KEMMLER, discussion avec Mr. Sable

  • il y a 4 mois
Après une pause de plusieurs années, Kemmler revient avec son nouvel album : Alain.

Dans cette discussion il revient sur ce qui fait sa personne et son univers.
Entre son père, Disney, l'OM et Orelsan, Kemmler partage ses moments de vie !

Découvrez son prochain album, Alain, ce vendredi 31 mai.

Retrouvez Kemmler :
Insta : @ke2mler
YouTube : @KemmlerTV

Réalisation / Cadrage : Nino Vischetti & Laura Costa
Son : Laura Costa
Remerciements : Pauline Raignlaut, ESP Paris et Arthur Husson

Contact : contact.monsieur.sable@gmail.com

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Music
Transcript
00:00 [Musique]
00:07 Bonjour Kemler, merci beaucoup de s'être avec nous.
00:10 Avec grand plaisir.
00:11 On est là pour parler de ton prochain album "Alain" qui sort ce vendredi 31 mai.
00:15 Alors déjà pour commencer, est-ce que tu peux nous dire qui tu es, d'où tu viens
00:17 et c'est quoi le dernier morceau que tu as écouté avant de venir ici ?
00:20 Oh wow, alors moi c'est Kemler, je suis un rappeur marseillais,
00:25 signé chez Island Dev Jam.
00:28 Je suis en train de...
00:31 Enfin je vais bientôt sortir mon album qui s'appelle "Alain", qui parle de mon papa
00:34 et qui est le projet le plus important de ma vie.
00:38 Et puis le dernier morceau que j'ai écouté avant de venir ici, en vérité,
00:41 je pense que c'est...
00:44 C'est un peu malgré moi, puisque j'étais dans un taxi,
00:48 mais j'aime bien quand même, mais du coup c'est pas un choix.
00:50 Mais j'ai écouté Slimane ou...
00:52 - "Mon amour" - "Mon amour", ouais.
00:54 Ok, oui, ils tournent partout de toute façon, c'est très sûr.
00:56 C'était... Je me suis fait plaquer au sol pour l'écouter.
01:00 - Ah on le souhaite pour ça. - Mais j'aime bien, je trouve ça cool.
01:02 Ok, du coup tu disais "Alain", c'est ton prochain album,
01:04 il intervient deux ans après ton dernier projet, et moi,
01:07 qui s'inscrivait dans une suite de sorties assez forte.
01:09 Il y a eu quatre projets entre 2020 et 2022.
01:12 Comment ça se passe, une pause comme ça, après un gros rythme de sortie ?
01:15 Comment ça se passe ? Je crois que ça dépend en fait de ce que tu fais.
01:20 Il y en a qui font un choix,
01:23 et moi pour le coup ça s'est un petit peu imposé.
01:26 J'ai mon papa qui est tombé très malade.
01:27 Ça a été je pense la période la plus difficile de ma vie.
01:32 Et j'ai été... Je me suis en fait rendu compte que
01:36 la musique, même si c'est hyper passionnel pour moi,
01:41 ça ne fonctionne que si mentalement ça va.
01:45 Pour le coup ça n'allait pas du tout.
01:46 Donc mon papa a eu un cancer, j'ai voulu arrêter la musique complètement.
01:53 Je ne trouvais plus la force ni d'écrire ni de raconter des choses.
01:56 Et en fait, il y a une pause qui s'est faite seule,
02:00 qui s'est faite complètement seule et qui a créé aussi un processus d'album
02:04 qui était complètement différent.
02:05 Parce que du coup, j'avais arrêté, mon père était dans le coma.
02:10 Je faisais beaucoup de retours entre...
02:12 Parce que je me suis retrouvé un peu bloqué à Paris.
02:14 Et nous on vivait à Marseille avec ma famille.
02:18 Et mon père est tombé dans le coma à Paris.
02:20 Donc en fait, je me suis retrouvé à faire des aller-retours
02:23 entre le studio où je dormais parfois et puis l'hôpital.
02:30 Mais j'ai commencé à écrire petit à petit.
