Le devenir de l'éducation en France.

  • il y a 3 mois
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00:00Je me dis mais on en a un qui s'appelle Le Poteau.
00:13Et on tombe là ? Bien sûr, et tout ça sera archivé.
00:17On peut y aller, on peut y aller.
00:22Parfait.
00:23Oui, on est chaud là, je crois.
00:28Tiens, confrère, puisque nous avons une profession d'avocat, mais vous, vous êtes un vrai avocat.
00:44Je suis avocat comme j'ai été officier de marine, c'est-à-dire un peu amateur.
00:49Écoutez, ce qui nous réunit aujourd'hui, ce n'est même pas la profession d'avocat.
00:54Non.
00:55C'est plutôt le, que dire, l'expérience de l'université.
01:00Oui, absolument.
01:01J'élargis, parce que ce n'est pas seulement l'expérience en tant qu'enseignant, c'est
01:06aussi en tant qu'étudiant, bref, l'expérience universitaire.
01:10Puisque nos amis de l'air nous s'interrogent sur le devenir de l'enseignement de manière
01:20très générale en France.
01:22Je suis quand même très inquiet parce que nous avions un système assez curieux, qui
01:27était en gros le système napoléonien, qui a volé en éclat en 68, mais qui était le
01:35suivant, collège-lycée, les lycées étaient considérés déjà comme un peu des monastères,
01:44des temples du savoir, baccalauréat, autrefois il y en avait deux d'ailleurs, deux, un qu'on
01:51passait en première, avec toutes les épreuves, et puis un en autre, dans ce que nous appelons
01:57aujourd'hui la terminale, et ce baccalauréat était considéré comme le premier grade académique.
02:03Donc, vous donnez droit à un rand d'Hermine, si vous avez une toche, bon, c'était évidemment
02:11tombé à mes yeux.
02:12C'est vrai que c'est un grade universitaire.
02:13C'est un grade universitaire.
02:14Je veux dire du Moyen-Âge.
02:15Oui, oui, absolument, absolument.
02:16C'est une anticipation sur l'université déjà au lycée.
02:19Tout à fait, tout à fait.
02:20Et cela suffisait pour s'inscrire dans n'importe quelle université, étant entendu d'ailleurs
02:27qu'à cette époque-là, il y avait une université par académie, c'est-à-dire qu'on n'a peine
02:31à croire, aujourd'hui, mais il n'y avait qu'une seule université à Paris.
02:35Par exemple, moi j'ai fait mes études, j'ai commencé mes études de droit à Nanterre,
02:41mais Nanterre qui est aujourd'hui l'université paradis autonome, autogérée si j'ose dire,
02:48n'était en fait qu'un ensemble de bâtiments dont certains étaient une annexe de l'unique
02:55faculté de lettres de toute la région parisienne et l'autre l'unique faculté de droit de
03:01toute la région parisienne.
03:03Ce système a volé en éclat en 1968 où l'on a voulu faire un peu comme les Américains,
03:09c'est-à-dire faire des campus à l'américaine.
03:11Sauf que dans le campus à l'américaine, il y a des espaces verts, il y a des lieux
03:17de distraction, les profs habitent sur place.
03:20C'est tout à fait, ce sont de véritables villes, c'est tout à fait différent de nos
03:26campus qui sont souvent des espèces de casernes académiques assez coupées de la vie sociale.
03:35Et je crois que le système est totalement corrompu.
03:40D'abord parce que le baccalauréat, disons les choses clairement, ne vaut plus rien.
03:46Il y a quelque chose de dérisoire, c'est que chaque année on se dit, oh c'est formidable,
03:51les résultats du bac sont meilleurs que l'année précédente.
03:54Parce que cette année, il n'y a plus 90% de reçus, il y en a 91 ou 92.
04:08Et le problème c'est qu'on précipite de ce fait beaucoup de jeunes gens dans ce mirage
04:17que sont les études universitaires, qui ne devraient pas être réservées à une élite
04:23parce que je pense que les autres filières peuvent être parfaitement élitistes aussi.
04:28Mais on voit arriver dans les facultés de lettres des jeunes gens qui sont sérieux,
04:35gentils, mais dont la formation au niveau primaire et secondaire est si faible
04:44qu'elle ne leur permet pas de faire des études supérieures.
04:49Ils vont, comme la mouche contre la vitre, faire une première année, redoubler la première année,
04:56passer en deuxième, il y en a des quantités comme ça, il y en a des centaines de milliers.
05:01Et je pense que c'est devenu absurde.
05:05J'ai été doyen de faculté à l'université de Lyon.
05:09J'ai regardé, je dirigeais une université littéraire,
05:15mais c'était consacré aux langues et civilisations étrangères.
05:19On enseignait 25 langues et civilisations étrangères à plus de 2000 étudiants.
05:23Bon, très bien.
05:25J'ai regardé l'histoire de l'université de Lyon.
05:29N'entraient en faculté que des gens qui pratiquement se préparaient à devenir professeurs eux-mêmes.
05:38Soit au lycée, on passait l'agrégation des lycées,
05:42soit dans l'université, c'est-à-dire que pour une large part,
05:48les professeurs d'université formaient leurs successeurs.
05:52Et aujourd'hui, quand vous avez 20 000, 30 000, 40 000 étudiants dans une faculté de lettres,
05:57ça pose tout de même un problème.
06:00Écoutez, vous avez brossé un tableau du paysage global, de votre vision.
06:08Donc, pour me greffer sur ce que vous avez dit,
06:11vous avez parlé d'un modèle napoléonien.
06:15Donc ça, ça me parle, comme on dit en 68.
06:19Ça me parle parce que, d'abord, j'ai ressenti dans ma chair.
06:28Et puis en étudiant, j'ai vu qu'effectivement, c'était une spécificité française.
06:33C'est le modèle napoléonien, c'est-à-dire militaire, en fait.
06:37Oui.
06:38Et ça, Napoléon, il a organisé les universités de façon militaire, comme une armée.
06:51Et les professeurs devaient quasiment, et doivent, enrégimenter les étudiants.
07:03Et il a fait, en plus, c'est une précision, sur le modèle de l'empereur romain justinien.
07:14Ah bon ?
07:15C'était un modèle pour Napoléon.
07:16Oui.
07:17C'était le modèle romain.
07:18Oui.
07:19Le modèle de l'empereur qui détient tout le savoir et qui le fait dispenser.
07:30C'est ça.
07:31Oui.
07:32C'est cette mythologie-là.
07:34Alors, moi, je ne trouve pas que 68 ait tant bousculé que ça, cette mentalité.
