Les grands entretiens de Stéphane Blakowski "Société civile" - Jean-Noël Jeanneney

  • il y a 4 mois
Jean-Noël Jeanneney est tombé « dans le chaudron » de la politique quand il était enfant, il est vrai qu'il est issu d'une famille où on est politisé de père en fils : son père Jean-Marcel a été plusieurs fois ministre sous la présidence de Charles de Gaulle, son grand-père, Jules également sous Raymond Poincaré. Bercé donc dans le monde politique il combine cela à sa profession d'historien pour intégrer les codes tout en maitrisant les institutions. C'est François Mitterrand qui lui met le pied à l'étrier en le faisant rentrer aux affaires publiques puis lui propose un poste dans son gouvernement. Il se met donc avec sa famille devant la télévision et assiste « le coeur légèrement battant » à sa nomination. 45ème ministre sur 45 noms cités, il n'empêche qu'il ne garde que l'euphorie de ce grand aboutissement.
Témoin direct il prend plaisir à voir l'histoire se faire et à y contribuer en tant qu'homme de son temps qui veut agir et défendre les causes qui lui tiennent à coeur. C'est ce qu'il fait en instaurant le dépôt légal de l'audiovisuel se mettant « au niveau de François 1er » ou en menaçant de quitter son poste pour protester contre la suppression de la redevance audiovisuelle. Il mélange son expérience d'historien et les leçons de politique qu'il a reçu de son père et de son grand-père pour mener au mieux son rôle et éviter les pièges. Après avoir quitté le gouvernement, il reprend sa profession d'origine. Sa vie d'homme politique est une parenthèse riche durant laquelle il aura pu poser sa pierre à l'édifice tout en introduisant « un peu de littérature dans les discours techniques ».

En 1988, dans son discours de politique générale, Michel Rocard s'inquiétait déjà de la défiance croissante entre les citoyens et leurs représentants. Pour afficher sa volonté de "réconcilier l'État et la société civile", le nouveau Premier Ministre confiait donc le Ministère de la Santé au Professeur Schwartzenberg, une sommité en médecine mais un novice en politique. Neuf jours plus tard, l'éviction de Léon Schwartzenberg rappelait qu'on ne s'improvise pas ministre si facilement.
La politique est-elle une vocation ou un métier ? Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, disait Le Président Chirac en 2004, la politique n'est pas seulement une vocation, c'est aussi un métier qui demande une formation. Il justifiait ainsi l'éviction de tous les ministres de la société civile du nouveau Gouvernement Raffarin.
Aujourd'hui, la question se pose avec la même acuité. Lors de sa première campagne, le candidat Macron s'était vanté de ne pas "être un professionnel de la vie politique". Pourtant, quasiment aucun ministre de la société civile ne figure dans le nouveau Gouvernement de Gabriel Attal ...
Pourquoi est-il si difficile d'être ministre lorsqu'on est novice en politique ? Quatre personnalités ayant vécu cette expérience à différentes époques, nous livrent leurs témoignages : former un cabinet, organiser des déplacements, faire sa place dans un milieu e

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00:00 *Musique*
00:25 Bonjour Jean-Noël Jeanneney. - Bonjour. - Merci d'avoir accepté l'invitation de LCP dans cette série d'entretiens consacrées aux ministres issus de la société civile.
00:34 C'est votre cas, en 91 vous entrez au gouvernement d'Édith Cresson comme secrétaire d'État au commerce,
00:39 puis quand Bérégovois lui succède vous devenez secrétaire d'État à la communication.
00:43 Donc quand vous entrez au gouvernement vous n'avez jamais été dans un parti politique, vous n'avez pas été candidat à des élections,
00:48 mais on ne peut pas dire non plus que vous êtes complètement étranger au monde politique puisque chez les Jeanneneys on est un peu ministre de père en fils,
00:54 votre grand-père Jules a été ministre de Clémenceau, votre père a été ministre de De Gaulle,
01:00 est-ce que vous étiez, quand vous étiez enfant, est-ce que vous rêviez du coup de devenir ministre ?
01:04 - C'est vrai que je suis un peu né dans le chaudron. - Et dans votre enfance c'était un rêve, une ambition ?
01:11 - C'était une proximité en tout cas, au fond j'ai joué sous une cheminée sur laquelle il y avait le bus de Clémenceau,
01:17 juste à portée il y avait une photo dédicacée du général De Gaulle,
01:20 au fond c'est vrai que pour moi c'était, c'est pas un mérite, mais c'était un privilège,
01:26 c'était quelque chose d'un peu moins étranger peut-être que pour d'autres,
01:29 mais il n'empêche que quand on arrive au conseil des ministres, quand on s'assied là pour la première fois, c'est très émouvant.
01:34 - Parce que votre père est entré au gouvernement de De Gaulle, vous aviez 17 ans,
01:40 quand il a quitté ce gouvernement vous en aviez 27, donc ça fait 10 années,
01:43 vous étiez dans une position privilégiée pour observer les coulisses du gouvernement,
01:48 est-ce que c'était formateur, est-ce que vous vous êtes beaucoup enrichi dans cette période ?
