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ÉducationTranscription
00:00:00Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
00:00:30Bonjour, bonjour à tous les amis de cette petite chaîne.
00:00:38Comme je vous l'avais annoncé, je vais procéder en ce début d'année
00:00:42à quelques entretiens sur la marche du monde.
00:00:46En ce début d'année 2024, je voudrais recueillir l'avis des...
00:00:50Je suis attaqué par une mouche !
00:00:52Je voudrais recueillir l'avis de personnes
00:00:56dont je crois que, justement, l'avis est important
00:00:59sur ce qui peut se passer dans cette année 2024.
00:01:03Alors, attention, ce ne sont pas des prévisions,
00:01:05ce ne sont pas un tirage de cartes,
00:01:08c'est simplement une analyse qui se veut prospective,
00:01:11sachant que l'histoire fait ce qu'elle veut derrière.
00:01:14Donc, simplement, à partir de ces interlocuteurs
00:01:20qui ont fait une analyse, qui ont fait un travail,
00:01:22il y aura Jacques Sapir plus tard dans la semaine,
00:01:24qui ont fait un travail d'analyse, d'objectivation du réel,
00:01:28savoir comment ils pensent que ça va évoluer
00:01:30dans les semaines et dans les mois qui viennent.
00:01:32Alors, je demande à mon ami Slobodan Despot,
00:01:35que vous avez déjà vu sur cette chaîne,
00:01:37on avait fait un entretien il y a quelques mois,
00:01:39qui est un grand spécialiste du monde slave,
00:01:42au-delà du fait d'être un intellectuel de haut de volée,
00:01:46écrivain, éditeur et également homme de presse,
00:01:52il dirige un organe qui s'appelle Antipresse,
00:01:54et puis il est très souvent sollicité dans les médias suisses.
00:01:59Il est d'origine serbe, donc voilà pour le concept.
00:02:03D'abord, je le remercie d'être là,
00:02:05et s'il en est d'accord, je propose qu'on commence.
00:02:09Alors, je voudrais qu'on examine trois choses.
00:02:11D'abord, ce qu'il s'est passé en Serbie
00:02:14avec les élections et la tentative de révolution de couleur,
00:02:19ça a été présenté comme ça,
00:02:20et c'est comme ça que je l'ai ressenti,
00:02:22qui a un peu agité la Serbie pendant quelques jours.
00:02:27Ensuite, comment il voit l'évolution de la guerre en Europe centrale
00:02:33et les rapports entre la Russie et l'Europe de l'Ouest,
00:02:37parce que je crois que sa connaissance, justement,
00:02:40importante du monde slave,
00:02:42lui donne quelques considérations qui peuvent être très intéressantes.
00:02:46Et puis enfin, la marche du monde.
00:02:49Où va le monde dans son affrontement légèrement entre l'Occident en déclin,
00:02:56comme le dit, et il est sur toutes les chaînes,
00:02:59comme le dit Emmanuel Todd, déclin de l'Occident,
00:03:03je suis en train de lire son livre,
00:03:04mais c'est assez amusant de voir la réaction des médias,
00:03:09c'est que si c'est Todd qui dit l'Occident va se casser la figure,
00:03:15tout le monde panique, ce que je trouve un bon réflexe.
00:03:18Sauf à ne pas transformer cette panique en volonté de faire des bêtises.
00:03:24Donc voilà, ce serait sur la marche du monde,
00:03:28et où peut aller cet affrontement qui constitue pour moi,
00:03:34je l'avais dit assez tôt, j'en suis fier,
00:03:36je le répète souvent, Slobodan,
00:03:38je l'avais dit, je crois le 25 ou le 26 février 2022,
00:03:41j'avais dit c'est une page historique de 5 siècles qui se tourne,
00:03:44qui va se tourner.
00:03:46Bon, je suis très content qu'il y ait d'autres gens qui le disent aujourd'hui,
00:03:49alors je ne suis pas tout seul à le dire, bien sûr.
00:03:51Voilà, mon cher Slobodan, je te passe la parole.
00:03:55Mon cher Régis, je ne sais pas par où commencer,
00:03:59parce qu'on l'a déjà tous vu,
00:04:02cette année 2024 a démarré très fort, en trombe,
00:04:08et puis d'autre part, tu proposes là d'ouvrir des sujets
00:04:12qui sont des sujets épochaux, épochals, comme dirait nos amis allemands,
00:04:17c'est-à-dire que nous sommes témoins,
00:04:22quelques fois protagonistes, témoins, chroniqueurs, analystes,
00:04:25d'un moment tout à fait exceptionnel, à mon avis,
00:04:28de l'histoire contemporaine, de l'histoire humaine tout court,
00:04:32et nous assistons à une véritable bascule des mondes,
00:04:37au passage d'un monde qui était, malgré tout,
00:04:45hiérarchisé autour des puissances et des valeurs occidentales,
00:04:50vers un monde qui sera multipolaire, qu'est-ce que ça veut dire ?
00:04:55Mais qui, en tout cas, va être un monde de tensions et de blocs
00:05:02qui vont faire concurrence à ce modèle occidental,
00:05:07qui est un modèle pas seulement politique ou économique,
00:05:09c'est un modèle anthropologique, c'est une idée de l'être humain,
00:05:12c'est une idée de la société, c'est une idée de la réalité même,
00:05:16que l'Occident a essayé d'imposer, qu'il a réussi à imposer
00:05:19pendant plusieurs siècles sur la planète entière,
00:05:21et qui est en train aujourd'hui de simplement se décomposer sous nos yeux.
00:05:25Donc, nous voulions commencer, je crois, par les événements de Serbie,
00:05:31puisqu'on prend l'actualité, puis après on élargit au général, n'est-ce pas ?
00:05:36C'était bien ça.
00:05:37– Les événements de Serbie qui sont un symptôme,
00:05:40qui sont un symptôme de ce que tu viens de décrire,
00:05:43c'est-à-dire ce tremblement d'histoire.
00:05:45Quand tu dis que c'est un événement historique extraordinaire,
00:05:49je m'en réfère à la remarque de Xi Jinping sur le perron du Kremlin
00:05:56lorsqu'il est venu en voyage, tout ça était très organisé,
00:05:59comme par hasard, les caméras étaient là,
00:06:01comme par hasard, il y avait l'interprète qui était là.
00:06:03Et on a entendu Xi dire, nous sommes confrontés à un changement
00:06:09que l'on n'a pas vu depuis un siècle,
00:06:11« Prenez soin de vous mon ami », a-t-il dit à ce moment-là à Poutine,
00:06:15ce qui en disait énormément.
00:06:17Personnellement, je pense que c'est un changement qu'on n'a pas connu depuis 500 ans,
00:06:21ça je crois, et je regardais hier sur Arte, je le reconseille à mes auditeurs,
00:06:28le documentaire en quatre parties de François de Ribérol sur Magellan,
00:06:34qui était la période de la conquête, de la deuxième mondialisation occidentale
00:06:40après celle de l'Empire romain,
00:06:42et bien c'est cette phase-là qui avait été enclenchée par l'Occident
00:06:48qui est en train de se refermer.
00:06:50Je n'ai pas dit se terminer, je dis bien se refermer.
00:06:52Non, non, c'est clair.
00:06:54Donc, nos amis serbes, ils ont été confrontés à un spasme
00:07:00qui ne tombe pas du ciel par hasard ?
00:07:03Non, c'est un petit peu, si l'on veut, un spasme de la queue du dragon qui se meurt, n'est-ce pas ?
00:07:12Pour m'exprimer à la manière de nos amis orientaux.
00:07:15Qu'est-ce qui se passe en Serbie ?
00:07:16Évidemment, il y a eu des élections le 17 décembre,
00:07:21qui ont été contestées par l'opposition,
00:07:25des élections qui ont donné les pleins pouvoirs,
00:07:28qui ont rendu, qui ont confirmé la domination du pouvoir dit progressiste
00:07:34du président Aleksandar Vucic sur le pays et sur la ville de Belgrade.
00:07:40Or, il était pratiquement entendu, en tout cas on supposait,
00:07:44que l'opposition, donc l'opposition pro-occidentale,
00:07:47devait remporter la ville de Belgrade.
00:07:50Et là, Serbie a cette particularité, comme on le sait,
00:07:53un petit peu comme d'autres petits pays d'Europe,
00:07:57comme l'Autriche, par exemple, ou comme la Hongrie,
00:08:00d'être essentiellement une grosse capitale avec un arrière-pays.
00:08:03Donc, tenir Belgrade, c'est un peu tenir le pays aussi.
00:08:07Or, non, le résultat des élections n'a pas été favorable à l'opposition,
00:08:13qui a, évidemment, qui est descendu dans la rue
00:08:16en disant que les élections avaient été truquées.
00:08:19Mais, dans ce domaine, je dois dire, de manière dépassionnée,
00:08:23que cette opposition serbe ne fait pas preuve
00:08:28d'une très grande habileté, ni d'une très grande intelligence,
00:08:31parce qu'elle avait décrété que les élections seraient truquées à l'avance.
00:08:36Alors, n'est-ce pas, quand vous partez avec l'a priori
00:08:39que les élections ont été truquées, puis que vous dites,
00:08:41après, les élections ont été truquées,
00:08:44en fait, vous avez autorisé, si vous voulez,
00:08:46vous avez autorisé le pouvoir à truquer les élections,
00:08:48parce que, de toute façon, personne ne va vous prendre au sérieux.
00:08:50On sait que votre attitude, c'est que les élections ne sont pas régulières.
00:08:55Pourquoi vous y avez participé, à ce moment-là,
00:08:57si, a priori, elles n'étaient pas régulières ?
00:08:59Donc, l'argument n'est pas très bon.
00:09:02Ce qui s'est passé, sous le fond, on ne peut même pas y entrer,
00:09:05ce n'est pas la peine, maintenant, aujourd'hui,
00:09:07on est dans une époque de gestion des perceptions, n'est-ce pas ?
00:09:11On a le même problème avec toutes les élections.
00:09:13Vous voyez, aux États-Unis, aujourd'hui encore,
00:09:16une grande partie des républicains croient que, pensent,
00:09:19avec des arguments, d'ailleurs, que les élections de 2020 ont été volées.
00:09:23Bon, on a…
00:09:24C'est mon opinion, ce modane.