02:33 Et c'est comme ça que l'album a commencé à être créé.
02:36 Et c'est pour ça qu'il s'est appelé Alain,
02:38 puisque le prénom de mon père s'est imposé à ce moment-là,
02:41 parce qu'avec lui qui comptait.
02:43 C'est vrai que tu l'as mis justement, je crois, dans la cover du single.
02:45 C'était cette fenêtre d'hôpital.
02:47 Ouais.
02:47 Et c'est là les prémices au réservoir du projet.
02:49 Ouais, c'est là que ça a commencé.
02:53 Quand mon père était à la petite salle pétrière.
02:57 D'ailleurs, je le remercie pour le travail qu'ils ont fait.
02:59 Incroyable.
03:00 Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que...
03:03 Ce qui se passe en réa, dans cet hôpital,
03:07 c'est que c'est du 24/24, les besognes.
03:09 Ça veut dire que tu peux dormir ici.
03:12 C'est mieux ça, c'est bien.
03:13 Rester ici, tu pouvais pas manger,
03:15 tu pouvais rien amener de l'extérieur dans la chambre,
03:17 puisque du coup, toute possibilité de bactéries,
03:20 on essaie de les éviter.
03:22 Mais du coup, ouais, en fait, moi, ce que je faisais,
03:25 c'est que je me levais à 8 heures du matin,
03:27 j'allais à l'hôpital avec ma maman
03:29 et qu'on restait jusqu'à à peu près 21 heures.
03:36 On partait, moi je partais en studio
03:40 jusqu'à 3-4 heures du matin.
03:42 Et ensuite, je dormais un petit peu,
03:45 des fois au studio, des fois dans l'appart,
03:48 qu'on squattait d'un ami à moi, tu vois.
03:50 Puisqu'on a vécu avec ma mère
03:51 dans un 14 mètres carrés à ce moment-là,
03:53 prêté par un vrai ami.
03:57 Et en fait, à ce moment-là,
04:00 ouais, j'écrivais quoi, j'écrivais.
04:03 Et la seule chose que je voyais,
04:05 c'était la chambre de l'hôpital de mon père,
04:08 parce que j'avais plus de vis-à-vis dans rien.
04:12 - Et ça t'a aidé justement, cette écriture,
04:14 ça t'a permis de pas craquer ?
04:15 - Ouais, je crois que ça m'a aidé.
04:17 Pendant un temps, c'était vraiment impossible,
04:19 comme je te disais, vraiment impossible pour moi.
04:21 Et malgré le fait que j'essayais.
04:24 Et ensuite, ça s'est imposé à moi un petit peu,
04:27 et surtout grâce à des proches, tu vois.
04:29 Parce que je travaille avec mes amis, tu vois.
04:32 Je travaille avec mes amis,
04:33 j'ai la chance de faire un métier que j'aime,
04:35 avec des gens que j'aime.
04:36 Et c'est eux en fait qui m'ont tiré vers le haut,
04:41 sans pour autant me brusquer,
04:42 et je les remercie pour ça.
04:44 Et puis, j'ai aussi eu le projet "S'élever" aussi.
04:47 - Donc ils t'ont donné la force aussi.
04:48 - Ouais, complètement.
04:49 - Et justement, ça fait réfléchir sur la question
04:51 de la santé mentale, et t'en parlais récemment en story.
04:53 Toi, comment tu vois cette question de la santé mentale
04:55 chez les artistes, et plus particulièrement dans la musique ?
04:58 - C'est difficile, tu vois, je suis une porte-parole de personne,
05:00 donc c'est difficile de dire ça,
05:02 mais en tout cas, en ce qui me concerne,
05:05 je crois que j'ai jamais été meilleur
05:07 qu'en étant dans la santé mentale la plus désastreuse
05:11 de laquelle j'ai été de toute ma vie.
05:12 J'ai connu des choses que je connaissais pas.
05:16 J'ai connu, un, la dépression,
05:18 deux, j'ai connu les crises d'angoisse.
05:20 Moi, tu vois, j'ai pas grandi dans ça, quoi.
05:24 On s'est jamais autorisé à se dire
05:26 "ouais, j'ai une crise d'angoisse".
