Bernard rêvait d’un avenir tout en tendresse aux côtés d’une jeune Française. Julie croyait avoir retrouvé l’amour avec ce bel Allemand si prévenant. Tous deux ont été victimes d’escroquerie sentimentale, une arnaque dévastatrice qui laisse dans son sillage des hommes et des femmes ruinés et surtout au cœur brisé. Basés la plupart du temps en Afrique, les arnaqueurs se cachent derrière de faux profils d’Occidentaux pour séduire leurs proies rencontrées sur les réseaux sociaux ou les sites de rencontre. La justice est impuissante contre ces arnaques.
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00:00 *Générique*
00:25 Bonsoir à tous.
00:26 C'est l'histoire de plusieurs femmes et hommes qui cherchaient l'amour, la tendresse,
00:30 vivre un petit morceau de rêve comme nous tous sans doute.
00:33 Ils se sont tournés vers internet, ses réseaux sociaux et ses plateformes de rencontres
00:37 où il semble si facile de trouver l'amour en un clic.
00:40 L'amour, ils croyaient l'avoir trouvé, mais derrière le profil enchanteur de leur
00:44 correspondante ou correspondance se cachait un escroc.
00:46 Rusés, habiles, excellents comédiens et experts du trucage de photos et de CV, ces
00:52 escrocs de l'amour, ces arnaqueurs, fèrent leur proie, souvent dans un moment de vie
00:56 difficile, en solitude.
00:58 Une fois leurs victimes tombées amoureuses, ces prédateurs du web commencent leur patiente
01:02 entreprise de s'extorsion, l'art de soutirer des sommes d'argent de plus en plus importantes.
01:07 Vous allez entendre dans ce reportage comment par exemple une de ces victimes a lâché
01:12 près de 90 000 francs, d'autres leur fonds de pension.
01:14 Pour cette enquête audacieuse, Isabelle Ducret et Olga Bailly font remonter la piste des
01:18 arnaqueurs qu'on appelle en Afrique les brouteurs, car c'est souvent là-bas que s'activent
01:23 les escrocs.
01:24 Elles ont usé de fausses identités pour piéger les malfrats à leur propre jeu.
01:28 Elles se sont aussi rendues en Côte d'Ivoire, où les brouteurs leur ont montré avec une
01:32 désarmante sincérité comment ils opèrent et pourquoi ils en ont fait une carrière
01:36 malgré le mal qu'ils provoquent.
01:38 Regardez.
01:39 Chaque jour je t'écris, tu me réponds, je t'écris, tu me réponds et puis on est
01:54 pris là-dedans, c'est comme avoir soif et boire.
01:57 Suite à une rupture familiale, à fin 2015, je me suis trouvé dans une détresse sentimentale,
02:10 si on peut dire ça comme ça, et j'ai commencé de parcourir les sites de rencontres.
02:16 Et je suis tombé assez rapidement sur plusieurs personnes, toujours jeunes et jolies, comme
02:25 je ne suis plus très très jeune.
02:27 On se sent bien sûr valorisé par tout ça, puisqu'on se rend compte qu'on va avoir
02:32 l'opportunité d'avoir une belle jeune femme à ses côtés.
02:36 Dans les profils qui vous ont présentés, il y en a une qui va compter, c'est Andrea.
02:42 Comment vous la décririez, Andrea ?
02:44 Belle, jeune, il doit y en avoir une autre où on voit qu'elle a de merveilleux yeux
02:50 bleus, et puis on a bien sûr eu tout de suite des conversations amicales, amoureuses.
02:59 [Musique]
03:30 Bernard a la soixantaine, il habite quelque part en Suisse romande.
03:34 Il a accepté de nous raconter sa relation avec Andrea, mais sous anonymat, total, car
03:39 personne n'est au courant.
03:40 Andrea se présente comme une jeune femme libre, qui habite en France.
03:45 Dans son histoire, elle a perdu sa mère, son père l'a abandonnée, elle vit avec
03:50 sa tante et son oncle.
03:51 Elle envoie à Bernard plein de photos de son quotidien.
03:54 En fait, on plonge dans tout ce milieu familial qui fait que tout ça est vrai, qu'après
04:03 deux ou trois semaines de conversation, il faut qu'on se rende compte puisqu'on s'aime
04:07 si fort.
04:08 Pas de chance, la jeune femme s'envole justement pour un soi-disant voyage humanitaire en Côte
04:14 d'Ivoire.
04:15 J'étais très déçu, on m'envoie un email avec cette photo où elle est avec deux petits
04:20 noirs apparemment dans la brousse, donc c'est vrai, bien que habillée comme ça pour une
04:26 mission humanitaire, ça m'avait un peu choqué.
04:28 Mais enfin, c'était peut-être dimanche.
04:30 Cela ne vous a pas étonné qu'une femme aussi jeune, aussi belle, soit séduite si
04:35 facilement ?
04:36 Alors là, je pense que ça fait partie de la stupidité de l'homme de ne pas se rendre
04:41 compte qu'en fait, on est quand même un peu à côté de la plaque, de croire que c'est
04:46 possible et on y croit fermement.
04:48 Je veux dire vraiment plonger dans ce monde euphorique.
04:53 Oui, on y croit.
04:54 La jeune Andrea n'existe pas.
05:00 Bernard est victime d'une arnaque sentimentale.
05:03 Les photos ont été volées d'un profil d'une vraie jeune femme.
05:07 Nous allons vous montrer comment nous avons retrouvé l'origine de la photo.
05:12 Il faut aller dans Google Images, importer la photo que l'on veut vérifier et laisser
05:18 le moteur de recherche travailler.
05:19 Cela ne marche pas à tous les coups, mais pour Andrea, oui.
05:23 Toutes les photos sont volées de l'Instagram d'une jeune femme basée au Portugal.
05:28 Nous montrons le résultat à Bernard.
05:33 Donc ça, c'est la personne.
05:35 Voilà, alors faites défiler les photos, vous allez les reconnaître.
05:37 Il y a des photos que vous avez vues.
05:39 Oui, bien sûr.
05:40 Ça, c'était dans la voiture avec le patron de sa copine.
05:43 Celle-là, je ne sais pas.
05:48 Et puis ça, c'est dans sa chambre sur son lit.
05:52 Toutes les photos viennent de là, sauf une, celle qui peut-être vous a intrigué le plus
05:57 d'ailleurs, qui est la fameuse photo où elle est en mission en Côte d'Ivoire.
06:02 Parce que là, c'est encore une autre femme.
06:04 Oui, elle ressemble.
06:05 Ce n'est pas la même.
06:07 Je ne suis pas étonné du tout.
06:08 L'arnaque au sentiment, c'est la reine des arnaques en ligne.
06:16 Les réseaux sociaux et les sites de rencontres sont le terrain de chasse favori des escrocs
06:21 qui se cachent derrière de faux profils d'Occidentaux pour piéger des femmes et des hommes à la
06:26 recherche d'une belle rencontre.
06:27 Les victimes sont innombrables.
06:29 Les témoignages abondent sur les forums.
06:32 Courtoise, intelligente, elle a su passer les mailles de ma méfiance.
06:36 Ces photos n'ont pas éveillé ma curiosité, car c'était des photos de la vie quotidienne.
06:40 J'ai fait la connaissance d'un homme sur Facebook, apparemment bien sous tout rapport.
06:45 Divorcée, deux enfants en charge.
06:48 Elle esquive la conversation par des paroles sentimentales.
06:50 J'ai bien compris le manège.
06:52 Le mien se fait appeler Jean-François, 53 ans, originaire de Brest.
06:56 La différence d'âge ne le gêne pas, même si j'ai 75 ans.