07:42J'ai plutôt ressenti ce côté militaire, moi, dans l'université.
07:47Alors, disons quand même que c'était l'émeute.
07:54À votre époque, je n'ai pas connu du tout.
07:56Moi, je suis allé en 66.
07:58Donc, quand je suis arrivé, j'avais peut-être...
08:02Ça s'est beaucoup calmé.
08:03Dans les dégâts, peut-être.
08:04Mais moi, je n'ai pas ressenti de...
08:07De trouble.
08:08Non, non.
08:09De désordre.
08:10Non.
08:11Ce que j'ai compris, ce que je comprends même encore maintenant, que je cherche à comprendre,
08:14c'est qu'il y avait eu, effectivement, en 68, un courant, un mouvement visant précisément
08:24à réformer l'université.
08:26Mais l'université française, en réalité, depuis le XIXe siècle, elle se pose la question
08:32de sa réforme à cause de l'axe napoléonien.
08:36C'est quand même quelque chose, l'axe napoléonien.
08:40Révolutionnaire, même.
08:42Parce qu'il n'y a pas que Napoléon.
08:43Autour de lui, vous avez des gens comme Dupin-Aimé, par exemple.
08:49On vient leur dire, écoutez, il y a un problème, là.
08:54Nos voisins allemands, ils procèdent différemment.
08:58C'est-à-dire, nous, on a le professeur sur sa chair qui déroule la parole des principes.
09:08Il déroule les principes, d'ailleurs, acquis par la Révolution française.
09:14C'est quasiment biblique comme délivrance de savoir.
09:19Et l'étudiant, il reste quoi ?
09:23Il n'y a pas d'échange.
09:25Il y a un respect religieux pour le maître.
09:28Oui, dans le cours magistral.
09:30Dans le cours magistral.
09:31Mais à l'époque, attention, il n'y avait que le cours magistral.
09:34Alors qu'en Allemagne...
09:36Non, mais en 68, même avant 68, ça avait évolué.
09:39Qu'est-ce que j'ai mal dans un cerveau ?
09:41Il y avait des travaux dirigés, etc.
09:43Je sais bien.
09:44Mais précisément pourquoi ?
09:46Dans l'optique de réformer l'université française
09:50et d'essayer de trouver cette dynamique intellectuelle
09:54qui existait en Allemagne
09:56et qui existe à la même période, au XIXe, aux États-Unis également,
10:00qui est la dynamique en particulier du séminaire,
10:03c'est-à-dire du dialogue, de l'échange,
10:06du petit groupe, de réflexion.
10:08Oui.
10:09Non, mais c'est important parce que
10:12tout le XIXe siècle et jusqu'en 68,
10:15et même encore jusqu'à nos jours,
10:18il y a la tentative française
10:21d'obtenir quelque chose
10:23qui puisse ressembler à ça.
10:25Et en fait, moi, ce que je vois,
10:27c'est que nous n'y parvenons pas.
10:29Et 68 a été une énième expérience
10:32pour essayer de dynamiser...
10:35Non pas de dynamiter,
10:37de dynamiser la réflexion.
10:39Oui.
10:40Et moi, ce que j'ai retenu,
10:42ce que je crois comprendre de 68,
10:44c'était surtout que le professeur
10:46était puissant de son pied d'estale
10:48et qu'il y ait échange, dialogue.
10:51Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous
10:53sur l'interprétation de 68.
10:55Je vais m'expliquer.
10:57Les événements de 68,
11:00ce n'est pas une volonté de dynamiser,
11:02c'est une volonté de dynamiter.
11:04C'est très clair.
11:06À Nanterre, on promène le doyen Ricœur,
11:08qui est une sommité de la philosophie française,
11:10en poubelle, dans une poubelle.
11:12On salope délibérément les amphithéâtres.
11:15On empêche les cours
11:17et les promos dirigéaires d'avoir lieu.
11:19Et on veut faire la révolution
11:21au nom d'idées pseudo-marxistes,
11:23maoïstes, trotskistes, anarchistes, etc.
11:26Ça, c'est le mouvement 68
11:28que j'ai, avec beaucoup d'autres,
11:31ressenti.
11:33Pas du tout comme l'image
11:35débile qu'on en donne aujourd'hui.
11:37Aujourd'hui, on dit que c'est une fête
11:39prise au tiers,
11:41c'est l'éclosion de la jeunesse.
11:43Ce sont des fils de bourgeois
11:45qui tuaient leur père
11:47en voulant tout chambouler
11:49d'une façon absolument nihiliste,
11:51à part les marxistes.
11:53Est-ce qu'il faut les qualifier
11:55de nihilistes ou pas ?
11:57Ce serait un autre débat.
11:59La volonté de réforme dont vous parlez,
12:01elle survient précisément après
12:03ces événements de 68, tout de suite après.
12:05C'est la loi Ford en 69.
12:07C'est assez différent, je le explique
12:09parce qu'Edgar Ford lui-même
12:11est un professeur de droit
12:13bon
12:15qui disait
12:17plaisamment de ses collègues députés
12:19quand j'ai réussi l'agrégation de droits
12:21ils ont tous voulu passer leur certificat d'études
12:23ou quelque chose comme ça.
12:25Enfin bref.
12:27Donc
12:29et là on s'est
12:31fixé comme modèle
12:33le modèle américain des campus.
12:35Mais
12:37je dirais, peu importe
12:40paradoxalement que ce soit
12:42ce modèle qui prévale
12:44ou le modèle centralisé.
12:46Je dois dire quand même une chose
12:48pour la défense du système napoléonien.
12:50C'est vrai ce que vous avez dit
12:52sur le cours magistral.
12:54J'ajouterais qu'il était entouré
12:56d'une certaine cérémonie, on n'a peine à croire.
12:58En 68 à Nanterre,
13:00avant les événements,
13:02les professeurs faisaient cours en toge.
13:04Ils arrivaient à la faculté de droit
13:06le rituel était d'applaudir
13:08le professeur.
13:10Comme en Corée du Nord.
13:12Qui arrivait.
13:16La Corée du Nord c'est un autre débat.
13:18Très intéressant.
13:20Je ne sais pas qu'il existe
13:22un éducatif en Corée du Nord.
13:24C'est vrai que le Parlement européen
13:26l'a délégué en Corée du Nord.
13:28Peut-être souhaitait-il que j'y reste là.
13:30Que ce soit en danse ou en applaudissement,
13:32je préfère qu'il y ait un code.
13:34Et
13:36On l'applaudissait au début, on l'applaudissait à la fin.
13:38Les étudiants d'aujourd'hui,
13:40on peine à imaginer cela.
