'aéroport de Détroit
38:08tombe par hasard sur le journal
38:10et va lire très attentivement
38:12l'article du Sunday Times.
38:14Je passais à côté
38:16du comptoir de British Airways.
38:18J'ai pris un journal.
38:20C'était le Sunday Times de Londres.
38:22J'ai vu qu'il y avait
38:24un article sur le meurtre
38:26de Caroline Dickinson.
38:28Je pensais
38:30qu'ils avaient arrêté le suspect.
38:32Ils donnaient un nom dans l'article.
38:34Francisco Arce Montes.
38:36Ils disaient
38:38qu'il avait 50 ans.
38:40Alors,
38:42j'ai tapé ce nom sur mon ordinateur
38:44pour voir s'il était passé
38:46par les Etats-Unis,
38:48parce que c'est mon job.
38:52La première chose que j'ai faite
38:54était de savoir s'il était
38:56toujours aux Etats-Unis.
39:02La seconde chose,
39:04c'était de savoir s'il pouvait
39:06représenter une menace
39:08pour les touristes américains
39:10ou pour les touristes étrangers.
39:12Donc, pour nous,
39:14l'important était de savoir
39:16s'il était encore
39:18sur le territoire américain.
39:20À ce moment-là, nous ne le savions pas.
39:22Nous ne savions pas non plus
39:24qu'il avait été arrêté.
39:32Après avoir fait des demandes
39:34partout, j'ai alors reçu
39:36un appel de la police de Miami.
39:38J'ai reçu trois rapports différents.
39:40Le premier datait d'octobre 1999.
39:42Il concerne
39:44une simple intrusion
39:46dans une auberge de jeunesse.
39:48Et là, on peut lire
39:50Francisco Montes.
39:56Né le 14 mars 1950.
40:00Et on peut voir ici
40:02qu'il est sans domicile fixe.
40:04Il n'y avait pas d'autres informations
40:06sur celui-là, juste une description
40:08physique et les charges retenues.
40:12Nous avons reçu
40:14deux autres rapports.
40:18Un daté
40:20du 15 mars 2001.
40:22Là, il est inscrit
40:24Francisco Arce.
40:26Né le 15 mars
40:281951.
40:30Alors,
40:32quand vous comparez les deux rapports,
40:34vous vous dites qu'il y a une
40:36possibilité pour que ce soit
40:38deux individus différents.
40:40Ce qui m'a averté,
40:42c'est quand la gendarmerie française
40:44m'a dit qu'il était né dans la région
40:46des Asturies, en Espagne.
40:48Et sur ce rapport,
40:50il est bien noté
40:52Asturies, en Espagne.
40:54Alors je me suis dit,
40:56c'est notre homme.
40:58Et puis,
41:00il est noté sur ce
41:02troisième rapport,
41:04il est dit qu'il partageait
41:06une chambre de l'auberge de jeunesse
41:08avec deux autres jeunes femmes,
41:10et lorsque l'une d'elles s'est réveillée,
41:12elle a vu qu'il y avait du sperme
41:14sur ses vêtements.
41:16La chose la plus intéressante,
41:18ce sont les dates.
41:2014 mars 2001.
41:22Il s'était passé très peu de temps
41:24entre tous ces faits.
41:26Et nous avons vu
41:28qu'il était toujours en prison.
41:56L'homme est simplement un suspect
41:58parmi les 48 autres qui sont recherchés.
42:00Il ne faut pas se focaliser
42:02sur lui, car ce n'est peut-être pas
42:04le coupable.
42:06L'attente aura duré
42:08moins d'une journée.
42:10Une journée décisive au terme de 5 années d'enquête.
42:12Hier soir, vers 22h,
42:14le parquet de Rennes livre les conclusions
42:16des expertises génétiques.
42:18L'analyse qui vient d'être pratiquée
42:20révèle qu'il existe
42:22des similitudes très importantes
42:24avec l'empreinte relevée
42:26à Pleine-Fougère.