00:09:27Oui, j'ai suivi, effectivement, les péripéties.
00:09:32Toutes les affaires américaines, intérieures,
00:09:35sont extraordinairement tordues, compliquées, juridiques,
00:09:40ce n'est pas toi qui je vais l'apprendre,
00:09:42avec une pensée juridique qui est beaucoup plus…
00:09:45Différente, très exotique par rapport à la nôtre.
00:09:47Donc, c'est difficile de s'orienter, mais…
00:09:50En tout cas, ce que je voulais dire, elles n'ont pas été régulières,
00:09:53c'est-à-dire pas nécessairement de la fraude.
00:09:55Il y a eu de la fraude, il y a eu des fraudes massives,
00:09:58mais c'est un système où il y avait 7 millions de voix de retard pour Trump, théorique.
00:10:03Mais en fait, il a perdu l'élection de 30 000 voix,
00:10:06avec le système des grands électeurs.
00:10:08Et c'est clairement sur ces swing states que les manipulations ont été organisées.
00:10:14Et de la même façon, c'est une question qui me tient à cœur,
00:10:17j'ai écrit trois livres sur le droit électoral français,
00:10:19je peux dire que si jamais des élections chez nous se déroulaient
00:10:22comme elles se déroulent aux États-Unis,
00:10:24elles seraient instantanément annulées.
00:10:26Donc, oui, il y a eu un vrai problème et une énorme frustration.
00:10:32Donc, la sincérité du scrutin en système libéral est fondamentale.
00:10:39C'est-à-dire que pour qu'on accepte que la majorité, aussi faible soit-elle, gouverne,
00:10:44il faut que son arrivée au pouvoir ait été régulière et que le scrutin ait été sincère.
00:10:49Si le scrutin ne l'est pas, ça empêche le système de fonctionner
00:10:53puisque ça prive la majorité de légitimité.
00:10:56C'est en ça que ce que tu dis, que j'ignorais, je te repasse la parole,
00:10:59que le fait de disqualifier les élections à l'avance rend le débat post-élection difficile.
00:11:07À mon avis, j'ai fait dans ma vie tout sort de choses, j'ai été aussi communicateur politique.
00:11:12Je n'ai jamais fait de la politique, mais j'étais communicateur pour la politique.
00:11:16Et à mon avis, c'est du point de vue de la rhétorique, de la stratégie de communication,
00:11:22c'est la chose la plus stupide à faire.
00:11:24Si vous décrêtez par avance que les élections sont truquées,
00:11:27si elles ne le sont pas, il faut vraiment avoir un appareil médiatique de propagande extrêmement fort
00:11:35pour faire admettre votre point de vue, ou alors pousser à la violence,
00:11:39comme cela se fait dans les révolutions colorées,
00:11:41ou alors, même s'il y a eu des élections, des irrégularités de la part du pouvoir, des vainqueurs,
00:11:50le pouvoir va dire, mais de toute façon, c'était votre point de départ,
00:11:55vous l'avez décrété tout de suite, donc on ne vous écoute plus.
00:11:58Donc, il fallait partir du postulat que les élections seraient correctes,
00:12:01et puis si on avait des preuves d'irrégularité, les faire valoir.
00:12:04Mais ce n'était pas du tout le but.
00:12:05Le but était de faire descendre la foule dans la rue.
00:12:08Et le but était de prendre l'Assemblée municipale de Belgrade
00:12:13et de répéter à une échelle un peu plus modeste, évidemment,
00:12:18le coup du Maïdan de 2014 en Ukraine.
00:12:22Cela n'a pas marché, et alors, les commentaires que j'ai vus,
00:12:28c'est qu'il s'agissait, et je pense que c'est une illusion qu'il faudrait dissiper,
00:12:33j'ai vu des commentaires, notamment dans les milieux dissidents en Occident,
00:12:38pas dans les médias de Grand Chemin, mais, enfin si, également dans les médias de Grand Chemin.
00:12:44Sur ce point-là, ils étaient d'accord.
00:12:47C'était qu'on avait un pouvoir qui était un pouvoir grosso modo autoritaire,
00:12:53réactionnaire et pro-russe, qui était contesté par une opposition libérale,
00:13:00démocratique, pro-occidentale, pro-Union européenne.
00:13:04Un peu à la manière du Maïdan, n'est-ce pas, de 2013-2014.
00:13:10Eh bien, les médias de Grand Chemin, aussi bien que les dissidents,
00:13:17se trompent légèrement.
00:13:19Parce que c'est un jeu où les intérêts occidentaux sont des deux côtés.
00:13:26Le pouvoir qui est à Belgrade n'est pas analogue au pouvoir, je ne sais pas,
00:13:31de Loukachenko en Biélorussie, qui est solidement arrimé à la Russie,
00:13:38et qui est stratégiquement soutenu par la Russie.
00:13:41Ce n'est même pas analogue au pouvoir d'Orban en Hongrie,
00:13:45qui a une position extrêmement souveraine, extrêmement libre,
00:13:54par rapport à l'Union européenne, alors même que la Hongrie en est membre,
00:13:59et que la Serbie ne l'est pas.
00:14:01En Serbie, on a un système qui dépend, dans une mesure considérable,
00:14:07du bloc occidental.
00:14:10Évidemment qu'il y a des accords gaziers, et tout le système énergétique
00:14:16qui est contrôlé par les Russes.
00:14:18C'est vrai que la Serbie est une plaque tournante, un point névralgique
00:14:28pour la livraison du gaz dans le sud de l'Europe,
00:14:32qui a des conditions privilégiées pour ses livraisons de gaz avec la Russie,
00:14:37que l'opinion publique soutient la Russie à 95%, c'est absolument clair.
00:14:44Il n'y a qu'à voir les banderoles qu'on déroule dans les stades de foot
00:14:48à chaque match.
00:14:49La semaine dernière, c'était une banderole.
00:14:54Belgorod, nous sommes avec nous, puisque les Ukrainiens avaient bombardé
00:14:57la ville de Belgorod pour Noël, comme on s'en souvient.
00:15:01Donc l'opinion est très largement du côté russe.
00:15:05Le pouvoir est un pouvoir qui est venu à la suite d'un régime
00:15:12qu'on appelait les Jaunes, qui était un régime ouvertement
00:15:16et très caricaturalement pro-européen,
00:15:20lequel était lui-même issu du renversement de Slobodan Milosevic,
00:15:25du président Milosevic en l'an 2000, par une révolution colorée.
00:15:29D'ailleurs, le prototype des nouvelles révolutions colorées,
00:15:32à tel point que les organisateurs de cette révolution,
00:15:34du mouvement Haute Porte, sont devenus les professeurs
00:15:36de révolutions colorées des Ukrainiens partout dans le monde.
00:15:41On les promène partout. Dès que vous les voyez apparaître,
00:15:44ces gens-là, ces Serbes, dans un pays d'Amérique du Sud,
00:15:49en Gérangie ou je ne sais pas où, vous savez qu'il y a quelque chose
00:15:53qui mijote. Et maintenant, ils ont repris du service chez eux
00:15:56pour essayer, aurait-on l'impression, de renverser le pouvoir de Vucic.
00:16:03C'est un peu plus compliqué que ça. Ces gens sont effectivement
00:16:06contrôlés par les services occidentaux, mais le pouvoir actuellement
00:16:10à Belgrade l'est aussi très largement. En tout cas, il est dépendant.
00:16:14Il ne peut pas avoir la désinvolture d'un Orban par rapport aux Occidentaux.
00:16:20Il y a beaucoup de raisons à cela, je ne peux pas y entrer maintenant.
00:16:23Notamment le fait que l'économie serbe dépend beaucoup du travail
00:16:27des Serbes dans les pays de l'Union européenne et que la simple introduction
00:16:31d'un régime de visa serait à un coût extraordinairement dur
00:16:34pour l'économie serbe. Par exemple ça.
00:16:37Et puis il y a évidemment le chantage au Kosovo.
00:16:40C'est-à-dire que tous les régimes serbes depuis la chute de Milosevic
00:16:46ont comme mission première, du point de vue des Occidentaux,
00:16:51ils n'ont qu'une seule mission, c'est de reconnaître l'indépendance du Kosovo.
00:16:55Parce que le jour où la Serbie reconnaît l'indépendance du Kosovo,
00:16:58toutes les oppositions, celle de la Russie, de la moitié des États de la planète,
00:17:02mais également de certains États de l'Union européenne comme l'Espagne,
00:17:06ces oppositions tombent.
00:17:08Si la Serbie accepte elle-même de se départir de son noyau historique
00:17:15qui lui a été arraché au fond par une opération militaire en 1999,
00:17:20à ce moment-là tout tombe.
00:17:22Et bien aujourd'hui on le sait que pour faire pression sur ce gouvernement
00:17:27qui traîne les pieds, qui n'accomplit pas cette mission fondamentale,
00:17:32qui ne signe pas définitivement, même s'il s'en rapproche,
00:17:36la reconnaissance du Kosovo, qu'est-ce qu'on fait ?
00:17:39On provoque des troubles au Kosovo même,
00:17:42avec de la répression policière, avec des arrestations,
00:17:45ou alors on lui met l'opposition dans la rue en disant
00:17:48attention, la prochaine fois ça va être sérieux.
00:17:51Et cette fois-ci à mon avis on n'est pas allé jusqu'au bout.
00:17:55Très intéressant.
00:17:57Effectivement sur ce modèle, ce modèle des révolutions de couleur
00:18:01qui s'affine, parce que ce que tu nous dis c'est un avertissement en fait.
00:18:07Ça n'a pas été mené jusqu'au bout et c'était pour faire entre guillemets
00:18:14rentrer Vucic dans le rang.
00:18:16Moi j'ai vu, y compris les Français paraît-il, ont fait pression sur lui,
00:18:21pas le nouveau, pas M. Séjourné, j'espère te freliquer,
00:18:27qu'on a mis comme ministre des Affaires étrangères en France
00:18:30pour aller affronter Lavrov ou le nouveau, enfin le nouveau,
00:18:35l'ancien redevenu nouveau ministre des Affaires étrangères de Chine.
00:18:39Bon, pour ne citer que ces deux-là.