13:42Mais au-delà de ces symboles,
13:44l'avantage du système
13:46napoléonien, c'est que vous aviez quand même,
13:48grâce à ces grands concours,
13:50par exemple l'agrégation de moi,
13:52les concours les plus difficiles qu'ils soient,
13:54vous aviez quand même,
13:56il y a toujours des exceptions,
13:58un personnel enseignant de très grande qualité.
14:00Et
14:02qui garantissait
14:04une qualité uniforme dans le pays.
14:06Et les programmes
14:08étaient établis,
14:10c'est vrai,
14:12au plan national.
14:14Mais ça avait un certain nombre d'avantages.
14:16Les manuels,
14:18vous pouviez les acheter,
14:20c'était les mêmes.
14:22Vous pouviez commencer une première année
14:24de droit, faire le premier trimestre
14:26à Poitiers, le deuxième trimestre
14:28à Strasbourg, et le troisième trimestre
14:30à Paris, vous n'étiez pas dépaysé.
14:32Admettons que ce soit...
14:34Je vous en prie.
14:36Non, parce que justement, sur la circulation
14:38des étudiants, parlons-en.
14:40Voilà un bel exemple.
14:42Le cas allemand se caractérisait justement
14:44par le fait que vous commenciez à Berlin,
14:46première année, premier semestre,
14:48deuxième semestre, vous étiez à
14:50Heidelberg,
14:52et puis à Jena,
14:54et puis vous faisiez votre parcours comme ça.
14:56Alors que moi, ce que j'ai vécu en France,
14:58là encore,
15:01et j'ai souffert de ça,
15:03j'en souffre encore,
15:05c'est que vous êtes dans une écurie,
15:07il ne faut pas en sortir.
15:09Vous faites votre carrière
15:11à Lyon, par exemple,
15:13vous arrivez en M1 ou en M2,
15:15il ne vaut mieux pas essayer de vous amuser...
15:17Aujourd'hui, oui.
15:19Aujourd'hui, que les universités...
15:21Ils ne vont pas s'amuser.
15:23Aujourd'hui, ça ne permet d'être...
15:25Quand vous sortez de la M2, vous êtes en peur
15:27de ce qu'on avait à l'époque, le DEA.
15:29Quand vous avez votre DEA,
15:31votre directeur de thèse,
15:33mais c'est lui qui vous choisit,
15:35vous êtes dans son châtel.
15:37Vous n'allez pas vous amuser, vous,
15:39à aller vous présenter à un directeur de thèse
15:41d'une autre faculté.
15:43Non, mais...
15:45C'est ça aussi le côté...
15:47L'autre fois, c'était plus facile, justement.
15:49Moi, ce que j'ai connu, c'était que...
15:51Vous pouviez le faire,
15:53mais alors vous en payiez le prix.
15:55C'est-à-dire que quand vous arrivez
15:57dans une fac, vous êtes un étranger.
15:59Vous n'êtes pas de la maison.
16:01Oui, je connais cette habitude.
16:03Vous seriez adopté, assimilé rapidement.
16:05Ah non, mais je l'ai vécu,
16:07et je peux vous dire qu'on n'est pas du tout assimilé.
16:09Vous entrez dans une maison,
16:11et il y a des mandarins avec leurs poulains.
16:13Enfin, vous connaissez ce...
16:15Mais là, vous parlez déjà
16:17du niveau doctorat, etc.
16:19Oui, je parle du niveau supérieur.
16:21Et une dernière...
16:23Non, je vous en prie.
16:25Par rapport au modèle napoléonien,
16:27ce que je reproche à ce modèle,
16:29c'est typiquement
16:31ce qu'on a entendu...
16:33C'est parce que j'ai un peu creusé
16:35la question il y a quelques mois
16:37chez Dupin, justement.
16:39On lui dit, mais regardez les Allemands,
16:41au moins, il y a de l'agitation,
16:43ils ont des idées différentes, etc.
16:45Vous savez ce qu'il répond ?
16:47Il répond, écoutez, nous,
16:49on a eu tout le 18e pour réfléchir.
16:51Pour l'instant, les autres
16:53nations ne réfléchissaient pas.
16:55On a trouvé nos principes.
16:57Eh bien, le temps de la réflexion
16:59est terminé. Maintenant, c'est le temps
17:01évenu de l'application.
17:03Et après le philosophe et le théologien,
17:05vient le juriste.
17:07Donc, on avoue, les Allemands...
17:09C'est l'époque, c'est l'époque.
17:11Exactement.
17:13Les Allemands, ils ont besoin
17:15de réfléchir, les pauvres,
17:17parce qu'ils sont encore des barbares.
17:19Mais nous, nous, nous devons
17:22appliquer nos principes
17:24révolutionnaires.
17:26Mais on est tous...
17:28Je crois que nous sommes
17:30prisonniers, nous sommes prisonniers
17:32de cette mentalité.
17:34Il y avait quand même une assez grande diversité
17:36de caractères,
17:38de personnalités, parce que
17:40lorsqu'on appelait les mandarins,
17:42il y avait de fortes personnalités
17:44qui pouvaient défendre des thèses différentes.
17:46Moi, les carboniers,
17:48les ramaloris,
17:51Mazot,
17:53Michel Villet,
17:55moi je n'en vois pas beaucoup...
17:57En philosophie du droit, oui.
17:59Et puis, une autre note aussi
18:01que je voulais ajouter
18:03à votre dessin,
18:05c'était
18:07le fait que
18:09il ne faut pas être trop,
18:11à mon avis, victime
18:13de l'image qu'on nous présente
18:15d'un gouffre entre l'univers anglo-saxon
18:17et l'univers français.
18:20Parce que les deux
18:22puisent au même terreau médiéval.
18:24Ah oui, mais c'est...
18:26Ah oui, mais alors là, excusez-moi.
18:28Le campus américain,
18:30moi on m'a toujours dit,
18:32je ne suis pas allé aux Etats-Unis, je ne connais pas du tout,
18:34mais ce que j'en ai compris,
18:36son modèle, c'est le modèle médiéval
18:38du monastère.
18:40Et là,
18:42il y a une conjonction,
18:44précisément, entre le modèle militaire
18:46et le modèle du campus américain.
18:48C'est-à-dire que c'est toujours l'idée,
18:50et ça c'est intéressant pour les questionnements
18:52des jeunes actuellement,
18:54c'est vrai que,
18:56pour essayer de faire une sorte
18:58de bref un peu philosophique,
19:00c'est vrai que dans l'enseignement supérieur,
19:02mais c'est valable peut-être même aussi
19:04pour les petites classes,
19:06il y a l'aspect
19:08isolement
19:10du reste de la société,
19:12et l'aspect concentration,
19:14c'est-à-dire communauté,
19:16communauté séparée.
