Le Samedi Politique avec Henri Guaino - Guerre, dissolution : Macron, ivre de lui-même ?

  • il y a 3 mois
Dans ce nouveau numéro du Samedi Politique, nous analysons la situation actuelle en France avec Henri Guaino, ancien député, essayiste ("Ils veulent tuer l’Occident" chez Odile Jacob, "À la 7ème fois, les murailles tombèrent", aux Editions du Rocher) et conseiller spécial du président Nicolas Sarkozy.

Après le résultat catastrophique de sa candidate lors des élections européennes, le président Emmanuel Macron, vexé, a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. En campagne permanente depuis des mois, le locataire de l’Elysée outrepasse ses fonctions et abîme souvent les institutions.

Après 7 ans au pouvoir, le président s’enferme en surplombant le peuple qu’il n’écoute pas. Pour casser les Gilets Jaunes, il a maté la révolte par la force, pour la réforme des retraites, il est passé en force, manipulant les textes et les législations… Et pour s’immiscer dans la guerre en Ukraine, il s’est lui-même engagé dans un engrenage dangereux, au mépris des volontés populaires. De cette attitude extrémiste, découle la colère des Français. Une colère à laquelle la dissolution présentée comme une occasion de clarification pourrait être un nouveau tour de force.

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00:00:35Bonjour à tous, bienvenue dans ce nouveau numéro du samedi politique, je suis très
00:00:56heureuse de vous retrouver pour parler aujourd'hui de l'actualité politique, évidemment, de
00:01:01notre pays, votre sanction, dissolution de l'Assemblée nationale, élection législative
00:01:06anticipée, nous sommes face à une actualité particulièrement mouvementée alors que la
00:01:11guerre sévit toujours à nos portes, sommes-nous face à une destruction créatrice ou encore
00:01:17à l'imminence du chaos ? C'est ce que nous allons voir dans un instant, mais avant comme
00:01:21chaque semaine, je vous le rappelle, je compte exclusivement sur vous pour le succès de
00:01:25cette émission, aussi pensez à relayer cette vidéo, bien sûr à ajouter vos commentaires
00:01:30juste en bas auxquels je réponds chaque semaine et puis pensez également à cliquer
00:01:33sur ce fameux petit pouce en l'air, ça prend une seconde, mais c'est très important, alors
00:01:39prenez le temps de le faire, à tout de suite.
00:01:41Et à mes côtés pour cette émission, Henri Guaino, bonjour monsieur, merci beaucoup
00:01:56d'être avec nous, vous êtes ancien député, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy,
00:02:02vous avez publié plusieurs ouvrages, les deux derniers, ils veulent tuer l'Occident,
00:02:05c'était chez Odile Jacob et en 2023, à la septième fois, les murailles tombèrent
00:02:11aux éditions du Rocher.
00:02:13Alors ces dernières années, Henri Guaino, les Français ont connu la crise des gilets
00:02:16jaunes, leur gestion publique fort discutable, le Covid-19, une gestion hygiéniste et liberticide
00:02:24que vous aviez d'ailleurs dénoncée à l'époque, vous aviez aussi alerté sur les dangers
00:02:28de la guerre en Ukraine dans une tribune très remarquée.
00:02:31La situation politique actuelle, pour vous, est-elle une suite logique de tout cela ?
00:02:35– Oui, elle s'inscrit dans ce long processus de dégradation de l'esprit public, des institutions,
00:02:45mais pas seulement de la politique aussi, dans la dégradation de la cohésion sociale,
00:02:52de la cohésion de la société, ce qui est en jeu aujourd'hui,
00:02:57c'est à la fois l'avenir de la démocratie et l'unité de nos sociétés,
00:03:04je dis nos sociétés parce que ce mal est celui de toutes les sociétés occidentales.
00:03:13Alors il y a d'autres mots dans les autres sociétés, mais il est frappant de voir
00:03:17à quel point les sociétés occidentales se fracturent et se fracturent profondément.
00:03:22Or, on va prendre une référence qui m'est chère qui est celle de René Girard,
00:03:31toute société trop divisée finit toujours par tenter de reconstruire son unité par la violence.
00:03:40C'est ainsi depuis qu'il y a des sociétés dans le monde, c'est une loi quasiment intangible.
00:03:52On a vécu des crises qui, toutes circonstances étant différentes,
00:04:01aussi graves dans les années 30, où les sociétés se disloquaient,
00:04:08ça recommence après les trente glorieuses, après une période qui a connu un certain apaisement
00:04:17à la fois à l'intérieur de la société et à l'extérieur,
00:04:19même s'il y a eu, pendant la guerre froide, il y a eu beaucoup de conflits,
00:04:23mais tous ces conflits ont été finalement maîtrisés pour ne pas déboucher sur un conflit généralisé.
00:04:31On avait tiré les leçons de ce qui s'était passé dans les années 30,
00:04:34tiré les leçons de la guerre et mis en place des règles qui finalement,
00:04:42qu'elles soient économiques ou politiques, ont permis de contenir la violence du monde.
00:04:50Avec deux blocs qui étaient finalement dirigés par des gens malgré tout rationnels,
00:04:56on l'a vu pendant la crise des fusées de Cuba,
00:04:59c'est-à-dire ceux qui auraient pu dégénérer, qui passaient à deux doigts d'une guerre mondiale
00:05:03et d'une guerre nucléaire, n'a pas dégénéré parce que les dirigeants ont compris que des deux côtés,
00:05:09que ce soit Khrushchev ou Kennedy, qu'il fallait trouver une sortie sans que personne ne perde la face
00:05:15pour éviter le pire, alors que beaucoup de gens dans les entourages étaient pour détruire l'Empire du Mal
00:05:23qui était évidemment l'autre.
00:05:25– Est-ce que ce n'est pas une particularité des dirigeants actuels d'être jusqueboutistes,
00:05:31de ne plus savoir reculer ?
00:05:34– Alors ça, c'est un vrai sujet, c'est-à-dire que le dirigeant, il doit,
00:05:42mais comme tout le monde d'ailleurs, se fixer des limites.
00:05:46– Les fameuses lignes rouges ?
00:05:48– C'est plus que des lignes rouges, c'est une déclinaison un peu simpliste de la limite,
00:05:56mais moi j'aime beaucoup Albert Camus et il rappelle toujours
00:06:02qu'il nous faut une philosophie des limites, c'est-à-dire qu'il n'y a rien de pire que les absolutismes,
00:06:06si vous poussez n'importe quoi au bout de sa logique, vous tombez dans le crime,
00:06:15vous tombez dans l'anéantissement, vous tombez dans le…
00:06:21il faut toujours y penser, personne n'a le droit d'être sans limites
00:06:29sauf à s'auto-détruire et à détruire les autres,
00:06:34et quand on a des grands pouvoirs, c'est encore plus nécessaire
00:06:38puisqu'on engage la vie des autres, souvent sur une grande échelle.
00:06:42Donc la limite elle est nécessaire, alors la limite pour un Président de la République,
00:06:47c'est la limite du consentement, il ne faut pas chercher l'unanimisme,
00:06:52il ne faut pas chercher même l'adhésion de tout le monde,
00:06:55mais vous êtes obligé de chercher le consentement
00:06:58parce que c'est une partie de la population
00:07:02qui ne consente plus à respecter la loi de la majorité,
00:07:07la loi qui est votée par le Parlement, mise en œuvre par les autorités,
00:07:14il n'y a plus de démocratie possible, il n'y a plus de République possible,
00:07:19il n'y a plus de nation possible, il n'y a plus de société possible,
00:07:25imaginez que 10% de la population française décide qu'elle ne respectera,
00:07:31ils ne respecteront plus les lois, 10%,
00:07:35vous me direz il y a 90% qui sont d'accord avec 10%, mais c'est plus gérable,
00:07:4010% ça fait plus de 6 millions de personnes,
00:07:43vous pouvez avoir 150 000 policiers et gendarmes, c'est ingérable,
00:07:48donc la question du consentement elle est absolument essentielle
00:07:53et elle est d'ailleurs essentielle quel que soit le régime.
00:07:56– Et vous avez le sentiment que le régime actuel,
00:07:57enfin le Président actuel ces dernières années,
00:08:00montre qu'il y a un véritable intérêt pour le consentement du peuple ?
00:08:05– Non, il y a une méconnaissance totale de cette notion de limite
00:08:09et de la nécessité du consentement,
00:08:11c'est plutôt j'ai bien le droit d'eux et donc si vous n'êtes pas content, tant pis,
00:08:16on l'a vu sur les retraites, on le voit bien sur la guerre en Ukraine,
00:08:25l'engrenage continu, alors quoi qu'on pense de la politique à mener,
00:08:31mais il y a une volonté de ne tenir compte d'absolument rien,
00:08:35de ne discuter avec absolument personne,
00:08:37de ne pas associer les Français à une réflexion globale sur leur avenir
00:08:46et sur le risque qui est encouru dans ce conflit,
00:08:50donc c'est pareil à l'intérieur et à l'extérieur.
00:08:55Alors ça touche aussi, ça ne touche pas évidemment que les gouvernants,
00:08:58vous connaissez cette catégorie de voyous
00:09:01que les policiers appellent les non-limites, les sans-limites,
00:09:04c'est-à-dire, eh oui, c'est quelqu'un qui n'a plus intériorisé
00:09:08les normes de la vie en société et qui peut tuer sans état d'âme
00:09:13pour un regard de travers ou pour un regard qu'il juge de travers
00:09:17ou simplement pour se filmer et se mettre en scène sur internet
00:09:22en train de tabasser quelqu'un à mort.
00:09:25– Si je peux me permettre, il y a quelque chose qui me…
00:09:27je ne dirais pas qui me choque, mais qui me surprend.
00:09:29Henri Guaino, vous avez occupé des fonctions au sommet de l'État,
00:09:32aux côtés de Nicolas Sarkozy, je l'ai dit tout à l'heure,
00:09:34le fait que vous compariez dans une même phrase
00:09:37l'attitude de certains politiques à l'heure actuelle
00:09:40avec l'attitude de délinquants voire de criminels,
00:09:43je trouve que c'est particulièrement éloquent.