05:28 En fait, là, ouais, ça a été...
05:32 Franchement, j'ai eu une petite dépression
05:35 de trois, quatre mois, en vérité.
05:38 - T'as découvert de nouveaux aspects, en fait, de ces choses ?
05:39 - Ouais, et puis j'étais infréquentable, quoi.
05:42 Je le savais, donc j'essayais de m'éloigner de tout le monde
05:44 parce que j'étais pas capable de...
05:47 Tu vois, quand tout le monde rigole dans une soirée
05:49 et que toi, pas du tout,
05:51 bah les gens ont plus envie de rigoler, quoi.
05:52 Donc t'essayes de t'éloigner,
05:54 tu veux pas créer de malaise, de mauvaise ambiance.
05:56 Mais en fait, chaque rire devient coupable.
05:59 Chaque fois que tu rigoles, t'es coupable, en fait,
06:00 parce que tu te dis "putain, mais j'ai une situation horrible,
06:03 qu'est-ce qui me prend à rigoler, tu vois ?"
06:04 - T'as l'impression de pas avoir le droit avec le pouvoir.
06:06 - Ouais, donc ouais, j'ai...
06:09 Et c'est là, paradoxalement, que...
06:12 Bah je crois que textuellement, j'ai été le meilleur de ma vie.
06:16 C'est là où j'ai obtenu le plus de trucs de ma vie
06:17 puisque j'écris aussi pour d'autres artistes.
06:19 Et puis j'ai bossé une tonne de gros projets à ce moment-là
06:23 et pour des super artistes aussi.
06:26 Et ouais, je me suis dit "OK, OK,
06:31 est-ce qu'il faut cultiver ce spleen
06:33 et cette mélancolie et cette tristesse ?"
06:36 Je sais pas, mais tu vois, tu les cultives avec des choses
06:39 qui sont peut-être pas hyper recommandées, tu vois.
06:42 Comme l'alcool, par exemple.
06:45 Donc c'est... Ouais, c'est difficile.
06:46 - Mais justement, "Alain", c'est sûrement ton album
06:48 le plus introspectif, celui où tu te livres le plus.
06:51 Mais t'as toujours été assez transparent.
06:52 Tu disais déjà en 2020, sur "Absolution",
06:55 "je chante pas la rue, je chante pas la cité, je chante moi".
06:57 Cette transparence, ça a pas changé et c'est pas prêt de changer ?
07:00 - Non, ça a pas changé. Je crois que c'est intéressant.
07:04 J'ai revu ce débat-là il y a pas longtemps, en plus,
07:05 et je crois que c'est hyper intéressant de se dire,
07:08 je prends un artiste comme Orelsan, tu vois,
07:10 qui en passait la trentaine.
07:12 En fait, il raconte qu'aujourd'hui, ce qu'il veut,
07:15 c'est avoir un enfant, mais qu'il galère à avoir un enfant.
07:17 En fait, ça va intéresser son public,
07:19 parce qu'ils ont grandi avec lui, tu vois.
07:22 Par contre, quand tu racontes la rue depuis 10 ans
07:24 et que tu commences à grandir,
07:28 à avoir une situation financière qui est complètement différente
07:32 de celle que t'avais il y a 10 ans, tu vois,
07:34 donc que t'as réussi grâce à la musique,
07:37 mais que t'as raconté que la rue,
07:38 quand tu commences à avoir des problèmes qui sont différents,
07:41 comme vouloir avoir un enfant, avoir une dépression,
07:44 parce que ça arrive à une tonne d'artistes,
07:46 et même ceux qui racontent les trucs les plus horribles de la rue,
07:50 en fait, ton public, il s'en fiche.
07:52 C'est pas ça qui va en tant que toi, tu vois.
07:54 Et j'ai toujours pris le chemin de raconter un peu ce que je vivais
07:58 et ce que je connaissais le mieux.
08:01 Et ça me permet de grandir avec mon public
08:03 et en grandissant, de ne pas me dire
08:07 "Je suis mort, je ne peux plus rien raconter, en fait."