19:18Et de ce côté-là,
19:20le campus américain
19:22ou l'université française
19:26restent bien
19:28les héritières
19:30du modèle médiéval.
19:32La première université,
19:34c'était
19:36l'école cathédrale.
19:38Donc ça, je pense
19:40que ce sont des dimensions importantes,
19:42c'est l'aspect
19:44de l'isolation
19:46de la société et communauté.
19:48Oui, je suis d'accord avec vous.
19:50A ceci près que
19:52chez les anglo-saxons,
19:54on trouve davantage que chez nous,
19:56ce que vous trouviez aussi,
19:58ce dont vous venez de faire
20:00l'apologie
20:02chez les allemands,
20:04à savoir la discussion
20:06ouverte à Oxford, à Cambridge,
20:08etc. Bon, ce sont
20:10de petits groupes,
20:12on pratique le tutorat,
20:14la discussion est libre avec le professeur.
20:16Beaucoup plus,
20:18c'est vrai, que cela
20:20n'était dans notre culture.
20:22Ceci étant, l'université,
20:24c'est considérablement amélioré,
20:26mais encore une fois,
20:28je suis préoccupé
20:30par ce problème essentiel,
20:32à mon avis,
20:34du nombre de jeunes gens qui ne sont
20:36pas préparés pour des études universitaires
20:38et qui cependant s'y précipitent
20:40et ils sont acceptés
20:42parce qu'ils ont le baccalauréat,
20:44le baccalauréat, ça ne peut plus rien dire.
20:46Or, l'université,
20:48ce n'est pas le seul
20:50mode de formation,
20:52ce n'est pas le seul
20:54accès
20:56à des fonctions,
20:58à des métiers intéressants et importants.
21:00Et ce système
21:02que Napoléon décrivait,
21:04à côté des universités,
21:06il y avait des écoles militaires
21:08sur le lieu de grandes écoles,
21:10comme l'école polytechnique, mais ça n'est pas la seule.
21:12Il y a toute
21:14une série de formations
21:16chez nous qui ne sont pas
21:18dans le cadre universitaire,
21:20ce qui pose d'ailleurs quelquefois un certain nombre de problèmes
21:22parce que des écoles
21:24comme polytechnique
21:26ou des écoles
21:30à vocation militaire,
21:32comme l'école navale, etc.,
21:34ou même les grandes écoles comme l'école des ponts,
21:36l'école des mines, etc.,
21:38ça ne pose pas tellement de problèmes
21:40en termes de
21:42frais de scolarité
21:44ou autre.
21:46Mais par exemple, si vous prenez
21:48toutes les filières commerciales,
21:50les écoles de commerce
21:52sont pratiquement réservées
21:54à une élite
21:56financière.
21:58Pour le coup,
22:00les coûts de scolarité
22:02sont absolument considérables.
22:04Et les chambres de commerce
22:06et de l'industrie en font un véritable business,
22:08ce qui, après tout, est peut-être en leur nature.
22:10Mais ça, ça pose un problème.
22:12Si vous êtes issus
22:14des quartiers
22:16comme l'ont dit,
22:18défavorisés,
22:20et que vous voulez essayer de faire
22:22une grande école de commerce,
22:26je vous souhaite bien du plaisir.
22:28Ça m'évoque plusieurs choses que vous dites.
22:30Alors, effectivement,
22:32on n'est pas obligé
22:34de faire des études littéraires,
22:36je vous dis, philosophiques, universitaires.
22:38Et il y a besoin
22:40de gens qui se concentrent pour leur bonheur.
22:42Ils ont de la chance.
22:44Aux travaux notamment manuels.
22:46Moi, j'ai tendance à parler comme Isaïe.
22:48Je maudis le jour où j'ai mis les pieds dans une fac de droit.
22:52Je crois que j'aurais été plus heureux
22:54dans la vie.
22:56C'est Isaïe, non ? Ou c'est Jérémie ?
22:58C'est Jérémie, peut-être.
23:00On va relire.
23:02Tous les deux juifs, d'ailleurs.
23:04Oui, les prophètes.
23:06Les prophètes de la Bible, généralement.
23:08Et qui dit, maudit ma mère le jour où elle m'a mis au monde.
23:10Je crois que c'est Jérémie.
23:14Ah, elle dit, je maudis le jour où ma mère m'a mis au monde.
23:16Oui, c'est ça.
23:18Parce que
23:20j'avais pris
23:22le sens littéral,
23:24je maudis le jour...
23:26C'est aussi une parole de prophète.
23:28Ce qu'il caractérise, c'est aussi
23:30un mouvement de refus.
23:32Et de terreur devant sa mission.
23:34C'est important.
23:36Et donc,
23:38si on place
23:40l'enseignement universitaire
23:42au niveau où il devrait être
23:44et auquel il n'est plus, malheureusement,
23:46parce que les enseignants et les étudiants
23:48se plaignent
23:50qu'il y a un truc qui ne va pas.
23:52Si on le place à ce niveau,
23:54heureusement, tout le monde
23:56n'est pas appelé à emprunter
23:58cette voie-là.
24:00Je me demande s'il n'y a pas
24:02une sorte de mentalité
24:06qui viserait
24:08à l'uniformisation
24:10de toutes les formations.
24:12D'ailleurs, on ne
24:14ne tolérerait pas
24:16qu'il y ait disparité.
24:18Oui, on le voit
24:20notamment dans le refus de la sélection.
24:22Par exemple.
24:24Et ça se traduit, comme vous l'avez noté,
24:26par une sélection, finalement,
24:28parce que c'est incontournable
24:30la disparité. Et ça se traduit
24:32par une sélection par l'argent.
24:34Oui, notamment dans certaines filières.
24:36Ou une sélection
24:38par l'échec.
24:40Elle est considérable.
24:42Le nombre d'étudiants
24:44qui sont inscrits en première année
24:46de fac. C'est du gâchis.
24:48C'est du gâchis de temps, c'est du gâchis d'argent
24:50pour eux, pour la collectivité.
24:52On vit sur
24:54le modèle ancien.
24:56Une fois encore que
24:58vous avez le baccalauréat,
25:00vous pouvez choisir librement
25:02n'importe quelle spécialité
25:04sans aucune considération
25:06des débouchés effectifs.
25:08C'est comme ça, par exemple.
25:10C'était une des causes, quand même,
25:12de la crise étudiante
25:14autrefois, que vous aviez
25:16des dizaines de milliers d'étudiants
25:18qui s'inscrivaient en sociologie.
