• il y a 6 mois
L'association de collectionneurs d'art contemporain, l'Oeil Neuf, avec la commissaire d'exposition et critique d'art Isabelle de Maison Rouge, ont organisé à La Fabrique centre d'Art de 93100 Montreuil, l'exposition "Solastalgie(s)" qui a regroupé sur ce thème 6 artistes : Matthieu BOUCHERIT, Léa HABOURDIN, Lucien MURAT, Lenny RÉBÉRÉ, Jeanne VICERIAL, et Jisoo YOO.
Transcription
00:00 L'œil Neuf est une association d'amateurs et collectionneurs d'arts modernes et contemporains.
00:05 La solastalgie est une forme de souffrance et de détresse psychique et existentielle
00:11 causée par les changements environnementaux passés, actuels ou attendus.
00:16 Là je la re-coiffe.
00:18 Ce sont des pièces qui sont faites entièrement en fil ou en corde.
00:23 Je n'utilise jamais de tissu ni de machine à coupe dans mon travail.
00:27 Du coup une pièce c'est entre 200 et 2000 heures de travail à la main.
00:31 Même si à côté je fais un peu un travail de robotique, j'ai comme des machines qui peuvent m'assister.
00:37 Et c'est là qu'il y a toute une mise en fil à chaque fois.
00:41 Et le travail sur des machines, ça t'est venu du monde de la mode ?
00:47 Ça m'est venu du fait qu'avant on avait créé une silhouette sur mesure par le vêtement.
00:54 Il y avait des aberrations comme le corset.
00:58 Avec le vêtement du pré-taboureté, il y a eu une inversion, on a quitté le sur-mesure
01:04 et finalement on a modifié notre propre corps pour correspondre aux trois tailles imposées par l'industrie textile.
01:09 Et depuis cette époque-là, il n'y a jamais eu autant de troubles alimentaires.
01:14 Le tatouage est devenu une sorte de bijou sur mesure.
01:18 J'en suis venue à l'idée que la peau était devenu une étoffe du vertu médical.
01:21 Et je me suis posé la question de comment réintroduire un individu.
01:25 Et j'ai découvert le tissage musculaire humain.
01:28 Et donc j'ai copié les livres d'anatomie.
01:30 Et c'est comme ça que j'ai travaillé aux traits comme si je dessinais.
01:34 Et donc c'est vraiment comme du dessin pour moi.
01:37 J'ai une variation de palette avec des filles qui sont aussi fins qu'un cheveu,
01:42 à de la corde de 3 mm jusqu'à de la corde de 5 mm.
01:46 C'est le signe.
01:49 Ce qui m'intéresse aussi, c'est que tu parles justement du fait que notre peau
01:54 et finalement notre vêtement est notre seconde peau.
01:58 Donc tu parles du vêtement, mais en fait tu parles du corps humain
02:01 et puis de sa transformation dans l'époque.
02:05 Et il y a la question de la métamorphose, de la mûle, qui est vraiment essentielle pour moi.
02:10 Oui, c'est vrai qu'elles sont des pièces qui sont toujours en transformation.
02:14 Et d'ailleurs, il faut toujours un peu les installer.
02:16 Donc elles ne sont jamais vraiment figées.
02:19 Et de plus en plus, on ne sait plus forcément quel genre, si c'est minéral, végétal.
02:24 Et je les appelle en fait des écorcés.
02:27 C'est le mot ?
02:28 Je ne sais pas comment le traduire en anglais encore.
02:31 C'est vraiment cette idée qu'à l'intérieur, elles sont remplies de fleurs.
02:35 Et en fait, je viens plutôt du milieu de la mode.
02:38 C'est quand même la deuxième industrie la plus polluante au monde.
02:41 Aujourd'hui, c'est quand même compliqué de produire des nouvelles choses.
02:44 On a décidé de produire des vêtements en série.
02:47 Et dans cette idée aussi d'être par rapport à l'écoute de son environnement.
02:51 Et c'est vrai qu'il y a quelque chose qui se passe en tout cas avec les présences.
