• il y a 5 mois
Transcription
00:00Il y a une certaine peur d'une invasion africaine sous prétexte que le continent africain va
00:14voir doubler sa population dans les années à venir, jusqu'en 2050.
00:19Et un livre d'un journaliste, Stephen Smith, a accru la peur des Européens avec son titre
00:26« La ruée vers l'Europe ».
00:27Je vais vous citer une des phrases au début du livre de Stephen Smith, c'est « La jeune
00:32Afrique va se ruer sur la vieille Europe, c'est dans l'ordre des choses ».
00:36Ce n'est en fait pas du tout dans l'ordre des choses, où il faut savoir ce que signifient
00:39les choses, mais en tout cas, ce n'est pas dans l'ordre des nombres.
00:42Quand on regarde de près la question de la migration africaine vers l'Europe, et particulièrement
00:48vers la France, elle n'a pratiquement pas augmenté depuis une quinzaine d'années.
00:54Le chiffre exact en France des arrivées d'Africains en 2003, et Afrique, c'est aussi l'Afrique
01:01du Nord, ce n'est pas simplement l'Afrique subsaharienne, est de 91 000 en 2003 et de
01:0795 000 entrées nouvelles en 2017, 4 000 de plus.
01:12C'est très très peu pour une population française de plus de 65 millions d'habitants.
01:18Si on prend un exemple des pays africains, un pays comme le Niger, c'est le pays qui
01:24a la plus forte croissance actuellement au monde, c'est un des trois pays les plus pauvres.
01:29L'année dernière, 106 Nigériens sont arrivés en France sur une population de 22 millions
01:36d'habitants.
01:37Entre 2003 et 2017, le Niger s'est accru de 9 millions d'habitants.
01:43Au total, 1 800 Nigériens sont arrivés en France, 2 pour 10 000.
01:47Donc on ne peut absolument pas dire qu'il y a un risque d'invasion.
01:51Il faut voir qu'il y a une très grosse diversité en Afrique, des directions des migrants qui
01:55sont d'ailleurs presque tous vers des pays africains et aussi vers des pays comme le
02:02Canada ou bien comme l'Australie.
02:05En outre, quand on passe de la France à l'ensemble de l'Europe, là aussi la croissance du nombre
02:15d'Africains et surtout des arrivés d'Africains est faible.
02:18Elle est de l'ordre d'une croissance de 1,5% par an alors que le continent africain
02:24s'accroît à 2,5% par an.
02:26Donc on a là-dedans une vitesse beaucoup plus faible de l'arrivée des Africains que
02:31de leur propre croissance.
02:34Quand on regarde d'ailleurs dans le détail, on voit que le pays d'Afrique où la proportion
02:39de migrants est la plus importante par rapport à la population, c'est la Tunisie.
02:43Or la Tunisie est le pays d'Afrique qui a la plus faible fécondité, la plus faible
02:48croissance démographique.
02:50Pourquoi la Tunisie est-elle tournée vers l'Europe ? Parce que les Tunisiens ont un
02:55grand système d'éducation.
02:57Il y a pratiquement la même proportion de Tunisiens à l'université que de Français
03:02à l'université.
03:03Et la migration c'est essentiellement le fait de personnes diplômées maintenant parce
03:09que c'est beaucoup plus facile de migrer avec un diplôme que sans diplôme.
03:13Et d'ailleurs, dans les arrivées en France de 2018, dans l'ensemble des cartes de séjour
03:18qui ont été distribuées, 260 000, si on regarde les Africains, donc vous l'avez
03:24vu, à peu près 90 000, 65% d'entre eux ont le bac et 50% d'entre eux ont au moins
03:31un diplôme universitaire.
03:34C'est plus que les Français du même âge.
03:36On oublie aussi, avec cette peur de l'invasion, que les Africains migrent surtout en Afrique.
03:41Plus de 80% des migrations africaines entre États sont à l'intérieur de l'Afrique.
03:47Alors c'est des migrations de personnes qui sont éduquées, par exemple des personnes
03:52d'Afrique de l'Ouest qui vont vers l'Afrique du Sud ou vers le Congo.
03:55Mais c'est aussi, hélas, des migrations de réfugiés pauvres et qui, eux, ne font
04:01que passer la frontière avec l'État voisin.
04:03Par exemple, des Somaliens qui se réfugient au Kenya ou bien des habitants du Darfour
04:09au Tchad.
04:10On oublie donc que l'essentiel de ces migrations sont des migrations de proximité.
04:16Cette peur de l'invasion traduit une méconnaissance profonde des phénomènes migratoires.