07:00 Il m'aime, veut vivre avec moi au Canada et veut nous acheter une maison.
07:03 La gente d'un, mais folle amoureuse de moi, je me suis fait bel et bien arnaquer pendant
07:06 une semaine.
07:07 Une histoire vraiment banale.
07:08 Ma déconvenue est immense.
07:10 Je me sens comme une véritable idiote.
07:12 Tout le monde peut tomber dans le panneau.
07:15 C'est la conviction absolue de Samuel Ben Dahan, économiste du comportement.
07:19 Il va nous aider à décrypter les techniques de manipulation employées par les arnaqueurs
07:24 pour choisir et ferrer leur proie.
07:26 Alors, je ne dirais pas qu'il y a forcément un profil de personne.
07:31 Il y a un profil de moment dans la vie des gens.
07:33 C'est-à-dire un moment dans lequel on a une faiblesse, un besoin particulier, un rêve
07:36 particulier qu'un arnaqueur peut exploiter pour essayer après de récolter de l'argent.
07:41 Donc, en fait, c'est universel.
07:42 Tout le monde pourrait être victime de ces personnes-là.
07:44 C'est très important de comprendre ça.
07:46 Je demande à chaque personne qui écoute, qui se dit, si tout d'un coup, vous avez
07:49 devant vos yeux votre rêve, votre plus grand rêve, est-ce que vous pensez vraiment que
07:52 vous resteriez objectif par rapport à ça ? Non.
07:55 Personne n'est capable de rester objectif face à ses rêves, un de ses fantasmes peut-être.
07:58 Nous avons reconstitué l'histoire d'Andréa dans laquelle Bernard s'engouffre avec bonheur.
08:06 Du coup, il n'écoute que son bon cœur lorsqu'Andréa, qui se dit en Côte d'Ivoire, a un premier
08:13 problème d'argent.
08:14 Ah oui, très rapidement, mon Dieu, sa tante, elle ne peut plus payer son loyer.
08:21 Elle va se faire jeter à la porte.
08:22 Vous vous rendez compte, la pauvre ? Donc, qu'est-ce qu'on fait ? On envoie 800 euros.
08:26 La tante tombe malade.
08:29 Andréa doit rentrer en urgence.
08:31 Bernard paye tous les frais.
08:32 Et cette pauvre tante, elle est décédée.
08:36 C'est triste quand même.
08:37 Elle m'a dit, oui, oui, j'ai même le certificat, l'acte de décès, dont voici la copie.
08:42 Et là, un peu comme une preuve que tout ce que vous versez n'est qu'un prêt, elle
08:49 vous annonce qu'il y a un testament avec beaucoup d'argent.
08:52 Ah oui, ça, c'est le plus beau document.
08:54 Un jour, mais celle-là m'a fait sourire quand même, un e-mail, j'ai touché le testament
08:59 de ma tante, dont voici une copie.
09:01 Alors, je crois que n'importe quel âne qui reçoit ça voit bien que ce document est un faux.
09:10 Mais vous continuez.
09:11 Mais je continue.
09:13 Les demandes d'argent se succèdent, les montants s'accumulent.
09:19 Il faut quand même savoir que 100 et 300, ça fait 400 et que 2 fois 500, ça fait 1000.
09:24 Et puis que comme ça, après, je dirais 6, 8 mois, on en est à 15 000 francs.
09:31 Et on commence de faire les fonds de tiroirs partout.
09:35 On écrabouille sa carte de crédit.
09:37 On prend l'argent où il y en a bientôt plus, où il faudra en tout cas pas.
09:42 Et on fait n'importe quoi pour ne pas arrêter.
09:45 Parce qu'on est, on est drogué.
09:49 L'histoire est tellement crédible que Bernard viendra même plusieurs fois attendre Andréa
09:56 à la gare ou à l'aéroport de Genève.
09:57 On voit les gens sortir de la douane et on regarde, on regarde et je peux vous dire que
10:05 vous êtes dans un état, votre cœur doit être à 120.
10:09 Vous tenez tout juste debout parce que vous êtes complètement pris entre croire et pas
10:15 croire.
10:15 Puis il se passe un quart d'heure, 20 minutes, il y a un peu moins de gens qui sortent, il
10:22 se passe une demi-heure, vous vous dites non, mais tu te rends compte que c'est pas vrai.
10:28 C'est assez impressionnant de l'extérieur, de voir que quelqu'un qui sait que c'est
10:33 une arnaque ou qu'il y a des forts doutes est quand même prête à payer parce que,
10:37 et a quand même créé une relation.
10:38 Ce qui est important, c'est que quelque part, si c'est une arnaque, ça reste une
10:41 arnaque.
10:42 Ça reste une relation, il reste des conversations.
10:45 Bernard et Andrea échangent 2000 emails en un peu plus d'une année.
10:57 C'est énorme.
10:58 C'est énorme et ça démontre que ces arnaqueurs jouent le long terme déjà dans
11:03 beaucoup de cas.
11:04 Il faut beaucoup de temps pour créer une émotion durable.
11:06 Et puis évidemment, plus c'est long et plus c'est fréquent, plus ça va durer.
11:10 Plus c'est long et plus c'est fréquent, plus il y a de messages, plus le coût de
11:14 casser les ponts sera cher pour la victime.
11:16 Et donc du coup, de tuer cette personne immédiatement, ce n'est pas facile.
11:20 Complètement pris dans la relation, Bernard ne voit pas le danger lorsque les échanges
11:25 deviennent plus intimes.
11:27 Quand elle était en Côte d'Ivoire, alors on s'est donné rendez-vous sur Skype et
11:32 comme il fait très chaud en Côte d'Ivoire, madame était très déshabillée, ce qui
11:36 m'a bien sûr plu.
11:38 Et en fait, nous avons fait certains jeux, mais dans les deux sens, c'est-à-dire moi
11:44 aussi j'étais filmé.
11:46 Et quelques temps après, on m'a envoyé un mail en disant "écoutez votre charmante
11:53 petite vidéo sucrée, nous on en a une copie.
11:56 Alors vous nous envoyez deux fois 2000 euros dans les dix jours, sinon on va publier ça
12:04 sur YouTube.
12:07 Et c'est là que c'est très très fort.
12:10 Ces gens ont trouvé les adresses, et je ne vais pas plus loin, de ma famille et ont
12:17 téléphoné à ma famille.
12:20 Et alors là, je peux vous dire que vous êtes très très mal.
12:26 Bernard refuse de payer et parvient à faire effacer la vidéo de YouTube.
12:33 Après coup, il se souvient d'une anecdote.
12:36 Une fois sur Skype, pendant nos séances érotiques, il y a eu un bug et j'ai vu un monsieur
12:43 tout noir avec une dent qui manquait devant et qui est apparue comme ça à l'écran.
12:50 Mais ça a duré bien sûr trois secondes.
12:54 Et là, j'ai été convaincu qu'en fait tout ça était fabriqué en Afrique.
13:02 Bernard a raison.
13:03 La majorité des arnaques sentimentales sont issues du Nigeria ou de Côte d'Ivoire.
13:08 Ici à Abidjan, l'escroquerie sentimentale est un business florissant depuis des années.
13:13 Les arnaqueurs s'appellent des brouteurs et ils font partie du tissu économique local.
13:18 Nous donnons rendez-vous à deux anciens brouteurs dans un minuscule cybercafé d'Abidjan.
13:25 Ceux-là sont des petits brouteurs.
13:27 Ils n'obtenaient de leur proie que quelques centaines d'euros, parfois quelques milliers.
13:31 Ils expliquent comment trouver des photos pour créer de faux profils et séduire l'occidental.
13:37 On va sur Instagram souvent, et plus souvent.
13:42 Je vais prendre un exemple tout court.