02:55 Cette idée de montrer en même temps ce qu'on ne veut pas voir.
02:59 La présence, c'est évident.
03:01 Elles sont très fortes dans l'exposition.
03:03 On le voit à chaque fois que tu montres une des pièces.
03:06 Et je t'avais interrogé sur ton nom de famille,
03:09 qui évoque quand même aussi l'idée de l'organique, de la viscère.
03:13 Et donc, je pense qu'il y a quelque chose aussi comme une sorte d'armure
03:16 qui va protéger ou qui vient exposer ou au contraire.
03:19 Tu parlais du muscle tout à l'heure.
03:21 Je pense qu'il y a vraiment quelque chose de cet ordre-là.
03:23 En fait, oui, c'est vraiment cette idée d'avoir plusieurs couches de l'évidemment.
03:27 Moi, je les appelle des armoires.
03:29 Et donc, c'est vraiment cette idée qu'à la fois, elles sont très fortes.
03:32 C'est des armures.
03:33 Elles sont faites comme des armures, mais ça s'insère bien avec l'affection et l'amour.
03:36 Et en même temps, elles sont pleines de drisses.
03:38 Donc, c'est des cordes qui sont plutôt utilisées dans la navigation, dans le hoot, etc.
03:42 Donc, elles sont capables de supporter plus de 300 kilos.
03:45 Mais en même temps, si on glisse notre main à l'intérieur, on touche leur cœur.
03:49 Et donc, ça parle aussi de toute l'histoire du consentement.
03:51 Puisque si on touche les pièces, en fait, on va les décoiffer, on va les abîmer.
03:54 Et les sculptures, elles ne parlent pas, donc elles ne donnent pas leur accord.
03:57 Et donc, c'est aussi tout un rapport par rapport à ça.
03:59 Ceci pour ça qu'elles ont une odeur.
04:01 Oui, c'est un peu…
04:04 Oui, ça va au-delà de la présence.
04:06 Ça parle du corps et aussi de sa disparition, comme son apparition.
04:10 Du rapport humain entre privé-public.
04:14 Et du coup, on ne sait jamais si on regarde vraiment dedans ou si elles sont vraiment extérieures.
04:20 Et il faut un peu penser aussi à des figures mythologiques.
04:23 Et là aussi, on revient à la métamorphose, à la transformation.
04:27 Ce sont des choses qui nourrissent toute cette culture.
04:31 Oui, puis c'est vrai que moi, je m'intéresse aussi aux transformations plutôt du minéral,
04:35 enfin minéral-végétal.
04:37 C'est vrai qu'on a beaucoup de références aux vides, etc.
04:40 Mais aussi par rapport à la représentation de l'histoire de la féminité.
04:43 Et pour moi, c'est aussi des sortes de gorgones qui remettent leur tête sur leur tronc
04:47 et re-racontent une histoire de la féminité, sans être forcément des guerrières.
04:50 Juste qu'elles sont parées pour un avenir peut-être plus certain.
04:55 C'est pour ça que, quand j'ai commencé ce travail en 2009,
04:59 c'était une peinture, une peinture, une peinture.
05:02 Ça ne me plaît pas du tout.
05:03 Je ne vois pas ce rapport-là à la peinture, une œuvre, une œuvre, une œuvre.
05:07 J'ai déjà un peu de mal à les présenter comme ça.
05:10 Et ce qui m'intéresse, c'est tout ce qui est engagé par le processus.
05:14 Du passage de la réflexion sur le photojournalisme, par exemple.
05:18 Un photojournaliste qui utilise l'iconographie picturale et religieuse,
05:21 et moi qui fais de la peinture en utilisant les codes photographiques.
05:24 Donc c'est un renversement.
05:26 L'idée aussi de prendre ses corps, d'effacer le contexte,
05:31 et de croire que c'est juste des performeurs ou des danseurs.
05:34 C'est aussi soit une manière dont on va s'extraire de la violence de l'actualité.