25:20Dans la croyance naïve que,
25:22puisqu'on les laissait entrer dans cette filière,
25:24c'est qu'il y avait des débouchés derrière
25:26et il n'y en avait pas.
25:28Mais on ne voulait pas leur refuser l'accès.
25:30Et on ne veut pas leur refuser l'accès,
25:32notamment parce que si on le leur refusait,
25:34on risquerait de gonfler
25:36les statistiques du chômage.
25:38Et puis surtout, du chômage,
25:40c'est chez les professeurs de sociologie.
25:42Bien sûr.
25:44L'autre note
25:46que je voulais faire, c'était
25:48sur le lycée.
25:50Il est évident
25:52que l'université, son
25:54socle, c'est le lycée d'abord.
25:56Et le collège avant, et même l'école primaire,
25:58en réalité.
26:00Moi, je pense que ça se joue
26:02dès l'école primaire.
26:04Dès le CP, CE1, CE2.
26:06Là, c'est un sujet
26:08qu'on peut peut-être aussi
26:10aborder.
26:12Il y a beaucoup de choses à dire.
26:14Et alors...
26:16Les savoirs fondamentaux,
26:18ce n'est pas nous
26:20qui le disons.
26:22M. Chevènement avait découvert
26:24qu'il fallait que l'école primaire
26:26serve à enseigner déjà
26:28à lire, à écrire.
26:30Alors, lire et écrire.
26:32Il y a une réflexion qui me vient
26:34chaque fois que j'entends parler de l'apprentissage
26:36à la lecture et à l'étude,
26:38et qu'on invoque la littérature française,
26:40par exemple.
26:42Moi, ce que
26:44j'ai appris en cherchant,
26:46c'est que
26:48chez les Romains,
26:50dans l'Antiquité,
26:52il y avait un conflit
26:54entre l'éducation traditionnelle
26:56classique qui était jugée
26:58la bonne éducation, c'était le grec.
27:00Oui.
27:02Et l'éducation vulgaire
27:04de bas étage consistait
27:06à apprendre le latin
27:08et à étudier la littérature latine.
27:10Oui.
27:12C'est pour donner nos deux
27:14grands ancêtres,
27:16les grands maîtres de la culture occidentale,
27:18sont quand même les Grecs
27:20et les Latins.
27:24Moi, je crois
27:26que si, dans les 30 ou 40 ans
27:28à venir, on veut vraiment
27:30rehausser le niveau
27:32comme on peut prévendre le faire,
27:34il faut en revenir aux anciens.
27:36C'est-à-dire aux Latins, au moins.
27:38Toutes les générations de jeunes Français
27:40ne vont pas se mettre au latin,
27:42ne vont pas rêver.
27:44Je suis tout à fait d'accord
27:46avec vous que la disparition
27:48de ce qu'on appelait les humanités,
27:50c'est une vérité programmée.
27:52Mais l'apprentissage de l'écriture
27:54et de l'écriture, même chez tout le monde,
27:56est-ce qu'elle n'exigerait pas un peu
27:58de passage par le latin ?
28:00Est-ce qu'on ne comprendrait pas mieux la grammaire
28:02si on passait par un peu de grammaire ?
28:04Oui, bien sûr. Mais le latin m'a aidé
28:06personnellement dans l'étude du japonais.
28:08Pourtant, il n'y a aucune espèce de relation
28:10entre les deux langues, mais il y a un certain nombre
28:12de questions de grammaire qui se posent.
28:14Par exemple, comment exprimer
28:16où ?
28:18C'est ce qu'on appelle la question ex quo unde ?
28:20C'est-à-dire où ? D'où venez-vous ?
28:22Où êtes-vous ? Où allez-vous ?
28:24Ce n'est pas tout à fait la même chose.
28:26En latin, ça s'est traduit par trois mots différents.
28:28En japonais, c'est pareil.
28:30Donc, il y a une gymnastique
28:32intellectuelle,
28:34bien évidemment, une gymnastique intellectuelle
28:36qui est utile
28:38en tout état de cause, sans compter que le
28:40latin est très utile aussi
28:42pour l'apprentissage des langues latines.
28:44Si vous êtes français,
28:46francophone de naissance
28:48et que vous avez étudié le latin,
28:50ensuite pour l'espagnol, le portugais,
28:52j'irais même presque
28:54le roumain.
28:56C'est beaucoup plus facile.
28:58Donc là, il y a quand même des choix.
29:00Oui.
29:02On impose, finalement,
29:04surtout l'anglais.
29:06C'est l'anglomanie.
29:08Il faut savoir ce qu'on veut aussi.
29:10L'anglomanie est présente.
29:12En dépit, d'ailleurs, de la loi Toubon,
29:14qui est une des rares...
29:16La moins respectée des lois françaises.
29:18Oui.
29:20C'est une des rares bonnes choses
29:22que M. Toubon ait faite.
29:24La télévision
29:26est submergée.
29:28Tout le monde parle.
29:30On est la
29:32start-up nation.
29:34C'est le chef de l'État qui a décidé ça.
29:36Nous étions la start-up nation.
29:38Et Renault
29:40vous vend la French touch.
29:42Et que sais-je encore ?
29:44Et même
29:46Bayer,
29:48qui n'est pas allemand,
29:50le slogan,
29:52c'est « Science for a better life ».
29:54Ce serait
29:56encore
29:58« Wissenschaft für ein
30:00besser Leben ».
30:02On pourrait comprendre.
30:04Quand vous articulez de l'allemand,
30:06vous me faites peur.
30:08Pardon, je ne le ferai plus.
30:10Je ne le ferai plus.
30:12C'est un peu
30:14le sujet.
30:16Quand on me demande,
30:18on me dit que l'enseignement s'effondre,
30:20que pourrait-on faire,
30:22etc.
30:24Alors que faire ?
30:26La réponse qui me vient à l'esprit,
30:28c'est ce dont on a toujours fait
30:30sur les deux millénaires de leur histoire,
30:32c'est-à-dire un retour aux humanités.
30:34Les renaissances sont du passé.
30:36Mais aussi, à mon avis,
30:38parce qu'à mon avis c'est fondamental,
30:40sans en arriver
30:42aux excès délirants
30:44tels que le numerus clausus
30:46dans les études de médecine
30:48dont nous allons maintenant payer le prix
30:50et que j'ai dénoncé pendant un temps
30:52où on avait des gens aptes,
30:54capables et ayant la vocation
30:56de devenir médecin
30:58qui, malgré leur réussite
31:00à l'examen de première année,
31:02n'étaient pas admis à continuer.