13:44 Je vais trouver votre photo de suite, elle est belle.
13:47 Je vais prendre ça et faire ma photo de profil.
13:50 Lui, peut-être, il a besoin d'une femme pour se marier.
13:55 Il s'est dit cause avec la femme.
13:58 Et donc la femme ou l'homme va penser qu'il parle avec un occidental ?
14:01 Oui.
14:02 Et vous parlez de quoi ?
14:05 Tu peux parler de l'amour, tu peux parler de tout.
14:09 C'est mettre le client d'abord en confiance.
14:11 C'est la priorité, pas tout.
14:13 Mettre d'abord le client en confiance.
14:15 Combien de temps ça prend, à peu près ?
14:17 Ça dépend du lien que tu as créé avec le client.
14:19 Il peut causer avec deux clients, si on dit client.
14:25 Ça veut dire que vous êtes tout le temps en ligne ?
14:27 Oui.
14:28 En fait, on a pris ça pour faire un métier.
14:34 C'est comme un boulot ?
14:36 Oui, on dit qu'on a envie de travailler.
14:38 On ne le sait pas vraiment, mais la Côte d'Ivoire
14:42 a complètement dégringolé économiquement il y a une dizaine d'années.
14:46 Elle est aujourd'hui classée dans les 20 pays les plus pauvres du monde.
14:49 Le salaire minimum tourne autour de 100 francs par mois.
14:56 Pourquoi vous avez commencé ?
14:58 Au début, c'était une mode.
15:02 On a pris ça comme une mode.
15:04 Tu as l'habitude de causer avec un ami,
15:06 à chaque fois, il te dit qu'il veut au cyber.
15:08 Qu'est-ce qu'il fait là-bas ?
15:10 Tu vas aller voir aussi. C'est la priorité.
15:12 On a vu que c'était bon.
15:14 On ne peut plus laisser.
15:16 On ne peut plus laisser ça comme ça dans la Côte.
15:19 Et aujourd'hui, si vous ne faisiez pas ça,
15:22 vous auriez un autre moyen d'avoir des revenus ?
15:24 De l'argent ?
15:26 Vous pourriez trouver un travail ?
15:28 Travail ?
15:30 Dans ce pays-là ?
15:32 C'est dur.
15:34 Si ! Non, il se passe.
15:36 Même quand tu es parti à l'école,
15:38 même si...
15:40 Après, tu as tes diplômes, ton parent n'est pas là-bas pour travailler.
15:43 Là, c'est du dombo.
15:45 Ce qu'il nous explique, c'est qu'en Côte d'Ivoire,
15:48 il faut des pistons pour trouver un travail,
15:50 même quand on a une bonne formation.
15:52 Le broutage est presque devenu un emploi comme un autre.
15:55 D'ailleurs, les brouteurs parlent de clients
15:57 et n'aiment pas le mot "arnaqueur".
15:59 Vous y pensez parfois aux gens de votre côté
16:03 qui ont perdu beaucoup d'argent,
16:05 qui se sont endettés, qui sont tristes ?
16:07 Je connais une victime,
16:09 elle a dû déménager parce qu'elle n'a plus les sous
16:11 pour payer son loyer,
16:13 parce qu'elle a trop donné d'argent à un arnaqueur.
16:16 Comment vous dites "arnaqueur" ?
16:18 Oui, par moments.
16:20 Oui, par moments, mais...
16:22 Voilà pourquoi...
16:24 Je pense...
16:27 Oui, par moments, on pense.
16:29 En fait, ça fait mal, même.
16:31 C'est un mal qu'il y a déjà fait.
16:33 Souvent, tu causes avec le client,
16:35 tu te dis "à cause de toi".
16:37 Ça fait mal, souvent, tu as les larmes aux yeux,
16:39 mais quand tu penses que si tu arrêtes,
16:41 comment tu vas faire pour donner l'argent à la maison,
16:44 la famille va manger ?
16:46 Nous sommes obligés de continuer parce qu'on a vendu à commencer.
16:49 C'est ça, on a vendu à commencer.
16:51 Ces deux brouteurs ont accepté l'interview à visage découvert,
16:57 mais n'ont pas voulu nous montrer ce qui se passe sur leurs écrans.
17:00 Impossible également de filmer l'extérieur des cybercafés,
17:03 les propriétaires ont refusé par peur d'être localisés.
17:06 Dans un autre quartier, nous rencontrons deux autres brouteurs.
17:12 Eux exigent l'anonymat,
17:14 mais nous proposent une démonstration en live de leurs actions.
17:18 Soyez attentifs, ça va vite.
17:20 Est-ce que là, il y a quelqu'un qui est en ligne avec vous ?
17:24 Il y a quelqu'un en ligne.
17:26 Vous pouvez discuter avec lui ?
17:28 Oui, oui.
17:29 Lui, il est en ligne, il va répondre.
17:36 Celui-là aussi, il est en ligne.
17:39 Donc avec le même profil, vous avez plusieurs interlocuteurs ?
17:42 Plusieurs.
17:43 Vous faites ça combien de temps par jour ?
17:48 Je fais ça 4-5 jours par semaine.
17:51 Et quand vous discutez, là vous discutez en anglais,
17:55 donc vous avez des gens dans tout le...
17:57 Non, en anglais et en espagnol.
17:59 Lui, quand il parle espagnol.
18:01 Quand c'est espagnol, voilà.
18:04 Quand c'est espagnol, on traduit.
18:06 On vient faire tradition.
18:08 Voilà.
18:14 Le brouteur va inciter sa proie à venir devant la caméra.
18:17 S'il voit que ça mord, il va alors utiliser une application
18:20 qui propose des vidéos porno de filles de tout type.
18:23 Des blondes, des brunes, des noires, des blanches.
18:26 Oui, je vois, je vois, oui.
18:29 Et puis, qu'est-ce qui se passe là ?
18:37 Elle aussi, elle se met comme ça.
18:41 Lui aussi, il se met en mode...
18:43 Il se met en vidéo aussi.
18:45 Non, lui pense que c'est la fille.
18:47 Quand c'est même nuit, lui aussi se met en nuit là-bas.
18:50 On a un appareil ici qu'on appelle cam studio.
18:55 Celui-là, cet appareil-là.
18:57 Lui, quand il fait...
18:59 Quand tu appuies dessus, lui, il enregistre la vidéo de la personne.
19:02 Ok.
19:03 Donc vous le registrez, quoi, ouais.
19:06 On enregistre puis on regarde.
19:08 La victime est enregistrée à son insu
19:10 dans une situation compromettante.
19:12 C'est le principe de la sextortion,
19:14 celle que Bernard a subie.
19:16 Les arnaqueurs exercent un chantage
19:18 pour ne pas diffuser cette vidéo.
19:20 Si la victime résiste, ils menacent alors de l'envoyer aux proches,
19:23 dont ils trouvent les noms sur les profils de leurs proies.
19:26 Voici comment ils procèdent.
19:28 On vient dans ses amis, en France.
19:31 On a ici.
19:33 Quand on met son nom comme ça,
19:35 ceux qui sortent, la chose, c'est frais, c'est sec.
19:39 On prend pour l'envoyer.
19:42 Le menacer, il dit s'il paye pas la somme demandée,
19:45 on publie la vidéo à ses amis ou à ses parents.
19:48 Et on envoie encore à son travail.
19:51 Les brouteurs sont sans scrupules
19:53 et les dégâts pour les victimes, irréparables,
19:56 financièrement et sentimentalement.
19:58 Bonjour, Andrea.
20:04 J'ai rêvé de refaire ma vie affective,
20:08 de passer mes journées avec une jeune personne très jolie.
20:12 J'ai rêvé que tout cela était possible.