01:51 - Oui c'est vrai, d'autant plus qu'avec mon père nous avions beaucoup d'intimité intellectuelle,
01:54 il me racontait beaucoup de choses, il m'associait à ses réflexions et donc j'ai appris beaucoup par lui,
02:00 et en même temps j'étais historien, donc j'avais également appris ce que c'était que la République,
02:05 la troisième, la quatrième, la cinquième, et je pouvais combiner dans ma réflexion,
02:11 la préparation que je faisais pour moi-même devant ces activités, je pouvais combiner ces doubles expériences si je puis dire.
02:17 - Dans le deuxième tome de "Voix-Mémoire" que je recommande, "Le Rocher de Susten",
02:20 vous racontez que vous vous emménagez au ministère avec vos parents,
02:24 donc vous êtes vraiment aux côtés de votre père alors que lui exerce sa charge de ministre ?
02:29 - C'est vrai, j'avais été reçu à l'école normale mais j'ai attendu un an pour y habiter,
02:32 contrairement à l'usage, pour être prêt, c'est rue de Grenelle, au ministère de l'Industrie où était mon père,
02:37 et c'est vrai que du même coup j'avais appris en même temps que de l'histoire du passé,
02:43 un certain nombre de règles, de comportements peut-être qu'on devait observer lorsque le hasard de la vie
02:49 où vous vous mettez tout à coup dans cette position du dehors, sans avoir été parlementaire, comme vous le disiez,
02:53 d'accéder au gouvernement de la France.
02:55 - Au gouvernement de la France, donc un épisode de cette période,
02:59 c'est qu'en 68 votre père s'est présenté à Grenoble aux législatives face à Pierre Mendesfranc,
03:05 il a d'ailleurs gagné, vous étiez investi dans cette campagne,
03:08 est-ce que ce premier combat électoral auquel vous avez participé vous a donné envie de vous engager en politique ?
03:14 - Bon, c'est pas ce combat spécifique, un combat qui a eu sa vaillance et qu'en même temps j'ai au fond un peu regretté,
03:20 parce qu'il n'était pas fait pour se combattre, il fallait qu'ils soient tous les deux parlementaires,
03:24 les circonstances ont fait... Mon père avait refusé en 1967 de se présenter contre Mendesfranc,
03:29 qui avait été lui-même au gouvernement avec mon grand-père et qui l'estimait beaucoup,
03:33 et puis en 68 il a été choqué par son comportement, après Mai, le fait qu'il soit allé à Charleti, etc.
03:39 Et du coup cette fois-ci il a cédé aux instances de Pompidou qui était Premier ministre,
03:43 il a accepté de se présenter. Oui, je l'ai accompagné, naturellement, effectivement,
03:47 je ne peux pas dire que... - Ça ne vous a pas donné le goût du combat électoral ?
03:50 - C'est pas ça spécialement, non, non, j'avais pas besoin de ça, et en plus c'était pas un combat
03:54 où je me sentais tellement à l'aise à cause de ce que je viens de vous dire.
03:57 - Parce que vous avez eu de la tendresse au minimum pour Pierre Mendesfranc ?
04:00 - Tendresse, non, c'est excessif, mais de la considération.
04:02 J'ai en quelque sorte accédé à la réflexion politique au moment où il entrait au gouvernement.
04:08 Mon grand-père, qui vivait toujours, il avait écrit "j'aimerais retrouver ses mémanches",
04:12 il était non ingénieur, "pour pouvoir vous accompagner".
04:14 Son collaborateur Simon Nora, qui était un ami de mes parents, qui avait été étudiant de mon père,
04:18 venait nous raconter tout ça, ce sont des premiers souvenirs.
04:21 Mais enfin, on était dans une autre époque, celle de 1968, et cette fois j'ai approuvé mon père
04:28 de se présenter tout en regrettant qu'il ait été contraint à cette extrémité.
04:31 - Au départ, vous êtes historien, professeur d'université,
04:36 mais après l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir, en 1981,
04:40 vous êtes nommé l'année suivante PDG de Radio France pendant quatre ans,
04:43 puis vous devenez président de la mission chargée de la célébration du bicentenaire en 1989,
04:48 donc on peut dire que c'est François Mitterrand qui vous a permis d'entrer en politique,
04:53 il a eu un rôle important.
04:54 - Bien sûr, bien sûr, cette arrivée dans les affaires publiques correspond à ce septennat,
04:59 et aux deux septennats, en vérité, même si ce n'est pas directement lui
05:02 qui m'a nommé à Radio France, puisqu'il avait eu le courage politique
05:05 d'instaurer pour la première fois un sas entre l'audiovisuel public et le gouvernement,
05:09 et c'est la haute autorité, présidente par Michel Cotin...
05:12 - Vous pouvez peut-être demander son avis.
05:14 - Vous demanderez à Michel Cotin, elle l'a raconté, elle était présidente,
05:16 je lui sais gris de ce choix, mais c'est vrai que...
05:19 Ce qui s'est passé, en fait, c'est qu'après la mission du bicentenaire,
05:22 qui s'est passée en somme convenablement, vous vous rappelez le défilé de Jean-Paul Goude,
05:26 j'étais... - Tout le monde s'en rappelle.
05:28 - J'étais, évidemment, responsable de ça au premier chef.
05:32 - Mais cette rencontre avec Mitterrand, vous l'avez souhaitée ?
05:34 Elle est arrivée par hasard ?
05:36 - Non, elle était...
05:38 J'avais publié, parmi beaucoup d'autres, mon nom dans les listes de soutien en 74 et en 80.
05:43 J'étais de la famille de la gauche sans être membre du PS, vous l'avez dit tout à l'heure.
