Dominique Sistach, politologue et professeur à l'université de Perpignan.

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Dominique Sistach, politologue et professeur à l'université de Perpignan analyse les résultats de ce premier tour des élections législatives anticipées sur France Bleu Roussillon.

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00:00France Bleu Roussillon, France Bleu Roussillon, le réveil est 100% catalan.
00:05Et on débriefe, on analyse les résultats de ce premier tour des élections à législatives sur France Bleu Roussillon
00:10depuis ce matin avec vous, Stéphanie Moura, avec toute la rédaction mobilisée évidemment.
00:15Et avec Dominique Tsistak, notre politologue. Rebonjour Dominique.
00:18On a entendu des avis d'auditeurs très divers ce matin sur France Bleu Roussillon, de l'inquiétude à la satisfaction.
00:25On va quand même rappeler que même si la participation a été forte,
00:28il y a encore sur les circonscriptions des Pyrénées-Orientales 30% à peu près de personnes qui ne sont pas allées voter.
00:35Est-ce que ces 30% sont encore mobilisables ?
00:37Ou est-ce qu'on considère que ce sont des citoyens qui ont perdu foi en la politique,
00:42qui ne reviendront pas quoi qu'il arrive dimanche prochain ?
00:44C'est à craindre. Vu l'effet de masse et les taux de participation relativement importants pour cette législative,
00:51qui inverse complètement des tendances décénnales.
00:55On n'avait pas vu ceci depuis très très longtemps, depuis les années 70.
00:59Donc probablement que ce lupin électorat qui ne vote pas aujourd'hui ne votera pas demain.
01:06C'est une certitude.
01:07Donc pas une réserve de voix pour la gauche par exemple ?
01:09Très peu. Très très peu.
01:11On a parlé en tout début de votre intervention ce matin de la dynamique du côté du Rassemblement National.
01:18Et vous disiez que cette dynamique elle est partie de très très loin.
01:22Elle remonte à 2012, c'est ça ?
01:24Oui, il faut faire aussi cette analyse.
01:27C'est-à-dire si vous regardez par exemple les parties de droite depuis l'élection de Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen,
01:33qui est quand même un instant clé de la montée du FNRN,
01:37on se rend compte que les parties de droite jusqu'en 2012 font au premier tour des législatives entre 40 et 50%.
01:45A partir de 2012, et notamment après l'échec électoral de Nicolas Sarkozy,
01:52la droite elle descend à 30, à 20, à 10.
01:56Aujourd'hui vous voyez qu'on est exactement dans ce quantum.
02:00Autrement dit, la réalité de la tripartition,
02:02on a souvent parlé de l'éclatement des gauches, on en a dit un mot tout à l'heure,
02:07c'est la disparition de la droite républicaine française.
02:10Elle est en partie avec Éric Ciotti vers l'ERN,
02:15et électoralement elle ne pèse plus, elle disparaît,
02:19alors que l'électorat conservateur, me semble-t-il, est toujours là,
02:22et qu'on a toujours une idée qui domine, c'est que notre temps est quand même très à droite.
02:26Donc on a une situation paradoxale qui fait qu'on n'a jamais été aussi à droite,
02:31mais 100 parties de droite qui puissent exercer ce mandat,
02:34il y a là une curiosité très franco-française.
02:37Vous diriez que c'est Emmanuel Macron ou d'autres qui ont joué sur ce levier du RN
02:42pour se faire élire pendant très longtemps, et qui du coup payent l'addition aujourd'hui,
02:46ou est-ce que c'est vraiment une adhésion totale,
02:48et la nouvelle droite, elle est Rassemblement National, elle est extrême droite ?
02:52Oui, elle constitue cet espoir, parce que les gens,
02:55on le voit bien dans l'attitude consumériste de l'électeur contemporain,
02:59de manière un peu surprenante, disons on ne l'a pas essayé, un peu comme une lessive,
03:03et donc aujourd'hui ces idées nationalistes et populistes,
03:07elles dominent l'électorat, en tout cas l'électorat éligible,
03:12puisque il reste toujours, vous l'avez montré, des électeurs qui peuvent aller voter
03:16pour des centristes de droite, des conservateurs traditionnels, etc.
03:20Donc là encore, on le voit bien, on est dans une montée en puissance,
03:23et effectivement que la classe politique française a joué avec le diable et le feu.
03:27François Mitterrand en 1986, ouvrait à la proportionnelle les législatives
03:32pour faire rentrer Jean-Marie Le Pen dans les pattes de Jacques Chirac,
03:36si vous me permettez l'expression.
03:38Aujourd'hui on est au bout de cette logique-là,
03:40Macron l'a fait aussi.
03:42Souvenez-vous de Nicolas Sarkozy qui disait
03:45on va siphonner le vote de Marine Le Pen, etc.
03:49Aujourd'hui on a exactement l'inverse,
03:51qui est pris, qui croyait prendre quelque part.