20:16 Je me suis trompé.
20:18 Il me reste plus qu'à pleurer,
20:20 espérer que le temps pensera mes blessures.
20:24 Remettre ma situation financière en ordre,
20:30 c'est de ma faute si j'ai rêvé.
20:35 ...
20:52 -C'est la première fois qu'elle raconte son histoire.
20:55 Comme beaucoup de victimes d'arnaques sentimentales,
20:58 elle n'en a jamais parlé, même à sa famille,
21:01 et elle est anonyme.
21:03 Julie a un travail de cadre, habitant Suisse romande.
21:06 Lorsqu'un certain Frank Johnson répond à sa demande d'amis
21:09 sur Facebook, Julie le trouve simplement beau
21:12 et commence à discuter sans penser à mal.
21:15 En quelques jours, il parvient à s'infiltrer
21:18 dans chaque instant de son quotidien.
21:21 -Tout le temps, il me demandait si j'avais bien dormi,
21:28 si j'avais pris le petit déjeuner,
21:32 comment se passait ma journée au travail,
21:36 à quelle heure je serais rentrée pour parler encore.
21:40 Des fois, on tchattait jusqu'à une heure,
21:43 une heure et demie, deux heures du matin,
21:46 et souvent à six heures, il me réveillait même.
21:50 Enfin, le petit bruit du message qui arrive me réveillait.
21:56 -Et vous, ça vous faisait quoi d'entendre ce petit bruit ?
21:59 -Ca avait quelque chose d'agréable,
22:02 parce qu'on se dit, tiens, il y a quelqu'un qui pense à nous.
22:05 (Musique douce)
22:08 Tout était très doux et non conflictuel avec lui.
22:16 Et puis un jour, il m'a dit qu'il était tombé amoureux
22:21 et qu'il avait envie que la relation devienne plus sérieuse.
22:25 Qu'il souhaitait me rencontrer.
22:29 -Et vous, de votre côté, comment vous avez réagi à ça ?
22:33 -À ce moment-là, je ne me suis pas méfiée.
22:36 Je me disais, bon, on va continuer de faire connaissance.
22:40 (Bruit de la télé)
22:43 -Les arnaqueurs ont des scénarios toujours similaires.
22:48 Pour bien comprendre leur stratégie,
22:51 nous décidons d'entrer dans leur jeu.
22:54 (Musique douce)
22:57 Nous créons le personnage de Céline Durand.
23:00 Il lui faut un profil Facebook et des images,
23:03 puisque les escrocs demandent beaucoup de photos.
23:06 Quand tout est prêt, nous partons à la chasse à l'arnaqueur.
23:09 Mais pas n'importe lequel.
23:11 Nous avons ciblé Frank Johnson, celui qui a escroqué Julie.
23:15 (Bruit de la télé)
23:18 Et ça marche.
23:20 Trois semaines plus tard, les conversations entre Frank et Céline sont intenses.
23:25 Il est déjà très enflammé.
23:27 (Bruit de la télé)
23:30 (Musique douce)
23:33 De temps en temps, il téléphone.
23:37 (Bruit de la télé)
23:41 (Bruit de la télé)
23:44 -Nous vérifions avec Julie que notre cible est la bonne.
23:58 (Bruit de la télé)
24:08 -Vous le reconnaissez ?
24:11 -C'est lui. -C'est lui ?
24:13 -Oui, c'est lui.
24:15 -Frank Johnson a raconté la même fausse histoire à Julie et à Céline.
24:25 Il se dit libre, père d'une adolescente,
24:28 se prétend allemand, mais préfère parler en anglais.
24:31 Il est ingénieur, envoyé en mission à Moscou.
24:34 Là encore, nous reconstituons toute l'histoire.
24:37 Et il y a un moment clé.
24:39 Lorsque Frank demande pour la première fois de l'argent à Julie,
24:43 1 750 euros, elle refuse, s'éloigne.
24:46 L'arnaqueur s'excuse, l'inonde d'amour,
24:49 avant de revenir à la charge, peu après,
24:52 avec un projet d'investissement dans le pétrole.
24:55 Cette fois, Julie cède.
24:57 -Pourquoi cette fois-là, vous avez payé ces 1 500 dollars ?
25:01 -Parce que ça faisait quand même presque 3 mois.
25:05 Il avait été tout le temps présent pendant tout ce temps.
25:09 L'histoire était crédible.
25:11 Il m'a donné des noms de sociétés.
25:14 Je suis allée regarder sur Internet
25:17 et j'ai vu qu'effectivement, c'était une société pétrolière.
25:21 Il me disait "Ah, c'est génial,
25:24 je vais pouvoir gagner de l'argent et venir vivre avec toi."
25:28 Il m'a demandé de lui faire confiance.
25:31 -Julie cède.
25:33 L'arnaqueur sans hardi lui présente une affaire en or,
25:37 dans le pétrole, mais il faut signer le contrat vite
25:41 et il faut 150 000 francs.
25:43 -J'ai ri.
25:45 J'ai ri.
25:47 Je lui ai dit que j'avais pas cet argent.
25:50 Il m'a demandé si je pouvais emprunter.
25:53 Il était tout le temps extrêmement présent.
25:56 Petit à petit, il était dans toutes mes pensées,
25:59 à tout moment du jour et de la nuit.
26:02 Il ne savait plus que lui, en fait.
26:05 -Elle craque et fait un premier emprunt de 30 000 francs.
26:11 -Je savais qu'il y avait 50 % de chance,
26:14 si ce n'est plus que ce soit un arnaqueur.
26:17 Et je me suis dit, si je coupe tout maintenant,
26:21 tous les liens et tout, parce que j'y ai pensé,
26:25 je saurais jamais si c'était vraiment un arnaqueur ou pas.
26:29 Voilà. Après, il a prétexté que son patron l'empêchait de venir.
26:34 Pour moi, c'était la preuve que je m'étais fait avoir.
26:39 Là, j'ai rompu.
26:44 -L'arnaqueur insiste, la supplie.
26:50 Julie cède à nouveau et sur toute la ligne.
26:53 -Combien vous avez payé en tout, à la fin ?
26:56 -Bah, autour des 90 000.
27:00 -Hum.
27:02 -Vers la fin, vous étiez sûre que c'était un arnaqueur.
27:06 Et pourtant, vous avez continué à verser l'argent.
27:10 -Oui, bah oui.
27:12 J'étais follement amoureuse, et je le suis toujours, malgré tout.
27:17 -Si on croit que le cerveau humain est rationnel, c'est faux.
27:21 On le sait. En économie comportementale, en psychologie,
27:25 on sait qu'on n'est pas toujours rationnel.
27:28 C'est le fonctionnement normal du cerveau d'avoir des comportements incohérents.
27:33 Si on veut comprendre la situation d'une victime,
27:36 il faut se mettre dans la peau de cette victime.
27:39 De l'extérieur, on se rend compte qu'il ne fallait pas dépenser.
27:43 De l'intérieur, on ne serait pas aussi malin.
27:46 Vous avez une vie sans chance ces dernières années.
27:49 Beaucoup de choses se sont mal passées pour vous.
27:52 On vit un morceau de rêve.
27:54 Et tout d'un coup, il y a un problème, un accident, un besoin d'argent.
27:58 Et là, on a un choix clair.
28:00 J'arrête le rêve ou je m'engage.
28:02 Et ça, c'est vraiment difficile.
28:04 Si vous renoncez à ouvrir la porte à payer pour faire quelque chose,
28:08 vous cassez, vous brisez votre rêve.
28:10 Et non seulement pour le futur,
28:12 mais vous vous admettez que tout ce que vous avez investi,
28:16 dans le rêve, les conversations, est perdu.