05:46 Et donc je me suis senti très très bien dans ce qui se passait, parfois critique, bien sûr.
05:51 J'ai plus connu Mitterrand lorsque j'étais président de Radio France,
05:54 ça l'intéressait, et évidemment beaucoup au moment de la mission du bicentenaire.
05:57 Certains ont dit qu'ils l'avaient souhaité se faire réélire pour pouvoir célébrer ce bicentenaire.
06:02 Je crois que c'est excessif, en vérité.
06:03 Mais en fait, ça l'intéressait beaucoup et nous avons conversé,
06:05 je raconte tout ça, effectivement, dans le tome 2 de mes mémoires.
06:09 - Et dans ce tome 2, vous racontez, comme vous aviez commencé à l'évoquer,
06:12 qu'après le succès de la célébration du bicentenaire,
06:16 François Mitterrand vous convoque et vous promet que vous allez entrer au gouvernement.
06:23 Mais il vous l'a proposé spontanément ou il faut quand même faire la demande dans ces cas-là ?
06:26 - Je ne lui ai pas demandé, mais je lui ai apporté le rapport de la mission.
06:29 Et je lui ai dit, voilà, vous aviez souhaité, monsieur le président,
06:32 que je mette une action politique, ce n'était pas une action administrative,
06:36 même pas une action historiographique.
06:39 Vous avez souhaité que je fasse une célébration politique,
06:42 portant un certain sens, ayant une signification,
06:44 pour offrir ce défilé au G7 du 14 juillet.
06:48 Alors c'est vrai que j'ai beaucoup aimé faire cette politique.
06:50 Il m'a dit, oui, la politique, c'est bien intéressant.
06:53 Et c'est à ce moment-là qu'il m'a dit, eh bien,
06:55 lors du prochain gouvernement, vous serez ministre.
06:58 Je n'ai pas fait la grimace.
07:00 J'ai été très content.
07:02 En fait, je crois qu'à l'époque, il pensait que le gouvernement de Rocart
07:05 serait plus bref qu'il n'a été,
07:06 mais la première guerre du Golfe l'a amené à prolonger cela.
07:09 Et effectivement, quand le gouvernement d'Edith Cresson a été créé,
07:14 il m'a convoqué, je suis entré avec un coeur un peu battant dans son bureau.
07:18 - Vous avez reçu un coup de fil le matin,
07:20 vous étiez convoqué l'après-midi à l'Elysée.
07:23 - C'est lui qui me dit que comme je vous l'ai annoncé,
07:25 je vous propose un poste, mais pour rentrer dans le détail,
07:29 il m'a dit, vous allez être secrétaire d'Etat,
07:31 si vous le souhaitez, à l'enseignement technique.
07:33 Est-ce que ça vous intéresserait ?
07:35 J'étais décidé à rentrer au gouvernement s'il me le proposait,
07:37 mais j'ai ajouté, c'est un beau poste, c'est important,
07:39 mais j'ai ajouté si par hasard je connais la complexité
07:41 de la formation d'un gouvernement, c'est comme un jeu de taquin,
07:44 je sais ce qui se passe parfois à la fin.
07:46 - Taquin, c'est il faut trouver la bonne place pour chaque capitaine.
07:49 - C'est ça, jusqu'au dernier moment, les choses bougent.
07:51 Si par hasard il y avait un poste plus international,
07:55 je dis, effectivement, j'en serais content.
07:58 - Parce qu'à un moment, la rumeur faisait de vous
08:00 le prochain ministre de la Culture, alors se voir proposer
08:02 l'enseignement technique, c'était peut-être un peu décevant, non ?
08:05 - Oui, c'était un peu décevant, mais c'était d'être au gouvernement.
08:07 Et alors, juste avant l'annonce du gouvernement,
08:11 il m'a téléphoné, c'est une des rares fois où il m'a téléphoné,
08:13 en me disant ceci,
08:15 le poste de secrétaire d'Etat au commerce extérieur
08:19 se trouve vacant, parce qu'Henri-Emmanuelis l'a refusé.
08:23 Il trouve que ce n'est pas tout à fait digne de lui.
08:25 Est-ce qu'éventuellement, ça pourrait vous intéresser ?
08:27 Premièrement, j'étais très reconnaissant à Henri-Emmanuelis,
08:29 il a eu l'occasion qu'il ait refusé.
08:31 D'autre part, j'ai répondu oui, beaucoup.
08:33 Il m'a dit, "Est-ce que vous vous rappelez que la première ministre,
08:35 "Edith Cresson, a occupé ce poste ?"
08:37 Je lui ai dit, "Oui, je me le rappelle bien."
08:39 "Est-ce que vous parlez anglais ?"
08:41 Je lui ai dit, "Je me débrouillerai très bien."
08:43 "Est-ce que vous avez autant d'énergie qu'avait Edith Cresson ?"
08:45 Je lui ai dit, "M. le Président, c'est à vous d'en juger,
08:47 "mais en tout cas, sachez que si je me jugeais digne de ce poste,
08:49 "je serais extrêmement content."
08:51 Je me suis mis avec ma famille devant la télévision,
08:53 la liste a été lue sur le perron, comme toujours,
08:55 par le secrétaire général, j'avais le coeur légèrement battant,
08:57 et le dernier de la liste, c'était moi.