00:18:41Bien, donc non, c'est effectivement très intéressant,
00:18:44c'est qu'effectivement le fait que l'Empire soit sur la défensive,
00:18:50n'empêche pas qu'il a des moyens et qu'il continue,
00:18:54et qu'il continue à agir, à faire un certain nombre de choses.
00:18:57Alors on peut être, je veux dire, surpris de la façon dont il mène
00:19:03les choses dans le détroit de Bab-el-Mandeb,
00:19:06où un régime, c'est même pas, enfin c'est une partie du régime yéménite
00:19:12le met en échec, parce que c'est assez terrible ce qui est en train de se passer
00:19:15pour l'Empire, pour l'Empire, on ne sait pas ce que ça va donner.
00:19:18Non, non, il peut être en échec ici, là, mais il garde pas mal de cartes
00:19:24et puis il a quand même des moyens.
00:19:26Il n'a plus, et c'est là où je voudrais recueillir mon avis,
00:19:30il n'a plus les moyens, la force de projection militaire qu'il avait auparavant.
00:19:35Et ça, je t'ai entendu, je sais que nous partageons des analyses,
00:19:39d'abord sur le déclenchement du conflit, une vision holistique un petit peu,
00:19:44c'est que ça n'a pas commencé, tout comme le conflit israélo-palestinien
00:19:48n'a pas commencé le 7 octobre, le conflit entre la Russie et l'Occident,
00:19:54parce que c'est de ça qu'il s'agit, et les États-Unis et l'OTAN en particulier,
00:19:57n'a pas commencé le 24 février 2022.
00:20:02Donc, aujourd'hui, où en est-on ? Parce qu'on entend beaucoup de choses.
00:20:10Je constate que les Américains, pour l'instant,
00:20:13ils n'ont plus les moyens d'envoyer de l'argent.
00:20:15Kirby dit qu'on n'a plus d'argent, et puis surtout,
00:20:17ils ont un blocage au Congrès qui est essentiel,
00:20:20on est en période électorale en plus, et sur le plan du matériel,
00:20:26sur le plan militaire, on est à l'os.
00:20:29Et les pauvres Ukrainiens, je dis les pauvres Ukrainiens
00:20:32parce que les Preslavs, ils se font défoncer,
00:20:34je rappelle que Poutine a dit dans sa fameuse conférence à l'hôpital
00:20:40devant les soldats blessés, il a dit,
00:20:42je n'appellerai pas les Ukrainiens des ennemis, ce sont nos adversaires,
00:20:46les ennemis, ce sont l'OTAN et l'Occident.
00:20:48Bien, donc, comment est-ce que tu vois la façon dont ça peut évoluer
00:20:54à partir de ce constat dans l'année qui vient ?
00:20:58Alors, tout d'abord, je veux te dire une chose,
00:21:01c'est que notre manière à l'antipresse de considérer cette crise
00:21:08correspond bien à cette volonté holistique dont tu viens de me faire part.
00:21:17Nous écrivons, nous chroniquons les événements d'Europe de l'Est
00:21:23depuis que nous existons, depuis huit ans,
00:21:25nous avons une attention très particulière pour l'Europe de l'Est et la Russie
00:21:30parce que j'ai toujours pensé,
00:21:32ayant quand même beaucoup travaillé dans la culture,
00:21:38dans la littérature et dans la pensée russe,
00:21:41puisque j'ai été notamment traducteur d'Alexandre Zinoviev,
00:21:44j'ai toujours pensé que notre destin d'Européen
00:21:49allait se jouer dans notre relation avec la Russie.
00:21:52Ce n'est pas notre relation avec les États-Unis,
00:21:54c'est notre relation avec la Russie qui va être déterminante,
00:21:57au sens où la relation de l'Europe avec la Russie
00:22:01peut être une relation, je dirais, égale,
00:22:06au sens, avec une parité d'intérêts,
00:22:10avec une équité entre les deux parties,
00:22:14comme les Allemands ont essayé d'établir à l'époque de Schröder,
00:22:20notamment avec la Russie.
00:22:24En revanche, la relation de l'Europe avec les États-Unis
00:22:28ne peut être qu'une relation de vassalité pour mille raisons,
00:22:31notamment le fait que les États-Unis ne peuvent reconnaître que des vassaux,
00:22:36ce qui n'est pas le cas de la Russie.
00:22:38D'ailleurs, on voit très bien dans ses rapports avec le reste du monde
00:22:41que la Russie est extrêmement attentive à toutes ces choses.
00:22:47Et donc, cette situation dans laquelle on se trouve,
00:22:55ça fait longtemps que nous l'étudions.
00:22:59Et en 2014, j'ai publié un texte qui a fait beaucoup de bruit,
00:23:05qui est passé dans Causer, qui est passé dans plusieurs endroits,
00:23:08qui s'intitulait Le syndrome Tolstoyevski,
00:23:12et où je disais, que je commençais en disant
00:23:15que le problème de l'Occident vis-à-vis de la Russie
00:23:19ne tient pas dans un manque de volonté de savoir,
00:23:24mais dans un excédent de volonté d'ignorer.
00:23:27C'est-à-dire qu'on ne veut pas savoir ce qui se passe,
00:23:30ce qu'est la Russie.
00:23:32On ne veut pas savoir ce qu'elle veut, ce qu'elle pense,
00:23:37comment elle sent les choses,
00:23:40où sont ses frontières, où sont ses lignes rouges.
00:23:43À chaque fois, on s'en moque.
00:23:44Et ça, ça date de 2014.
00:23:46C'est juste après le coup d'État en Ukraine,
00:23:50parce que j'avais senti que ce coup d'État allait faire
00:23:53une boule de neige qui aboutirait à un conflit très grave.
00:23:56Depuis le début de ce conflit, le 24 février,
00:23:59nous avons consacré, je pense, une cinquantaine d'articles
00:24:04sûrs à cette affaire, mais justement pas seulement
00:24:09du point de vue militaire et stratégique,
00:24:11aussi du point de vue militaire et stratégique,
00:24:13mais également du point de vue culturel, économique,
00:24:17généralement anthropologique.
00:24:19Et où est-ce que je veux en venir ?
00:24:22Je veux en venir à ceci.
00:24:23C'est qu'il était absolument clair, dès le début,
00:24:26et nous l'avons dit, nous l'avons écrit,
00:24:30qu'on ne pouvait pas escompter défaire la Russie
00:24:35dans sa basse cour.
00:24:37La Russie avait adressé à l'Occident,
00:24:40on s'en souvient, ou plutôt la plupart essaient
00:24:42de ne pas s'en souvenir, avait adressé à l'automne 2021,
00:24:46notamment en décembre, un ultimatum extrêmement sérieux.
00:24:50Il y avait un changement de ton chez Poutine
00:24:53qui est extrêmement réservé.
00:24:55Il aime la litotte, Poutine.
00:24:57Ce n'est pas quelqu'un qui tape sur la table,
00:24:58ce n'est pas Khrushchev.
00:24:59C'est quelqu'un qui est très retenu dans ses propos.
00:25:02Mais lorsqu'il a écrit au chef de l'OTAN et à Washington,
00:25:06en disant, nous voulons des garanties de sécurité concernant,
00:25:09notamment la situation de l'Ukraine,
00:25:13et qu'on a jeté sa lettre à la poubelle en se moquant de lui,
00:25:17je me suis dit, ça ne va pas bien se terminer cet histoire.
00:25:20Parce que là, il est sérieux.
00:25:23Il est aussi sérieux que lorsqu'il a présenté
00:25:26les nouvelles armes en 2018 et qu'il a dit,
00:25:28regardez ce que nous avons, maintenant on va nous écouter.
00:25:31On ne les a pas écoutées.
00:25:34Maintenant, aujourd'hui, c'est absolument fascinant.
00:25:37Je prends cet exemple, puisque tu as commencé par la question des armements.
00:25:41C'est vrai que la guerre d'Ukraine a mis à nu un fait
00:25:47qui était latent, que certains percevaient,
00:25:50mais qui n'était pas de notoriété publique.
00:25:53C'est que l'Occident n'a plus d'industrie.
00:25:55J'y reviens.
00:25:59Lorsque les Russes ont annoncé qu'ils avaient des missiles hypersoniques,
00:26:04l'Occident a dit, ce sont des effets de manche.
00:26:07Peut-être qu'ils expérimentent avec des missiles hypersoniques.
00:26:11Parce que nous, nous-mêmes, les Occidentaux, les Américains,
00:26:14on n'a jamais réussi à faire partir un missile hypersonique
00:26:17et lui faire toucher une cible. Jamais.
00:26:19Donc eux ne peuvent pas faire mieux que nous.
00:26:21Donc ce sont des effets de manche.
00:26:23Et puis quand ils ont commencé à détruire des cibles effectivement
00:26:26avec des hypersoniques, avec des Kinzhal en Ukraine,
00:26:31les Ukrainiens, qui sont pilotés évidemment par l'appareil de propagande américain,
00:26:38ont dit mais ça fait rien, nous les détruisons tous.
00:26:41Donc ça veut dire qu'ils les ont, évidemment qu'ils ne les détruisent pas.
00:26:44C'est fascinant quand même.
00:26:48Donc la suprématie technologique et militaire de la Russie
00:26:53est un fait qui est maintenant établi.
00:26:56Cette suprématie en plus, elle est irradiante.
00:27:00Elle n'est pas seulement celle de la Russie.
00:27:02Il y a une coopération militaire entre la Russie et la Chine.
00:27:05La Russie et la Corée du Nord.
00:27:06La Russie et l'Iran, qui est extrêmement importante,
00:27:08qui est bilatérale, puisque notamment la Russie a repris ses drones,
00:27:14qui est un très bon marché, très efficace, iranien pour les perfectionner un peu
00:27:18et faire des ravages de nouveau contre l'OTAN en Ukraine.
00:27:24Et on voit aussi que le problème lancinant et spectaculaire maintenant
00:27:30de la désindustrialisation occidentale,
00:27:32qui est aussi une désindustrialisation militaire,
00:27:35est en train de causer des catastrophes en cascade.
00:27:39L'une de ces catastrophes, puisque nous avons maintenant
00:27:42les yeux rivés sur le Proche-Orient,
00:27:45l'une de ces catastrophes, c'était que,
00:27:48on s'en souvient, c'est de nouveau dans la péninsule arabique,
00:27:51à un moment donné, les outils ont réussi à cibler sans aucun problème
00:27:56les champs de pétrole saoudiens, avec des drones.