28:19 Et du rêve, l'arnaqueur Frank Johnson en vend des tonnes
28:23 à notre faux profil de Céline.
28:25 Nous avons soumis les milliers de messages de leurs conversations à l'expert
28:29 pour décryptage.
28:31 Beaucoup de techniques de manipulation sont utilisées par ces arnaqueurs.
28:36 Elles sont connues.
28:37 La principale, probablement, c'est l'abus de l'effet d'engagement.
28:41 Si les arnaqueurs essayent de vous faire écrire des choses à vous,
28:45 de vous faire écrire des e-mails, de vous faire prendre des engagements,
28:48 c'est pour que plus tard, si vous devez relancer à ça,
28:51 vous devez relancer à quelque chose qui vous a coûté cher.
28:54 C'est exactement ce qu'il veut.
28:55 Il veut voir ce besoin.
28:57 Il doit avoir des preuves qu'il y a ce besoin.
28:59 Et là, on voit très clairement que c'est le cas.
29:01 Mais une fois qu'il a obtenu sa preuve,
29:02 évidemment, son but, ce n'est pas de passer pour quelqu'un de mal,
29:04 donc il va vous rassurer.
29:05 Et vous allez de nouveau vous sentir bien.
29:07 Et c'est un petit peu comme, on prend de la drogue, on se sent bien,
29:10 c'est un peu la même chose.
29:11 Vous êtes en manque et on vous donne votre dose.
29:14 Et cet sentiment de dépendance-là va pouvoir être exploité ensuite
29:17 pour obtenir quelque chose de vôtre.
29:19 Parce que le but, évidemment, c'est d'obtenir l'argent le plus vite possible.
29:22 Ils ne vont pas traîner pour le plaisir de traîner.
29:24 Catherine, elle, n'a pas payé.
29:41 Elle a résisté aux demandes d'argent de plus en plus pressantes
29:44 d'un soi-disant ingénieur suisse envoyé à Dubaï.
29:47 Elle n'a pas cédé, peut-être aussi parce qu'elle en a beaucoup parlé à sa famille
29:51 et ses amis de ce Klaus, délicat et prévenant,
29:54 découvert sur un site de rencontre.
29:56 Comme il était censé être quelqu'un de galant,
30:00 il attendait que moi, je prenne l'initiative de dire
30:04 "Ah, mais le pauvre chéri, je t'envoie de l'argent."
30:07 Donc à aucun moment, il a dit "J'ai besoin de 25 000 euros pour payer exactement ceci."
30:13 Il me faisait croire qu'il avait besoin d'aide,
30:16 qu'il avait demandé à plusieurs personnes,
30:19 qu'il avait peut-être un ami qui allait lui envoyer
30:23 une grosse somme la semaine prochaine.
30:26 Ça, il écrivait.
30:27 Donc, effectivement, il me faisait part de ses manques
30:32 et il attendait que moi, en étant flatté par son personnage,
30:39 je lui envoie de l'argent.
30:40 C'était vraiment fait avec beaucoup de classe.
30:43 Elle a failli croire au conte de fées.
30:53 Comme il y a une partie dans chaque femme qui rêve d'être aimée,
30:58 d'exister pour quelqu'un et d'être rassurée par rapport au regard de l'autre,
31:07 je suis tombée complètement dans le piège.
31:12 Sous le charme.
31:14 Sous le charme, oui.
31:15 Comme toutes les copines d'ailleurs.
31:17 Comme toutes les copines, oui, oui.
31:18 Elles attendaient les e-mails, presque plus que moi.
31:21 Elles étaient très, très...
31:23 Je me disais "Mais comment t'as fait à rencontrer quelqu'un qui écrit si bien,
31:28 quelle galanterie, le prince, le prince."
31:32 Moi, je riais et puis en même temps, j'étais contente, je l'avoue.
31:36 Comme elle ne cède pas, au bout de quatre mois,
31:39 l'arnaqueur disparaît d'un coup, sans explication.
31:42 Face au silence, Catherine écrit une dernière lettre.
31:45 Bonjour Klaus, vous avez disparu depuis un mois et demi
31:50 et je trouve que pour quelqu'un qui se faisait passer pour prince,
31:54 ce n'est pas un comportement très élégant.
31:57 J'ai lu un article que sur ces sites de rencontre sur Internet,
32:02 les escrocs créent des profils en utilisant des faux noms,
32:06 des fausses photos et des faux loisirs.
32:08 Maintenant, j'ai un grand doute.
32:10 J'ai besoin de connaître la vérité pour faire mon deuil sur ce prince
32:15 que malheureusement, peut-être, n'a jamais existé.
32:18 Une femme honnête qui cherchait simplement une belle rencontre.
32:23 Catherine s'en sort bien.
32:28 Ce n'est de loin pas le cas de toutes les victimes.
32:31 Vous avez deux types de victimes,
32:33 quand elles se rendent compte qu'elles sont escroquées.
32:36 Elles sont soit dans la colère, ce qui a été mon cas tout de suite,
32:39 soit dans la dépression.
32:41 Parce que, alors la colère, pour moi, elle est salvatrice, la colère, dans ce cas-là.
32:46 Ça va permettre à la victime de se reconstruire plus rapidement.
32:49 Elle va être dans la vengeance, bien sûr, mais elle va se reconstruire.
32:52 Pour la deuxième, c'est plus difficile parce qu'elle est dans la dépression.
32:56 Ça veut dire qu'elle a remis toute sa vie en question,
32:58 qu'elle s'est remise elle-même en question
33:01 et qu'elle s'est aperçue que finalement, elle ne valait pas grand-chose.
33:04 Christine Goubert a présidé pendant 13 ans une association basée en France
33:10 qui soutient les victimes d'arnaques sentimentales dans toute l'Europe, y compris la Suisse.
33:15 Des victimes, elle en a rencontré des centaines.
33:18 Il y a une victime qui m'a touchée.
33:21 C'était la première femme qui s'est suicidée, bien sûr.
33:23 Ça, ça ne pouvait pas être insensible à ce genre de choses.
33:26 Donc, elle s'est fait escroquer par un brouteur à Michan.
33:29 Elle était tellement éprise du personnage
33:32 parce que les victimes tombent amoureuses d'abord d'une photo
33:35 et ensuite d'un personnage qui est forcément pas réel.
33:39 Elle n'a pas envoyé tellement d'argent.
33:41 Et puis, elle est allée l'attendre à l'aéroport quatre fois.
33:45 Quatre fois.
33:47 La dernière fois, il devait arriver pour fêter le 31 décembre avec elle.
33:51 Il n'est pas arrivé, bien sûr.
33:54 Le 1er janvier, elle s'est suicidée.
33:56 J'ai eu les enfants au téléphone, qui étaient catastrophés, bien sûr.
34:01 Alors, ils ont bien essayé de porter plainte.
34:03 Les plaintes ont été classées sans suite.
34:05 On a conclu à un suicide classique, normal,
34:08 sans essayer de comprendre ce qui l'avait amené à ça.
34:11 Julie a bien pensé porter plainte.
34:15 Mais elle a eu peur d'être mal reçue.
34:22 Je me disais, mais il va se fiche de ma tête.
34:26 Enfin, penser que j'étais extrêmement naïve.
34:30 Je pense que de toute façon, je n'aurais pas pu.
34:35 Je n'aurais pas pu, je n'aurais pas eu la force.
34:38 Et donc, je me suis dit, je vais directement écrire au procureur.
34:43 Écrire, c'est différent.
34:45 Et ma demande de plainte a été rejetée.
34:51 Pour moi, ça a été une trahison supplémentaire, en fait.
34:54 Ne pas être reconnue officiellement comme une victime, c'est très dur.