08:59 -45 ministres dans ce gouvernement,
09:01 vous étiez le 45e, ça vous a pas vexé ?
09:05 -Vexé ? Pas un instant, j'étais tellement content.
09:07 Et en plus, l'idée d'être au commerce extérieur,
09:09 d'être à Bercy, de découvrir le fonctionnement de cette machine,
09:13 ça ajoutait encore à ma satisfaction,
09:15 j'étais vraiment très très très content.
09:17 Et puis ensuite, les événements m'ont permis d'entrer dans ce monde,
09:21 et d'y prendre beaucoup de satisfaction,
09:23 quelques coups aussi, ce n'est pas le nirvana,
09:25 ce n'est pas un lieu de bonheur quotidien,
09:27 mais comme c'était intéressant,
09:29 et moi qui avais été historien,
09:31 et qui il y a 20 ans m'étais dit,
09:33 je veux être libre, je veux être universitaire,
09:35 je veux ne pas dépendre jamais de personne directement,
09:39 sauf éventuellement politiquement,
09:41 et j'aimerais bien exercer dans ma vie des activités publiques ou parapubliques,
09:45 voilà que cela m'arrivait,
09:47 c'était vraiment une satisfaction,
09:49 dont je n'essaierai pas de vous dissimuler l'importance.
09:53 -Justement, c'est une question que je me posais,
09:55 quand vous assistez à votre premier conseil des ministres,
09:57 est-ce que vous êtes là dans la peau d'un acteur qui est bien décidé à peser,
10:01 ou est-ce que vous êtes aussi l'historien
10:03 qui a la chance d'être aux premières loges
10:05 pour observer la comédie du pouvoir ?
10:07 -Franchement, les deux.
10:09 C'était émouvant quand on s'assied là.
10:11 Je me rappelle, j'étais à côté d'un autre secrétaire d'Etat,
10:13 qui était pour la première fois au gouvernement,
10:15 et qui m'a dit "je plane".
10:17 Il a fait une belle carrière depuis.
10:19 J'aurais pu dire un peu la même chose.
10:21 Et c'est vrai que constamment, je me suis dit
10:23 que je voulais laisser quelques marques,
10:25 une marque en étant là,
10:27 et que je voulais en même temps être témoin,
10:29 puisque j'étais historien.
10:31 Donc j'ai pris énormément de notes, évidemment,
10:33 tout en essayant d'agir et de changer un certain nombre de choses.
10:35 Et c'est vrai qu'en arrivant,
10:37 mon grand-père et moi, leur activité ministérielle
10:39 m'a permis peut-être d'éviter un certain nombre de pièges.
10:41 -Et la scène la plus révélatrice
10:45 auquel vous avez pu assister en conseil des ministres,
10:47 est-ce qu'il y en a une qui vous a marquée ?
10:49 -Oui, sûrement la dernière.
10:51 Lorsque nous avons tous été battus en 1993,
10:55 et que François Mitterrand,
10:57 avant de nous recevoir un par un,
10:59 a marqué qu'il éprouvait ça
11:01 comme un moment essentiel,
11:03 et ça l'était.
11:05 Nous exprimons une reconnaissance modérée,
11:07 à cet égard, un grand emphatique,
11:09 mais aussi des vœux pour la suite.
11:11 Et il l'a fait avec des détails,
11:15 des exemples historiques
11:17 qui, évidemment, m'ont touché.
11:19 Mais vous me portez tout de suite à la fin.
11:21 -Oui, alors que là, vous venez d'être nommé
11:23 en réalité au secrétariat du commerce extérieur,
11:25 alors que c'est pas votre spécialité, le commerce extérieur.
11:27 -Certains journaux ont un peu ricané.
11:29 -Oui, et puis même, comment l'administration de Bercy
11:31 perçoit l'arrivée d'un historien au ministère ?
11:33 Comment se faire respecter ?
11:35 -Je ne sais pas comment ils l'ont éprouvé,
11:37 plutôt, je l'ai vaguement ressenti,
11:39 mais je suis arrivé avec deux ou trois idées simples.
11:41 D'abord, je ne suis pas économiste,
11:43 j'avais des économistes autour de moi,
11:45 mais je dirais aux fonctionnaires qui viendraient à moi,
11:47 "Si je ne comprends pas ce que vous me dites,
11:49 "c'est pas ma faute, c'est la vôtre."
11:51 Ca a marché très bien.
11:53 L'autre règle, et ça, c'était parce que je savais
11:55 que c'était un danger,
11:57 c'est de ne pas me faire imposer un directeur de cabinet
11:59 par l'administration.
12:01 C'est un danger, il faut essayer.
12:03 C'est une personne là, on ne sait pas d'où il vient,
12:05 il faut le contrôler, il faut le surveiller de près.
12:07 On m'a envoyé un monsieur très digne pour me dire
12:09 que je vais probablement être votre directeur de cabinet.
12:11 Je l'ai vu 20 ans après, il m'a dit, "Vous ne m'aimiez pas."
12:13 C'est pas ça, mais je voulais un directeur de cabinet
12:15 qui n'ait de légitimité que la mienne.
12:17 Donc j'ai choisi un jeune inspecteur des finances
12:19 qui est toujours mon ami et qui est venu.
12:21 Donc c'était un premier aspect des choses.
12:23 D'autre part, j'ai introduit parfois
12:25 un peu de littérature, c'est vrai,
12:27 dans les discours techniques.