08:09 Ce que je vivais là, sur cet album,
08:11 c'était une séparation, un papa très malade, une dépression,
08:19 et en fait, que je le raconte dans mes projets,
08:21 je sais que mon public, c'est au final ce qu'ils attendent.
08:26 Donc ça fonctionne, quoi.
08:28 C'est vrai que justement, on y pense, quand on écrit un projet comme ça,
08:30 de comment il va être reçu, des messages qu'on fait passer,
08:32 ou c'est surtout un exercice pour soi de se libérer.
08:34 Au départ, pas vraiment.
08:36 En tout cas sur ce projet, j'ai travaillé vraiment différemment d'avant, tu vois.
08:39 C'est-à-dire qu'avant, j'avais ce truc-là.
08:41 Je m'enfermais un petit peu tous les projets que j'ai faits,
08:46 et puis une tonne d'artistes travaillent comme ça.
08:48 Tu fais ce qui s'appelle des séminaires,
08:49 c'est-à-dire que tu t'enfermes dans un lieu,
08:51 t'es avec ton équipe avec qui tu travailles,
08:54 ton manager, ton compo, machin,
08:56 il y en a comme plusieurs compos, machin, et tout, tu vois.
08:59 Et c'est comme ça, en fait, que j'ai travaillé mes albums précédents.
09:02 Donc, il y a beaucoup de réflexion, beaucoup de stratégie de base.
09:06 Là, pas du tout, en fait.
09:07 Là, en fait, ça a été...
09:09 J'ai besoin d'écrire, j'ai besoin de raconter ce que je vis,
09:11 parce que de toute façon, je ne suis pas quelqu'un qui parle dans la vie de tous les jours,
09:14 je suis quelqu'un qui fait une tonne de blagues,
09:15 et c'est que de la vanne, et on n'est que dans la surenchère,
09:17 on n'est que des bots très vanneurs, et c'est que de la surenchère.
09:21 Mais on ne se raconte pas, genre,
09:23 "Oui, ça ne va pas vraiment en ce moment",
09:25 "Ce n'est pas ça, en fait", tu vois.
09:27 Et ça, je l'ai...
09:28 C'est maintenant que je l'ai découvert.
09:30 C'est-à-dire, aujourd'hui, j'ai 34 ans,
09:32 c'est comme ça, en fait, que j'ai découvert
09:34 que oui, en fait, tu peux parler avec tes amis,
09:36 tu peux raconter des choses tristes, et en fait, ce n'est pas grave, tu vois.
09:39 Et ça, ça...
09:41 Les amis, ce n'est pas que pour se marrer.
09:44 Il y a aussi des moments durs,
09:46 et tes amis sont là pour ça, et je l'ai découvert là, en fait, tu vois.
09:49 En tout cas, si tu n'es pas capable de parler à tes amis,
09:54 ce n'est pas l'amour, en fait.
09:56 - OK.
09:57 - Et du coup, ouais, moi, cet album, il s'est fait comme ça, quoi.
10:01 Beaucoup de discussions, beaucoup de...
10:04 Beaucoup de ressentis que j'avais besoin d'exprimer, etc.
10:07 Donc, ça a été zéro stratégie.
10:09 - Et tu penses, ça a joué aussi un peu sur tes relations,
10:11 du coup, tu te sens plus capable de parler un petit peu,
10:13 de dire tes émotions, maintenant ?
10:15 - À certaines personnes, oui. - OK.
10:17 - Et ils le savent. - OK.
10:19 - Aujourd'hui, ils le savent, parce que ce que j'ai traversé,
10:21 ils l'ont traversé avec moi,
10:23 et je le rensuis reconnaissant.
10:26 Je ne suis pas quelqu'un qui oublie.
10:28 Donc, ouais, ça y est, ils font partie de ma vie pour toujours.
10:31 - Ça, ça valide certaines personnes. - Ouais.
10:33 - Et justement, donc là, il y a deux singles qui sont sortis.
10:35 Donc, il y a "Alain" et "Merci pour rien".