35:00 Et ce n'est pas rare.
35:02 L'arnaque dans la loi s'appelle l'astuce.
35:06 Le procureur du canton de Neuchâtel explique que pour être qualifié d'escroquerie,
35:10 l'astuce ou l'arnaque doit être suffisamment subtile.
35:14 Il faut quand même dire que parfois,
35:17 l'édifice construit par les auteurs de ces actes
35:21 paraît, vu de l'extérieur, tellement énorme
35:24 que certains hésitent à qualifier l'infraction d'escroquerie à cause de ce problème d'astuce.
35:29 Au ministère public du canton de Neuchâtel, on a plutôt tendance à admettre facilement
35:34 que le contexte justifie qu'on retienne l'astuce,
35:38 parce que, en fait, même si l'appareil est assez de grosses ficelles,
35:43 il touche le sentiment des personnes, leur solitude, leur faiblesse.
35:49 Alors évidemment, comme il y a toujours une petite marge de manœuvre,
35:52 on peut imaginer que dans certains cantons, on ait une vision plus sévère.
35:56 Et c'est ce que Julie a vécu dans son canton.
35:59 Autre obstacle, l'enquête s'arrête souvent dès qu'elle franchit la frontière.
36:05 Est-ce que la Suisse a une possibilité d'entraide internationale
36:10 avec la Côte d'Ivoire ou le Nigeria, par exemple ?
36:12 On ne peut dire aucune.
36:14 De temps en temps, pour tester la situation, on envoie une demande d'entraide,
36:19 mais c'est sans illusion et nous ne sommes jamais déçus de ce point de vue-là.
36:24 Dès qu'on sort de l'Europe, c'est très compliqué,
36:26 et même parfois en Europe, ce n'est pas facile.
36:30 Encore qu'il faille relativiser, dans une affaire de ce genre-là,
36:35 qui a eu lieu il y a deux ou trois ans,
36:37 où une personne avait quand même perdu en six semaines
36:40 la totalité de son avare de prévoyance, si mes souvenirs sont bons, 150 000 francs.
36:44 Donc nous avions une donnée à exploiter en Tunisie et une en France.
36:49 La Tunisie nous a répondu dans les six semaines ou deux mois,
36:53 ce que nous attendions,
36:55 et je dois bien dire que j'attends toujours la réponse des Français,
36:58 que j'ai relancé déjà à cinq ou six reprises,
37:00 donc je ne me fais plus de délusions maintenant, ça ne sert à rien.
37:03 Il y a quand même une certaine impuissance.
37:06 Pour dire les choses clairement, je n'ai jamais renvoyé devant un tribunal
37:12 une personne coupable de ce genre d'infraction.
37:15 La clé, ça pourrait être dans la prévention.
37:18 Qu'est-ce qui est fait en Suisse en termes de prévention à ce niveau-là ?
37:21 C'est assez difficile parce que le public est très diffus.
37:25 Quand les victimes potentielles sont des personnes âgées, des enfants, des sociétés,
37:29 on peut aller avec les associations ou fondations d'aide aux personnes âgées,
37:35 les écoles, faire de la sensibilisation,
37:38 mais quand c'est les gens seuls,
37:40 parce qu'en fait les victimes sont des gens seuls,
37:44 comment voulez-vous les atteindre ?
37:46 L'association AVEN s'est épuisée, a tiré la sonnette d'alarme en France.
37:54 Faute de moyens, faute de force, elle a été dissoute en avril 2018.
38:04 Je suis déçu, je baisse les bras, je n'ai pas honte de le dire, je baisse les bras.
38:09 Malheureusement j'ai eu des portes fermées, je n'ai pas réussi à les enfoncer.
38:13 Moi j'arrête, je suis en bout de course, j'arrête.
38:15 Parce qu'aujourd'hui, si une victime cherche de l'aide, elle peut aller.
38:19 Il n'y a plus personne, il n'y a plus aucune association,
38:22 il ne reste que les services de police qui peuvent encore les entendre,
38:26 acter une plainte, voilà, ça s'arrête là, ça s'arrêtera là.
38:30 Il n'y a aucun recours, aucun.
38:33 Comment faire pour s'en sortir alors que l'addiction est si puissante
38:37 que les victimes n'arrivent pas à s'en détacher ?
38:40 Comme Julie.
38:41 Vous dites que vous êtes toujours follement amoureuse ?
38:44 Oui.
38:45 Vous êtes toujours en contact avec lui ?
38:46 Oui.
38:47 Mais quelque chose a changé, c'est quoi ?
38:49 Alors déjà, il m'a montré son visage.
38:57 Son vrai visage ?
39:00 Oui, son vrai visage.
39:02 Ce qui m'a beaucoup perturbée, parce que dans le cerveau,
39:07 il y avait une voix avec un visage, et en fait, la même voix,
39:11 je vois la même voix sur un autre visage.
39:14 Donc c'est très perturbant.
39:16 Il m'a dit qu'il venait d'Afrique du Sud et qu'il s'appelle John,
39:21 mais je ne crois ni l'un ni l'autre.
39:24 Et vous continuez à vous parler ?
39:28 Oui, oui, oui.
39:30 Alors maintenant, il est en train de préparer les documents
39:33 pour avoir un visa, pour venir.
39:35 Et il aimerait de l'argent, en fait, pour acheter de l'or en Afrique du Sud,
39:42 pour le vendre à Dubaï.
39:46 Il demande 50 000 francs supplémentaires.
39:51 Je sais que tout ça, c'est du bidon.
39:57 Donc il est hors de question que je lui envoie un centime supplémentaire.
40:01 Mais les sentiments sont toujours là.
40:04 Pour détruire le lien une fois pour toutes, Julie a préparé un piège.
40:10 Elle a fait croire à John, alias Frank, qu'elle a obtenu 25 000 francs d'un ami banquier.
40:15 Elle va tout lui révéler maintenant, devant nos caméras.
40:18 Salut.
40:25 Bonjour.
40:26 Comment vas-tu ?
40:28 Oui, je vais bien.
40:30 Tu as l'air bien.
40:32 Oui.
40:33 J'aime ton sourire.
40:35 Tout pour toi ?
40:38 Oui, tout pour moi.
40:40 Tu as l'air magnifique.
40:45 Merci.
40:46 Je vais te faire fière.
40:48 Oui.
40:49 Je te promets, avec mon cœur.
40:51 Je sais.
40:53 Je ne te laisserai jamais tomber.
40:56 Ok.
40:57 Je te crois.
40:58 Je veux être sincère avec toi.
41:00 Oui, moi aussi.
41:04 Donc, tu as mangé ?
41:07 Oui.
41:08 Oui.
41:09 Un sandwich.
41:10 Un sandwich.
41:12 Ah, un sandwich.
41:13 Oui.
41:14 Wow, très bien.
41:19 J'aime ça.
41:20 Très bien.
41:24 Tu as fait le paiement ?
41:26 Pardon ?
41:28 Qu'est-ce que tu as dit ?
41:30 Tu as fait le paiement ?
41:32 Oui, mais j'ai...
41:34 Un instant.
41:36 J'ai une surprise pour toi.
41:38 D'accord.
41:40 Une surprise.
41:41 Ok.
41:42 Dis-moi.
41:43 Je parle avec un journaliste de la télévision.
41:51 De la télévision suisse.
41:54 Vraiment ?
41:55 Oui.
41:56 Pourquoi ?
41:58 Bonjour.
42:02 Je suis un journaliste de la télévision suisse.
42:05 Et nous faisons un documentaire sur les fraudeurs.
42:09 Vraiment ?
42:11 Oui.
42:12 Je pense que tu es un fraudeur.
42:14 Je ne comprends pas.