12:29 Ça m'amusait aussi.
12:31 Une fois, je les ai réunis à Vancouver,
12:33 je me rappelle,
12:35 les conseillers du commerce extérieur
12:37 et les représentants, surtout,
12:39 dans les ambassades de notre commerce extérieur,
12:41 et je leur ai cité un vers de Marcel Théry,
12:43 qui est un poète belge très connu,
12:45 outre qu'évrain,
12:47 "Toi qui palies au nom de Vancouver."
12:49 C'était à Vancouver.
12:51 Et puis la suite, c'était
12:53 "Les soldats pérégrins des trottoirs inconnus."
12:55 Alors j'ai vu dans leur regard,
12:57 "Les soldats pérégrins."
12:59 Mais enfin, ils commençaient à s'habituer.
13:01 Mais surtout, c'est la mousse des choses.
13:03 La réalité, c'est que c'était absolument passionnant
13:05 de se plonger dans des dossiers
13:07 tels que celui-là. Il y avait trois aspects.
13:09 Il fallait aller en Europe, à Bruxelles,
13:11 et ça, j'étais avec Strauss-Kahn,
13:13 qui était également ministre à Bercy,
13:15 aller dans les régions de France
13:17 pour leur dire,
13:19 "Il faut faire davantage pour exporter",
13:21 et puis aller dans une série de régions,
13:23 de pays étrangers, pour pouvoir porter
13:25 la France et encourager ceux qui travaillaient là-bas.
13:27 J'ai été le second ministre, après Faurot,
13:29 à aller à Taïwan. C'est la seule fois de ma vie
13:31 où j'ai eu l'impression d'être accueilli par un chef d'Etat,
13:33 comme il n'avait pas eu encore de ministre à l'époque.
13:35 Donc ça, ça a été absolument passionnant.
13:37 Et quand je suis parti,
13:39 j'ai un peu regretté,
13:41 mais très brièvement, puisque l'autre poste était encore plus passionnant.
13:43 - Oui, c'est ce que je me dis,
13:45 puisque quand Bérégovoy succède à Creusson,
13:47 vous êtes nommé secrétaire d'Etat à la Communication,
13:49 vous êtes le grand historien des médias en France.
13:51 J'imagine que c'est le poste de vos rêves.
13:53 - En tout cas, j'étais très content, c'est vrai.
13:55 Je me suis posé tout de suite la question
13:57 de savoir... Je savais que ça allait être bref,
13:59 puisque nous approchions des élections de 93.
14:01 Il fallait pas être grand prophète
14:03 pour savoir qu'il y avait peu de chances
14:05 que la majorité de gauche soit prolongée.
14:07 Je me suis dit, on a un an.
14:09 C'était aussi l'expérience historique.
14:11 Pendant cette année-là,
14:13 je me donne à moi-même, outre le travail quotidien
14:15 et le rapport avec les médias,
14:17 une ou deux choses majeures qui resteront après moi.
14:19 Avec ma petite équipe,
14:21 on a décidé cela.
14:23 Et en fait, c'est ce que nous avons réussi à faire.
14:25 Il y a eu deux choses dont je suis assez fier,
14:27 après tout, j'ai pas de raison de le dissimuler.
14:29 C'est d'abord que nous avons fait
14:31 la loi de juin 92
14:33 sur le dépôt légal
14:35 de l'audiovisuel.
14:37 - En tant qu'historien, là, vignement...
14:39 - Autant plus que quand j'avais mon séminaire
14:41 à Sciences Po, j'avais fait un article dans "Le Monde"
14:43 pour dire qu'il faut absolument
14:45 qu'on puisse faire un dépôt légal,
14:47 et qu'on le fasse.
14:49 Et ça a été la loi qui a été faite.
14:51 Vous voyez que désormais, je me suis mis au niveau
14:53 de François 1er, qui avait fait le dépôt.
14:55 Sérieusement, et plus, j'ai beaucoup aimé,
14:57 c'est un autre aspect des choses,
14:59 le travail parlementaire.
15:01 - Juste avant ça... - Pardon, c'est vous qui guidez, mon cher.
15:03 - Je me laissais entraîner, mais je me disais
15:05 que quand on est mis dans la communication,
15:07 est-ce qu'il arrive qu'on reçoive des coups de fil
15:09 de Matignon ou de l'Elysée qui se plaindraient
15:11 du traitement que leur réserve des journalistes
15:13 du service public ? Est-ce qu'il faut affronter ça ?
15:15 - C'est arrivé une fois.
15:17 Une fois, Bérégovoy, Premier ministre, m'a dit...
15:19 Je viens de regarder le journal,
15:21 on déforme complètement mes propos,
15:23 c'était sur les prisons, je crois, c'est insupportable,
15:25 mais je lui ai dit "Monsieur le Premier ministre,
15:27 "vous avez fait des lois qui m'empêchent
15:29 "complètement d'intervenir."
15:31 Quand j'étais président de Radio France,
15:33 je ne les ai pas supportées un instant.
15:35 Ils ont compris très vite qu'ils venaient intervenir
15:37 sur le contenu. J'étais responsable.
15:39 Je discutais avec les journalistes,
15:41 mais il n'y avait pas eu d'intervenants.
15:43 Ils sont chagrines.
15:45 - Les politiques vivent sous la pression des journalistes.
15:47 C'est quelque chose que vous relevez souvent.