10:37 Et dans "Merci pour rien", tu parles d'une rupture difficile,
10:39 et c'est un texte où tu es très ouvert,
10:41 tu te lâches, on ressent vraiment tes émotions.
10:44 Et, par exemple, je l'ai senti un petit peu comme si,
10:46 dans ce texte, tu avais réussi à tout lâcher,
10:48 alors que dans le quotidien, dans cette rupture que tu as vécue,
10:50 c'était plus difficile.
10:52 Et est-ce que c'est vraiment ça ?
10:54 C'est que dans la vie de tous les jours,
10:56 tu as du mal à mettre des mots,
10:58 les trouver les mots justes dans certaines situations ?
11:00 - Ouais, ce qui s'est passé pour "Merci pour rien",
11:02 c'est que je ne me suis pas mis que dans ma peau à moi.
11:04 J'ai essayé de résumer ce que la personne en face ressentait,
11:08 et ce que moi, je ressentais,
11:10 de faire un petit peu un mélange des deux,
11:12 et de le raconter comme une seule personne.
11:15 Donc, en tout cas, c'est ma perception
11:17 de ce qu'elle ressentait à ce moment-là,
11:19 et c'est ma perception, enfin,
11:21 de ce qu'elle ressentait aussi à ce moment-là.
11:23 Et ce texte, il a été...
11:25 Il s'est un peu imposé à moi.
11:28 C'est un des derniers, pas loin d'un des derniers tracks
11:31 que j'ai écrits du projet.
11:33 Tous ces goupillés, en fait, pour que ça se passe.
11:36 Et c'est la beauté de ce track, un petit peu.
11:39 - Oui, un peu en fruit du hasard là-dedans.
11:41 - Complètement. - OK, ça fait la force du track.
11:43 Et justement, aussi, tu as réussi quand même
11:45 à trouver les mots justes dans ce projet.
11:47 Et de manière générale, tu as toujours su bien jouer
11:49 pour trouver les bonnes figures.
11:51 À un moment, tu dis, dans une des tracks,
11:53 "Je parle en Disney parce que ça rend tout beau."
11:55 - Ouais. - Et est-ce que tu penses que toi aussi,
11:57 t'as pas réussi à trouver cette forme
11:59 qui embellit les choses les plus difficiles de la vie ?
12:01 - Tu sais quoi ? Quand j'ai écrit ça,
12:03 je me suis rendu compte que je faisais
12:05 beaucoup plus de références à des trucs de gosses,
12:07 parce qu'en fait, j'ai une fille, tu vois.
12:09 J'ai une petite fille de 3 ans et demi.
12:11 Et je regarde beaucoup de Disney.
12:15 Et je suis allé à Disney deux fois.
12:18 Et c'était un peu le paradoxe, en fait, déjà.
12:20 Il y avait un gros paradoxe.
12:22 C'est que quand mon papa était à l'hôpital,
12:24 je récupérais ma fille tous les week-ends.
12:26 Donc je descends de Marseille et je remontais ma fille.
12:28 - OK. - Et à ce moment-là,
12:30 en fait, un paradoxe.
12:32 Ça veut dire que tu te retrouves à l'hôpital
12:34 à craquer complètement,
12:36 à côté de mon papa,
12:38 qui était dans le coma à ce moment-là.
12:40 Puis je descendais,
12:42 je récupérais ma fille,
12:44 et t'avais l'impression, en fait,
12:46 que plus rien n'existait.
12:48 J'avais juste ma fille.
12:50 Et là, j'avais plus aucune culpabilité, en fait,
12:52 à vivre des moments beaux
12:54 avec l'insouciance
12:56 que peut avoir un enfant de 3 ans, en fait, tu vois.
12:58 - C'est beau. - Je me suis retrouvé à aller à Disney
13:00 et à vivre des trucs à Disney
13:02 alors que j'étais dans un...
13:04 dans un tourbillon.
13:06 J'étais complètement en enfer.
13:08 Mais en fait, l'espace d'un temps,
13:10 c'est comme si on me donnait de la morphine, en fait, tu vois.
13:12 T'as la morphine et t'es...