05:42 Voilà, parce que, comme Luc Boltanski disait,
05:45 souffrir à distance, c'est à force de trop de violence et d'être trop impacté.
05:49 On a beaucoup parlé d'indifférence, mais moi je pense que c'est le contraire.
05:52 C'est qu'on a trop vu, trop subi.
05:54 Donc pour se protéger, on a besoin de cette distance et d'ignorer certaines choses.
05:58 Cette notion chorégraphique que je crée, c'est aussi pour parler de justement
06:03 ce rapport entre chorégraphe et médias, c'est-à-dire l'utilisation des corps
06:09 dans une chorégraphie, dans une histoire générale,
06:12 comme les médias vont utiliser ces images de migration
06:15 pour un format défini, un public défini, et leur récit vis-à-vis ça.
06:19 Donc ce n'est plus que des anonymes, presque, et des morceaux de corps sans histoire.
06:24 C'est aussi ça qui va...
06:26 - Je pense qu'il y a vraiment quelque chose qui a un lien avec le soin
06:32 que tu souhaites apporter toi.
06:35 - Par l'image, je sais qu'il y a eu pas mal d'interviews, même d'Etienne Hath,
06:40 ou WordPress, ou ça, où justement réparer par l'image, ou réparer en réparant l'image,
06:44 ou parler justement de silence et de blessure en réparant les images.
06:49 Mais je ne suis pas sûr qu'on ait une réelle agentivité ou efficience sur le réel.
06:59 C'est que de l'art.
07:01 Donc c'est des querques sur qui, sur quoi.
07:03 Peut-être qu'il y a ça aussi dans l'art, que ce soit cinéma, littérature, musique,
07:08 enfin tous les arts, c'est qu'on infuse la société.
07:11 On infuse tout doucement par nos idées.
07:14 On voudrait être beaucoup plus efficace, mais on n'est que...
07:17 C'est que de l'art.
07:19 - Moi, c'est des photos, des photographies, donc ça touche aussi toutes les générations.
07:28 Ce qui change, c'est l'usage qu'on en fait.
07:30 Et du coup, les mettre en ligne, ça devient un nouveau matériau accessible.
07:34 Et du coup, comment est-ce que, selon les générations, c'est des rituels autour de la photographie
07:40 qu'on retrouve à chaque fois ?
07:42 Et c'est des codes, donc c'est codé.
07:44 - Oui, et le code, c'est quelque chose qui t'intéresse.
07:47 - C'est quelque chose qui m'intéresse.
07:49 Codes sociaux, codes... J'aime bien ce mot, estimité, inestimité de soi,
07:53 exister aux yeux des autres, etc.
07:55 Et en même temps, moi, je fais de la photo comme tout le monde.
07:58 On mixe tout ça et on fait une sorte de...
08:01 Je fais des questions. Pourquoi on fait ça, au final ?
08:04 Parce que ça dit de nous et de nous.
08:06 - Et ce qui m'intéresse aussi, c'est qu'est-ce que tu en extrais, toi, de ces images,
08:11 et après, cette image qui va être triturée, mal axée,
08:16 et cette image qui va se déliter petit à petit,
08:19 et cette notion qui était justement liée à cette nostalgie,
08:23 c'est-à-dire un petit peu l'angoisse de cette chose qui va disparaître.
08:27 Ces images qu'on voit là, qu'on devine parce qu'on ne les voit pas toutes bien,
08:31 pourquoi, comment tu les as sélectionnées, assemblées, mises en couleur ?
08:35 - C'est un montage, c'est un collage.
08:37 C'est un montage de maquettes et de collages.
08:40 Et surtout sur ces deux-là, il y a vraiment cette verticalité,
08:43 cette lecture un peu comme un storyboard.
08:47 Et finalement, ce storyboard, ce n'est pas du tout un temps très court,
08:50 mais c'est des actions de vacances, etc., qui sont aussi très communes.
08:54 Il y a aussi la pellicule photo. - C'est ça, voilà.