03:53Donc il y a globalement, à force de démultiplier ces jeux tactiques,
03:58on a perdu de vue une stratégie globale,
04:00et là globalement les droits de française sont aujourd'hui
04:06de ceux qu'on osait appeler un parti de gouvernement.
04:09Aujourd'hui le RN est devenu un parti de gouvernement.
04:12Si je pousse le raisonnement par rapport à Homère, LR,
04:15ici dans ce département, qu'on entend peu, qu'on n'entend pas même,
04:19pour 2026 ils ont du souci à se faire, pour leur mairie ?
04:23S'ils n'arrivent pas à nouveau à se rassembler,
04:26on va passer d'une logique des fiefs,
04:29des fiefs électoraux qui étaient réservés à la droite,
04:32à ces logiques de bastion RN,
04:35qui risquent d'être très conquérants.
04:37Et donc est-ce qu'il va y avoir là-dessus un effet bascule ?
04:41La première hypothèse c'est de dire oui.
04:43Entre temps le RN peut gouverner,
04:46et montrer ses difficultés ou son incapacité à gouverner,
04:50ce qui fait que les électeurs qui ne sont ni des fidèles du RN,
04:54ni des gens qui votent en adéquation,
04:56mais qui votent aussi plus contre Macron ou contre le système,
05:00que pour le RN,
05:02cet électorat peut à nouveau retourner à la pêche,
05:06le dimanche pour les prochaines élections,
05:08et ça peut à nouveau reconstituer le fil des droites.
05:11Mais les droites doivent à nouveau se rassembler,
05:13c'est une certitude.
05:14Vous le voyez bien avec la gauche,
05:16si elle est fragmentée, elle n'existe pas.
05:18Si elle est unie, elle prend une certaine consistance.
05:21Il est 8h52, Dominique Sistac, notre politologue.
05:24On débriefe avec vous ce premier tour.
05:27On avait Christophe Eusée, il y a une grosse demi-heure,
05:30à ce micro, qui nous disait, non, ce n'est pas la fin du macronisme,
05:33d'ailleurs, je réfute ce terme de macronisme.
05:35Est-ce que quand même, quand on regarde les résultats aujourd'hui,
05:38et potentiellement ce qui va se passer dimanche prochain,
05:41le macronisme tel qu'on l'a connu, il a vécu ?
05:43Ou est-ce qu'il peut rebondir encore, Dominique ?
05:46Le macronisme, c'est-à-dire le centrisme de droite,
05:49le bloc central, peut fonctionner.
05:51Il peut fonctionner avec un Édouard Philippe, par exemple,
05:54qui est assez bankable en termes politiques.
05:56Ce qui me semble être fini, sans faux jeu de mots
05:59et sans porter préjudice à son auteur,
06:02c'est Emmanuel Macron.
06:04Il est dans la phase 3, en fait, de ce dernier mandat.
06:07La phase 1, c'est la conquête de l'élection, il l'a fait deux fois.
06:10Il a gagné deux fois.
06:12La phase 2, c'est le gouvernement, il est plutôt en échec.
06:14Maintenant, il reste la question de l'héritage.
06:17Qu'est-ce qu'il va laisser au pays comme image ?
06:20Est-ce qu'il sera le premier chef d'État
06:22à laisser la France au Rassemblement national ?
06:25Il y a là un enjeu qui est terrible.
06:27On le connaît très bien, ce temps de 3.
06:29Si vous le perdez de vue à un moment donné,
06:31soit vous disparaissez dans les oubliettes de l'histoire politique,
06:34soit vous laissez une image négative.
06:37Aujourd'hui, le risque pour Emmanuel Macron,
06:39c'est d'être ce chef d'État
06:41qui laisse la place pour un parti nationaliste et populiste,
06:46et donc un héritage désastreux,
06:48puisque, vous l'aurez remarqué,
06:50c'est un jeune homme et il a encore possibilité
06:53de faire carrière comme président de l'Union Européenne,
06:55revenir potentiellement après un mandat, etc.
06:59On lui renverra toujours, si c'est le cas,
07:01vous êtes l'homme qui a amené Marine Le Pen au pouvoir.
07:05Une dernière question.
07:06La majorité absolue pour le Rassemblement national,
07:09elle n'est pas acquise à l'heure où on se parle, Dominique Sistac ?
07:13Je dirais qu'ils sont dans la manche,
07:15c'est-à-dire les sondeurs le montrent assez bien.
07:17On a à l'allouche entre 250 et 260 au plus bas,
07:21et potentiellement jusqu'à 300 députés élus.
07:25C'est assez difficile pour le Rassemblement national,
07:29parce qu'il faudrait qu'il soit très nettement en deçà
07:32pour ne pas aller à Matignon.
07:34Et s'ils sont juste aux portes du pouvoir,
07:36un peu moins de 289, puisque c'est le seuil de majorité,
07:40s'ils sont là, ils sont obligés de prendre cette affaire
07:43où on leur reprochera à nouveau le fait d'avoir une majorité,
07:46d'avoir une vague à Rassemblement national,
07:48mais de refuser le gouvernement,
07:50un peu comme le cheval refuserait l'obstacle.
07:52Donc ils sont aussi un peu piégés.
07:54Pour eux, vient le temps numéro 2 de la politique,
07:56le temps du gouvernement, et ça c'est une autre histoire.

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