ÉDITO - "Le Rassemblement national fait le dur apprentissage de la réalité de l'exercice du pouvoir"
Nouveau revirement de Jordan Bardella sur le programme du Rassemblement national. Après avoir affirmé que l'abrogation de la réforme des retraites ne se fera pas en priorité en cas de victoire lors des élections législatives, le président du parti d'extrême droite affirme que la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité se fera "dans un second temps".
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00:00Mathieu Croissandeau, Jordan Bardella, ne dévoilent pas mais précisent son programme ce matin dans les colonnes du Paris.
00:06D'abord d'une façon globale, est-ce que le Rassemblement National est prêt au pouvoir ?
00:11Honnêtement, quand on lit l'interview de Jordan Bardella dans le Parisien ce matin, la réponse est non.
00:16Je ne parle pas de l'âge du capitaine, ni de son inexpérience, ni de celle de ses moussaillons,
00:23c'est vrai qu'ils n'ont pour beaucoup pas géré une collectivité locale, ce n'est pas ça le problème.
00:28Je parle du fond, c'est-à-dire de la politique qu'ils vont mener, et donc c'est-à-dire du programme.
00:34Le sentiment général qui se dégage de cette interview, c'est qu'on verra bien, ça ne fait pas un programme.
00:39En fait, qu'est-ce qui se passe ? Le Rassemblement National fait en quelques jours le dur apprentissage de la réalité de l'exercice du pouvoir.
00:45C'est plus confortable, c'est sûr, quand on est dans l'opposition, on peut promettre n'importe quoi ou s'opposer à tout.
00:50Là, à mesure que la perspective de gagner les élections se rapproche, le Rassemblement National doit tout à la fois
00:57donner envie aux gens de voter pour lui, ne pas prendre garde à ne pas décevoir ses futurs électeurs,
01:02et tenir compte du champ des possibles, c'est-à-dire des réalités, quitte à passer à la trappe toute une partie de son programme.
01:08Alors justement, est-ce que ce matin, on découvre de nouvelles promesses abandonnées ?
01:12Il y a des mesures qui sont abandonnées, oubliées ou décalées dans le temps. Je vous en donne des exemples.
01:17La baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. Vous savez, Marine Le Pen, c'était la candidate du pouvoir d'achat.
01:22C'est important. Ça, ça sera dans un second temps. Ils ne baisseront que la TVA sur l'énergie et les carburants.
01:28– Quand ? On ne sait pas. – On ne sait pas.
01:30– Alors, il dit « décès, tétés » sur les carburants. – Sur les carburants.
01:32C'est pour ça que je dis qu'ils ne baisseront que, dans un premier temps, la TVA sur l'énergie et les carburants.
01:38L'éloignement des délinquants et des criminels étrangers. Vous savez, les OQTF.
01:42Ça, ça reste l'objectif, mais il faudra lever les obstacles administratifs.
01:47Le redressement des services publics. Il faudra faire des choix, dit Jordan Bardella.
01:52L'interdiction du voile islamique dans l'espace public, qui était une vieille revendication même des députés RN et de Marine Le Pen à la présidentielle.
01:58Ça, ça sera après 2027.
02:01– Bon, abrogation de la réforme des retraites, parce que ça aussi, c'est un dossier important sur lequel ça a tangué aussi ces dernières années.
02:08– Oui, alors là, le Rassemblement national enchaîne les contradictions.
02:11Un jour c'est oui, un jour c'est non, comme disait Thierry Hazard.
02:14Hier, je vous donne un exemple. Hier, Eric Ciotti, le nouvel ami de Jordan Bardella, au Journal de 20 heures, dit
02:20qu'il n'est pas dit que la réforme soit abrogée.
02:22Ce matin, dans Le Parisien, Jordan Bardella réduit la voilure.
02:26Il dit qu'en gros, il permettra aux moins de 20 ans, qui ont cotisé 40 ans, de partir à 60 ans.
02:32C'est donc une mesure pour les carrières longues, mais ce n'est pas une abrogation de la réforme des retraites, à proprement parler.
02:38Ça, ça sera plus tard. En fait, il y a un problème d'argent qui se pose pour le Rassemblement national.
02:43C'est vrai qu'ils vont réclamer un audit des finances publiques, mais ça c'est une escarade.
02:47On connaît la situation des finances publiques, on sait qu'elle est fortement plombée.
02:50Il y a une phrase qui me frappe encore, c'est Jordan Bardella quand il dit
02:54« Nous sommes en train d'identifier les pistes d'économie dans les mauvaises dépenses de l'État. »
02:58On se demande pourquoi ça n'a pas été fait. Je rappelle que la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national, c'est le 7 juillet.
03:04Il y a une autre phrase qui concerne, cette fois, l'appel de Jordan Bardella pour une majorité absolue à l'Assemblée nationale qu'il réclame.
03:11Oui, alors ça, c'est très étonnant aussi parce que la politique, c'est compliqué.
03:14On n'a pas toujours la majorité absolue. Qu'il réclame qu'on lui donne une majorité pour gouverner, c'est bien compréhensible.
03:20Mais ça peut laisser entendre que s'il n'avait pas la majorité absolue, s'il était dans une situation de majorité relative,
03:25comme aujourd'hui le camp d'Emmanuel Macron, peut-être n'irait-il pas à Matignon ou peut-être refuserait-il de gouverner.
03:32Comment ça se passe ? Le président de la République n'a pas l'obligation de nommer un Premier ministre
03:37qui appartiendra au camp le plus représenté à l'Assemblée ?
03:39Alors, le président de la République nomme le Premier ministre qu'il veut, par tradition.
03:44Par tradition.
03:45Par tradition, on le nomme, et c'est par logique, j'allais dire politique, on le nomme parmi le groupe qui est le plus important à l'Assemblée.
03:51Pourquoi ? Parce que si le groupe le plus important ou la coalition des oppositions n'est pas d'accord avec ce choix,
03:57il vous dégomme le Premier ministre à coup de motion de chaussure dans la foulée.
04:00Donc c'est pour ça qu'il faut se mettre d'accord et généralement on le donne au groupe le plus important.
04:03Sauf que le groupe le plus important n'est pas forcément majoritaire absolu.
04:07C'est ce qu'on a vu depuis 2022 et c'est ce qui a embêté évidemment Emmanuel Macron,
04:11et c'est ce qui embêtera évidemment Jordan Bardella si jamais il arrive au pouvoir.
04:15Merci.
04:16Mathieu, c'est Olivier Faure qui est tout à l'heure l'invité du face-à-face d'Apolline de Malherbe à 8h30.