08:56 - Il y a aussi l'histoire d'une soirée qui se retrouve dans toutes les photos,
08:59 de la pellicule qu'on déroule comme ça, et qu'on coupe, qu'on tranche,
09:03 pour garder des instants.
09:06 Donc, elle, c'est vraiment comme une sorte d'album
09:09 où elle va photographier des forêts,
09:12 qu'elle va découvrir avec des êtres qui la visitent régulièrement.
09:18 Donc, il y a quelque chose de vraiment de l'intime et du souvenir.
09:24 Et en même temps, ce sont des forêts qui, justement, sont un petit peu oubliées.
09:29 Et ce qui l'intéresse aussi, c'est d'utiliser des pigments végétaux
09:33 pour réaliser ses impressions.
09:36 Et c'est ce qui nous donne cette variété de roses, de jaunes, de grises, très subtiles.
09:41 - Il y a une collection de pigments végétaux. - Oui.
09:43 - Qu'elle collecte sur place. C'est vraiment une collection.
09:46 - Ah, c'est ça.
09:48 - Ça, c'est la racine de Garos. - Ah, c'est trop chouette.
09:51 - C'est la première fois que j'arrive à avoir cette espèce de lumière.
09:57 Parce que c'est très capricieux, la racine de Garos.
10:00 - Et là, le bouillir, elle devient marron.
10:03 - Oui, il y a un jeu de lumière.
10:05 - Et ce qui est marrant, c'est qu'il y a des motifs qui se rédèlent, mais on ne voit pas tout de suite.
10:09 - Oui, c'est vrai.
10:11 - Mais en plus, une feuille, il n'y en a pas d'une autre.
10:14 - Oui, oui, oui. - C'est-à-dire qu'on est toujours sollicité.
10:16 - C'est une série qui vient de démarrer.
10:19 Donc là, c'est les deux premiers. C'est Lucien Murat.
10:22 - Ah, c'est ça.
10:24 - Qui a fait des tapisseries dans un...
10:28 - Dans un terrasier. - Dans un terrasier.
10:30 Il a commencé par des cannebats qu'il a achetés au Puce.
10:34 Tu sais, où tu voyais la dentonnière de Werner, des images ultra classiques.
10:39 Et puis, il a assemblé comme un patchwork.
10:41 Et ensuite, par-dessus, il peignait d'autres visuels, d'autres images.
10:45 Et donc là, c'est toujours du tissu.
10:49 C'est vraiment du tissu qui est cousu encore.
10:51 Qui a été cousu sur un autre tissu qui est plus translucide, un peu comme des collants, des bâts.
10:56 C'est vraiment un tissu souple.
10:58 Et ensuite, il vient créer des chaos, etc.
11:01 Et alors là aussi, pour revenir à cette question sur cette génération qui plonge dans Internet en permanence,
11:08 il a travaillé aussi avec un certificat qui est parti d'images...
11:14 Enfin, il a mis au point un logiciel qui traite des images d'intelligence artificielle à partir de la forêt de Sémar.
11:22 Un peu comme Léa, il part d'une forêt réelle et là aussi, il va transformer, modifier les images.
11:29 Et c'est peut-être la forêt du futur, la forêt qui est en train de disparaître.
11:34 Tu peux le voir de manière optimiste.
11:40 Ou en fait, c'est le randonnement qu'on comprend.
11:44 Oui, une désagrégation.
11:47 En tout cas, ça traite évidemment des transformations climatiques.
11:51 On a commencé à travailler avec l'intelligence artificielle et surtout à entraîner un modèle
11:57 où, en prenant des images, des parties de textures d'images de travaux précédents,
12:03 on a collecté avec cet ingénieur Victor Ramboud,
12:08 on a collecté des images, des zooms texturés de mes travaux précédents
12:15 et on a entraîné un modèle à réaliser des images en fonction, grâce à ces textures.
12:24 Dès que le modèle produit une image, il le fait avec ces textures-là.
12:28 Donc, j'ai généré plusieurs images et à partir de ça, je les réinterprète et j'ajoute des matières, j'ajoute du volume.