00:09:45– Oui, alors je ne compare pas la nature des deux personnes,
00:09:51simplement que cette question de la limite,
00:09:54elle se pose à tout le monde, quelle que soit la situation
00:09:58où il se trouve que quand il n'y a plus de limite,
00:10:00que ce soit pour le gouvernant ou pour le passant dans la rue,
00:10:06eh bien, il ne peut plus y avoir société
00:10:09et on va vers la guerre de tous contre tous, voilà, c'est…
00:10:14Je vais reprendre un exemple de Camus que je cite souvent,
00:10:20dans une pièce qu'il a écrite sur Caligula,
00:10:25avec cet empereur romain qui nommait son cheval sénateur,
00:10:28il n'y avait pas de limite,
00:10:30et la pièce commence le jour où Caligula vient de perdre sa sœur,
00:10:37qui vient de mourir,
00:10:39on ne sait pas très bien quels étaient les rapports exacts
00:10:42entre sa sœur et lui, du point de vue affectif,
00:10:45mais en tout cas il est désespéré,
00:10:47arrive un conseiller qui lui dit
00:10:49« César, j'ai quelque chose d'important à te dire »,
00:10:53donc il l'envoie balader en disant
00:10:55« moi je viens de perdre ma sœur, je n'ai pas l'esprit… »
00:11:03et le conseiller insiste, il n'y paraît rien,
00:11:06mais « César, c'est la chose la plus importante du monde »
00:11:09alors de guerlasse, Caligula il dit
00:11:12« bon, tu veux me parler de quoi, du trésor ? »
00:11:16et il dit « oui César, le trésor, il faut de l'argent, c'est ça »
00:11:21« ben oui César »
00:11:23bon, il dit « ben écoute, j'ai une idée,
00:11:27on va obliger tous les citoyens de l'Empire
00:11:35à établir un testament en faveur de l'État,
00:11:40et puis chaque année on en tirera,
00:11:43on en sort un certain nombre et on les exécutera,
00:11:46et on récupérera les héritages »
00:11:50alors le conseiller est un peu effaré,
00:11:52et il dit « mais enfin César… »
00:11:56alors je résume à ma façon,
00:12:00il dit « mais tu m'as bien dit que c'était la chose la plus importante au monde »
00:12:08donc la logique, c'est que si c'est la chose la plus importante au monde,
00:12:11c'est plus important que la vie humaine
00:12:13– Bien sûr
00:12:15– Et il dit « ben maintenant, vous allez vivre selon la logique,
00:12:19vous allez voir, vous allez souffrir »
00:12:21c'est-à-dire que même la logique,
00:12:23la logique, on se dit « allez, au bout de sa logique »
00:12:25c'est quelque chose qui paraît naturel,
00:12:28la logique, c'est imparable la logique,
00:12:31c'est ce que chacun demande à l'autre,
00:12:34c'est essayer de trouver en lui-même, être logique,
00:12:37et bien même la logique, si vous la poussez jusqu'au bout du bout,
00:12:42vous pouvez devenir le plus grand criminel de la terre.
00:12:45Alors c'est pareil pour la foi par exemple,
00:12:51j'avais un professeur qui m'a beaucoup marqué quand j'étais jeune,
00:12:58qui répétait cette phrase,
00:13:00je ne sais pas si elle était de lui ou si elle était de…
00:13:03je n'ai jamais retrouvé d'autres qui avaient pu la dire,
00:13:06mais qui était…
00:13:07il avait des phrases qui vous laissent une trace très profonde,
00:13:11il disait, je faisais un cours sur l'idéologie,
00:13:13il disait « l'idéologue est celui qui croit qu'il sait »
00:13:19si vous savez, donc si vous avez la vérité,
00:13:23vous pouvez tout vous permettre, ça c'est la vérité,
00:13:26il disait « le croyant, c'est celui qui sait qu'il croit »
00:13:31c'est-à-dire j'ai conscience que ma foi relève de la foi
00:13:41et non de la vérité rationnelle, de la vérité scientifique,
00:13:48je sais que je crois, et comme je sais que je crois,
00:13:51quand j'en ai vraiment conscience,
00:13:55je ne peux pas tuer l'autre parce qu'il ne croit pas,
00:14:01ce n'est pas du relativisme, c'est juste la conscience des limites
00:14:08par la conscience de la nature de ce qu'on éprouve,
00:14:11je sais que je crois, et non pas je crois que je sais,
00:14:15donc ça ne parait rien, mais réfléchissons à ce que ça signifie profondément
00:14:21et à ce qui se passe quand on ne s'applique plus ce genre de distinction,
00:14:28la foi c'est aveugle, mais justement c'est très beau,
00:14:35c'est magnifique à condition que ça relève du domaine de la foi,
00:14:40ça c'est une caractéristique de la civilisation occidentale,
00:14:44c'est aussi une caractéristique du christianisme
00:14:47qu'on a appelé la distinction des plans,
00:14:49c'est-à-dire il y a le spirituel, le temporel,
00:14:54que la cité de Dieu elle est dans le ciel et que la cité terrestre elle est en bas
00:14:58et que confondre les deux en revanche est dramatique,
00:15:03il faut relire les pères de l'église, mais ça c'est essentiel,
00:15:09et les religions qui ne font pas cette distinction
00:15:12sont poussées vers une dimension totalitaire,
00:15:18la distinction des plans, il y a la science, il y a la foi,
00:15:21il y a l'art, il y a la politique, tout ça ce sont des plans différents,
00:15:26et quand on perd cette idée de la distinction des plans
00:15:29et qu'on mélange tout, il n'y a plus de limite à rien,
00:15:33tout est de même nature, et l'absolutisme règne en maître,
00:15:36et l'absolutisme va rencontrer l'absolutisme de l'autre,
00:15:39et là on part pour la tragédie.
00:15:44– Alors sans aller jusqu'à la tragédie,
00:15:45revenons à une situation politique actuelle.
00:15:48– Elle a quelque chose à voir avec ce qui nous arrive.
00:15:51– Absolument.
00:15:51– Voilà, c'est bien parce que nous avons perdu,
00:15:55et notamment une partie de ceux qui ont le pouvoir de diriger
00:15:59ou le pouvoir de penser pour les autres,
00:16:01nous avons perdu cette réflexion, cette façon de penser,
00:16:07que nous en arrivons là où nous en sommes, et ça n'est que le début.
00:16:12– Alors là où nous en sommes, en tous les cas,
00:16:13j'aimerais vous faire revoir un tout petit extrait
00:16:16d'Emmanuel Macron mercredi, il expliquait sa volonté
00:16:19d'avoir dissous l'Assemblée nationale,
00:16:21et expliquait l'idée qu'il y avait derrière après la victoire
00:16:25du Rassemblement national aux élections européennes,
00:16:27et le score surtout très bas du parti présidentiel, à moins de 15%.
00:16:32– On ne croit pas au miracle,
00:16:33mais simplement on précipite la clarification des choix.
00:16:36Et donc là, aux élections du 30 juin et du 7 juillet,
00:16:39il ne faut pas simplement dire non pour dire non,
00:16:41il faut dire qui va gouverner le pays ?
00:16:45L'extrême droite avec son projet qui va menacer les retraités,
00:16:48les épargnants, affaiblir le pays dans sa vie économique,
00:16:52qui n'a aucune réponse, simple, claire,
00:16:55face aux difficultés du quotidien et qui exigent l'insécurité,
00:16:59ou des forces démocratiques, républicaines,
00:17:04qui ont appris à travailler ensemble, qui sont prêtes à s'ouvrir,
00:17:07et qui portent quand même du sérieux et qui ont des résultats.
00:17:10Voilà, c'est ça le choix.
00:17:11– Sous-titrage Société Radio-Canada
00:17:18– On l'a vu Henri Guaino pendant cette conférence de presse,
00:17:20Emmanuel Macron a eu à cœur de mettre en garde contre les extrêmes,
00:17:26comme il dit, d'une part l'anarchie de l'extrême gauche,
00:17:29d'autre part l'effondrement économique assuré,
00:17:31selon lui, avec le rassemblement national.
00:17:35On a le sentiment finalement que depuis qu'Emmanuel Macron
00:17:39est arrivé au pouvoir, il ne cesse de manipuler les peurs.
00:17:42On l'a vu tout à l'heure avec les gilets jaunes et sa répression,
00:17:45on l'a vu avec le Covid-19, on l'a vu bien entendu
00:17:48avec cette scénarisation, j'allais dire, de la guerre
00:17:51et la participation de la France accrue,
00:17:54sans jamais consulter le Parlement, soit dit en passant.
00:17:57Et à présent, c'est la menace du rouge-brun ou du brun rouge,
00:18:02on ne sait pas, face à lui, l'ordre et l'apaisement.
00:18:08– Alors, moi je voudrais d'abord faire une remarque,
00:18:10je suis un grand admirateur des institutions de la Ve République,
00:18:14qui ont permis enfin à ce pays d'être gouverné,
00:18:17mais les grands pouvoirs que confère la Constitution au chef de l'État
00:18:22doivent être utilisés avec discernement,
00:18:25ce que peu ou prou ont fait ses prédécesseurs.
00:18:29Il pouvait y avoir de mauvaises politiques,
00:18:30mais personne ne s'est dit,
00:18:33je vais faire tout ce que j'ai le droit de faire, sans limite,
00:18:37et sans me préoccuper de savoir si j'ai le consentement des gens ou pas.
00:18:42– Mais ça, ce n'est plus le cas avec Emmanuel Macron aujourd'hui ?
00:18:44– Non, ce n'est plus le cas.