00:28:00Les Saoudiens se sont rendus compte que les batteries de missiles
00:28:03très coûteuses, patriotes, que leur vendaient les Américains
00:28:06comme une arme miracle, ne les protégeaient pas.
00:28:10Que les outils pouvaient recevoir de l'Iran tous les drones qu'ils voulaient
00:28:13et tous les missiles qu'ils voulaient.
00:28:15Et donc qu'ils étaient à nu.
00:28:17Les Saoudiens n'avaient plus de protecteurs.
00:28:20La gagneuse n'avait plus de macro.
00:28:23Mais oui, parce que c'est simple, elle a changé de macro.
00:28:29L'Arabie saoudite était sous l'aile des États-Unis depuis Roosevelt.
00:28:34C'était un pacte.
00:28:36Nous vous prenons votre pétrole et nous vous assurons la protection
00:28:40à partir du moment où ils ont vu que…
00:28:42J'ajoute, Slobodan, le pétrodollar.
00:28:46Et le pétrodollar.
00:28:47Qui est fondamental.
00:28:49Toute la suprématie américaine de l'après-guerre,
00:28:54le passage des monnaies or vers une monnaie de papier,
00:28:59une monnaie de confiance, au fond.
00:29:05Il faut y croire.
00:29:07Son seul argument, c'était que tout le marché du pétrole se fait en dollars.
00:29:15Maintenant, tout le monde en sort.
00:29:17L'Arabie saoudite sort du giron américain.
00:29:19Elle fait la paix avec l'Iran, grâce d'ailleurs à l'entremise chinoise.
00:29:23Et ça, quand ceci est survenu l'année dernière,
00:29:27je me suis dit, mais comment se fait-il
00:29:29qu'ici, chez nous, en Europe, en France,
00:29:31personne ne comprend l'ampleur de ce désastre ?
00:29:35Enfin, de ce désastre.
00:29:37De cette bascule tectonique.
00:29:39C'est énorme.
00:29:41C'est fini.
00:29:42On ne rigole plus avec ces gens-là.
00:29:44On ne peut plus les traiter comme on les a traités.
00:29:46Et maintenant, on voit avec le simple…
00:29:50C'est pas simple, mais enfin, avec le problème qu'on a en Mer Rouge,
00:29:53vous pouvez avoir des flottes de porte-avions
00:29:58coûtant des centaines de milliards,
00:30:01avec des armes extrêmement sophistiquées,
00:30:03très jolies, dans la boutique,
00:30:05et qui sont vendues très cher aux alliés des Américains.
00:30:09Mais le fait est qu'ils sont complètement impuissants
00:30:13face à l'un des pays les plus pauvres du monde.
00:30:16Tout le monde le voit.
00:30:18Tout le monde l'observe.
00:30:19Et tout le monde est en train de regarder
00:30:22quelles seront les alliances de demain.
00:30:24Alors ça, c'est le modèle.
00:30:26C'est le modèle de l'intervention américaine,
00:30:31le gendarme du monde.
00:30:32J'ai appris que dans le famineux budget militaire des États-Unis,
00:30:3760% étaient des dépenses de fonctionnement.
00:30:40C'est-à-dire qu'ils ont des gendarmeries aux quatre coins du monde
00:30:44qui leur coûtent une fortune,
00:30:45mais ils n'ont plus de soldats pour les mettre,
00:30:49puisque Gérald Ford a dû s'en aller
00:30:52parce qu'il semble qu'il était abîmé par les tirs outils.
00:30:56La presse n'en parle pas.
00:30:58Je ne sais pas très bien.
00:31:00De toute façon, peu importe.
00:31:02Un Kinjal, et c'est une baignoire en fer au fond de l'eau.
00:31:05Aujourd'hui, je ne sais plus, je crois que c'est Douglas McGregor
00:31:09qui dit qu'il n'y a plus que deux sortes de vaisseaux,
00:31:12les sous-marins et les baignoires en fer au fond de l'eau.
00:31:15Donc il lui manquait 800 marins au Gérald Ford,
00:31:18800 marins pour pouvoir être dans sa configuration normale.
00:31:22Alors tu pointes quelque chose que peut-être en Europe de l'Ouest,
00:31:27on a eu du mal à intégrer.
00:31:30Alors là, je parle de moi,
00:31:31parce que c'est l'ampleur de la désindustrialisation.
00:31:35Je sais, en France, donc je proteste
00:31:38sur les stratégies des gouvernements français,
00:31:41sur le démantèlement d'un certain nombre de nos filières.
00:31:44Mais quand on voit la part industrielle dans notre PIB,
00:31:48c'est vertigineux, mais même aux États-Unis.
00:31:51C'est-à-dire que, comme le disait le camarade Lénine,
00:31:54ils nous donneront la corde pour les pendre.
00:31:57C'est-à-dire qu'on a délocalisé,
00:31:59on a fait faire le boulot manufacturier ailleurs,
00:32:05dans les pays où il nous coûtait moins cher,
00:32:07on s'est financiarisé.
00:32:10Alors que ceux qui, justement, ont été les manufactures,
00:32:14ont été les ateliers, disent non, terminé,
00:32:17on ne fonctionne plus comme ça.
00:32:20Et donc, pour l'armement américain,
00:32:24alors quand je lis des choses, je me dis,
00:32:26mais attends, ils vont trop loin là, peut-être,
00:32:28mais ce n'est pas à ce niveau-là.
00:32:31Et si, c'est-à-dire que d'abord, la formation,
00:32:34il n'y a plus d'ingénieurs, on n'en forme plus.
00:32:36Le rapport du nombre d'ingénieurs formés en Russie
00:32:38et formés aux États-Unis, c'est…
00:32:40Alors, sauf que les États-Unis arrivent à les importer.
00:32:43Ils sont formés ailleurs et ils les récupèrent.
00:32:46Comme faisaient les Allemands, d'ailleurs.
00:32:48Et les chaînes d'approvisionnement,
00:32:52les systèmes de sous-traitance qui sont indispensables
00:32:55à une véritable industrie, n'existent plus aux États-Unis.
00:32:58Alors, comme en plus, ils ont un système d'achat
00:33:01qui est un système d'appel d'offres, strictement,
00:33:04alors qu'en Russie, ce sont des sociétés d'États.
00:33:07C'est l'État qui donne les ordres.
00:33:09Le système d'appel d'offres qui est corrompu jusqu'à l'os,
00:33:11ça, c'est le système américain,
00:33:14c'est absolument effarant.
00:33:16Et donc, là, il y a un vrai problème.
00:33:19Alors, je reviens, justement, sur ce qui va se passer maintenant,
00:33:23parce que les Russes, manifestement,
00:33:28et là, je te pose la question,
00:33:30ont choisi une stratégie d'attrition,
00:33:32c'est-à-dire une guerre d'usure.
00:33:34Ils veulent broyer la machine ukrainienne,
00:33:37la démilitariser de cette façon-là.
00:33:39Ils font toujours ça, me semble-t-il, avec une main dans le dos.
00:33:42Mais maintenant, qu'est-ce qui peut se passer ?
00:33:47Bon, alors, je sais que tu es à l'écoute de tout ce qui se passe là-bas.
00:33:52Est-ce qu'on peut envisager une volonté de donner un coup d'épaule
00:33:55après l'élection présidentielle,
00:33:57qui a lieu le 17 mars, je crois,
00:33:59ou quelque chose comme ça, le présidentiel en Russie ?
00:34:02Ou bien est-ce qu'ils vont continuer ce travail ?
00:34:05Parce que, il faut reconnaître que ça peut les arranger,
00:34:09les Russes, de prendre leur temps.
00:34:11C'est-à-dire qu'ils continuent à user l'OTAN,
00:34:17à user l'Occident, à user l'UE,
00:34:19en espérant ou en prévoyant qu'elles se disloquent.
00:34:23Qu'est-ce que tu penses du choix stratégique ?
00:34:26Je donne un coup de pied ou bien je continue à broyer ?
00:34:32Eh bien, évidemment, je ne suis pas Madame Soleil
00:34:35et je n'ai pas mes entrées à l'état-major de l'armée russe, bien entendu.
00:34:41Tu n'es pas un ami de Gerasimov ? J'aurais cru.
00:34:44Je pense que les amis de Gerasimov n'en savent pas plus que nous.
00:34:47Donc, il n'y a pas beaucoup de fuites chez eux.
00:34:52Ils ne sont pas très bavards.
00:34:54C'est à la référence, d'ailleurs, des Ukrainiens qui avaient annoncé
00:34:56le plan de leur fameuse contre-offensive de 2023,
00:34:59jusqu'au dernier détail, avant d'essayer de l'entreprendre.
00:35:02Donc, ils étaient attendus là où ils avaient annoncé qu'ils allaient.
00:35:05C'est d'une bêtise absolument somptueuse.
00:35:08Mais enfin bon, une chose que je voudrais remarquer
00:35:14à propos de ce déséquilibre industriel
00:35:18qui est fondamental dans cette confrontation,
00:35:22non seulement on a plus d'ingénieurs qui sont formés aujourd'hui en Russie
00:35:27qu'aux États-Unis, alors que le pays a deux fois moins d'habitants,
00:35:30grosso modo, on a encore beaucoup plus d'ingénieurs qui sont formés
00:35:34en Inde ou en Chine.
00:35:36Les Indiens sont très souvent importés aux États-Unis, c'est vrai.
00:35:40Mais il y a aussi quelque chose derrière qui nous donne
00:35:45des indications plus profondes sur le tissu de ces sociétés.
00:35:49J'étais l'été dernier en Russie et lors d'un voyage en train,
00:35:53j'ai fait la connaissance d'un jeune étudiant qui était Tatar d'ailleurs,
00:35:56qui était un Russien, pas un Russe, mais un Russien,
00:36:01passeport russe, nationalité Tatar,
00:36:04qui était un jeune scientifique qui commençait ses études
00:36:09et qui devait se rendre en Corée du Sud, sauf erreur,
00:36:13pour un concours de mathématiciens.