31:04Bon, ça c'est
31:06une très mauvaise sélection.
31:08Mais en revanche,
31:10ce que je crois absolument nécessaire
31:12et qui n'existe plus,
31:14ce sont des contrôles périodiques
31:16du niveau
31:18atteint par
31:20un être jeune
31:22qui doit savoir
31:24lui-même
31:26s'il a le niveau ou pas.
31:28Et s'il n'a pas le niveau,
31:30qu'on l'y adapte. Par exemple,
31:32vous aviez
31:34le certificat d'études.
31:36Si vous n'avez pas le certificat d'études,
31:38vous ne pouvez pas aborder
31:40l'enseignement secondaire. Le baccalauréat d'autrefois
31:42correspondait à quelque chose. Si on le supprime,
31:44moi je deviens comme au Japon.
31:46Au Japon il n'y a pas de baccalauréat.
31:48Lionel Jospin avait dit
31:50je voudrais 80% de bacheliers
31:52comme au Japon.
31:54C'est tout à fait absurde parce qu'il n'y a pas de baccalauréat au Japon.
31:56Vous terminez vos études secondaires,
31:58voilà. Mais,
32:00pour entrer
32:02dans une université, il faut passer
32:04les sélections d'entrée.
32:06Et là on vérifie votre aptitude
32:08à suivre
32:10le parcours.
32:12J'ai une objection quand même
32:14qui est assez fondamentale et qui rejoint
32:16la différence
32:18de point de vue entre le point de vue
32:20français napoléonien
32:22et le point de vue allemand américain.
32:24Et en réalité, moi c'est un problème
32:26parce que je n'arrive pas à savoir
32:28comment fonctionnaient justement les médiévaux.
32:30C'est la question que je me pose.
32:32C'est au sujet de l'examen.
32:34Il y a une
32:36philosophie complètement différente,
32:38profondément,
32:40entre l'examen
32:42conçu par
32:44un juriste de Harvard par exemple
32:46et un juriste français.
32:48Le français,
32:50il vous pose une question.
32:52Il faut donner la bonne réponse.
32:54La bonne réponse,
32:56c'est-à-dire c'est celle que vous
32:58avez apprise.
33:00Il faut réciter. Non mais si, c'est important.
33:02C'est important.
33:04Non mais c'est important
33:06parce que la différence, regardez la différence.
33:08Non mais attendez,
33:10j'ai pas fini. C'est l'examen.
33:12L'examen. Or,
33:14l'examen, dans une mentalité
33:16casuistique
33:18anglo-saxonne,
33:20c'est la mentalité,
33:22c'est une maieutique.
33:24C'est-à-dire, c'est pas
33:26la question que l'on vous pose
33:28à condition précisément
33:30qu'elle porte sur une
33:32question dont vous n'avez pas la réponse.
33:34C'est l'effort
33:36fourni pour
33:38trouver la réponse qui est formateur
33:40et qui vous enseigne.
33:42Et c'est là, moi,
33:44sur cette opposition.
33:46Ça dans l'enseignement, mais je vais vous dire
33:48que ce soit dans les pays anglo-saxons ou en Allemagne,
33:50on ne se prive pas de contrôler les connaissances.
33:52Oui, mais il y a quand même
33:54une philosophie fondamentale différente.
33:56Et moi,
33:58d'en parler avec vous,
34:00vous voyez bien les deux.
34:02Peut-être que j'exagère un peu
34:04les contradictions,
34:06mais je répète, il y a la réponse
34:08que vous avez apprise par cœur. On vous pose
34:10la bonne question, la question cour,
34:12comme on dit. Et vous donnez la réponse,
34:14quasiment sans réfléchir.
34:16Et vous avez l'examen
34:18qui porte sur une énigme
34:20pour vous. Et c'est la résolution
34:22de l'énigme qui fait que vous êtes formé.
34:24Et ça...
34:26Je suis d'accord avec vous comme méthode pédagogique.
34:28Ça, c'est d'accord.
34:30Mais nous parlions
34:32à ce moment-là de l'école primaire.
34:34Je dis que c'est un crime
34:36d'admettre dans le secondaire
34:38des enfants qui ne savent pas
34:40lire et écrire.
34:42Or, c'est le cas d'une grande partie
34:44de ceux qui terminent leur cursus
34:46primaire. Ça ne veut pas dire
34:48qu'ils sont perdus pour la vie.
34:50Pas du tout. Ça veut dire que
34:52alors de laisser passer
34:54dans l'enseignement secondaire,
34:56il faut s'assurer
34:58qu'ils aient acquis justement
35:00ces fondamentaux. Sinon, on pourrit
35:02la vie et l'enseignement dépend.
35:04Je mets ça sur cette table ronde.
35:06Oui.
35:08Parce que je sais que vous êtes connaisseur
35:10de la philosophie zen.
35:12Et qu'est-ce que ça vous évoque,
35:14cette opposition ? Est-ce qu'elle a un sens ?
35:16Oui, tout à fait.
35:18Mais le zen est un peu nihiliste
35:20quand même.
35:22La philosophie zen vise
35:24notamment par la pratique des moines zen.
35:26Elle vise par toutes sortes d'exercices
35:28de méditation d'alors, de retour sur soi-même
35:30et aussi de questions
35:32de dialogue avec le Maître.
35:34Dialogue souvent des questions
35:36qui apparaissent absurdes.
35:38Donc, il faut trouver
35:40une réponse.
35:42Quel est le bruit d'une seule main ?
35:44Oh, c'est beau !
35:46Où étiez-vous avant la naissance de vos parents ?
35:48C'est fascinant !
35:50Toutes ces questions...
35:52Vous voyez, cette
35:54dernière question m'évoque
35:56typiquement
35:58les questions qui étaient posées
36:00aux élèves dans les écoles
36:02de rhétorique romaine.
36:04C'était des
36:06cas, des espèces
36:08d'énigmes et alors il fallait
36:10plaider.
36:12Mais on ne peut pas
36:14conduire un avion, ceci étant dit.
36:16On ne peut pas
36:18laisser le pilotage
36:20d'un avion à quelqu'un
36:22dont on aurait jugé que l'agilité d'esprit.
36:24Il y a quand même un certain
36:26nombre de connaissances à acquérir,
36:28de techniques.