00:18:45Vous savez, quand un président de la République,
00:18:48on l'a vu pour la réforme des retraites,
00:18:50utilise ce qu'on appelle l'article 751
00:18:56pour le débat sur la réforme des retraites,
00:19:02c'est-à-dire qui a permis d'accrocher la réforme des retraites
00:19:09à une loi de financement de la Sécurité Sociale,
00:19:12parce que les lois de financement de la Sécurité Sociale
00:19:14et les lois de financement pour le budget de l'État…
00:19:17– Ces fameux cavaliers législatifs ou pas ?
00:19:19– Non, cette particularité que le temps de débat est extrêmement contraint
00:19:23pour éviter de se retrouver à la fin d'année sans recettes.
00:19:28Donc, personne n'avait jamais songé, jamais, à faire cela,
00:19:33c'est-à-dire à raccrocher une telle réforme
00:19:35à une loi de financement de la Sécurité Sociale.
00:19:38Alors, rien ne l'interdisait vraiment le Conseil constitutionnel,
00:19:40à mon avis, à tort, à valider la chose,
00:19:43mais combien même ça serait possible, il ne faut pas le faire,
00:19:50parce que, arrêtez, c'est un abus de pouvoir.
00:19:55Et après, vous rajoutez à ça les 49.3, ça peut être très utile,
00:20:00vous rajoutez l'article 40, vous rajoutez le règlement du Sénat,
00:20:03enfin, tout y est passé, voilà, tout y est passé,
00:20:05à tel point que c'est une loi qui n'a jamais été votée
00:20:07par l'Assemblée nationale, jamais, dans tout ce processus.
00:20:10Donc ça, on abîme les institutions en faisant ça,
00:20:14on abîme la fonction présidentielle.
00:20:15Et moi, ce qui me frappe dans cette conférence de presse,
00:20:18mais comme dans beaucoup d'épisodes précédents,
00:20:19c'est que la conception qu'a le Président de la République
00:20:24de sa fonction, non seulement, mais totalement étrangère,
00:20:28mais je trouve, est conduite à une destruction des institutions
00:20:34et à une délégitimation de la fonction, qui est extrêmement grave.
00:20:38Voilà, on n'a jamais vu un Président de la République
00:20:41rentrer ainsi en campagne, déjà, on n'a jamais vu
00:20:45un Président de la République dénoncer ouvertement
00:20:50des partis politiques représentés au Parlement,
00:20:53en les désignant du doigt, c'est…
00:20:57Bon, en campagne, beaucoup de choses sont permises,
00:21:00mais quand vous n'êtes pas en campagne,
00:21:02que vous êtes le Président de tous les Français.
00:21:04Et votre première fonction, c'est d'assurer l'unité du pays,
00:21:08quitte, parfois à reculer, et tout le monde l'a fait
00:21:12quand il a senti qu'il y avait un manque de consentement dangereux,
00:21:17c'est-à-dire, en 58, le Général de Gaulle accepte le plan RUEF,
00:21:21et puis dans le plan RUEF, il y a la suppression de la retraite du combattant,
00:21:24levé de bouclier, c'était très sensible,
00:21:27on était 13 ans après la fin de la guerre,
00:21:31eh bien, le Général de Gaulle retire la mesure sur la retraite du combattant,
00:21:34en 63, les mineurs se rendent en grève,
00:21:37le gouvernement Pompidou ordonne la réquisition,
00:21:40ça ne fonctionne pas, la grève s'étend, on retire la réquisition,
00:21:44en 68, Pompidou va négocier les accords de Grenelle,
00:21:51les premiers, la première négociation ne marche pas,
00:21:54en faisant toujours de Georges Ségui le secrétaire général de la CGT,
00:21:58alors en rendant compte de l'accord qu'ils avaient signé avec le gouvernement
00:22:02et le patronat aux ouvriers de Boulogne-Bianco,
00:22:04il part sous les huées, les insultes et les crachats,
00:22:08donc que fait le gouvernement Pompidou,
00:22:10au lieu de dire, que Georges Pompidou dise,
00:22:12écoutez, débrouillez-vous, maintenant, on ne sait plus rien,
00:22:16eh bien, on rouvre les négociations,
00:22:17parce qu'il était important que cette crise s'arrête,
00:22:20et il était important que le mouvement ouvrier
00:22:22ne finisse pas par rejoindre le mouvement étudiant,
00:22:26alors qu'ils avaient des objectifs très différents,
00:22:29et que c'était deux mondes qui s'ignoraient,
00:22:32et vous vous souviendrez ce qu'était la gravité de ce moment,
00:22:36on me dit souvent, oui, mais comment vous, le gaulliste,
00:22:41vous acceptez des reculs, mais oui, mais tout le monde a fait ça,
00:22:45Mitterrand l'a fait sur l'école libre,
00:22:48parce qu'il savait, il a désavoué son gouvernement,
00:22:50il a perdu une partie en vous d'ailleurs, et sa majorité,
00:22:53parce qu'il savait ce qu'était le désastre d'une guerre scolaire,
00:22:59bon, Chirac l'a fait sur le CPE, il l'a même fait en 1995,
00:23:04pour arrêter à un moment donné le JUP de s'obstiner
00:23:09dans la totalité de sa réforme de la sécurité sociale
00:23:12et des régimes de retraite spéciaux,
00:23:16parce qu'il fallait arrêter, donc rappelez-vous que sur le CPE,
00:23:20le Parlement avait voté,
00:23:23et le Président de la République vient à la télévision et dit,
00:23:26puisque tout continuait, on avait l'impression que c'était,
00:23:29ça n'en finirait pas, la rue voulait faire céder le gouvernement
00:23:33sur un projet qui, en mon sens, était un mauvais projet,
00:23:38qui venait de télescoper toute la mythologie républicaine
00:23:42et française de la réussite par l'école,
00:23:45en tout cas c'était vécu ainsi,
00:23:46et il dit, ça a été voté, je suis donc obligé de le promulguer,
00:23:51je promulguerai la loi, mais elle ne sera pas appliquée.
00:23:55C'est tout à fait bizarre du point de vue institutionnel,
00:24:03et voilà, ça s'est arrêté, parce qu'il sentait qu'il n'allait plus loin.
00:24:09– Et là, quand vous voyez un sujet aussi crucial que l'implication française,
00:24:14et j'ai du mal à dire française,
00:24:15parce que c'est l'implication du Président français,
00:24:17précisément dans la question de la guerre en Ukraine,
00:24:21comment voyez-vous ça, quel regard portez-vous là-dessus ?
00:24:24– Moi, j'ai suffisamment écrit et parlé sur ce sujet depuis 2022,
00:24:30il y a d'abord un refus pour tous les vattes en guerre
00:24:39de regarder en face ce qu'est l'engrenage de la violence.
00:24:44La guerre, on y va par engrenage,
00:24:47sauf si vous avez en face quelqu'un qui vous déclare la guerre,
00:24:50mais en général, ça ne tombe pas du ciel.
00:24:54C'est de la même logique, l'engrenage de la violence,
00:24:56c'est la violence réciproque, vous savez, je vous agresse,
00:25:01vous m'agressez un peu plus fort, je vous agressez un peu plus fort,
00:25:03puis voilà, puis finalement, on va là où on ne voulait pas aller.
00:25:07En 14, ça a été un engrenage,
00:25:10on avait eu 4 ou 5 crises internationales avant,
00:25:12dont tout le monde s'attendait à ce qu'elles débouchent sur la guerre,
00:25:15et on avait évité finalement une extrémiste à guerre,
00:25:17et en 14, personne ne pensait que l'assassinat du prince héritier
00:25:22de l'Empire Austro-Hongrois à Sarajevo allait provoquer une guerre mondiale,
00:25:26mais personne n'a arrêté l'engrenage, et on s'est retrouvés dans la guerre.
00:25:32On pourrait rediscuter très longtemps de l'engrenage
00:25:35qui va du traité de Versailles jusqu'à 1940,
00:25:40mais une fois qu'on est dans la guerre,
00:25:43il y a l'engrenage de la violence qui continue, c'est la montée aux extrêmes.
00:25:46Moi je dis, on fait des choses qu'on pensait ne jamais faire,
00:25:50c'est quand Churchill commence la guerre, il dit,
00:25:52nous on fait la guerre aux militaires, pas aux civils,
00:25:55ça finit comment ? En 45, ça finit par les bombardements
00:25:57à la bombe incendiaire toutes les nuits sur les populations allemandes,
00:26:01sur les villes allemandes,
00:26:02pour les faire céder moralement et psychologiquement,
00:26:05et donc on tue des centaines de milliers de gens, brûlés vifs.
00:26:09Ça finit au Japon par le bombardement de Tokyo, 100 000 morts,
00:26:15puis les deux bombes nucléaires,
00:26:19elles ne sont pas tirées sur des bases militaires,
00:26:21elles sont tirées sur des villes et des populations.
00:26:23Donc on peut aller très très loin,
00:26:25en revanche Truman va arrêter au moment de la guerre de Corée,
00:26:28il va arrêter l'engrenage, il faut se souvenir
00:26:31que le général MacArthur,
00:26:34qui commandait les troupes américaines dans le Pacifique,
00:26:37voulait faire la guerre à la Chine,
00:26:40il voulait envoyer une bombe nucléaire sur la Chine,
00:26:43parce qu'ils n'arrivaient pas à gagner,
00:26:46donc on avançait, on reculait, ça a été une boucherie,
00:26:48il y a eu 2 millions de morts, 1 million de militaires, 1 million de civils,
00:26:51jusqu'au jour où on s'est mis autour d'une table
00:26:57et que les Américains ont fini par reconnaître,
00:27:00et la Corée du Sud et la Corée du Nord,
00:27:02qui pourtant formaient à l'origine le même pays,
00:27:05on a fait une ligne de débarquement,
00:27:06alors ce n'est pas un traité de paix,
00:27:08mais on y est toujours, mais on a arrêté la boucherie.
00:27:11– C'est une façon de sceller le statu quo.