00:36:17Et alors quand vous entendez des jeunes Russes parler de ce genre,
00:36:22ils participent à toutes sortes de concours, mathématiques, physiques,
00:36:26physiques au sens sport également, histoire, connaissances,
00:36:33vous voyez que vous avez une jeunesse, des gens de 17-18 ans, 20 ans,
00:36:38qui ont une très très haute idée du mérite intellectuel,
00:36:44de l'effort intellectuel.
00:36:46Pour ce garçon, faire une bonne place à une Olympiade mathématique,
00:36:50que ce soit dans le pays ou à l'étranger,
00:36:52c'est quelque chose qui est extrêmement important,
00:36:54et dont il va vous parler spontanément.
00:36:57Est-ce que vous allez croiser beaucoup de jeunes gens comme ça
00:37:00dans les trains en France ?
00:37:02Est-ce qu'aux États-Unis, quand je me rappelle,
00:37:05il y a eu des sondages en Europe de l'Ouest et aux États-Unis
00:37:09sur ce que voulaient faire, il y a déjà 10 ou 15 ans de ça,
00:37:12tout ce que voulaient faire les jeunes de génération.
00:37:14La plupart voulaient devenir avocats.
00:37:16Mais l'avocat ne produit rien, excuse-moi, c'est ton métier.
00:37:19Mais ce n'est pas l'avocat qui construit les ponts.
00:37:22Mais non.
00:37:24Alors à une époque, ils voulaient devenir tous brokers en bourse
00:37:28parce que c'était un moyen de gagner sa vie facilement.
00:37:31Devenir avocat, c'était trendy.
00:37:35Dans ces pays-là, Chine, Russie, on veut devenir militaire,
00:37:40parce que la carrière militaire, aujourd'hui, c'est très valorisé en Russie.
00:37:44On veut devenir médecin, on veut devenir ingénieur,
00:37:47on veut devenir éventuellement entrepreneur,
00:37:51avocat moins, ce qui veut dire que ce sont encore des pays
00:37:56où les nouvelles générations sont orientées vers des activités
00:38:01créatrices de biens, productives, réelles.
00:38:05Ce n'est pas du tertiaire.
00:38:07Et en Occident, nous sommes complètement tertiarisés.
00:38:11Si vous êtes tertiarisés, ça veut dire que tout ce qui est primaire et secondaire
00:38:15va devoir être assuré par d'autres.
00:38:17Donc vous vous mettez dans une situation de dépendance absolument tragique.
00:38:21On est dans une situation…
00:38:23On dépend encore de la Russie pour l'uranium.
00:38:27Les États-Unis essayent maintenant de sortir de leur dépendance
00:38:30vis-à-vis de l'uranium russe. Personne ne le sait.
00:38:34On dépend de la Chine pour un milliard de choses,
00:38:38même des composantes, les métaux précieux, les métaux rares
00:38:41pour fabriquer des voitures électriques, tout ce qu'on veut.
00:38:44Les Chinois, il suffit qu'ils arrêtent leurs exportations et c'est fini.
00:38:48Et on est…
00:38:50Le seul moyen pour l'Occident de survivre avec une telle dérive
00:38:57vers le tertiaire, c'était de maintenir une force militaire
00:39:01suffisamment crédible pour intimider le monde entier
00:39:04et que surtout aucun sous-traitant n'ait l'idée de faire son petit chantage.
00:39:09Et maintenant, ce n'est plus crédible du tout.
00:39:12Donc tout part à volo, à une vitesse folle, démente.
00:39:16Et donc, pour revenir à ta question, puisque c'était la question
00:39:19de la stratégie russe, ce contexte nous dit
00:39:23quelle est la stratégie probablement la plus avantageuse pour la Russie.
00:39:26Parce que ce que je suis en train de dire là,
00:39:29c'est que les gens à Moscou le savent aussi.
00:39:32Ils le savent très bien.
00:39:33D'ailleurs, une chose que je dois signaler aussi,
00:39:36c'est qu'on peut regarder sur Telegram ou sur YouTube
00:39:40des podcasts ou des émissions, des commentaires
00:39:45d'historiens ou de géopolitologues russes
00:39:50qui sont d'un niveau de connaissance sur ce qui se passe en Occident,
00:39:55mais d'une connaissance profonde, des tendances profondes en Occident
00:40:00qui sont sans comparaison.
00:40:01Je veux dire, il n'y a pas de démission, il n'y a pas de débat en Occident même
00:40:06qui soit aussi pointu sur ce qui se passe en Occident
00:40:08que ce que les Russes font pour leur consommation interne.
00:40:14Donc, ils nous connaissent infiniment mieux que nous ne les connaissons,
00:40:17ça va de soi, mais aussi que nous ne nous connaissons nous-mêmes.
00:40:20Donc, ils savent très bien où nous en sommes.
00:40:23Ils ont compris en 2022 que les Américains, les Anglo-Saxons
00:40:29ne voulaient pas d'un traité de paix en Ukraine,
00:40:33qu'ils allaient utiliser l'Ukraine comme fusible jusqu'aux derniers Ukrainiens
00:40:38et donc ils ont pris leur disposition.
00:40:41Le fameux retrait de Kharkov puis de Kherson
00:40:45qu'on a célébré stupidement ici en Occident comme des grandes victoires,
00:40:49il n'y en a pas eu de grandes victoires, les Russes se sont retirés.
00:40:52Ils se sont retirés pourquoi ?
00:40:53Pour remodeler leur système militaire, leur système stratégique.
00:41:00On a un système de défense.
00:41:01Et attendre que l'ennemi vienne s'échouer sur ses défenses.
00:41:06– Tu sais, je t'interromps une seconde,
00:41:08je fais des émissions toutes les semaines avec un partenaire,
00:41:12un expert militaire et qui considère que le passage rétrograde du Dnieper,
00:41:17c'est-à-dire les 20 000 hommes qui ont en toute sécurité,
00:41:21malgré ce qu'on racontait ici, sont passés de l'autre côté.
00:41:24Et l'événement important de la guerre, il dit c'est ça le tournant,
00:41:27c'est que les Russes ont fait la démonstration
00:41:29qu'ils étaient toujours à l'initiative et qu'ils maîtrisaient la chose
00:41:33et qu'il n'allait pas leur arriver grand-chose.
00:41:36Surtout quand on décide, on prévient d'une contre-offensive
00:41:40et qu'on l'engage, même un profane comme moi,
00:41:43je savais que sans couverture aérienne et avec un rapport de 1 à 9
00:41:47ou de 1 à 10 en matière de feu, d'artillerie, c'était perdu d'avance.
00:41:51Sur le choix, sur la branche très schématique,
00:41:56je vais rajouter une petite chose pour toi,
00:41:59c'est que je constate ou j'ai l'impression,
00:42:04et tu es mieux placé que moi pour le ressentir,
00:42:07j'ai l'impression que la Russie s'est tournée du côté de l'Asie,
00:42:12le fameux balancier occidentalisme, je parle du russe,
00:42:15et eurasiatisme, qu'ils ont décidé de se tourner vers l'Eurasie
00:42:22et ça se passe bien, sinon très bien,
00:42:25et est-ce que justement ça, nous, on n'est pas passés par pertes et profits ?
00:42:31Il n'y a pas seulement ce que raconte Medvedev,
00:42:34j'écoute ce que dit Lavrov, qui dit qu'on n'a plus rien à leur dire,
00:42:37et donc est-ce qu'ils peuvent se dire, continuant à les broyer,
00:42:42de toute façon ils vont se disloquer,
00:42:45ce qui ne serait pas une très bonne nouvelle pour nous,
00:42:48parce que je pense que notre avenir passe dans une bonne relation avec le monde slave,
00:42:53ou bien ils décident d'en terminer en disant,
00:42:56si on arrive à découpler l'Europe des États-Unis,
00:43:01avec la catastrophe qui se profile,
00:43:03on pourra reprendre un certain nombre de choses.
00:43:05Alors attention, c'est sommaire ce que je dis,
00:43:09mais dans le choix stratégique, il y aurait peut-être aussi cette donnée.
00:43:12Est-ce que le virage vers l'Asie est un virage pour longtemps ?
00:43:17Sinon très longtemps ?
00:43:19Alors, à mon avis, c'est quelque chose qui est profond,
00:43:24qui est latent, avant ces événements,
00:43:29lorsqu'on visitait la Russie et qu'on allait au-delà de l'Oural,
00:43:32par exemple du côté de la Bouriassie, enfin du Baïkal,
00:43:35où j'ai séjourné plusieurs fois,
00:43:38on voyait qu'il y avait une interpénétration déjà concrète avec les économies asiatiques,
00:43:43ne serait-ce que dans le parc automobile.
00:43:45Vous ne voyez plus une voiture européenne dans la Russie au-delà de l'Oural.
00:43:49Ce sont des japonaises,
00:43:51d'ailleurs souvent conduites carrément avec la conduite à droite,
00:43:54parce qu'ils les importent tel quel depuis le Japon,
00:43:56des coréennes, des voitures chinoises, des marques chinoises,
00:44:01dont nous ne connaissons même pas le nom ici,
00:44:04et puis aussi des populations.
00:44:07Il y a beaucoup de Chinois,
00:44:09il y a des colonies chinoises dans l'est de la Russie,
00:44:12et tout ça se passe de manière tout à fait paisible,
00:44:14sans aucune tension.
00:44:16On voit très bien que le bassin naturel pour les échanges,
00:44:21les gros échanges russes, c'est évidemment l'Asie du Sud-Est.
00:44:26C'est un énorme bassin de population,
00:44:28c'est un bassin de consommation et de production
00:44:31incomparablement plus intéressant que l'Europe de l'Ouest.
00:44:34Maintenant, il y a aussi, sur un autre plan,
00:44:40et c'est quelque chose dont certains auteurs,
00:44:45comme Zinoviev d'ailleurs, ou comme aujourd'hui Douguin,
00:44:48sont très conscients, il y a un tropisme, un penchant,
00:44:52une nostalgie des élites intellectuelles russes vers l'Europe.
00:44:58Ils sont occidentalistes, quoi qu'il arrive,
00:45:02depuis les décembristes du XIXe siècle,
00:45:05on a une élite intellectuelle russe
00:45:08qui se voit comme le petit frère, le parent pauvre de l'Europe,
00:45:13quoi qu'il arrive, même lorsque la Russie n'a plus besoin du tout
00:45:16de l'Europe pour fonctionner.