36:30Bon, même si je suis
36:32encore une fois d'accord avec vous,
36:34éventuellement dans les études juridiques,
36:36il vaudrait beaucoup mieux acquérir l'esprit
36:38général du raisonnement
36:40juridique, par exemple, que
36:42des questions de détail
36:44que de toute façon
36:46d'une législation qui de toute façon
36:48va évoluer. Mais
36:50encore une fois,
36:52ce que je crois
36:54que le drame principal de notre système éducatif
36:56à l'heure actuelle, c'est
36:58qu'on admet dans des filières
37:00des gens qui ne s'y sont
37:02pas préparés. Alors ça ne veut
37:04pas dire qu'il faut les exclure
37:06définitivement, ça veut dire qu'il faut
37:08s'assurer qu'ils y soient préparés. Autrefois
37:10il y avait par exemple ce qu'on appelait la
37:12propédotique, avant d'aborder les
37:14intérêts de Baroui, c'est-à-dire
37:16qu'il y avait une année où l'on vérifiait
37:18que le bachelier avait bien
37:20le niveau pour
37:22l'acheter.
37:24Oui, mais je me demande si justement, on ne met pas un peu
37:26la charrue avant les bœufs, ça m'évoque
37:28un grec
37:30qui est
37:32à l'aube de la philosophie grecque, c'est
37:34Protagoras, et moi j'avais lu
37:36une anecdote
37:38comme quoi au début c'était un humble
37:40paysan, mais un philosophe
37:42il y avait déjà des maîtres
37:44un maître de philosophie qui passait par là
37:46il avait vu
37:48nouer son fareau de bois
37:50et il avait
37:52trouvé que le petit enfant
37:54avait une ingéniosité dans la façon
37:56de nouer, il s'est dit lui
37:58il a des aptitudes
38:00il faut détecter les aptitudes, je suis d'accord
38:02et du coup
38:04il en a fait un élève
38:06il a appris
38:08et alors là oui, il y a eu toute la
38:10propédautique, l'enseignement, etc.
38:12Mais voilà, donc
38:14si vous voulez, il y a
38:16je crois que l'agilité
38:18d'esprit
38:20est quand même...
38:22C'est très important
38:24Y compris dans les métiers manuels
38:26Y compris dans les...
38:28Bien sûr, bien sûr
38:30L'ingéniosité, être ingénieur
38:32Mais il est certain
38:34Pourquoi est-ce que beaucoup de jeunes gens se dirigent
38:36dans des filières
38:38soi-disant intellectuelles
38:40purement
38:42intellectuelles, enfin je parlais
38:44de la sociologie, il faut qu'il y ait des sociologues
38:46bien sûr, il ne faut pas qu'il y ait des millions
38:48de sociologues
38:50et pas vers des
38:52études plus concrètes
38:54c'est parce que précisément
38:56les métiers manuels
38:58ne sont pas rétribués
39:00à leur geste d'aleur
39:02bien souvent
39:04les métiers de technicien
39:06ne sont pas suffisamment appréciés
39:08je pense que
39:10tout ça, pour maintenant...
39:12Non mais ça c'est pas normal, c'est vrai que ça c'est...
39:14Alors une remarque
39:16que j'ai en réserve
39:18depuis un moment, c'est sur le
39:20ignous clausus
39:22alors je vais vous provoquer
39:24comme vous me connaissez
39:26J'ai l'habitude de te provoquer
39:28et de te provoquer moi
39:30Oh non !
39:32Alors tenez
39:34je place une petite remarque avant
39:36il y a une chose qu'il faut dire
39:38c'est que sur ces sujets
39:40moi je trouve, sur l'enseignement
39:42il y a une censure
39:44qui pèse sur nous
39:46en fait on ne peut pas tout dire
39:48tout ne peut pas se dire
39:50il y a une telle
39:52religion
39:54vous avez parlé de la sélection par exemple
39:56c'est un tabou
39:58j'ose pas parler
40:00j'ose pas remettre en cause la mixité
40:02oui
40:04alors que
40:06est-ce que ce ne serait pas des ingrédients
40:08j'en ai...
40:10en tout cas c'est pour vous dire
40:12c'est pour prévenir l'auditeur
40:14c'est pour prévenir l'auditeur
40:16nous marchons
40:18nous marchons sur un fil
40:20sur ces sujets
40:22alors moi il y a une chose quand même
40:24où là je veux bien endosser
40:26la robe de véritique
40:28moi j'ai le culte du numéro exclusif
40:30et là
40:32tous les enseignants avec qui j'en ai parlé
40:34étaient d'accord avec moi
40:36mais personne ne veut résoudre ce problème
40:38qui est je crois le problème fondamental
40:40avant la sélection
40:42c'est à dire
40:44d'élargir la question
40:46c'est à dire que vous dites
40:48c'est ce que pratiquent toutes les grandes écoles
40:50nous avons tant de personnes
40:52par promotion
40:54et la clé, qu'est-ce qu'on fait à l'école nationale
40:56qu'est-ce qu'on fait à l'école nationale supérieure
40:58oui
41:00les fameuses colles
41:02qui sont très importants
41:04dans les classes préparatoires
41:06il y a combien d'étudiants
41:08avec le professeur
41:10deux, trois
41:12voilà
41:14cet enseignement antique
41:16comment est-ce qu'il se déroulait
41:18il se déroulait dans un cadre domestique
41:20parce que l'université en réalité
41:22elle est née au XIe siècle
41:24c'est là que ça commence à s'enrégimenter
41:26le premier Napoléon
41:28c'est sans doute Grégoire Zet
41:32vous aviez le maître de maison
41:34avec ses disciples
41:36qui étaient quasiment ses enfants
41:38et ça c'est
41:40donc en nombre vous avez trois, quatre disciples
41:42c'est tout
41:44et même dit-on dans l'enseignement d'Aristote
41:46on dit qu'il enseignait en marchant
41:48et péripathéticien
41:50comment voulez-vous enseigner en marchant à cinquante personnes
41:52péripathéticien
41:54qui ne sent pas ce que l'on croit
41:56comment voulez-vous
41:58comment voulez-vous
42:00enseigner en marchant à cinquante personnes
42:02évidemment qu'il n'y avait pas cinquante personnes
42:04et d'ailleurs
42:06il y avait une forme de sélection
42:08vous aviez
42:10les boiteux
42:12non il y avait le premier cercle
42:14évacués
42:16non on marchait plus doucement
42:18mais vous aviez le premier cercle
42:20et puis autour éventuellement
42:22vous aviez les auditoresses
42:24vous voyez
42:26moi je crois, j'ai testé ça
42:28en tant que conseillant
42:30mais j'appelle ça
42:32la magie du petit nombre
42:34oui
42:36je pense que
42:38vous pouvez prendre n'importe quel
42:40monsieur Goldman