00:27:12– Voilà, on a arrêté de s'entretuer, ce n'est pas idéal,
00:27:17j'espère que ça ne finira pas que comme ça en Ukraine,
00:27:21mais sinon on ne maîtrise plus,
00:27:25quand on met le doigt dans cet engrenage, on ne maîtrise plus,
00:27:28je l'ai vu avec la guerre, un des cas d'école, ça a été la Libye,
00:27:33c'est-à-dire personne ne voulait ni entrer dans une guerre,
00:27:36ni renverser le régime, ni le détruire,
00:27:39il y a un mandat du conseil de sécurité pour faire un espace d'exclusion aérienne,
00:27:45c'est-à-dire empêcher l'aviation de Kadhafi d'aller bombarder Benghazi,
00:27:52de bombarder les populations civiles,
00:27:54et puis une fois que vous mettez, alors que personne ne veut aller plus loin que ça,
00:28:00il y a un engrenage, et l'engrenage va aller jusqu'à la destruction du régime,
00:28:06jusqu'à donner des opérations militaires beaucoup plus proches de la guerre,
00:28:12et qui vont déboucher sur le chaos qu'on connaît,
00:28:15mais personne ne voulait aller là.
00:28:17– Si je peux me permettre, Henri Guédon, c'est vous qui parlez de la question libyenne,
00:28:21on a beaucoup parlé de la question ukrainienne, depuis 2014 d'ailleurs,
00:28:25comme d'une guerre de procuration des États-Unis,
00:28:30qui a été agitée dès 2014 avec la fameuse révolution de Meïdan, etc.
00:28:36Comment regardez-vous aujourd'hui précisément ce conflit en Libye ?
00:28:40Est-ce qu'il n'y a pas eu des forces qui donnaient à voir des informations,
00:28:45qui donnaient finalement une vision de la situation à l'époque en Libye
00:28:49qui n'était pas forcément celle proche de la réalité ?
00:28:53– Non, je pense que…
00:28:55On avait les informations, quelques spécialistes expliquent aujourd'hui
00:28:59qu'Addafi n'aurait jamais massacré la population de Benghazi,
00:29:03tout ça c'est des fantasmes,
00:29:06les informations qu'on avait, très sérieuses,
00:29:08montraient que tout le monde savait qu'il en était capable,
00:29:11montraient que c'était probable,
00:29:15c'est ce qu'ont tenu en plus des rapports traditionnels
00:29:20entre l'Est et l'Ouest de la Libye.
00:29:24La Libye est un pays très fragile,
00:29:26c'est un pays tribal, avec des rivalités tribales, ethniques très profondes,
00:29:32et ce régime avait tous les défauts du monde,
00:29:37il tenait le pays.
00:29:41Arrive les printemps arabes et la situation s'est dégradée.
00:29:44– Les printemps arabes justement,
00:29:46est-ce que finalement on s'est pas rapproché de Meïdan ?
00:29:48– Alors les printemps arabes n'ont pas été le fruit d'un complot occidental
00:29:53pour angocher les touristes.
00:29:54– Non, je n'irai pas jusqu'à là.
00:29:57– Mais les pays occidentaux n'ont pas fait ce qu'il fallait
00:30:05parce qu'ils ne se sentaient pas moralement capables de ça,
00:30:09ils n'ont pas fait ce qu'il fallait pour endiguer ce qui se passait
00:30:14et ils ont même parfois aggravé les choses.
00:30:17Je pense à l'Égypte par exemple,
00:30:20il faudra qu'un jour qu'on m'explique comment en Tunisie
00:30:23on est arrivé au départ de Ben Ali,
00:30:26on est content de se dire que les services français à l'époque
00:30:31n'ont rien vu venir, que nous sommes en Tunisie,
00:30:35c'est-à-dire dans une zone où la France était extraordinairement présente,
00:30:39et on a appris le départ de Ben Ali
00:30:42quand il était en avion au-dessus de la Méditerranée,
00:30:45on ne savait même pas s'il se dirigeait vers la France ou vers un autre pays,
00:30:50mais tout ça n'est pas dû simplement au hasard et à la révolte spontanée
00:30:56qui était réelle, il y a eu des mouvements réels,
00:30:59et en Égypte le départ de Moubarak a été orchestré par des puissances occidentales
00:31:07qui l'ont lâché, on connaît la suite,
00:31:12la suite c'est qu'on a eu des frères musulmans,
00:31:15Moubarak avait beaucoup… le régime a des défauts,
00:31:18il y a la corruption, c'est un régime militaire,
00:31:22mais Moubarak était plutôt un homme de paix,
00:31:26donc on a laissé partir Moubarak, la France n'y était pour rien,
00:31:32mais après on a eu les frères musulmans,
00:31:35puis après ça devenait tenable parce qu'ils se comportaient comme des frères musulmans,
00:31:41et donc on a soutenu, enfin tout le monde a soutenu,
00:31:43laissé faire ou soutenu le coup d'État du général à l'époque Sisi,
00:31:50et il y a eu des dizaines, voire des centaines de milliers de morts,
00:31:56et on ne pouvait pas faire… enfin on s'est allé dire mais heureusement quoi,
00:32:02parce que c'était devenu ingérable, intenable,
00:32:06intenable pour tout le monde, bon, là encore, vous savez le problème aussi,
00:32:14le juge de Brédy, l'homme d'État, c'est celui qui veut les conséquences de ce qu'il veut,
00:32:17dans un petit bouquin qu'il avait consacré à De Gaulle,
00:32:20personne n'a voulu les conséquences de ce qu'il voulait,
00:32:23et il y avait une espèce d'engouement,
00:32:25alors c'est toujours bien un peuple qui reprend en main son destin,
00:32:28mais ça n'était pas si simple, et on voit bien que ça n'était pas si simple,
00:32:35c'est-à-dire qu'on voit bien comment évolue la Tunisie,
00:32:37on voit bien ce qui s'est passé en Égypte,
00:32:41imaginez qu'on ait renversé le régime de Bachar el-Assad en Syrie,
00:32:48c'était la porte ouverte à Daesh, voilà,
00:32:54qui sera allé probablement jusqu'en Algérie ou au Maroc, j'en sais rien,
00:33:00on a oublié, mais c'était en pleine expansion,
00:33:05et entre le fait qu'on puisse détester un régime,
00:33:11et les conséquences, la responsabilité qu'on prend
00:33:17en voulant le remplacer par un régime qui nous plaît davantage,
00:33:22il y a un dilemme tragique, c'est l'histoire de l'Irak aussi, très bien,
00:33:27Saddam Hussein, c'était un dictateur sanglant,
00:33:32rien sur le plan de la morale humaine ne peut le sauver,
00:33:37mais on disait les mêmes mots que pour la Russie,
00:33:40il ne s'arrêtera pas si on ne l'arrête pas,
00:33:41on avait inventé les armes de destruction massive, très bien,
00:33:45donc une partie de l'Occident est allée, heureusement pas la France,
00:33:49est allée le renverser,
00:33:53il faut considérer que ça a directement ou indirectement
00:33:57généré plus d'un million de morts,
00:34:00donc on a renversé le tyran, des millions de réfugiés,
00:34:05ça a fait naître Daesh, et avec la menace qu'ils ont fait peser,
00:34:10puis les victimes qu'ils ont fait jusqu'à chez nous, jusqu'au Bataclan,
00:34:17et puis ces réfugiés, d'autres parties sont venues en Europe,
00:34:20une partie s'est noyée dans la Méditerranée,
00:34:22une partie reste stockée en Turquie, dans des conditions épouvantables,
00:34:26c'est-à-dire que c'est un désastre, un désastre,
00:34:30alors oui le tyran est mort.
00:34:33– La belle affaire.
00:34:34– C'est-à-dire, je ne peux pas vous dire,
00:34:36le reste je ne suis pas responsable,
00:34:38c'est encore une fois, est-ce qu'on a vraiment voulu
00:34:41les conséquences de ce qu'on a fait ?
00:34:43C'est une question que doit se poser, personne ne se la pose,
00:34:50vous savez ce qui domine aujourd'hui, l'histoire de l'Ukraine est typique,
00:34:55mais on pourrait la retrouver dans le débat public français aujourd'hui,
00:34:58on pourrait la retrouver à propos d'Israël et des Palestiniens,
00:35:03c'est le manichéisme, c'est-à-dire que tout était ramené
00:35:06au combat du bien contre le mal,
00:35:09et donc évidemment chaque partie pense que le mal c'est l'autre,
00:35:12et ça c'est terrible, ça nous renvoie aussi à l'absolutisme,
00:35:15au manque de limites, parce que si vous êtes le camp du bien,
00:35:19vous pouvez tout vous permettre, le bien peut tous permettre,
00:35:22le bien c'est le bien, voilà,
00:35:25non mais je vais vous raconter une histoire que je raconte partout,
00:35:29alors vous allez y avoir droit aussi,
00:35:33non mais Kundera dit quelque chose de très juste,
00:35:36il dit Hitler nous a spoliés du sens du tragique,
00:35:41il dit je suis allé voir une représentation d'Antigone après la guerre,
00:35:46et l'auteur de l'adaptation il avait transformé Antigone
00:35:52en héroïne de la liberté et Créon en tyran totalitaire,
00:35:57mais c'est pas ça la tragédie, la tragédie c'est plutôt ce que dit Camus,
00:36:00c'est Antigone a raison et Créon n'a pas tort,
00:36:02et c'est là que se noue la tragédie,
00:36:06voilà, il faut faire un choix qui n'a de réponse dans aucun catéchisme,
00:36:13et je raconte souvent cette histoire,
00:36:17enfin je l'ai raconté sur les plateaux devant l'accumulation d'argues-ci
00:36:24qui en réalité ne sont dictées que par le Manichériste,
00:36:27c'est-à-dire que par, mais nous sommes le camp du bien et eux c'est le camp du mal,
00:36:29donc voilà, vous avez peut-être raison,
00:36:31mais c'est quand même le camp du mal, donc il faut combattre le mal,
00:36:34je rappelle cette histoire pour faire comprendre ce qu'est le sens du tragique,
00:36:39c'est René Char qui raconte cet épisode,
00:36:43René Char le poète qui en 1900, pendant la Seconde Guerre Mondiale,
00:36:47est chef de maquis, chef d'un maquis,
00:36:49il raconte qu'un matin il est avec ses maquisards sur les hauteurs d'un village,
00:36:55alors ils sont armés, ils sont cachés,
00:36:58en bas les SS viennent arrêter un de leurs camarades dans le village,
00:37:02bon, ils vont le fusiller, ils continueront à l'arrêter,
00:37:05il dit tous les regards m'imploraient de donner l'ordre de tirer,
00:37:08de là où on était les Allemands, on ne savait pas qu'on était là,
00:37:10on pouvait tous les tuer, il dit je n'ai pas donné l'ordre,
00:37:16pourquoi je n'ai pas donné l'ordre ?