00:45:18Et cette caste-là, cette classe-là,
00:45:20elle est aujourd'hui encore dans l'administration,
00:45:23dans les universités, partout,
00:45:25c'est elle qui maintient, je ne vais pas dire
00:45:28qu'elle va faire rebasculer la Russie
00:45:30dans une alliance occidentale, je ne le pense pas,
00:45:32mais elle maintient cette espèce de lien encore,
00:45:37qui est un lien un petit peu maladif,
00:45:39mais enfin, avec l'Occident.
00:45:41Ce que je pense, pour finir sur cet aspect
00:45:45de la stratégie militaire russe,
00:45:48ils ont compris que, par bêtise,
00:45:52par incapacité de réviser leur position,
00:45:54les Occidentaux allaient jeter dans la bataille
00:46:00perdue déjà depuis longtemps en Ukraine,
00:46:03tout leur matériel.
00:46:05Les hommes, ils n'ont pas d'hommes,
00:46:07ils n'ont pas de défectifs humains à jeter là-bas,
00:46:11ils ne vont pas le faire.
00:46:13Ils avaient quelques volontaires, mercenaires, tout ça,
00:46:15ils n'y vont plus.
00:46:17En revanche, tout le matériel militaire possible,
00:46:20ils vont le brûler là-bas.
00:46:23Et puis les Russes se sont aussi rendus compte
00:46:25qu'ils ont fait la démonstration d'ailleurs
00:46:28que notre monnaie, nos monnaies, le dollar,
00:46:32ne sont que des monnaies de singes.
00:46:34Ce n'est pas parce que vous allez donner
00:46:36300 milliards ou 50 milliards de crédits
00:46:39ou de dons militaires pour la défense ukrainienne
00:46:43que vous allez pouvoir leur fournir
00:46:45pour 50 milliards d'obus et de missiles.
00:46:48Ils n'existent pas, on n'arrive pas à les produire.
00:46:51Sans compter le fait, j'ai vu un détail,
00:46:54une statistique extraordinairement intéressante,
00:46:58un obus de 30 millimètres,
00:47:01donc les obus de tir rapide,
00:47:03pour les canons de tir rapide,
00:47:05fabriqués au Danemark,
00:47:07coûtent environ 1000 euros, un seul,
00:47:10pour une cadence de tir quelquefois
00:47:12de 5000 obus minutes pour ces canons-là.
00:47:15Donc ils coûtent beaucoup plus cher,
00:47:17deux ou trois fois plus cher qu'un obus de 152,
00:47:19donc le gros obus de canon russe.
00:47:23Comment voulez-vous,
00:47:25évidemment que tout le monde se sucre au passage,
00:47:28les avions occidentaux sont monstrueusement chers,
00:47:31les chars sont monstrueusement chers,
00:47:33tout est monstrueusement cher,
00:47:34parce que tout le monde doit se sucrer,
00:47:35c'est la dernière industrie qui fonctionne.
00:47:37Mais comment voulez-vous fournir
00:47:40suffisamment de matériel
00:47:42dans une guerre d'attrition engagée
00:47:44contre une grande puissance industrielle et militaire
00:47:46comme la Russie,
00:47:48qui produit du matériel plus fiable
00:47:50à un coût infiniment moindre ?
00:47:52C'est impossible.
00:47:53Mais personne n'est capable aujourd'hui
00:47:56d'en tirer la leçon,
00:47:58de dire non, on arrête,
00:48:00nous allons épuiser tout ce que nous avons.
00:48:02Et donc les Russes ont tout à fait intérêt
00:48:04à ne pas précipiter la fin de cette guerre
00:48:07et attendre que nous ayons,
00:48:09nous les occidentaux,
00:48:11nous ayons envoyé jusqu'à la dernière cartouche
00:48:13en Ukraine,
00:48:14parce que ça entraîne aussi
00:48:15toutes sortes de conséquences.
00:48:17Petit détail militaire encore,
00:48:19tu as parlé du manque de personnel militaire
00:48:22sur les porte-avions américains,
00:48:24je ne sais pas si tu es au courant
00:48:25de ce qui se passe
00:48:27chez leurs éternels sidecars britanniques.
00:48:34En Grande-Bretagne,
00:48:36pour pouvoir armer militairement
00:48:39et en homme des navires de guerre,
00:48:42on doit en désarmer d'autres.
00:48:44C'est-à-dire qu'on fait migrer
00:48:46tous les effectifs disponibles de marins
00:48:48vers les bateaux,
00:48:49les navires qui sont modernes
00:48:51ou qui sont opérationnels,
00:48:53et on désarme une partie de la flotte
00:48:55parce qu'on n'a plus personne.
00:48:57Lorsque ces dernières semaines,
00:49:00le commandant des forces sous-marines,
00:49:02donc celui qui répond en gros
00:49:03de la dissuasion nucléaire,
00:49:05le contre-amiral Haskwit,
00:49:06a pris sa retraite,
00:49:08ils n'ont trouvé personne pour le remplacer.
00:49:11Et ils ont passé des petites annonces
00:49:14sur LinkedIn.
00:49:15C'est fou.
00:49:16Je le savais, mais c'était hilarant.
00:49:18C'est hilarant.
00:49:19C'est hilarant.
00:49:20C'est inimaginable.
00:49:22Imaginez trouver le responsable
00:49:24de votre dissuasion nucléaire
00:49:25par les petites annonces.
00:49:27Mais les Monty Python
00:49:30n'auraient jamais imaginé ça.
00:49:32Jamais.
00:49:33Et on a Rishi Sunak
00:49:36ou on a Boris Johnson
00:49:38ou Liszt Russe,
00:49:39quelques clowns improbables.
00:49:42Ce que je trouve extraordinaire
00:49:44dans le système occidental,
00:49:46c'est la dimension de simulacres.
00:49:47On ne va pas parler de la France,
00:49:48mais c'est exactement ça.
00:49:49On vient d'avoir un remaniement ministériel.
00:49:51C'est du théâtre pur.
00:49:53C'est-à-dire que ce n'est pas
00:49:54un vrai gouvernement,
00:49:55tout ça.
00:49:56Et tout le monde fait semblant.
00:49:57Ça, c'est fou.
00:49:58Tout le monde fait semblant.
00:49:59Autre petit détail
00:50:01sur nos amis britanniques.
00:50:03Je crois que c'est Medvedev
00:50:04qui les appelle
00:50:05le pire ennemi historique de la Russie.
00:50:08C'est lui, c'est le bad guy.
00:50:11C'est le méchant garçon, Medvedev.
00:50:14Il y a Scott Ritter,
00:50:16l'ancien officier américain,
00:50:19qui est allé faire une visite officielle.
00:50:22Il est retraité, il est dissident.
00:50:24Il est allé faire une visite officielle
00:50:25chez Kadirov.
00:50:26Donc l'autre,
00:50:27il a mis les petits plats dans les grands.
00:50:29Il s'est retrouvé avec une troupe considérable,
00:50:31alignée, équipée.
00:50:34Et donc, il leur a fait un discours.
00:50:36Et il y a quelqu'un qui a dit
00:50:37qu'il y avait deux fois plus
00:50:38de soldats tchétchènes sur la place
00:50:40que dans l'armée britannique.
00:50:42Il va falloir m'expliquer comment vous faites.
00:50:45Parce que là, vous ne pourrez plus envoyer les Indiens.
00:50:49Vous avez pris un richissime
00:50:51pour être Premier ministre
00:50:52parce qu'ils ne dirigent même plus leur pays.
00:50:56C'est pareil dans l'Écosse et tout.
00:50:58C'est assez étonnant.
00:51:00C'est un oligarque, bien évidemment.
00:51:03Pièce rapportée, je crois que c'est sa femme
00:51:05qui est très riche.
00:51:06C'est un gendre de métier.
00:51:08Oui.
00:51:10Il a fait castor, on disait quand j'étais plus jeune.
00:51:14C'était très insultant.
00:51:16Alors, ce que tu nous dis finalement,
00:51:19et ce n'est peut-être pas une bonne nouvelle,
00:51:21c'est une appréciation, bien évidemment.
00:51:23Moi, c'est la mienne.
00:51:24Depuis le début, les gens qui me suivent
00:51:26savent que je dis,
00:51:27les Russes font du raire, entre guillemets, le plaisir.
00:51:29Ils ne sont pas pressés.
00:51:31Et là, la victoire, elle est acquise.
00:51:33Tout le monde le sait.
00:51:35Au point qu'on a un certain nombre de propagandistes
00:51:41chez nous, en particulier des militaires,
00:51:43des nullités, comme l'armée française
00:51:46en a toujours connu beaucoup, hélas,
00:51:48qui viennent nous dire, de toute façon,
00:51:50je martèle, Poutine a perdu la guerre.
00:51:52C'est toujours Poutine.
00:51:53On ne dit jamais la Russie, tout ça.
00:51:55Non, il y a Poutine tout seul.
00:51:57Parce qu'il voulait envahir toute l'Ukraine
00:52:00et il n'y est pas parvenu.
00:52:02Donc, il déclare la victoire.
00:52:04Mais je pense qu'il ne fait pas ça spontanément.
00:52:06On lui a demandé.
00:52:07Parce qu'il faut déclarer la victoire et foutre le camp.
00:52:10Comment on a foutu le camp ? En courant.
00:52:12Mais on a un peu oublié les conditions
00:52:14dans lesquelles ils sont partis d'Afghanistan.
00:52:16C'est ahurissant.
00:52:17Ils ont été virés et d'Irak, pareil.
00:52:21Ils ont été virés de Syrie.
00:52:23Ils ont été virés, je ne sais plus qui a cette expression,
00:52:26qui n'est pas du tout raciste dans ma bouche,
00:52:28c'est d'éleveur de chèvres et de jockey de chameaux.
00:52:31Ils vous ont botté le cul.
00:52:33Mais c'est complètement extraordinaire.
00:52:35Donc, la victoire est acquise.
00:52:38Le problème, c'est les formes qu'elle va prendre.
00:52:40Et donc, moi aussi, je considère qu'ils n'ont pas de raison
00:52:44d'être particulièrement pressés.
00:52:46Alors, bien évidemment, il y a la guerre.