42:28Les analyses d'ADN pratiquées par ce laboratoire
42:30de la police scientifique de Paris
42:32ont relevé 16 marqueurs identiques
42:34alors que 7 suffisent à établir une certitude
42:36devant les tribunaux.
42:38La famille Dickinson est prudente.
42:40Elle n'a jamais renoncé à retrouver
42:42le meurtrier de Caroline.
42:44Je voudrais remercier les médias
42:46de ne pas avoir oublié Caroline
42:48pendant ces 5 années.
42:50La couverture médiatique
42:52qui a accompagné ce drame
42:54me semble avoir permis
42:56ce dénouement.
42:58Nous hésitions à publier
43:00le nom d'un suspect
43:02mais dans ce cas-là, nous espérions
43:04que quelqu'un reconnaîtrait cet homme
43:06mais nous ne pensions pas
43:08que cela viendrait des Etats-Unis.
43:10Je voudrais remercier
43:12M. Dickinson de ne pas avoir gardé
43:14le secret sur le nom du meurtrier
43:16de leur fille et d'en avoir parlé
43:18à la presse.
43:20C'est important dans cette affaire.
43:22Le London Times et le Sunday Times
43:24en ont parlé à chaque anniversaire
43:26du meurtre.
43:28Et si M. Dickinson n'avait pas
43:30persévéré et n'avait pas
43:32communiqué,
43:34il est probable que nous serions
43:36encore aujourd'hui à chercher
43:38le criminel.
43:44Aux Etats-Unis,
43:46Montez allait être condamné pour attentat
43:48par la police judeure.
43:50Mais pour permettre son extradition
43:52rapide vers la France,
43:54la cour de justice de Miami
43:56décide alors d'abandonner
43:58les charges qui pèsent contre lui.
44:00Moi, je considère que j'ai fait
44:02un travail d'amateur et de bricoleur.
44:04J'ai bricolé avec des outils
44:06qui n'existaient pas.
44:08Je n'avais pas de fichier ADN.
44:10On avait
44:12utilisé
44:14des méthodes qui étaient nouvelles
44:16On s'est inspiré
44:18de ce qu'avaient fait les Anglais,
44:20mais ce n'était pas du tout institutionnel
44:22chez nous. Ce n'était pas du tout
44:24dans la mentalité des enquêtes
44:26à l'époque. Donc quand je dis amateurisme,
44:28oui, une certaine dose
44:30d'improvisation
44:32avec les moyens du bord.
44:36Pour finir, je voudrais dire que
44:38trois choses ont été déterminantes
44:40dans cette affaire. Premièrement,
44:42les données informatiques.
44:44Deuxièmement, la coopération
44:46entre les polices
44:48et la communication.
44:52Individuellement, chacun
44:54de ces trois éléments est important.
44:58Mais c'est la réunion
45:00des trois qui permettra
45:02à l'avenir de résoudre rapidement
45:04ce genre d'affaires.
45:08Je pense
45:10que les polices,
45:12internationales ou locales,
45:14doivent travailler ensemble
45:16et échanger leurs informations
45:18pour créer
45:20un fichier international.
45:24J'aimerais personnellement
45:26que cela arrive.
45:28Je pense que c'est la prochaine grande étape.
45:30Regardez, vous avez une victime
45:32anglaise, un auteur espagnol,
45:34une agression
45:36en France et
45:38une interpellation aux Etats-Unis.
45:40Cela prouve bien qu'il faudrait
45:42apprendre à tous
45:44ce qu'on travaille ensemble.
46:10Le 20 novembre 2001,
46:12Francisco Arce Montes
46:14est extradé en France
46:16sous bonne escorte.
46:18A son arrivée, à peine sorti de l'avion,
46:20il est mis en examen pour le viol
46:22et le meurtre de Caroline Dickinson.
46:24Transféré à Rennes
46:26le jour même,
46:28il est immédiatement placé
46:30en détention provisoire.