00:37:18parce qu'on aurait tué les SS, on aurait sauvé notre camarade,
00:37:23seulement les Allemands seraient revenus, ils auraient massacré le village,
00:37:27vous voyez, là tous les gens qui vous disent,
00:37:30oui mais je conduis bien, je conduis mal,
00:37:33c'est ceux qui auraient dit, j'ai tué les salauds,
00:37:41j'ai libéré notre camarade,
00:37:44c'est vrai, ils vont peut-être revenir tuer le village,
00:37:45mais ce n'est pas moi, je ne suis pas responsable,
00:37:49les responsables ce sont eux,
00:37:51donc je n'ai pas à me préoccuper,
00:37:53je n'ai pas à me sentir responsable de ce qui va arriver,
00:37:56et ce que dit René Charre c'est,
00:37:58je me sens aussi responsable de ce qui va arriver,
00:38:01alors quel que soit le choix que vous faites à la fin,
00:38:06quand vous substituez la bonne conscience,
00:38:10c'est bien ce que j'ai fait, et le mal c'est les autres,
00:38:13tant pis pour le village,
00:38:15quand vous substituez la bonne conscience au cas de conscience,
00:38:19il n'y a plus de morale de la politique,
00:38:21la morale de la politique, mais la morale en général de l'action,
00:38:24ce n'est pas la bonne conscience, c'est le cas de conscience,
00:38:27c'est prendre des décisions dans le déchirement de la conscience,
00:38:29ce ne sont pas forcément les bonnes décisions,
00:38:33mais c'est la condition pour qu'il y ait une forme de morale
00:38:39et de conscience humaine dans la politique et même dans la vie,
00:38:44parce que très souvent on est confronté au dilemme tragique,
00:38:47c'est-à-dire cette zone grise entre le bien et le mal,
00:38:49où il faut décider,
00:38:51en sachant que quelle que soit la décision qu'on va prendre,
00:38:54de toute façon, on sera responsable de quelque chose
00:38:57et de toute façon, on sera coupable de quelque chose,
00:39:00et jamais, jamais, jamais innocent,
00:39:05prenez Blum, on le cite beaucoup ces temps-ci,
00:39:10Blum il refuse d'engager la France dans la guerre civile en Espagne,
00:39:16pas du tout parce qu'il est du côté des franquistes,
00:39:19non, ce sont ses amis qui sont en face des franquistes,
00:39:26donc tout l'y pousse, il ne le fait pas,
00:39:29mais parce que là encore, dilemme tragique,
00:39:31les Anglais menaceront pour l'alliance avec la France
00:39:34et ils sentent qu'on est au bord de la guerre généralisée
00:39:36et à ce moment-là en tout cas, ils pensent que le danger est trop grand,
00:39:40donc il fait un discours pour expliquer qu'il ne va pas…
00:39:43j'ai expliqué ça à un philosophe un jour sur un plateau,
00:39:47pareil, c'est la lutte, les valeurs,
00:39:51on ne fait pas la guerre pour des valeurs,
00:39:53on fait la guerre pour des intérêts,
00:39:55même si ce sont des intérêts pas matériels,
00:39:59des intérêts subjectifs, civilisationnels, tout ce que vous voulez,
00:40:02mais la guerre pour les valeurs s'appelle la croisade,
00:40:06et quand on gratte un peu, on se rend compte que sous la croisade,
00:40:10il y a aussi des gens qui ont envie de se tailler des royaumes au Moyen-Orient,
00:40:13il y a aussi… bon voilà, ce n'est pas si simple.
00:40:16Et il me dit oui, mais il a regretté toute sa vie,
00:40:20et je vais lui dire courageusement, ça prouve qu'il avait une conscience,
00:40:23ça prouve qu'il n'a pas décidé ça en bonne conscience,
00:40:26en disant je fais le bien, c'est ça le cas de conscience,
00:40:31et ça prouve que Blum avait une conscience,
00:40:34après on peut juger que sa décision était bonne ou mauvaise,
00:40:36mais au moins il s'est trouvé confronté au déchirement de sa conscience
00:40:41et ça en fait à nos yeux l'homme de valeur, voilà.
00:40:45– Aujourd'hui, justement si on en revient à cette actualité des élections européennes,
00:40:48où on peut constater qu'au sein de l'Europe les partis pro-guerre,
00:40:51j'allais dire pour ne pas dire vatanguerre,
00:40:53ont été considérablement sanctionnés par les populations,
00:40:56est-ce que finalement ces quatre consciences
00:40:58ne sont pas aujourd'hui du côté populaire
00:41:01plus que du côté de nos élites, comme on dit ?
00:41:05– Oui, alors ce n'est pas forcément toujours conscience,
00:41:08ce dont commencent à prendre conscience les Français
00:41:12et les opinions publiques en général, c'est de l'engrenage,
00:41:18c'est que longtemps au fond, beaucoup de gens se sont dit
00:41:23c'est bien, c'est un dictateur,
00:41:27et puis on peut très légitimement se sentir solidaire
00:41:32des malheurs des Ukrainiens, enfin…
00:41:35– Bien sûr.
00:41:37– C'est un peuple attaqué, des gens qui prennent des bombes sur la tête,
00:41:40mais on ne peut pas, en tant que membre d'État,
00:41:43on ne peut pas non plus faire l'impasse sur la complexité
00:41:45de la situation de cette région du monde, ce qu'a légué l'histoire,
00:41:51c'est une guerre entre pays ou entre États,
00:41:54parce que la Russie n'est pas une nation mais un empire,
00:41:57mais c'est aussi une forme de guerre civile,
00:42:01tellement les histoires sont imbriquées,
00:42:04quand on parle de l'Union soviétique, on a l'impression que c'était les Russes,
00:42:08mais combien d'Ukrainiens ont gouverné l'Union soviétique ?
00:42:13Même Staline n'était pas Russe, il était Géorgien,
00:42:15Beria, l'âme d'année de la police politique russe, il est aussi Géorgien,
00:42:23Brezhnev était Ukrainien, Tchernyanko était Ukrainien,
00:42:28la moitié de la famille de Gorbatchev vient d'Ukraine,
00:42:32voilà, ce sont des histoires imbriquées,
00:42:36d'autant plus terribles qu'elles sont imbriquées à ce point,
00:42:40et il fallait neutraliser cette zone,
00:42:45ce que Singer l'avait dit il y a très longtemps,
00:42:47en fait c'est un pont entre deux mondes et il faut que ça le reste,
00:42:51bon, à partir du moment où vous poussez l'OTAN jusqu'aux frontières de la Russie,
00:42:56encore une fois, ça n'excuse en rien l'agression russe,
00:43:00mais tout le monde avait prévenu, mais ça date pas de 2014, ça date de 2008 déjà.
00:43:05– Mais comme vous disiez tout à l'heure,
00:43:06il faut assumer les conséquences de ces actes,
00:43:08est-ce que là encore, dans ces actes,
00:43:11il y a aussi l'avancée de l'OTAN vers la Russie ?
00:43:14– Bien sûr, il y a eu de l'avancée,
00:43:15mais tous les grands géopoliticiens américains l'avaient prévenu,
00:43:18je ne parle même pas des Européens, des Français russophiles,
00:43:24non, Kenan le théoricien de la guerre froide,
00:43:26Kissinger, même Brzezinski dit qu'il faut neutraliser à la fin de sa vie.
00:43:31Tous ces gens, je pense notamment à Kissinger et Brzezinski,
00:43:34n'aimaient pas les Russes, tous ces gens étaient,
00:43:36enfin c'était toujours l'adversaire, l'ennemi,
00:43:38mais avaient une claire conscience des enjeux.
00:43:42Il y a beaucoup de fantômes, vous savez, dans cette histoire
00:43:47et dans toutes les histoires, on ne voit plus,
00:43:51enfin on ne s'intéresse plus qu'à ce qui se voit,
00:43:53à ce qui se touche et à ce qui se mesure.
00:43:55Mais les fantômes qui sont légions dans cette région du monde,
00:44:00on ne les voit pas, mais ils sont bien là,
00:44:02ils sont bien là, il y a les fantômes des Polonais,
00:44:06il y a les fantômes ukrainiens, il y a les fantômes russes,
00:44:09entre les deux gains, il y a 30 millions de morts dans cette région.
00:44:12L'historien a même appelé ça les guerres des terres de sang.
00:44:15Et alors, on ne parle pas des millions de gens avant,
00:44:19on ne peut pas s'en tirer juste en brandissant le droit international.
00:44:22Vous savez, dans la politique internationale,
00:44:26et dans les vies des sociétés aussi,
00:44:29il y a d'abord le droit pour essayer de résoudre les conflits, les contentieux.
00:44:33Ça suppose que tout le monde partage la légitimité du droit,
00:44:36dès que le droit est légitime, accepte la règle de droit.
00:44:39Quand ça ne marche pas, on passe à autre chose,
00:44:42on passe à la politique ou à la diplomatie,
00:44:44c'est-à-dire, on négocie, on marchande,
00:44:47on se salit un peu les mains, ce n'est pas glorieux,
00:44:50mais on essaye de trouver une solution
00:44:52pour que le conflit contentieux ne se traduise pas
00:44:56par une tuerie généralisée.