12:35 En partant toujours avec ta technique d'origine qui est la couture.
12:40 Oui, en fait, je pense que le paradoxe de ma pratique, c'est que ça traite de sujets très numériques,
12:47 mais je le fais de façon très analogue.
12:49 Oui, oui.
12:51 Et alors, moi, je ne sais pas si c'est intéressant, mais j'ai fait un rapprochement avec la peinture abstraite des années 50.
12:59 Oui, bien sûr.
13:00 Et notamment les paysages abstraits.
13:03 Mais sauf que toi aussi, ton univers, c'est le manga et c'est la science-fiction.
13:08 Oui, tout ce qui suit la science-fiction, beaucoup la bande dessinée.
13:10 Oui, et ça, on le perçoit complètement.
13:13 Et notamment dans le jeu de transparence, les couleurs et les lumières.
13:18 Moi, en tout cas, c'est ça que ça m'a évoqué.
13:21 Dès qu'on utilise l'intelligence artificielle, quelque part, on touche à l'idée d'archétype.
13:28 Ce que je trouve bien avec le modèle qu'on a développé, c'est qu'on évite ça.
13:32 Le fait qu'on ait juste pris des textures, ça permet de générer des images que je trouve plus fortes, plus étranges,
13:38 qui amènent plus facilement à l'abstraction.
13:40 C'est ce que je voulais aussi.
13:42 Je voulais aussi plus ressentir.
13:46 Comment est-ce qu'on peut arriver à retranscrire ce sentiment de la solastalgie, quelque chose d'étrange,
13:53 ce sentiment de déréliction, d'effacement, petit à petit, de la nature, d'un monde qui nous entoure.
14:04 Et je trouve que d'avoir un rapport très intime avec une intelligence artificielle,
14:13 c'est très étrange que le fait que le lien soit basé sur mon travail, quelque part.
14:18 Un miroir avec moi-même, mais un miroir qui serait surpuissant, qui irait plus loin,
14:24 parce que le programme de puissance du calcul est bien supérieur,
14:29 qui apporte aussi des parts d'accident.
14:32 Il y a presque un rapport de consulter un oraxe, une sorte de calcasse.
14:39 C'est comme si on avait une autre petite créature.
14:41 Oui, et je trouve ça vraiment assez fascinant.
14:45 On est dans une sorte de prophétie autoréalisatrice,
14:48 on sait ce qui va se passer, on comprend ce qui va se passer d'un coup.
14:53 Mais en même temps, c'est peut-être pour ça que les réponses politiques sont beaucoup plus lentes,
14:59 c'est qu'on est sur une échelle qui est rapprochée à celle de l'humanité.
15:06 Très courte, mais pour nous, ça paraît très loin.
15:11 Et là, d'un coup, d'avoir cette confrontation quasi immédiate avec l'oracle,
15:17 quand je lui donne une image de nature verdoyante,
15:20 on voit immédiatement cette nature qui est pulvérulente,
15:25 comme figée, presque cuite, ça se rapproche presque des émeaux.
15:33 D'un coup, le côté vivant devient très minéral, très figé, très magmatique.
15:40 Je trouve que l'IA, il y a toujours un écueil, c'est ce qu'on appelle le digital art,
15:44 des images qui sont très reconnaissables, très stéréotypées.
15:50 Et là, le fait de ne pas avoir travaillé sur une image globale,
15:55 mais d'avoir créé cette banque d'images,
15:59 c'est presque comme si on avait créé une sorte d'alphabet de textures,
16:04 et qu'à la fin, quand on les remet ensemble,
16:07 on peut construire des phrases, des textes,
16:10 et ça donne quelque chose de beaucoup plus global.
16:12 Et en fait, quand on a commencé à travailler avec Victor,
16:15 il m'avait simplement demandé de donner des images de tous ses travaux,
16:19 et on va entraîner un modèle avec des images globales.
16:24 Et effectivement, rapidement, on tombait dans ce travers, cet écueil.