42:42oui je sais
42:44c'est un côté provocateur
42:46non mais je veux dire
42:48c'est une clé à mon avis
42:50parce que ce qui est important c'est la pédagogie
42:52je suis persuadé
42:54vous prenez n'importe quel cancre
42:56illettrement
42:58au lieu de le prendre dans des classes de 30
43:00vous le prenez dans des groupes de 3-4
43:02et là effectivement
43:04il n'y a plus besoin de faire des classes de niveau
43:06et effectivement
43:08les bons vont remonter
43:10les moins bons
43:12mais on ne s'oriente pas vers ça
43:14c'est constable puisque
43:16le régime actuel
43:18persécute
43:20l'enseignement à domicile
43:22alors justement j'y pensais
43:24c'est qu'il y a une
43:26forme d'inégalité également
43:28c'est que ce qui se développe
43:30c'est les couvres particuliers
43:32et qui sont
43:34en fait la pédagogie
43:36de l'élite par excellence
43:38oui bien sûr
43:40sans compter le fait que c'est vrai
43:42ça je ne vois pas très bien comment
43:44on peut faire sauf à demander aux parents à s'abattir
43:46eux-mêmes
43:48que des enfants qui naissent dans un milieu
43:50cultivé
43:52auront plus de chance
43:54ne serait-ce que par les conversations
43:56familiales, les conseils de leurs parents
43:58que ceux
44:00qui naissent
44:02des livres
44:04avoir chez soi une bibliothèque
44:06avec des livres, on va me dire
44:08aujourd'hui avec internet
44:10tout le monde a accès à la culture
44:12bon
44:14mais donc
44:16là il y a
44:18le néo-extrémisme que je disais
44:20ce n'est pas le fait de se réunir
44:22en petits rangs
44:24pour la pédagogie
44:26c'est le fait de bloquer
44:28une profession
44:30tout entière
44:32et en l'occurrence
44:34contrairement aux disciplines
44:36parfaitement théoriques que j'évoquais tout à l'heure
44:38une profession dont le pays avait
44:40le plus grand besoin
44:42c'est l'incapacité du dirigeant
44:44à se projeter dans l'avenir
44:46et le fait qu'on ne trouve plus
44:48de médecins aujourd'hui
44:50et qu'on était obligé de titulariser
44:52à tour de bras
44:54par milliers des médecins d'origine étrangère
44:56souvent venant de pays défavorisés
44:58et qui manquent beaucoup
45:00à leur pays d'origine
45:02c'est un truc de fou qu'on a vécu
45:04ça n'a rien à voir avec le fait
45:06qu'une école d'ingénieurs
45:08qu'une école d'ingénieurs, par exemple
45:10je ne sais pas, je dis n'importe quoi
45:12à l'école des milliers, il y a 200 places
45:14on prend les 200 meilleurs du concours
45:16sauf ceux qui sont allés ailleurs
45:18bon, très bien
45:20mais il y a d'autres
45:22ce n'est pas grave, pourquoi ?
45:24c'est une école d'ingénieurs
45:26et au Japon dont je parlais
45:28ou en Allemagne d'ailleurs, c'est pareil
45:30vous avez quantité
45:32de systèmes
45:34je n'ose dire universitaires
45:36de systèmes après le secondaire
45:38d'enseignement supérieur
45:40que ce soit technique
45:42littéraire
45:44juridique, économique ou autre
45:46vous avez quantité d'universités
45:48d'établissements
45:50mais
45:52ils sont des niveaux
45:54différents
45:56ceci étant, même les plus modestes
45:58forment des gens
46:00qui vont être utiles à la société
46:02et qui auront
46:04la considération
46:06eux-mêmes, la considération d'eux-mêmes
46:08d'être utiles
46:10à quelque chose
46:12c'est ça quand même qui est tout à fait essentiel dans l'acquisition
46:14d'un savoir
46:16et généralement d'un savoir
46:18orienté vers la pratique d'un métier
46:20au passage
46:22ça m'a évoqué une réflexion de Hautement
46:24au XVIe siècle
46:26je ne connais pas
46:28cet auteur
46:32il avait embrassé
46:34le protestantisme
46:36comme tous les juristes au XVIe siècle
46:38au début
46:40et alors lui
46:42il remettait en question justement
46:44l'université, parce que la discussion
46:46qu'on a là, je pense qu'elle est très occidentale
46:48depuis le XIe siècle
46:50les gens passent leur temps à se dire
46:52ça ne fonctionne pas, il faut trouver
46:54autre chose
46:56et lui
46:58avait fait une remarque
47:00ça m'y a fait penser, c'est que
47:02les médecins, il y en a besoin
47:04on peut peut-être pas, sauf ça pourrait se discuter
47:06on peut peut-être pas soupçonner
47:08les médecins de susciter eux-mêmes
47:10les maladies, mais encore que ce serait
47:12il y a quand même quelques
47:14ça peut arriver
47:16mais disons
47:18vous mentionniez ce besoin
47:20de médecins, parce qu'il y a des malades
47:22mais alors lui il parlait des avocats
47:24et il disait
47:26le problème de l'avocat, c'est lui qui
47:28suscite le contrancieux
47:30c'est vrai, c'est pas faux
47:32et il était contre
47:34et en fait c'était une offensive
47:36contre les facultés de droit
47:38qui d'après lui s'était mise à produire
47:40beaucoup trop
47:42de juristes
47:44et ça avait suscité
47:46un remue-ménage dans la société
47:48une sorte de conflit, et ça ça fait penser
47:50par contre aux Etats-Unis
47:52où il y a ce phénomène
47:54où la judiciarisation, mais ça vient
47:56non seulement
47:58l'augmentation des avocats
48:00des magistrats
48:02mais la réglementation
48:04c'est l'excès de réglementation
48:06quand vous réglementez tous les aspects
48:08de la vie politique, économique, sociale, culturelle
48:10sexuelle, etc.
48:12c'est vrai qu'avant d'embrasser une fille
48:14il faut passer chez un notaire
48:16pour s'assurer
48:18moi j'irais d'abord chez le psychiatre
48:20pour qu'il délivre un certificat
48:22et ensuite chez le notaire
48:24avec un mot des parents
48:26oui
48:28c'est ça
48:30mais
48:32à quelle époque ?
48:34est-ce qu'on termine là-dessus ?
48:36je crois
48:38c'est notre
48:40c'est notre propos
48:42ni woke ni féministe
48:44qui nous fera
48:46qualifier de réactionnaire
48:48alors
48:50vous pas peut-être pas
48:52mais moi certainement aussi
48:54je sais pas
48:56attendons, nous allons être fixés
48:58l'avenir le dira
49:00on coupera ça
49:10Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org