00:44:58Et puis, si on n'y arrive pas, si ça, ça ne marche pas,
00:45:01alors c'est la guerre, et la guerre,
00:45:02on ne sait jamais jusqu'à quel degré de violence elle ira,
00:45:05a fortiori, quand on est en face,
00:45:07quand on est en confrontation des puissances du caire.
00:45:09Voilà, donc on sait qu'on ne peut pas, mais on tire l'ennemi.
00:45:12Donc, le rôle de la France aurait dû être celui de la diplomatie
00:45:17et de la politique, au moins d'essayer d'en épuiser les possibilités.
00:45:21Mais non, on continue, et les gens prennent conscience de l'engrenage,
00:45:24ils ont pris une grande conscience de l'engrenage
00:45:26quand le président de la République a commencé à parler d'envoi de troupes.
00:45:30Alors maintenant, il parle d'envoi d'instructeurs,
00:45:34mais c'est comment ça se passe, comment ça finit,
00:45:37les envois d'instructeurs dans des pays en guerre ?
00:45:41Les Américains ont fait ça au Vietnam,
00:45:44après, quand les Français sont partis, ils ont envoyé des instructeurs,
00:45:47puis un peu plus d'instructeurs, puis de plus en plus d'instructeurs,
00:45:50puis à la fin, ils avaient 500 000 soldats, permanents soldats,
00:45:56parce que petit à petit, ils ont passé des instructeurs aux soldats,
00:45:58surtout que les instructeurs, dans certains cas,
00:46:00ils finissent par eux-mêmes devenir des…
00:46:02enfin, ce ne sont pas des soldats,
00:46:03mais ils finissent par eux-mêmes participer aux troupes.
00:46:06Voilà, et ça finit comment, d'ailleurs, ça finit par la chute de Saigon,
00:46:15quand les Américains étaient partis,
00:46:18il faut se souvenir des images, comme de la chute de Kaboul,
00:46:21c'est-à-dire que tout ça finira soit par un risque
00:46:24de déboucher sur un conflit généralisé,
00:46:27même si personne ne veut en arriver à la Troisième Guerre mondiale,
00:46:31pas plus les Occidentaux que Poutine et les Russes,
00:46:36ça peut arriver quand même.
00:46:38On pose souvent la question, vous savez,
00:46:39est-ce que la menace du nucléaire russe, elle est crédible ?
00:46:42Non, la menace elle-même n'est pas crédible,
00:46:44parce qu'ils n'ont personne envie d'utiliser.
00:46:47Mais le risque, lui, il est bien réel.
00:46:50– Bien sûr.
00:46:50– Parce que le dérapage, l'engrenage, l'accident peut nous y mener.
00:46:56Alors, au pied du mur, que feront les Occidentaux ?
00:46:58Soit ils iront, on ira à l'Apocalypse, très bien,
00:47:03soit ils se retireront.
00:47:06Voilà, les Américains n'enverront pas un soldat américain
00:47:11et au pied du mur, de là, du danger,
00:47:14et on aura quoi ? On aura Kaboul, on aura Saïgon.
00:47:19Et là, on aura un vrai Munich,
00:47:23qui n'est pas celui auquel pensent les gens qui accusent
00:47:27tous ceux qui n'ont pas d'accord avec eux d'être des municois.
00:47:30Et puis quand même,
00:47:34quelles sont les conséquences sur l'Europe de cette guerre ?
00:47:39Est-ce que jeter la Russie dans les bras de la Chine,
00:47:42c'est une bonne idée pour l'Occident ?
00:47:43Et pour l'Europe en particulier,
00:47:45qui est la partie la plus vulnérable de l'Occident ?
00:47:50Est-ce que creuser un fossé toujours plus profond
00:47:53entre l'Occident et le reste du monde,
00:47:56on appelle ça le sud global ou autre chose,
00:48:00est-ce que c'est raisonnable pour l'Occident ?
00:48:03Pour nous ?
00:48:05Est-ce que faire la guerre par procuration,
00:48:08c'est tellement moral ?
00:48:10Quelqu'un disait l'autre jour, ça a permis à l'Europe,
00:48:13ça a obligé l'Europe à être courageuse,
00:48:15mais c'est du courage de faire la guerre par procuration ?
00:48:19Bon, soit on est tellement en danger,
00:48:24qu'à ce moment-là, on va entrer en guerre, on y va, on assume.
00:48:29Mais avec une puissance nucléaire,
00:48:30il faudra assumer de recevoir peut-être un jour des bombes sur Paris.
00:48:38Bon, soit ce n'est pas le cas,
00:48:41et ça n'est pas le cas.
00:48:43Il y a un problème régional très important
00:48:46qu'il faut essayer de canaliser, de contenir,
00:48:48mais je pense que ni l'Allemagne aujourd'hui,
00:48:51ni la France, ni l'Espagne, ni l'Italie,
00:48:53ni la Grande-Bretagne, ni la Belgique
00:48:54ne sont directement menacées.
00:48:58Poutine, au fond, n'est pas un homo soviéticus,
00:49:02c'est un slavophile,
00:49:05ça s'inscrit dans une évolution assez terrible et inquiétante du monde,
00:49:10mais c'est ainsi, la phase de l'occidentalisation du monde étant passée,
00:49:15tous les vieux empires, toutes les vieilles civilisations
00:49:18que l'Occident avait occultées et abaissées pendant cinq siècles,
00:49:23réclament leur retour sur la scène internationale,
00:49:27réclament de retrouver leur influence, leur importance.
00:49:31Donc tout ça fait un monde dangereux, c'est vrai,
00:49:32de la Chine à l'Iran, à la Perse, si vous voulez,
00:49:36à l'Empire ottoman, à la Russie,
00:49:40et donc c'est le moment des refoulés, de tous les refoulés.
00:49:46C'est très dangereux, mais il vaut mieux le regarder en face
00:49:49plutôt que de le nier et essayer de l'organiser.
00:49:53Au lieu de ça, l'Occident, dès 1991,
00:49:55quand l'effondrement de l'Union soviétique,
00:49:59a voulu, les Américains surtout,
00:50:03rétablir une forme d'unipolarité, vous savez, c'était l'idée,
00:50:08maintenant tout le monde, de toute façon, on a gagné,
00:50:09tout le monde va nous ressembler, ça s'appelait la fin de l'Histoire,
00:50:14la fin de l'Histoire, ça voulait dire tout le monde aspire à ce que nous sommes,
00:50:17et nous allons être les gendarmes du monde, en tout cas les Américains,
00:50:20puisqu'il n'y a plus d'ennemis, l'ennemi en face.
00:50:23Et ça, c'était la pire des choses,
00:50:27il faut prendre en compte la réalité du monde d'aujourd'hui,
00:50:30essayer de la canaliser, et non pas de toute force,
00:50:34essayer de mettre le monde à notre image,
00:50:39et de le contraindre à nos lois,
00:50:43à ce droit international que nous avons nous-mêmes écrit,
00:50:48et ce droit international qu'on brandit là aussi comme les Écritures Saintes,
00:50:52que nous ne respectons pas,
00:50:54qui crée dans le monde, ça se crée unanimement,
00:50:58qui fait se lever dans le monde le cri de bois, de mesures.
00:51:02Non, il y a des situations, des cas de conscience,
00:51:05il y a des situations tragiques, le Moyen-Orient est une situation tragique,
00:51:09Israël, on peut très bien se dire, moi je suis d'un côté,
00:51:12le camp du bien c'est les Palestiniens, le camp du bien c'est Israël,
00:51:14non, le Hamas c'est le camp du mal, je veux bien,
00:51:17mais la question fondamentale, elle est tragique au sens où je vous en parlais tout à l'heure,
00:51:23c'est-à-dire que dans cette guerre gorgée de sacrés,
00:51:25il y a deux peuples qui veulent y vivre,
00:51:31et il n'y a pas d'autre solution que la solution à deux États,
00:51:34même si elle paraît difficile,
00:51:36est-ce qu'au lieu de prendre un parti absolu
00:51:41et de se dresser les uns contre les autres,
00:51:45ne pouvons-nous pas plutôt essayer de trouver les voies,
00:51:48encore mystérieuses, j'en conviens,
00:51:49mais d'essayer de les trouver pour arriver à une solution à deux États ?
00:51:53Parce qu'à la fin, un Tiguan a raison, un créant n'a pas tort, voilà, et ça c'est la vie.
00:51:58– Justement, on voit, vous venez d'en parler longuement,
00:52:02cette dangerosité, j'allais dire, pour caricaturer un peu le monde d'aujourd'hui,
00:52:06quand vous voyez la situation actuelle en France,
00:52:10cette possible transformation du pouvoir avec les prochaines élections,
00:52:13cette prochaine cohabitation, comment vous voyez les choses ?
00:52:16Quelle place pour vous la France peut-elle occuper aujourd'hui
00:52:19sur la scène internationale, après tant d'années, j'allais dire,
00:52:22de dérives et de mauvais choix et de manichéisme, de simplification ?
00:52:27Comment voyez-vous cela aujourd'hui ?
00:52:30Comment voyez-vous notre avenir proche ?
00:52:31– Alors d'abord, ça c'est le problème, encore une fois, de tout l'Occident,
00:52:34c'est-à-dire tout l'Occident est entré dans une phase d'auto-dénigrement
00:52:40de sa civilisation, de sa culture,
00:52:43toutes les sociétés occidentales sont fracturées,
00:52:46et c'est là où c'est aussi le paradoxe,
00:52:48on voudrait imposer notre modèle au reste du monde,
00:52:53alors que notre modèle est en train de se défaire complètement,
00:52:58enfin je veux dire, nous sommes en guerre avec nous-mêmes,
00:53:02en guerre contre nous-mêmes, regardez les États-Unis,
00:53:05vous avez deux parties de la population qui sont prêtes à en découdre,
00:53:10et regardez la France, c'est la polarisation,
00:53:14vous avez à la fois un éclatement où chacun a le bouc émissaire de l'autre,
00:53:17et puis vous avez des polarisations,
00:53:19et là on a une polarisation qui est en train de se cristalliser
00:53:21depuis que le Président de la République a en plus décidé
00:53:24d'utiliser l'arme de la dissolution.