00:52:48Il y a le coup, il y a les pertes.
00:52:50Mais c'est la guerre.
00:52:53Donc, ils cueilleront le fruit quand ils seront mûrs.
00:52:59Parce que s'ils veulent y mettre un terme là,
00:53:03par une offensive, par un coup d'épaule,
00:53:06un coup de pied dans la fourmilière,
00:53:07il va falloir alors qu'ils discutent.
00:53:10De toute façon, après la guerre, on discute, on négocie.
00:53:13Il va falloir qu'ils discutent avec les Occidentaux.
00:53:17Je ne sais pas si c'est tellement le moment.
00:53:20On n'a pas encore vu le calice jusqu'à la lit.
00:53:22D'abord, ils ne savent pas avec qui discuter.
00:53:24Oui, c'est vrai aussi.
00:53:25Ensuite, il est bien clair qu'ils n'ont pas très envie
00:53:28de rediscuter avec un gouvernement américain démocrate.
00:53:32Donc, ils espèrent lui pourrir la vie suffisamment
00:53:35pour qu'il perde, pour que ce soit Trump qui revienne.
00:53:39Trump, ce n'est pas non plus une panacée.
00:53:41Mais enfin, c'est quand même moins pire
00:53:43au point de vue des affaires internationales que les démocrates.
00:53:45On sait que Trump avait au moins compris
00:53:47que son armée était trop étendue
00:53:50et qu'il fallait rapatrier absolument
00:53:52et fermer toutes ses bases inutiles.
00:53:54C'est pour ça, d'ailleurs,
00:53:56on se souvient que lorsqu'il a essayé
00:53:58de rapatrier les troupes d'Irak et de Syrie,
00:54:01tout simplement, le Pentagone n'a pas obéi à un ordre présidentiel.
00:54:05C'est extraordinaire.
00:54:06C'est extraordinaire.
00:54:07Donc, les Russes, d'abord, ils aimeraient,
00:54:11s'ils doivent discuter avec l'Occident,
00:54:13d'abord, ils ont compris par l'exemple
00:54:15du non-respect des accords de Minsk,
00:54:17avoué d'ailleurs par Mme Merkel, M. Hollande et d'autres,
00:54:22ils ont compris que la parole des Occidentaux
00:54:25valait pipette.
00:54:26Rien.
00:54:28Donc, il faut qu'ils se construisent un système
00:54:31qui remplace la bonne foi par l'intimidation.
00:54:35Alors, il leur faudra un glacis.
00:54:38Et ils sont en position aujourd'hui,
00:54:40s'ils doivent discuter avec les Occidentaux,
00:54:42ils sont en position de dire,
00:54:43bon, ben voilà, on va prendre, je ne sais pas,
00:54:46ils prennent la part d'Ukraine qui leur convient.
00:54:49Dans ce principe, j'imagine, comme beaucoup,
00:54:52que couper l'Ukraine actuelle de la mer Noire
00:54:56serait pour eux très profitable.
00:54:58Parce que ça permettrait, d'abord,
00:54:59de récupérer une ville russe,
00:55:01comme l'a rappelé Medvedev qui est Odessa,
00:55:04et ensuite, au-delà d'Odessa,
00:55:05de faire le lien avec la Transnistrie.
00:55:07Donc, couper complètement l'Ukraine de la mer Noire.
00:55:10Et donc, des exportations de blé,
00:55:12enfin, de toutes ces choses-là.
00:55:15Ensuite, ils pourraient demander un glacis,
00:55:18un glacis neutre sur toute l'étendue de l'OTAN
00:55:22depuis ses extensions des années 90.
00:55:25Aujourd'hui, ils sont en mesure d'exiger
00:55:28que l'OTAN se désarme jusqu'aux frontières de 97, par exemple.
00:55:32On appellerait ça le pacte de Varsovie, par exemple.
00:55:35Je plaisante.
00:55:37Oui, mais ils savent aussi qu'à l'heure actuelle,
00:55:41la désillusion n'est pas suffisamment claire
00:55:44dans les opinions occidentales
00:55:45pour qu'ils puissent exiger de telles choses.
00:55:47Donc, il faut que le temps fasse son œuvre.
00:55:49Donc, à mon avis,
00:55:50ils n'ont pas intérêt du tout à précipiter,
00:55:53à enfoncer les, comment on appelle ça,
00:55:55les banderilles, enfin,
00:55:56ils peuvent enfoncer des banderilles dans le taureau,
00:55:58mais ils ne peuvent pas lui donner le coup de grâce.
00:56:00Ils n'ont pas intérêt.
00:56:01Oui, c'est sûr, l'amour de l'État, il est épais.
00:56:03Alors, sur les États-Unis,
00:56:05sur les États-Unis, moi, je suis ça d'assez près.
00:56:10Enfin, merci Internet et merci les logiciels de traduction,
00:56:13je le dis à chaque fois.
00:56:14Donc, je fais le tour du monde tous les matins
00:56:16et j'essaie de suivre ce qui se passe aux États-Unis.
00:56:22L'élection de 2024, ça va être assez compliqué.
00:56:26Ça va être assez compliqué.
00:56:27Il y a tous les débats judiciaires,
00:56:30toutes les tentatives de disqualifier Trump
00:56:34qui vont être suivies, ça y est,
00:56:36ça commence au Texas par des tentatives
00:56:39de disqualifier Biden si c'est lui, etc.
00:56:42Que cette élection ait lieu, on peut se poser la question.
00:56:45C'est-à-dire que ce pays est probablement très malade,
00:56:49ça on le sait, mais pas si loin que ça de la dislocation.
00:56:53Parce que moi, je veux bien qu'on se rappelle,
00:56:55je le dis tout le temps,
00:56:56je veux bien qu'on se rappelle de juillet 1991,
00:56:59c'était donc avant la tentative de coup d'État de Moscou,
00:57:02au mois d'août.
00:57:04Eh bien, personne n'aurait parié sur l'hypothèse
00:57:10selon laquelle l'Union soviétique immense,
00:57:13héritière de l'Empire des Stars,
00:57:15n'existerait plus six mois plus tard,
00:57:17n'existerait plus.
00:57:18Personne n'aurait parié là-dessus.
00:57:20Donc, est-ce que les États-Unis,
00:57:22c'est ce que dit d'ailleurs Emmanuel Todd,
00:57:27la meilleure chose qui puisse arriver à l'Europe,
00:57:30c'est que les États-Unis disparaissent.
00:57:32Enfin, je crois que c'est…
00:57:34Ils se retirent, oui.
00:57:36Alors, bon, effectivement, là, je te remercie de cette réponse
00:57:41parce qu'elle rejoint un peu ma propre vision des choses.
00:57:45C'est que je pense que la victoire est acquise pour la Russie.
00:57:49Enfin, la défaite de l'Occident est acquise.
00:57:51C'est-à-dire que, voilà, je le présenterais plus comme ça,
00:57:55pas seulement pour paraphraser ou reprendre le titre de Todd.
00:57:59La défaite est acquise,
00:58:01mais il faut qu'elle soit intégrée,
00:58:03il faut qu'elle soit intériorisée.
00:58:05Il faut qu'on apprenne à se percevoir, nous, y compris en France,
00:58:09autrement qu'on le fait aujourd'hui.
00:58:12Il faut qu'on mesure cette réalité.
00:58:14Et puis, bon, il y a, bien sûr,
00:58:17le reste du monde qui bouge et qui bouge vite.
00:58:22Il y a une petite chose qui s'est produite.
00:58:24Alors, naturellement, il y a eu les élections à Taïwan,
00:58:27mais tout ça va prendre du temps.
00:58:29Deng avait dit 2049 pour régler le problème.
00:58:32On n'y est pas.
00:58:33Moi, j'aurai 99 ans,
00:58:35je pense que je n'assisterai pas au règlement du problème.
00:58:38Mais le sud, la majorité mondiale, y a pris goût.
00:58:48On vient de voir ce qui s'est passé avec l'Inde
00:58:52et ses rapports avec Israël.
00:58:55Inde était un soutien d'Israël.
00:58:57Ils prennent leur distance très vite,
00:58:59pour différentes raisons.
00:59:01Ils prennent leur distance très vite.
00:59:03Il y a aussi les petits.
00:59:06La démonstration que font les outils,
00:59:08elle est impressionnante, quand même.
00:59:10Elle est impressionnante.
00:59:11Non pas qu'ils démontrent une force extraordinaire,
00:59:14mais ils démontrent la faiblesse de l'adversaire.
00:59:17Israël, l'armée israélienne n'est absolument plus celle
00:59:21qu'on essaie de nous vendre,
00:59:22plus parce qu'elle l'a été, qu'on essaie de nous vendre.
00:59:25Tout ça, tout ça montre à la majorité mondiale
00:59:30qu'il faut pousser dans cette direction.
00:59:34J'ai une analyse.
00:59:36Je voulais écrire un article là-dessus,
00:59:38mais j'ai eu un peu la flemme.
00:59:40Je vais demander ton avis là-dessus, mon cher Slobodan.
00:59:43Je me disais que finalement, la multipolarité,
00:59:47qui rime avec souveraineté,
00:59:49ça c'est tout à fait essentiel,
00:59:51souveraineté, c'est un ordre différent
00:59:54de l'ordre international selon les règles,
00:59:58faisait que tous ceux qui sont les acteurs
01:00:01de l'émergence de cette multipolarité étaient gaullistes
01:00:04et que l'État le moins gaulliste du monde, c'était la France.
01:00:10C'est un joli paradoxe pour conclure notre tour d'horizon.
01:00:14Mais je suis assez d'accord.
01:00:21Dans ma génération, notamment dans les études,
01:00:26dans les universités et dans les médias,
01:00:29on n'a pas cessé de révoquer en doute,
01:00:33de brocarder la notion de nation et de souveraineté nationale.
01:00:38Or, on voit aujourd'hui que le monde qui pense comme ça,
01:00:44mais qui pense aussi que les hommes peuvent être enceintes,
01:00:48qui pense aussi qu'on pourra remplacer
01:00:52toutes les voitures par des voiturettes électriques
01:00:56sans consommer par ailleurs plus de pétrole,
01:00:59et enfin en trouvant une énergie gratuite, on ne sait pas comment.