46:36Le 21 novembre 2001,
46:38Rennes
46:40Cet homme que nous traquions
46:42depuis si longtemps était enfin là
46:44et j'ai su,
46:46avec une certitude
46:48aveuglante,
46:50que nous n'étions pas au bout de nos peines.
46:54Durant trois ans,
46:56régulièrement, Montes va arpenter
46:58les couloirs du Palais de Justice de Rennes.
47:00Des dizaines d'auditions
47:02pour comprendre ce qui s'est passé
47:04et pourquoi.
47:06Montes ne se livre pas à ses juges.
47:10J'étais là,
47:12il était là avec son avocat
47:14et je me rappelle très bien
47:16les regards appuyés
47:18et ouvertement hostiles
47:20d'Arce Montes qui me connaissait
47:22par la télévision.
47:24J'en ai le souvenir très précis.
47:26Les regards d'Arce Montes vers moi
47:28c'était des regards d'intense hostilité.
47:30J'étais presque plus
47:32paradoxalement l'homme à abattre
47:34que les enquêteurs.
47:36J'étais un petit peu l'âme du complot
47:38contre lui.
47:40Il faudra attendre 2003 pour que Montes
47:42parle enfin. Oui, il était bien
47:44présent dans la chambre de Caroline le soir
47:46du meurtre. Il avouera le viol
47:48mais refusera l'inculpation d'homicide
47:50volontaire. Je n'avais pas
47:52l'intention de tuer, j'ai dérapé,
47:54dira-t-il. J'ai honte.
47:56La première fois que je rencontre monsieur Arce Montes,
47:58j'ai en face de moi quelqu'un de profondément immature
48:00avec des préoccupations
48:02qui sont
48:04de prime abord totalement dépourvues d'intérêt.
48:06Un discours un peu fleuve
48:08faisant un petit peu
48:10abstraction de son interlocuteur
48:12du cadre dans lequel on intervient
48:14mais préoccupé par des détails.
48:16Des détails qui
48:18apparaissent en tout cas comme des détails
48:20c'est-à-dire des éléments
48:22qui sont propres à sa vie carcérale.
48:24Par la suite d'ailleurs,
48:26on aura
48:28la confirmation
48:30par différents éléments
48:32de rapport psychiatrique ou autre
48:34de ce qu'en fait
48:36il a ce qu'on appelle
48:38des TOC, des troubles obsessionnels de comportement
48:40qui sont assez pointus.
48:42C'est quelqu'un qui va se laver les mains
48:44à 50 fois par jour, qui va laver sa nourriture
48:46avant de la manger, qui va faire
48:48ce qu'on appelle des anorexies mentales.
48:50Donc quelqu'un
48:52de très troublé sur le plan psychiatrique
48:54mais de toujours obsédé
48:56par des détails
48:58et puis pas
49:00pas du tout dans le temps présent.
49:04Le 14 juin 2004,
49:06après 7 jours de débat,
49:08Francisco Arcemontes est condamné
49:10à 30 ans de prison.
49:12Au moment où M. Arcemontes
49:14apprend la peine, on n'a pas de réaction de sa part.
49:16C'est pas qu'il ne manifeste pas d'émotion
49:18parce que pour lui, quelque chose qui est très important
49:20c'est qu'il a malheureusement été déclaré
49:22coupable du chef de meurtre.
49:24C'est-à-dire que
49:26la justice a considéré
49:28qu'il avait vraiment voulu donner la mort.
49:30Ça par contre, ça le retient.
49:32Il ne peut pas l'accepter.
49:36Francisco Arcemontes
49:38fera appel du jugement.
49:40En juin 2005,
49:42la cour d'appel de Saint-Brieuc
49:44confirmera le verdict de Rennes.
49:4630 ans de prison
49:48assortie d'une peine de sûreté de 20 ans.
49:56Rennes, Rennes, Rennes
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