00:53:27– C'est une arme pour vous ?
00:53:29– C'est une arme entre les mains du Président de la République
00:53:32dans les institutions pour résoudre des crises particulières,
00:53:34c'est-à-dire que le gouvernement est renversé,
00:53:36le Président de la République a le choix entre,
00:53:41si elle est renversée, ce qu'il y a une majorité qui s'est décontre,
00:53:44entre renvoyer le gouvernement et nommer celui qui serait issu
00:53:49de cette majorité qui s'est coalisée contre le gouvernement précédent,
00:53:53ou bien de dissoudre l'Assemblée, de renvoyer devant les électeurs.
00:53:58Alors après, il faut savoir quelles conséquences
00:54:00il en tient pour lui-même, du résultat qui va venir.
00:54:03Mais ça a été utilisé par le Général de Gaulle en 1962
00:54:07pour l'élection du Président de la République au suffrage universel,
00:54:10parce que l'Assemblée nationale avait renversé le gouvernement Pompidou.
00:54:14Ça a été utilisé en 1968 par le Général de Gaulle,
00:54:18mais pour sortir d'une crise qui n'a rien à voir avec aujourd'hui.
00:54:21Et je suis certain d'une chose, c'est que si les Français
00:54:24avaient envoyé une majorité de gauche qui aurait donné le pouvoir à la gauche
00:54:31en 1968, ils seraient partis.
00:54:33Parce que c'était poser aussi une question de confiance dans un moment…
00:54:36– Ce que ça veut dire, Aurigueno, c'est qu'aujourd'hui,
00:54:38si pour deuxième tour des législatives, Emmanuel Macron est renversé,
00:54:43ou concrètement il y a une majorité contre lui au Parlement,
00:54:46il faudra qu'il parte ?
00:54:46– Il faudra, c'est lui qui décidera.
00:54:48Après, encore une fois, c'est une question de morale personnelle,
00:54:52de conception de la politique.
00:54:53Il peut aussi considérer, on va y revenir,
00:54:56qu'il va être le garant de la République, de la démocratie, de l'État de droit
00:55:03face à toutes les menaces qui planent sur elle.
00:55:06Bon, ça c'est lui qui décidera, mais Chirac n'est pas parti
00:55:10après la dissolution de 97, mais c'était une dissolution de confort
00:55:16qui n'avait pas de sens, et ça lui a fait 5 ans de cohabitation sur 7 ans.
00:55:24Mais là, le contexte est peut-être très différent.
00:55:29Le contexte, c'est un contexte de tension très forte,
00:55:32de radicalisation très forte, de fractures très profondes,
00:55:37et on voit bien, encore une fois, la polarisation qui se crispe
00:55:41avec deux camps qui sont pris en écoute,
00:55:44j'ai eu l'occasion de dire, pas seulement dans les urnes.
00:55:47Donc, utiliser la… c'est toujours bien de donner la parole au peuple,
00:55:52mais il faut voir comment on le fait, et quand on le fait,
00:55:56là, le faire là, sur une sorte de coup de tête en fait,
00:55:59c'était pas un calcul machiavélien, c'est machiavélique,
00:56:06c'est un coup de tête, j'ai été désavoué,
00:56:10et il sacrifie ses propres… on sacrifie en même ses propres amis.
00:56:14– Mais ils avaient l'esprit de défaite.
00:56:16– Mais voilà, mais c'est un peu pour les punir aussi,
00:56:18mais il a ouvert une boîte de Pandore terrible.
00:56:22– Vous craignez le chaos, Henri Guaino ?
00:56:23Parce que vous avez dit au Figaro récemment,
00:56:25vous ne serez pas inactif après les législatives devant le chaos,
00:56:28vous le craignez ce chaos.
00:56:29– Oui, oui, je crains le désordre, la violence et le chaos,
00:56:32j'y reviens, moi j'ai toujours pensé que si la société française
00:56:35continuait sur cette pente, qui devient de plus en plus difficile
00:56:39à arrêter dans des délais courts,
00:56:43si elle continue, elle va tellement fracturer qu'elle ira vers la violence.
00:56:50Et après, la violence, cette violence qui sort de chacun d'entre nous
00:56:54quand elle sort déborde tout, et après il arrivera un moment
00:56:57où la violence aura tel et le désordre tel
00:56:59que les Français appelleront un retour à l'ordre,
00:57:03la question est de savoir quelle figure aura ce retour à l'ordre.
00:57:06Alors on a eu plutôt de la chance, si on accepte Pétain en 1940,
00:57:11mais on a eu de la chance, après la Révolution, on a eu Napoléon,
00:57:15alors on peut détester Bonaparte, enfin, voilà, c'est pas Hitler.
00:57:20On a eu de Gaulle en 1958, on a eu de Gaulle en 1944,
00:57:25bon, on a eu de la chance, les autres ils ont vu,
00:57:29Franco, ils ont vu Mussolini, ils ont vu Hitler, ils ont vu Staline,
00:57:33voilà, on a eu plutôt de la chance,
00:57:34mais est-ce qu'on aura de la chance la prochaine fois ?
00:57:37Quel visage aura ?
00:57:39Après la violence et le désordre des gens,
00:57:41vous croyez que les gens vont se tourner vers le centrisme,
00:57:45vers la modération ? Non.
00:57:48– Enfin, centrisme et modération ce n'est pas forcément synonyme,
00:57:50si je peux me permettre aujourd'hui.
00:57:52Enfin, ce sont des gens qui ont des…
00:57:54mais il n'est pas centriste, le groupe central ne fait pas le centrisme,
00:57:59ce n'est pas un démocrate chrétien qui est…
00:58:02alors on ne peut pas être démocrate chrétien, on peut les recuser,
00:58:04mais enfin, il n'a rien de la modération et de l'esprit chrétien
00:58:10d'un démocrate chrétien.
00:58:11– On est face à un président extrémiste ?
00:58:14– Mais c'est un président qui n'a pas, à mon sens, d'idéologie,
00:58:17qui agit selon sa psychologie,
00:58:19et oui, qui se comporte de façon souvent extrême.
00:58:23Voilà, il passe en force, il fait…
00:58:29voilà, j'ai le droit donc je le fais, j'ai le droit donc je le fais.
00:58:32Et si vous voulez, là il a ouvert une boîte de Pandore,
00:58:37pour l'instant on est dans l'ivresse du changement,
00:58:42beaucoup de gens sont contents d'avoir un bulletin
00:58:45qui leur permet d'exprimer leur colère,
00:58:46peut-être de renverser le pouvoir
00:58:49ou de battre aussi les islamo-gauchistes pour la droite,
00:58:53et à gauche, vous avez des gens qui sont maintenant
00:58:57en train de se solidifier en une coalition contre le fascisme.
00:59:01– Avec les applaudissements de l'ancien président de la République,
00:59:04François Hollande.
00:59:04– Bien sûr, mais parce que pour réconcilier toutes les gauches,
00:59:09il n'y a pas… lutter contre le fascisme est la meilleure chose qui soit,
00:59:15et vous avez déjà des manifs, des manifestations,
00:59:17et vous en aurez d'autres, on va rentrer dans une période,
00:59:20encore une fois, de conflits entre deux pôles
00:59:22qui se radicalisent de plus en plus,
00:59:24qui ont sans doute des raisons autres aussi de se radicaliser,
00:59:28la situation sociale, les questions migratoires, culturelles, identitaires…
00:59:34– Oui, mais ça, c'est consécutive au pouvoir en place.
00:59:36– Oui, et alors ?
00:59:38– Mais c'est logique que cette colère se dirige vers le pouvoir en place.
00:59:41– Oui d'accord, mais il va se passer quoi ?
00:59:42– Soit le Rassemblement national a une majorité relative très importante,
00:59:49ce sera encore plus ingouvernable, soit il a la majorité,
00:59:55mais le président de la République, il est toujours là, a priori.
00:59:57– A priori ?
00:59:58– Ah oui, mais s'il est toujours là, il ne va pas utiliser le référendum,
01:00:02s'il n'y aura pas d'ordonnance,
01:00:04on ne pourra jamais demander au peuple de trancher une question,
01:00:07sur les sujets sur lesquels les électeurs vont attendre le plus
01:00:12et le plus vite du Rassemblement national,
01:00:14j'entends bien ce que disent les responsables du Rassemblement national,
01:00:17on va faire ce qu'on pourra faire, parce qu'il n'y en aura pas.
01:00:20Il est probable qu'ils ne pourront pas faire grand-chose,
01:00:23le Conseil constitutionnel sera là,
01:00:25et qui appliquera l'état actuel du droit et des jurisprudences actuelles,
01:00:30il y aura les juridictions françaises, elles appliqueront le droit européen,
01:00:34il y aura la Cour de justice, il y aura la Cour européenne des droits de l'homme,
01:00:37enfin, voilà, et puis il y aura dans la rue, à chaque tension,
01:00:42il y aura des gens qui vont descendre dans la rue,
01:00:43d'un côté ou de l'autre, peut-être des deux à la fois,
01:00:46donc on va vers une période de chaos,
01:00:48et qui peut être une période de grande violence.
01:00:51Voilà, il a ouvert cette voie au lieu,
01:00:55au lieu d'aller le plus tranquillement possible
01:01:00vers les échéances naturelles.
01:01:03– De sortie, oui.
01:01:05– Là, pour moi, il a raccourci le temps ou les délais
01:01:10qui plongeront, d'un jour ou de l'autre, de toute façon,
01:01:13cette société qui est en train de se défaire dans la violence.
01:01:17Voilà, je ne sais pas comment, en tout cas c'est un risque,
01:01:21et je ne sais pas comment on maîtrise ce risque,
01:01:23il a ouvert une boîte de pendants, encore une fois,
01:01:26qui est extraordinairement dangereuse.