15:49 Le journaliste, lui, s'intéresse à ce qui se passe
15:51 aujourd'hui, alors que l'homme politique
15:53 doit anticiper ce qui arrivera demain.
15:55 Comment résoudre cette contradiction ?
15:57 - Se rappeler ce qui est arrivé hier.
15:59 Car, à mon avis, les hommes d'Etat, les hommes publics efficaces
16:01 sont ceux qui restituent la profondeur de champ.
16:03 Je ne veux pas dire qu'ils ne vont pas s'intéresser
16:05 à toutes les multiples piques
16:07 qui leur arrivent de partout, évidemment.
16:09 J'ai eu l'autre satisfaction,
16:11 on permettait de le dire,
16:13 qui était, et ça, c'était la chance,
16:15 comme toujours, le hasard, le rocher de Susten,
16:17 le titre de mes mémoires, c'est parce qu'un rocher
16:19 a mis m'écrasé quand j'avais 18 ans.
16:21 C'est la part du hasard. La part du hasard a joué
16:23 puisque c'est à ce moment-là que la 5,
16:25 la 5e chaîne, a connu
16:27 une déconfiture commerciale.
16:29 Contrairement à la 6, qui a bien marché.
16:31 Et donc, le réseau,
16:33 la fréquence s'est trouvée libre.
16:35 Ce qu'on y mettrait. C'est à ce moment-là
16:37 que, contre d'autres qui voulaient d'autres choses,
16:39 j'ai suggéré que ce soit le 5e...
16:41 Que ce soit Arte. -Arte.
16:43 -J'avais été, avant, au conseil d'administration
16:45 de la 7e, qui avait précédé Arte.
16:47 Je n'entre pas dans les détails.
16:49 En tout cas, que ce soit Arte,
16:51 parce que c'était sur le câble jusque-là,
16:53 je me suis dit que cette belle entreprise culturelle
16:55 franco-allemande, il valait la peine
16:57 de le donner à connaître et de rendre
16:59 cette chaîne accessible à tous les Français.
17:01 -Quand on allume Arte, on pense à vous.
17:03 -S'il vous plaît. -Quand on est
17:05 simplement secrétaire d'Etat,
17:07 parfois, pour devoir défendre son autorité,
17:09 on pose sa démission en exigeant
17:11 d'être écouté sous peine de démissionner.
17:13 Vous êtes arrivé à ça ? -Oui.
17:15 Ca m'est arrivé une fois.
17:17 Ca m'est arrivé une fois parce que j'ai appris,
17:19 c'est assez d'actualité, vous allez voir pourquoi,
17:21 je veux dire, dans la durée
17:23 des deux dernières années.
17:25 J'ai appris un jour
17:27 que quelqu'un,
17:29 Zozo de Bercy,
17:31 avait suggéré à Bérigovois, devenu Premier ministre,
17:33 de supprimer la redevance audiovisuelle.
17:35 -Oh ! -Il lui avait fait croire
17:37 que ça permettrait de gagner les élections de 93, quasiment.
17:40 C'était démagogique, c'était absurde.
17:42 Je ne commente pas l'actualité plus récente,
17:44 mais c'était une très mauvaise action.
17:46 Et moi, qui avais toujours défendu
17:48 une idée simple, c'est qu'il fallait absolument
17:50 qu'à côté de l'audiovisuel privé,
17:52 prospère un audiovisuel public,
17:54 dans une autre ambition,
17:56 selon d'autres règles, avec d'autres missions.
17:59 J'allais pas tout à coup
18:01 être secrétaire d'Etat chargé de ce secteur,
18:03 ministre chargé de ce secteur,
18:05 si on supprimait la redevance.
18:07 Alors, c'est vrai, j'ai dit, j'ai fait dire
18:09 à Bérigovois, et j'ai fait dire aussi à l'Elysée,
18:12 que je pourrais pas rester.
18:14 Je savais bien que ça ferait une émotion pendant 24 heures.
18:17 J'étais vraiment au bout de la table,
18:19 et ça n'aurait pas ému très longtemps.
18:21 Mais en tout cas, c'était mon moyen de pression.
18:23 J'ai attendu 24 heures. Je me rappelle,
18:25 mon directeur de cabinet,
18:27 m'a appelé au téléphone, j'y suis allé,
18:29 il m'a dit... Ils ont cédé.
18:31 Ils ont fait d'autres décisions.
18:33 Et donc, on a maintenu la redevance.
18:35 Depuis lors, évidemment,
18:37 chaque fois qu'il était question,
18:39 et hélas, on l'a estourbi définitivement
18:41 il y a quelque temps,
18:43 peut-être pas définitivement,
18:45 chaque fois, j'ai repensé à ce moment-là,
18:47 car je crois que c'était un instrument fondamental
18:49 pour la garantie de financement à long terme,
18:51 donc pour protéger contre l'utilisation
18:53 par les gouvernements de l'arme financière,
18:55 et pour donner la sérénité de la moyenne durée
18:57 aux acteurs de ce champ essentiel
18:59 pour la démocratie.
19:01 -Vous parliez du fait qu'un ministre
19:03 doit s'exprimer au Parlement,
19:05 à l'Assemblée, pour défendre
19:07 ses projets lois.
19:09 Vous êtes professeur d'université,
19:11 donc vous êtes habitué aux amphithéâtres.
19:13 J'imagine que vous avez été immédiatement
19:15 à l'aise à la tribune.