16:29 Ça produisait presque des versions kitsch de mon travail.
16:34 Je trouve que ça n'avait pas grand intérêt.
16:37 Alors que là, il a été entraîné presque sur de l'abstraction.
16:41 Le fait de ce modèle qui est presque entraîné sur de l'abstraction,
16:45 de l'appliquer à quelque chose de l'ordre de la nature, d'art, fonctionne bien.
16:55 À quel âge est l'art ?
16:57 Ils ont tous cette génération, donc elle doit avoir une trentaine d'années.
17:02 Elle aussi, ce qu'elle voit, c'est...
17:07 - C'est clair, c'est lui. - Oui.
17:09 Et ce qui l'intéresse aussi, c'est les frontières.
17:13 Là aussi, on abolit les frontières, on passe d'un registre à l'autre.
17:18 Et la question de l'identité, parce que là, elle est coréenne,
17:21 venant s'installer en France, et elle a fait deux vidéos
17:25 à partir d'installations gonflables et géantes.
17:30 Là, c'est ma maison.
17:32 Elle amène cette maison partout avec elle.
17:35 Là, c'est dans son nouveau lieu, donc c'est Paris.
17:38 C'est vraiment traduire cette idée que l'on est obligé de s'adapter,
17:42 le monde change, et on est obligé d'envisager nous-mêmes
17:46 une forme de nomadisme.
17:48 Cette idée de l'identité, il y a la maison et puis la chambre.
17:53 C'est aussi la même chose.
17:55 Cette chambre se gonfle et se dégonfle,
17:58 et elle peut être transportée un petit peu partout aussi.
18:01 En fait, moi, je veux que les gens voient à premier l'œil de loin.
18:07 C'est intéressant, c'est beau, mais de plus en plus de temps
18:11 qu'ils passent devant le tableau, ils découvrent de plus en plus
18:15 une scène ou une image un peu inquiétante, angoissante.
18:22 Les images qui pleurent, les petites filles qui se cachent un peu partout,
18:27 la tête des humains ou des oiseaux, en tout cas une image un peu monstrueuse,
18:33 inquiétante et tout ça.
18:35 Donc oui, moi aussi, je pense que ça marche bien avec le thème de l'anesthésie.
18:42 Je pense que naturellement, on a besoin de quelque chose,
18:45 on a envie d'un lieu stable, quelque chose qui nous protège,
18:51 on veut être senti à l'aise, une zone de confort,
18:54 un truc comme ça qui nous protège.
18:57 Ce chemin-là, c'était vraiment de concours jusqu'à la préfecture de Paris,
19:03 parce que c'est là où je renouvelais mon titre de séjour chaque année.
19:08 Donc en fait, à ce moment-là, c'était super difficile pour moi
19:14 de louer un nouvel appartement parce que mon titre de séjour
19:20 c'était en train de finir, donc toutes ces questions de papier
19:25 et en fait, cette petite carte plastique, c'était plus important que ma présence.
19:32 Du coup, si je n'avais pas ce titre de séjour, presque je n'existerais pas ici.
19:39 Moi, je me baladais un peu, oui, je suis un être vivant mais humain,
19:45 mais en même temps, avec cette maison un peu fantomatique,
19:50 je me suis baladée un peu comme une fantôme qui se balade dans cette ville.
19:59 Là, il y a la chambre gonflable, du coup, avec cette chambre gonflable,
20:04 je me suis baladée un peu ici, là-bas, j'ai fait apparaître ma chambre et disparaître,
20:11 et je me suis mise dedans, j'ai créé une jambe de confort qui n'est pas très confortable,
20:19 qui est éphémère, instable, fragile.
20:23 Cette chambre est faite avec du plastique, du coup, ça parle aussi de notre société,
20:30 je pense que ça fait lien aussi avec la thématique de Solastégie.
20:35 Oui, complètement.
20:36 Donc, voilà.
20:39 [Rires]
20:41 [Silence]
20:56 [Bruits de la foule]
21:24 [Rires]
21:37 [Son de cloche]

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