01:01:28La réalité, tous les gens qui regardent la situation française
01:01:34avec un tout petit peu de recul, le savent,
01:01:36même ceux qui disent le contraire,
01:01:38parce qu'il y a les jeux de rôles politiques,
01:01:40il y a l'opinion, il y a tout ça,
01:01:43mais en réalité, tout le monde commence à se sentir,
01:01:47tous les gens qui s'arrêtent un instant
01:01:48pour réfléchir aux conséquences de ce qui se passe,
01:01:53sentent bien que c'est un moment dangereux.
01:01:56Puis le Président de la République,
01:01:57c'est pour la première fois dans une cohabitation,
01:01:59il y aura une politique étrangère différente
01:02:02pour le Président et le gouvernement.
01:02:06Sauf que le Président a beaucoup de moyens dans ce domaine,
01:02:09de se promener sur toute la scène internationale,
01:02:11prendre des engagements qui, après,
01:02:12sont difficiles pour le gouvernement de dire derrière,
01:02:16non, non… – De le désavouer.
01:02:19– Et puis, il est le chef des armées.
01:02:21S'il décide d'envoyer des troupes en…
01:02:24Je prends cet exemple, je ne dis pas qu'il va le faire,
01:02:26mais en Ukraine, il les envoie,
01:02:31et le gouvernement, il fait quoi ?
01:02:34Bon, le Parlement, il y aura un débat sur vote au bout de trois jours,
01:02:41et puis il faut attendre quatre mois
01:02:44pour qu'on demande l'autorisation de poursuivre au Parlement.
01:02:47Mais en quatre mois, quand vous envoyez des soldats
01:02:49dans un théâtre d'opération,
01:02:51il s'en passe des choses qui deviennent irréversibles.
01:02:54– Bien sûr.
01:02:54– Vous savez, on en revient à l'idée des limites.
01:02:57Il n'y a pas de ligne rouge, ni dedans ni dehors.
01:02:59Puis à chaque fois qu'on franchit, soi-disant, une ligne rouge,
01:03:01il ne se passe rien, alors on va continuer.
01:03:04On va continuer, c'est vrai pour le président de la République,
01:03:06c'est vrai pour la guerre, c'est vrai pour tout le monde,
01:03:10c'est vrai pour les extrêmes de tous les côtés,
01:03:15enfin les vrais extrémistes.
01:03:17Et comme je le dis souvent, le problème de la ligne rouge,
01:03:22la vraie, la dernière,
01:03:24c'est qu'on ne sait que c'était la ligne rouge des intérêts qu'après.
01:03:28Donc cette idée…
01:03:29Et au contraire, plus on avance comme ça,
01:03:31en pensant qu'on est franchi,
01:03:32que puisqu'il ne se passe rien, on peut continuer,
01:03:33plus ça devient dangereux.
01:03:36Voilà, vous envoyez…
01:03:37Très bien, vous envoyez donc les instructeurs en Ukraine,
01:03:42et puis quand il y en aura 4 ou 5 qui seront tués,
01:03:47qu'on aura les cercueils dans la cour des Invalides,
01:03:50la France, elle fera quoi ?
01:03:52Elle dira merci aux Russes ou elle ripostera ?
01:03:55Et où nous mènera la riposte ?
01:03:57Voilà, le pire n'est jamais sûr,
01:04:01mais si on ne pense jamais que le pire peut arriver,
01:04:04alors on est mort.
01:04:06Je finis là-dessus,
01:04:09vous savez le 7 octobre,
01:04:11les jeunes gens qui dansaient à 2 kilomètres de Gaza,
01:04:15ils n'avaient jamais…
01:04:16ils avaient oublié que le malheur peut arriver,
01:04:20ils étaient tous pour la paix,
01:04:22ils avaient même oublié 2 000 ans de persécution des Juifs.
01:04:26Tous, ils étaient Juifs,
01:04:28ils avaient oublié, ça ne pouvait plus arriver.
01:04:31Pareil pour ces gens qui surveillaient la clôture,
01:04:34qui surveillaient Gaza,
01:04:36ça s'était relâché,
01:04:37voilà, mais eux, ils pensaient que ça ne pouvait plus arriver.
01:04:40Puis au petit matin, ils ont vu arriver les assassins.
01:04:42Tout peut arriver, tout peut nous arriver,
01:04:45les Juifiam, c'est Mme Sinclair qui raconte,
01:04:56dans un livre qui s'appelle La rafle des notables,
01:04:58c'est les notables Juifs à Paris, pendant la guerre,
01:05:02ils ne pensaient pas, ils étaient Français,
01:05:04ils s'étaient battus pendant la guerre,
01:05:05ils étaient tous, c'était sénateurs, notaires, médecins,
01:05:10ils ne pensaient pas du tout qu'il allait leur arriver quoi que ce soit.
01:05:13Puis un matin, elle a sonné à leur porte,
01:05:16elle raconte, c'est l'histoire de son grand-père,
01:05:21les familles, elles ont appelé leurs amis,
01:05:24le préfet, les gens avec qui ils dînaient en ville,
01:05:27personne n'a répondu, ça ne pouvait pas arriver.
01:05:31C'est toujours cette idée, le pire ne peut pas arriver.
01:05:34Si ce qui est arrivé aux générations précédentes nous arrivait,
01:05:37nous vivons dans l'illusion mortifère que le monde commence avec nous,
01:05:41nous vivons dans l'illusion mortifère que tout commence à notre naissance,
01:05:45mais non, nous ne sommes pas un commencement,
01:05:47nous ne sommes jamais un commencement, même à la naissance.
01:05:51Nous nous insérons dans une histoire qui a commencé avant nous,
01:05:54qui pèse sur nous et qui est inscrite aussi dans notre inconscient collectif,
01:06:02dont nous faisons partie, dont nous ne pouvons pas nous séparer.
01:06:05Et la nature humaine, les circonstances changent,
01:06:07la nature humaine ne change pas.
01:06:09La violence qui est en nous, elle est toujours là.
01:06:12Et le rôle de la politique, c'est quand même d'y penser sans arrêt
01:06:15et d'éviter que, d'abord, que nous passions notre temps à nous entretuer
01:06:19en laissant sortir cette violence.
01:06:21On a cassé tout, l'école, les institutions, tout ça.
01:06:27Et donc, on est devenu très vulnérable à tout ça.
01:06:30Et la politique, la responsabilité de la politique,
01:06:33c'est toujours de prendre ça en compte et toujours de penser que ça peut arriver.
01:06:37Eh bien non, ça fait des décennies que la politique,
01:06:40comme beaucoup de citoyens pensent que ça ne peut pas arriver.
01:06:43Nous sommes tellement meilleurs que nos prédécesseurs, tellement mieux.
01:06:46L'histoire ne se répète tellement pas. L'histoire non, nous oui.
01:06:50– Henri Guaino, juste pour terminer cette émission,
01:06:52le 22 mai dernier, nous a quitté Marie-France Garot,
01:06:54que vous avez bien connue.
01:06:56Vous aviez écrit, pour la décrire,
01:06:58la grande dame d'une époque où la politique était encore un monde de géants.
01:07:03Il nous manque des Marie-France Garot, sans doute.
01:07:05– Il ne me manque pas que les Marie-France Garot, il nous manque des géants aussi.
01:07:08C'est-à-dire, ce que je disais aussi, c'est que des gens comme Marie-France Garot
01:07:13avaient en face d'eux des géants qu'on aime ou qu'on n'aime pas.
01:07:17Même leurs adversaires étaient des géants.
01:07:19C'est-à-dire, ce n'est pas la même chose d'avoir Mitterrand comme adversaire
01:07:25ou d'avoir les politiciens d'aujourd'hui.
01:07:27Le problème, c'est que les géants de la politique,
01:07:31quels que soient leurs défauts par ailleurs,
01:07:34les géants de la politique ont été remplacés de plus en plus par des politiciens.
01:07:38Voilà, et ces grands fauves de la politique, c'était un grand fauve aussi.
01:07:44C'est une intelligence remarquable.
01:07:48Mais elle n'a été ce personnage qu'elle a été aussi
01:07:53que parce qu'elle était confrontée aux grands fauves de la politique,
01:07:58mais qui étaient à côté d'aujourd'hui des géants.
01:08:01Alors, ce n'est pas tous des géants de l'histoire,
01:08:03tout le monde n'est pas De Gaulle ou Churchill,
01:08:04mais quand même, c'était à côté de tous ceux qui nous gouvernent aujourd'hui
01:08:10ou qui prétendent nous gouverner.
01:08:13C'étaient des géants.
01:08:15Voilà, elle marque sa disparition,
01:08:22on marque la fin de ce vieux monde tant décrié
01:08:30qui a laissé la place à la plus vieille politique du monde,
01:08:33celle des politiciens.
01:08:35Comme je disais à la fin de ce texte,
01:08:39Madame, je pense que même ceux qui vous ont détesté,
01:08:44qui ne vous aiment pas, commencent déjà à vous regretter.
01:08:47– Bien sûr.
01:08:48– Regretter ce genre de personnage,
01:08:50d'avoir sur la scène des personnages de cette dimension,
01:08:56bien qu'elle n'ait jamais gouverné elle-même.
01:09:01– Merci beaucoup Henri Guaino d'être venu jusqu'à nous pour cette émission.
01:09:04Merci à tous de nous avoir suivis.
01:09:06J'espère que cette émission vous aura plu.
01:09:08J'espère, comme je vous l'ai dit tout à l'heure,
01:09:10que vous penserez à la relayer,
01:09:11à me laisser vos commentaires juste en dessous
01:09:13et puis bien sûr à l'agrémenter de ce fameux pouce en l'air qui nous aide tant.
01:09:17Je vous souhaite une bonne fin de semaine.
01:09:18Je vous donne rendez-vous, bien entendu, la semaine prochaine,
01:09:21même lieu, même heure.
01:09:23En attendant, chers amis, portez-vous bien.
01:09:25À bientôt.
01:09:27– Sous-titrage Société Radio-Canada

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