19:17 -Pas du tout. En tout cas,
19:19 j'ai commencé par les questions au gouvernement.
19:21 Notamment, les médias s'intéressaient
19:23 plus que le commerce extérieur.
19:25 Je me vois devant l'hémicycle,
19:27 effectivement,
19:29 et j'ai eu des réactions du professeur,
19:31 puisque j'ai eu envie de leur parler
19:33 avec quelque ampleur. En haut à droite,
19:35 il y en avait deux qui bavardaient.
19:37 J'aurais été chercher leur regard.
19:39 Je suis devenu de plus en plus emphatique.
19:41 Béré Gauvoie, au premier rang,
19:43 avec sa main, a fait comme ça.
19:45 J'ai compris ce qu'il fallait faire,
19:47 c'est-à-dire regarder uniquement
19:49 celui qui vous avait interpellé,
19:51 ne pas considérer le brouhaha alentour,
19:53 être relativement bref,
19:55 ne pas séduire un auditoire toujours turbulent,
19:57 et ne pas prétendre entendre non plus
19:59 les cris qui viennent ici et là.
20:01 C'est seulement au journal officiel,
20:03 après que j'ai appris que l'un des parlementaires
20:05 d'opposition, c'était Penderoche,
20:07 s'était écrit "Il est nul, cet héritier".
20:09 -Vous auriez réagi si vous l'aviez entendu ?
20:11 -Peut-être si ça avait été...
20:13 Je ne pense pas que j'aurais réagi.
20:15 J'aurais pas dit "Il est pas nul, je suis pas héritier".
20:17 J'étais sûr que j'étais héritier.
20:19 "Nul", c'était le jugement de chacun.
20:21 -C'est votre grand-père, Jules,
20:23 qui vous disait, lorsque vous étiez plus jeune,
20:25 "Il faut une peau de pachyderme
20:27 "pour faire de la politique
20:29 "et résister aux attaques
20:31 "dont on est victime."
20:33 Vous confirmez ?
20:35 -Oui, je confirme.
20:37 Le fait de le savoir au début
20:39 est évidemment déjà une garantie
20:41 de protection.
20:43 Personne ne peut affirmer qu'il est insensible
20:45 aux critiques.
20:47 Ce qui est le plus pénible, ce sont des critiques
20:49 qui apparaissent absurdes ou sur des fausses nouvelles.
20:51 C'est un talon d'Achille.
20:53 Mais enfin, là encore, mon expérience d'historien,
20:55 les années 30,
20:57 la capacité de haine qui circulait partout,
20:59 mon expérience d'historien,
21:01 et la quatrième aussi,
21:03 m'avait tellement appris
21:05 qu'on disait tout et n'importe quoi
21:07 sur des hommes politiques
21:09 que ça me protégeait un peu,
21:11 tout en sachant qu'il ne fallait pas les négliger.
21:13 -De ces attaques, certaines ont été plus blessantes
21:15 et vous ont vraiment marqué ?
21:17 -Probablement quelques-unes,
21:19 mais en tout cas, une idée fausse devient un fait vrai.
21:21 C'est surtout préoccupant
21:23 si à un moment donné,
21:25 votre réputation ou votre image
21:27 commence à être marquée fortement
21:29 dans l'opinion de cette façon-là et que c'est déplaisant.
21:31 Si c'est un cri de hargne provisoire,
21:33 comme c'est le cas le plus souvent,
21:35 alors...
21:37 qu'il disparaisse dans le ruisseau
21:39 des méchances témortes.
21:41 -Lors de votre passage au gouvernement,
21:43 est-ce que les leçons
21:45 que vous aviez pu apprendre auprès de votre père
21:47 lorsque vous étiez plus jeune
21:49 étaient encore d'actualité ou est-ce que
21:51 les choses avaient vraiment changé ?
21:53 -Vous voulez dire le fonctionnement du gouvernement ?
21:55 -Le fonctionnement du gouvernement,
21:57 la manière dont on le dirige,
21:59 les rapports avec la presse...
22:01 Est-ce que vous avez eu le sentiment que c'était une autre époque ?
22:03 -Non, pas vraiment. J'ai l'impression que les différences
22:05 sont plus grandes avec aujourd'hui,
22:07 à cause notamment des réseaux sociaux
22:09 et du poids de l'immédiateté des réactions
22:11 de l'opinion et de l'obligation de s'exprimer partout.
22:13 Je n'ai pas le sentiment que...
22:15 -Vous en parlez déjà, à votre époque.
22:17 Vous dites déjà que c'était difficile à l'époque
22:19 de ne pas suivre les journalistes
22:21 qui attendent toujours des commentaires immédiats.
22:23 -C'est normal, c'est leur métier,
22:25 il ne fallait pas s'en indigner.
22:27 C'est comme les gens qui s'indignaient
22:29 quand j'étais à Radio France, des syndicats,
22:31 chacun dans son rôle, c'est très important.
22:33 Il fallait tenir compte de ça.
22:35 Mais c'est vrai que depuis, il y a une différence considérable.
22:37 C'est l'arrivée des réseaux sociaux,
22:39 je le disais, et des conséquences
22:41 qu'on n'aura pas fini de mesurer.
22:43 Et puis, il y a une autre donnée
22:45 qui fait que Mitterrand était plus proche de De Gaulle
22:48 que de Macron, c'est que depuis,
22:50 il y a eu cette funeste idée du quinquennat.