42:15 Que fais-tu ?
42:16 Rien.
42:18 Qu'est-ce que tu es en train de faire ?
42:21 Tu as quelque chose à nous dire ?
42:24 Sur quoi ?
42:26 Sur les fraudeurs.
42:27 Où es-tu venu ?
42:29 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:32 On sait exactement ce que tu parles.
42:34 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:35 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:36 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:37 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:38 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:39 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:40 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:41 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:42 Je ne sais pas de quoi tu parles.
42:43 On sait exactement la histoire.
42:45 La histoire de quoi ?
42:46 La histoire de Frank Johnson.
42:48 La histoire de Frank Johnson.
42:49 Combien de Julie ou de Bernard ?
43:00 On n'en sait rien.
43:01 La majorité se terre dans la honte.
43:03 Seules statistiques disponibles en Suisse,
43:06 140 cas ont été signalés à la police en 2016.
43:09 Au niveau mondial, peu de chiffres mais spectaculaires.
43:14 Par exemple, les arnaques sentimentales recensées aux Etats-Unis
43:17 représentaient 225 millions de francs, rien qu'en 2016.
43:21 En Angleterre, 53 millions de francs.
43:24 Ce business florissant a attiré une nouvelle catégorie de grands brouteurs,
43:29 souvent universitaires, qui s'appuient sur un réseau international.
43:33 Deux d'entre eux ont accepté de révéler leurs secrets.
43:36 Ils sont sortis du milieu et exigent l'anonymat
43:39 pour ne pas subir de mesures de rétorsion.
43:45 Vous avez gagné combien ? La plus grosse somme ?
43:47 Moi j'ai eu plus de 9 millions.
43:51 C'est la plus grosse somme que j'ai eue en un coup.
43:53 Sinon à part ça, chaque fin du mois, chaque deux semaines,
43:57 je peux avoir 2 millions, 3 millions, voilà.
44:00 Et vous ?
44:01 Pour moi j'ai eu pratiquement près de 11 millions.
44:04 En une fois il y a trois ans.
44:07 Une fois que tu commences à t'attacher à ça,
44:10 tu passes tout ton temps là-dessus.
44:11 On passe des jours en veille, on ne dort pas,
44:14 on est toujours enfermé, on a su le rétornateur.
44:17 On veut toujours avoir de nouvelles personnes qui vont nous donner de l'argent.
44:20 C'est comme ça.
44:21 Les grands brouteurs ont des moyens de construire des arnaques très élaborées.
44:26 Car tout s'achète.
44:27 Par exemple, des adresses IP d'ordinateur, identifiées comme européens.
44:32 Des connexions sécurisées VPN,
44:34 des numéros de téléphone qui s'affichent de Suisse ou de France.
44:37 En outre, ils ont des complices,
44:39 par exemple les jeunes filles qui parlent avec des accents européens.
44:42 Tout est mis en œuvre pour que l'occidental croie au scénario.
44:46 Pour être plus sûr,
44:48 il y a encore des personnes sous place en France, en Suisse, en Belgique.
44:52 Par exemple, je prends une photo bien cadrée,
44:55 j'envoie à mon confident qui est sous place,
44:58 lui, il ajoute un pot de fleurs dessus,
45:01 et puis je lui donne l'adresse du blanc en question avec qui j'ai call.
45:05 Parce que plus que j'ai tout de lui,
45:06 j'ai son adresse, son numéro de téléphone, sa boîte aux lettres.
45:09 Et quand il reçoit ça, il est convaincu.
45:12 Parce que quelqu'un qui t'envoie déjà sa photo, un pot de fleurs, une lettre,
45:17 il a quoi à prouver encore ?
45:19 Tu dis la personne est réelle, la personne existe.
45:21 - Donc vous avez des complices en Europe ?
45:23 - Évidemment ! Sans ça, ça ne fonctionne pas.
45:26 Parmi les complices, des hackers,
45:29 des employés d'administration, voire de banque.
45:32 Utile par exemple pour l'arnaque au faux héritage bloqué.
45:37 - Par moments, on a des comptes qui existent,
45:40 où on envoie le lien au blanc,
45:42 et quand il clique sur le lien, il voit un compte en ligne
45:45 où il y a déjà de l'argent.
45:46 Il peut voir peut-être 2 millions d'euros sur le compte,
45:48 et on lui dit que le compte est bloqué.
45:50 Et du coup, c'est là qu'interviennent les notaires, les avocats et autres
45:53 pour dire, pour débloquer les comptes, il faut payer.
45:56 - Mais là, comment vous faites pour avoir ce compte en ligne avec de l'argent ?
45:59 C'est un faux ?
46:00 - C'est des hackers qui sont là.
46:01 - C'est des hackers qui ont ça.
46:02 - Qui sont souvent au Maroc, qui sont souvent en Europe.
46:05 - Ils sont là, ils nous donnent les liens.
46:08 - Et vous les payez pour ça ?
46:10 - Oui, c'est tout un réseau. Chacun joue son rôle.
46:12 - Chacun son pourcentage, en fait. Chacun son pourcentage.
46:15 Lorsqu'il s'agit de grosses sommes, les transferts d'argent sont difficiles.
46:20 Là encore, il faut des relais.
46:22 - En Suisse, pour faire sortir de l'argent,
46:26 d'abord, c'est un peu compliqué. Pourquoi ?
46:28 Parce que très souvent, les clients suisses,
46:31 quand ils vont dans les Wassen-Union, on refuse de les faire les mandats.
46:34 Et quand les mandats de la Suisse viennent pour arriver ici,
46:37 pour étirer, c'est compliqué.
46:39 - Et c'est là où vous avez quelques complicités aussi ?
46:41 - Voilà. Et là, quelqu'un interdit un peu le gouvernement.
46:43 Parce que pour avoir accès à ça, tu peux voir quelqu'un au sein de la banque,
46:47 tu les vois ainsi, de suite, ça arrive jusqu'au directeur.
46:50 On gère et puis on étire l'argent.
46:52 Tu peux sortir peut-être avec 40 %
46:55 et tous ceux qui ont suivi les processus peuvent sortir avec les 60 %
46:58 et c'est pas toi qui as tes 40 %.
47:02 - Ça peut pas marcher autrement qu'avec ces complicités ?
47:04 - Ça peut pas. Non, c'est impossible.
47:06 - En fait, c'est un truc... Si tu veux, toi seul profiter, tu peux pas.
47:09 - Tu peux pas, c'est impossible.
47:10 - Forcément, voilà, il faut faire manger un peu tout le monde.
47:12 Voilà, c'est comme ça.
47:14 - La corruption est partout, y compris dans la police.
47:19 - En Afrique, la corruption, oui, c'est sérieux.
47:22 - A tous les niveaux ?
47:24 - Si, par exemple, moi, j'ai une somme de plaidre,
47:27 5 millions sur moi, un cargo de police, il m'arrête.
47:29 Il dit simplement que moi, je vous donne 2 millions
47:31 et puis on laisse tomber.
47:32 OK, y a pas de souci.
47:33 Il ne se tape même pas 2 millions chaque fin du mois.
47:35 Donc, du coup, un jour, on lui donne 2 millions.
47:37 Qu'est-ce qu'il fait ?
47:38 - Il prend une petite despoiratie.
47:39 Et puis du coup, moi, il prend le contact avec toi.
47:40 Il te dit "ah, mon petit, si tu as des soucis, appelle-moi".
47:42 - C'est comme ça. On a plusieurs contacts dans la police et tout.
47:45 - Du coup, si tu as un souci, tu l'appelles.
47:47 - L'ampleur du phénomène des arnaques annoie la réputation du pays.
47:52 En réaction, la Côte d'Ivoire crée en 2011
47:55 une plateforme de lutte contre la cybercriminalité.