01:01:03Ce même monde, c'est une infime minorité de l'humanité.
01:01:07Je crois que le bloc occidental, tel qu'il se définit
01:01:11par ses votes à l'ONU et par son système d'alliance,
01:01:14représente quelque chose comme 13% de l'humanité aujourd'hui,
01:01:1713% de la population de la planète.
01:01:20En dehors de ces 13%, en dehors de ce territoire,
01:01:23et ça commence avec l'Afrique du Nord,
01:01:26ça commence avec une partie de l'Europe de l'Est,
01:01:29les gens ne pensent pas comme ça.
01:01:32Les gens sont fiers de faire partie d'une nation,
01:01:37ils défendent tant qu'ils le peuvent leurs frontières,
01:01:41et ils ont une écoute, et il y a une autre chose
01:01:47qui mériterait peut-être tout un développement
01:01:50dans un entretien ultérieur.
01:01:54On voit aussi que dans le monde musulman,
01:01:58dans le monde musulman,
01:02:01le facteur national, l'intérêt national
01:02:04est en train de reprendre le dessus
01:02:07sur la doctrine et l'idéologie islamique.
01:02:11Absolument.
01:02:12Alors que tout le travail des anglo-saxons,
01:02:17des américains, a été de faire croire
01:02:21à un choc des civilisations,
01:02:24où l'islam serait une espèce de bloc rétrograde,
01:02:29unifié, qui nous menacerait.
01:02:33Ce n'est pas du tout le cas.
01:02:36On voit une parfaite coopération
01:02:39entre la Russie et la plupart des pays musulmans,
01:02:43d'ailleurs l'immense majorité des pays musulmans,
01:02:46une parfaite intégration des Tchétchènes
01:02:49dans l'armée russe.
01:02:51Il ne faut quand même pas oublier
01:02:53qu'il y a 25 ans, c'était une guerre féroce
01:02:55avec les Tchétchènes.
01:02:57La démonstration de force d'ailleurs de Khadirov
01:03:00devant Scott Ritter en est un exemple.
01:03:04Ils sont très fiers d'être à la fois musulmans et russes.
01:03:09Le seul endroit où le monde orthodoxe
01:03:12est en guerre, en conflit,
01:03:15avec le monde musulman aujourd'hui,
01:03:18c'est les Balkans, c'est la Bosnie et le Kosovo.
01:03:21Partout ailleurs, l'orthodoxie russe
01:03:24s'entend parfaitement,
01:03:27beaucoup mieux avec le monde musulman
01:03:30qu'avec le monde occidental,
01:03:33ex-chrétien, ex-protestant, ex-catholique.
01:03:36Ça veut dire quoi ?
01:03:38Ça veut dire qu'effectivement,
01:03:40la réorganisation du monde va se faire
01:03:42selon des critères et des coutures
01:03:45qui sont celles des nations,
01:03:47qui sont celles des pays,
01:03:49qui sont celles des blocs,
01:03:51pas des méga-blocs.
01:03:53On va peut-être avoir, je ne sais pas,
01:03:554, 5, 6 pôles de puissance dans le monde,
01:03:57mais ce ne sera plus en tout cas
01:03:59le modèle occidental.
01:04:01Et je crois qu'il est extrêmement important
01:04:03de prendre la mesure de ce changement
01:04:06dans tous ses aspects,
01:04:08culturel, anthropologique, historique, moral.
01:04:12Qu'est-ce que c'est qu'un ordre mondial
01:04:15basé sur des règles ?
01:04:17C'est, nous avons le bâton
01:04:19et nous vous faisons marcher
01:04:21selon nos besoins et nos intérêts.
01:04:23Ça ne marche plus, c'est fini.
01:04:25Et donc, parallèlement,
01:04:27il va falloir aussi rétablir
01:04:29un droit international,
01:04:31parce que c'est malgré tout
01:04:33le seul moyen de faire cohabiter
01:04:35tous ces intérêts, quelquefois conflictuels.
01:04:37Donc, le monde est en train de se reconstruire,
01:04:39et c'est plutôt,
01:04:41la perspective de 2024,
01:04:43c'est qu'on va voir
01:04:45certainement s'effondrer
01:04:47des vieux totems
01:04:49et émerger des puissances
01:04:51et des alliances
01:04:53qui étaient totalement impensables
01:04:55jusqu'il y a quelques mois seulement.
01:04:57Et sur la base de principe,
01:04:59on voit, et c'est pour ça que je disais
01:05:01ils sont tous gaullistes,
01:05:03au travers du triptyque,
01:05:05état-nation territoriale,
01:05:07indépendance nationale,
01:05:09souveraineté, c'est les trois,
01:05:11c'est la triade,
01:05:13qui fait qu'à partir de là,
01:05:15effectivement, la question,
01:05:17on va refaire
01:05:19un nouveau traité de Westphalie,
01:05:21je plaisante, mais c'est vrai.
01:05:23Et la forme état-nation territoriale
01:05:25a été inventée par l'Occident
01:05:27au XIXe siècle,
01:05:29elle a été le support de la mutation
01:05:31qu'il a imposée au monde,
01:05:33qui a été la mutation de la révolution industrielle
01:05:35et de l'invention du capitalisme.
01:05:37Donc, aujourd'hui,
01:05:39son enfant lui échappe,
01:05:41parce que la globalisation,
01:05:43c'est la forme moderne
01:05:45de la domination occidentale,
01:05:47or c'est terminé. La globalisation,
01:05:49elle est une réalité,
01:05:51et donc,
01:05:53le mode d'organisation
01:05:55que tu décrivais,
01:05:57le gros bâton,
01:05:59c'est fini, c'est fini,
01:06:01les gens ne l'accepteront plus,
01:06:03et c'est là où,
01:06:05je vais te passer la parole pour la conclusion,
01:06:07moi, personnellement,
01:06:09je suis catastrophé de voir que mon pays,
01:06:11ce qui est la France,
01:06:13je suis profondément patriote,
01:06:15de Gaulle,
01:06:17il ne s'agit pas de sanctifier,
01:06:19il ne s'agit pas d'en faire une icône
01:06:21intouchable, mais justement,
01:06:23il avait une vision
01:06:25qui permettait de définir
01:06:27la place qu'il fallait qu'on construise,
01:06:29une place importante,
01:06:31il faut relire le discours de Plumpen,
01:06:33il faut le relire, il est extraordinaire,
01:06:35extraordinaire, c'était une leçon,
01:06:37aujourd'hui,
01:06:39il n'y aurait pas une virgule à changer,
01:06:41l'histoire a changé,
01:06:43elle s'est déroulée, de toute façon.
01:06:45Donc, mon cher Slobodan,
01:06:47optimiste
01:06:49ou pessimiste ?
01:06:51Oh, mon Dieu !
01:06:55Je crois que c'était Bernanos
01:06:57qui était pessimiste
01:06:59dans l'idée et optimiste
01:07:01dans l'action.
01:07:03Je pense que
01:07:05de toute façon, tout fout le camp,
01:07:07mais qu'il y a quand même
01:07:09de quoi faire,
01:07:11comme on dit chez les Suisses, il y a de quoi faire.
01:07:13Donc, moi,
01:07:15la matière que me fournit
01:07:17le monde en fusion dans lequel
01:07:19nous nous retrouvons, évidemment, moi qui en suis le
01:07:21chroniqueur, d'abord, ça me donne du travail,
01:07:23ça me donne beaucoup à réfléchir,
01:07:25beaucoup de matière à
01:07:27écriture, à commentaire,
01:07:29à révision intérieure également
01:07:31de ce que je suis, de mon identité,
01:07:33de notre identité.
01:07:35Donc, c'est de toute façon
01:07:37bénéfique. Maintenant,
01:07:39sur un autre
01:07:41plan, comme tu le disais tout à l'heure,
01:07:43le monde, en fait,
01:07:45nous arrivons à un point où
01:07:47le monde entier a intégré
01:07:49et fait
01:07:51sienne les valeurs
01:07:53de l'Occident, du temps où l'Occident
01:07:55était fort. Le capitalisme,
01:07:57les Chinois ont parfaitement compris ce que c'est
01:07:59pour le bien
01:08:01et pour le mal.
01:08:03L'état-nation,
01:08:05tout le monde a compris ce que c'est.
01:08:07Sauf nous, maintenant. Nous, nous sommes
01:08:09post-capitalistes, nous sommes
01:08:11post-nationaux, nous sommes post-humains.
01:08:13Et ça, ces trois postes
01:08:15vont nous mener, nous,
01:08:17à la dislocation.
01:08:19Aucun de ces
01:08:21paramètres n'est
01:08:23constructif, n'est créatif.
01:08:25D'abord, nous sommes démographiquement
01:08:27condamnés, nous sommes
01:08:29socialement condamnés,
01:08:31nous sommes industriellement condamnés.
01:08:33Donc, il va falloir absolument, et très
01:08:35rapidement, que d'autres forces émergent
01:08:37chez nous et une manière de
01:08:39penser totalement différente.
01:08:41Totalement différente, très humble,
01:08:43très terre-à-terre,
01:08:45très réaliste,
01:08:47et surtout,
01:08:49débarrassé de ce
01:08:51profond présupposé
01:08:53raciste qui était celui
01:08:55de l'Occident pendant cinq siècles.
01:08:57C'est la première fois de l'émission
01:08:59qu'on prononce ce terme,
01:09:01et pourtant, Dieu sait s'il est structurant.
01:09:03Dieu sait s'il est structurant, on en reparlera
01:09:05peut-être à une autre occasion.
01:09:07Pour l'instant, mon pauvre
01:09:09Clemodane, on est un peu du mauvais côté de l'histoire,
01:09:11alors qu'on est dans cette partie de l'Occident,
01:09:13mais bon, en même temps,
01:09:15c'est passionnant, on vit un moment
01:09:17historique extraordinaire,
01:09:19et ça permet de se mobiliser,
01:09:21de mener des combats,
01:09:25d'être écouté,
01:09:27d'essayer d'aider à appréhender le réel,
01:09:29et de faire avancer justement
01:09:31ces idées qui sont, soyons clairs,
01:09:33des idées de résistance.
01:09:35Eh bien mon cher Clemodane, je t'embrasse,
01:09:37encore merci,
01:09:39et à très bientôt.