22:53 -Oui, évidemment.
22:55 -Le quinquennat que j'ai vu comme historien
22:57 avec beaucoup de chagrin.
22:59 C'était les politiques, les constitutionnalistes
23:01 qui poussaient à ça, en disant que c'était plus court
23:04 et donc, ce serait plus démocratique.
23:06 Nous, nos historiens, René Raymond, mon maître,
23:08 en particulier, nous avons tous écrit
23:10 que c'était pas vrai.
23:12 Une des forces de ce régime, c'était la diversité des temporalités.
23:15 La temporalité de l'Assemblée nationale
23:17 et puis celle du septennat.
23:19 C'est ça qui permettait une distinction
23:21 plus marquée entre le rôle de Premier ministre
23:24 et le rôle de président de la République.
23:27 Vraiment, les relations entre Pompidou et De Gaulle,
23:30 et même Chaban et Pompidou, dans le gouvernement,
23:33 sont très différentes, me semble-t-il,
23:36 de celles que l'on observe comme citoyens
23:39 entre, aujourd'hui, l'Elysée et Matignon.
23:41 -C'est pas bon.
23:43 -Vous quittez le gouvernement, vous l'avez dit, en 93.
23:46 En 97, malgré tout, à gauche, Jospin revient au pouvoir.
23:49 Est-ce que vous avez toqué à la porte
23:51 pour obtenir un nouveau poste de ministre ?
23:53 -C'est pas mon tempérament de toquer à la porte.
23:55 J'ai pensé que Jospin aurait bien fait de me recruter,
23:58 mais j'ai pas bougé du tout.
24:00 -Il vous a pas proposé aucune proposition ?
24:02 -C'est le hasard aussi des personnalités,
24:05 des circonstances, et puis il avait besoin de...
24:07 Non, en tout cas, ça s'est pas posé.
24:09 J'ai vaguement pensé qu'en effet, il me ferait signe,
24:12 mais il ne l'a pas fait.
24:14 J'ai continué de faire un métier que j'adorais,
24:16 c'est-à-dire enseigner, faire des livres d'histoire, etc.,
24:19 pensant que l'occasion se représenterait
24:21 d'avoir une autre action publique avant que je devienne chenu.
24:24 -Vous n'êtes pas encore, mais vous avez été ministre,
24:27 votre père l'avait été, votre grand-père aussi.
24:30 Vous avez deux fils, dont le plus âgé a moins de 40 ans.
24:34 Est-ce que vous pensez que cette nouvelle génération
24:37 un jour prendra la relève ?
24:39 -Il faudra leur demander, je ne veux sûrement pas parler
24:42 en leur nom, ne méfiez-vous pas.
24:44 Je dirais que je suis un peu inquiet,
24:46 je ne suis pas du tout de la catégorie des gens qui disent
24:49 que c'était mieux avant, beaucoup moins bien.
24:51 Mais il y a un domaine qui me préoccupe un peu,
24:53 c'est le désir des citoyens de 20, 30, 40 ans
24:57 d'entrer en politique et de devenir parlementaires,
25:00 et éventuellement de devenir ministre.
25:02 -Vous pensez que ce désir faiblit ?
25:04 -Ce serait un sujet d'une autre émission, vous m'inviteriez.
25:07 Mais c'est vraiment une préoccupation.
25:09 La qualité du gouvernement, même si ces éléphants
25:12 que nous observions, ceux du Parti socialiste,
25:15 depuis notre bout de la table, ne manquaient pas d'énergie
25:18 dans leurs combats intimes, c'était beaucoup de force
25:21 et souvent de hargne entre eux, c'était des combats très forts.
25:25 Néanmoins, il me semble qu'ils avaient une notoriété
25:29 en face du Premier ministre et surtout de l'Elysée,
25:32 qui était grande. Je ne veux pas m'engager dans des comparaisons,
25:35 mais si vous me demandez pourquoi cette génération,
25:38 ce qu'on peut dire de cette génération devant la politique,
25:41 je dirais que c'est essentiel en démocratie
25:43 que des jeunes femmes et des jeunes hommes aient envie
25:46 d'entrer en politique, en particulier au Parlement.
25:49 Il faut donc y veiller et installer tous les ressorts possibles
25:52 pour aller dans ce sens-là. C'est un vrai défi démocratique.
25:55 -Heureux de vous l'entendre dire.
25:57 Le temps passe vite avec vous, Jean-Noël Janney.
26:00 La dernière question, celle que j'ai posée à tous les autres.
26:03 Vous avez passé donc deux ans, quatre ans au gouvernement.
26:07 Quelles sont les trois qualités indispensables
26:11 pour être un bon ministre ?
26:13 -Ah !
26:14 L'écoute.
26:18 -Et la pratique. -Être attentif.
26:20 Je ne fais pas de hiérarchie.
26:22 L'écoute, la distance,
26:25 je veux dire ne pas vouloir se mêler de tous les détails,
26:28 mais peut-être une certaine capacité pédagogique
26:31 pour expliquer ce qu'on fait et que le public le comprenne
26:35 et que vos supérieurs comprennent qu'il y a des choses
26:38 qu'on n'acceptera pas de toute façon.
26:40 -Merci beaucoup, Jean-Noël Janney.
26:42 -Merci de votre accueil. Je suis sensible.
26:45 ...
26:57 [Musique]

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