47:59 Nous avons tout fait pour les rencontrer.
48:01 Nous avons insisté pendant un mois.
48:03 Ils ont refusé.
48:05 Selon les brouteurs eux-mêmes, le travail de cette police spécialisée
48:08 a eu un impact, en tout cas sur la visibilité du broutage.
48:12 - Mais naturellement, la PCC, ils sont en service.
48:15 - Ils font les obus, ils sont actifs.
48:17 - Maintenant, ils sont actifs.
48:18 - Et puis aussi, il faut être très mal.
48:19 Et on utilise plus maintenant les téléphones portables.
48:21 - Donc, les grands brouteurs, ils sont pas du tout dans les cybercafés.
48:24 C'est fini, ça ?
48:25 - Non, c'est fini, ça.
48:26 Maintenant, qu'est-ce qu'ils font en général ?
48:28 Même le gars, il s'élui une maison.
48:29 Et dans sa maison, il peut avoir plusieurs ordinateurs.
48:32 Et souvent, même, ce grand peut recruter des enfants,
48:35 peut-être dans des quartiers vulnérables, comme à Boboïe Oude,
48:38 des enfants qui sont super intelligents dans le broutage.
48:40 Et il les envoie chez lui.
48:41 Ses enfants vivent avec lui.
48:42 Et ses enfants recherchent les clients pour lui,
48:44 ils travaillent pour lui.
48:46 (musique)
49:04 En Côte d'Ivoire, les brouteurs sont presque aussi célèbres que les stars de foot.
49:08 Ils cultivent leur popularité en exhibant leur gain dans les soirées.
49:12 Sur les tables, il n'est pas rare de trouver l'équivalent d'un mois de salaire.
49:17 (musique)
49:22 L'apogée, c'est lorsque le DJ hurle le nom des brouteurs l'un après l'autre
49:26 pour qu'ils distribuent des billets.
49:28 Nous avons pu filmer l'une de ces scènes.
49:30 Les brouteurs présents ont jeté l'équivalent de centaines de francs dans un sceau à champagne.
49:35 (musique)
50:04 Les jeunes sont recrutés dans des quartiers populaires,
50:06 comme ici le quartier Abobo d'Abidjan.
50:09 Malcom Touré y vit depuis toujours.
50:12 Et il observe le phénomène avec une grande inquiétude.
50:15 (musique)
50:20 Il y a de très grandes soirées.
50:22 Ils sont chantés par les artistes.
50:24 Ils sont paris en grande cérémonie.
50:26 Ils ont des fan clubs.
50:28 Ils ont vraiment tout le monde derrière.
50:30 Voilà, c'est un phénomène de mode.
50:32 Tous les jeunes veulent s'y mettre pour le gain facile,
50:35 pour la vie facile,
50:37 pour copier sur les autres.
50:39 Ils rêvent d'imiter leurs stars,
50:41 dont les vidéos abondent sur YouTube.
50:44 Ici, le dénommé "commissaire 5500"
50:46 qui jette des liasses de billets lors d'une soirée.
50:48 Lors de notre enquête, nous retrouvons sa trace sur le net.
50:52 (musique)
50:56 Un cyberdélègue connu sous le pseudonyme "commissaire 5500"
51:00 a été interpellé par la plateforme de lutte
51:03 contre la cybercriminalité.
51:05 Arrêté en 2017, l'homme n'a passé qu'un an en prison
51:09 avant d'être en liberté provisoire.
51:11 (musique)
51:13 Depuis, il alimente à nouveau ouvertement les nuits ivoiriennes
51:17 et ça pose des questions.
51:19 Est-ce que c'est un cadre de loi qui n'a pas été fixé ?
51:22 Si on arrive à arrêter X,
51:24 dans tel cas,
51:26 on doit pouvoir nous présenter peut-être un jugement
51:29 suivre le processus, la condamnation.
51:32 Bon, si on ne voit rien de tout ça,
51:34 dans le cas de la brutalité, si on ne voit rien de tout ça
51:37 et quelques temps après, on les retrouve en pleine soirée
51:40 en train de verser de l'argent, je dis "mais qu'est-ce qui se passe ?"
51:43 Est-ce qu'on peut imaginer qu'il y a de la corruption ?
51:45 Ah...
51:47 (rire)
51:49 Oui, mais c'est clair que pour nous, les citoyens de Lamda,
51:52 on sait qu'il y a de la corruption.
51:54 (musique)
51:58 - Ca pose un problème, parce que les gosses ne rêvent que de ça ?
52:01 - Oui, c'est un vrai problème pour la société,
52:03 parce que quand même, les jeunes, c'est l'avenir du pays.
52:07 Tous ces jeunes qui s'y mettent, c'est vraiment le gain facile.
52:10 Ce n'est plus des gens qui ont l'ambition
52:14 de faire des grandes études, d'aller faire du travail.
52:17 - Moi, mon professeur m'enseigne les pieds à 400 000 francs par mois.
52:22 Moi, je fais un truc où en semaine, je peux avoir un million.
52:25 Vous pensez que je peux respecter tous les professeurs qui m'enseignent ?
52:28 Non, je trouve maintenant l'école comme une perte de temps.
52:31 - Après des années de broutage, il ne pense plus comme ça.
52:35 - L'argent, en quelque sorte, je ne sais pas comment vous l'expliquer,
52:39 c'est comme de l'argent maudit, en fait.
52:41 Ca t'apporte absolument rien.
52:43 Tu ne vas pas me montrer un qui dit qu'il a commencé,
52:46 juste qu'il a fait 20 ans d'éducation, il a réalisé quelque chose.
52:49 (bruits de la foule)
52:51 - Les brouteurs sont accros à l'argent.
52:53 Rien ne les arrête, rien ne les démonte.
52:55 Comme John, qui sévit toujours sous le nom de Frank Johnson,
52:59 l'arnaqueur dévoilé par Julie,
53:01 le même que nous traquons aussi sous notre faux profil de Céline.
53:05 Il nous a finalement réclamé de l'argent.
53:07 Nous lui avons demandé s'il est un escroc.
53:09 Il téléphone.
53:11 - Allô ?
53:15 (en anglais)
53:17 - Dans les minutes qui suivent, et sous nos yeux,
53:39 le profil de Frank Johnson devient simplement Édouard Muller,
53:43 prêt à piller une autre victime en toute impunité.
53:46 La preuve, deux semaines plus tard,
53:48 l'arnaqueur redéroule tout son scénario à notre nouveau faux profil,
53:52 Clara Thaly créé pour l'occasion.
53:55 Et rien ne semble pouvoir l'arrêter.
53:58 (musique)
54:00 Un mot encore, compte tenu de l'actualité,
54:25 nous avons changé notre programmation suite à l'attaque
54:28 contre la synagogue de Pittsburgh aux Etats-Unis.
54:30 Nous vous proposerons la semaine prochaine
54:32 un reportage exclusif sur la grande peur des Juifs en Europe,
54:35 victimes d'actes antisémites.
54:37 Excellente soirée à vous tous, très belle semaine et à bientôt.
54:41 L'attentat contre une synagogue américaine
54:44 qui a fait 11 morts le 27 octobre dernier
54:46 démontre la résurgence violente de l'antisémitisme partout dans le monde,
54:50 au point qu'en Europe, les Juifs veulent fuir tant Israël,
54:53 ils se sentent en danger dans certains quartiers de France,
54:56 où ils n'osent plus porter la kippa,
54:58 ou en Pologne où renaissent des relents de l'histoire,
55:00 pourtant pas si lointaines.
55:02 Pourquoi cette soudaine flambée de haine ? Reportage.
55:05 (musique)
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