13:14 L'espace du temps
13:16 où la morphine fait effet,
13:18 ça va. Et la morphine,
13:20 pour le coup, c'était ma fille, quoi.
13:22 Et pour revenir à cette phrase,
13:24 donc je suis allé deux fois à Disney,
13:26 j'ai regardé une tonne de Disney,
13:28 donc je commence à faire ces références-là.
13:30 Et je me suis rendu compte en disant...
13:32 J'ai écrit cette phrase parce que je me suis rendu compte
13:34 que...
13:36 il y avait beaucoup plus
13:38 de tristesse dans les Disney que ce qu'on peut penser.
13:40 Et en fait, je me suis dit,
13:42 en fait, c'est juste que...
13:44 le transformer avec des animaux
13:46 qui parlent, etc., ça rend tout plus joli, quoi.
13:48 - Surtout d'un point de vue d'un enfant
13:50 où on voit les choses beaucoup plus belles.
13:52 OK, c'est très beau, ça. Dans ton album,
13:54 il est quand même hyper varié.
13:56 Il y a des sons, donc tu commences avec une intro très rap.
13:58 Après, il y a un petit peu plus de variété,
14:00 du rap chanté. Il y a parfois de l'électro,
14:02 même un peu de la dubstep. - Ouais.
14:04 - Est-ce que t'as voulu justement aussi trouver
14:06 plein d'autres genres pour mieux retranscrire
14:08 ce que tu ressentais avec ton père,
14:10 tout ce que ça pouvait transmettre en toi?
14:12 - J'ai pas réfléchi
14:14 en termes de style.
14:16 J'ai réfléchi en...
14:18 en vrai ressenti. Ça veut dire que
14:20 le drop
14:22 dubstep, par exemple,
14:24 il y a Youssoupha
14:26 qui avait fait un titre à l'époque qui s'appelle
14:28 "La vie est belle", que j'ai toujours gardé en tête
14:30 c'était le premier artiste de rap français
14:32 à faire de la dubstep et à mettre
14:34 un drop dubstep dans un album
14:36 qui a fait...
14:38 qui a fait plus que Platine
14:40 si je dis pas de bêtises.
14:42 Et ce morceau m'a toujours marqué.
14:44 - OK. - Et...
14:46 je savais qu'il fallait
14:48 un drop dans ce titre-là
14:50 et ça s'est un peu...
14:52 ça s'est un peu fait comme ça. Je savais que je voulais
14:54 de la dubstep, etc. Et en fait on a créé
14:56 ce titre-là comme ça. - C'est rare
14:58 quand même. - C'est complètement rare.
15:00 - C'est rare. - Mais en fait c'était juste...
15:02 c'est un ressenti en fait. J'ai pas travaillé
15:04 cet album...
15:06 - Ouais, avec zéro stratégie. Je me suis dit
15:08 "OK,
15:10 aujourd'hui, les gens
15:12 qui me suivent, c'est des gens
15:14 qui aiment ce que j'aime."
15:16 En général on a les mêmes goûts.
15:18 Donc en fait quand je ressens un truc,
15:20 bah je me dis
15:22 y'a forcément des gens qui vont le ressentir aussi.
15:24 - Le public sera là. - Donc en fait je me suis dit
15:26 "Voilà, fais-toi confiance,
15:28 dans tous mes albums y'a des morceaux que j'aime pas."
15:30 Ça m'est arrivé
15:32 dans tous mes albums. Y'a toujours un ou deux morceaux
15:34 où je me dis "Je préfère pas."
15:36 Mais tu vois ça peut être
15:38 plus aimé par la maison de disques
15:40 ou le manager, machin.
15:42 Et tu fais confiance, c'est des gens à qui tu fais confiance.
15:44 - Mais donc même au moment de le sortir,
15:46 t'as eu des tracks, etc. - Ouais, t'as toujours
15:48 des complétissances de tracks, etc.
15:50 Et je me trompe rarement, en tout cas
15:52 sur mes tracks à moi.
15:54 Et là je me suis dit "OK, je me fais confiance, je fais des trucs
15:56 que j'aime." Et en fait
15:58 y'a pas un track de cet album-là
16:00 que je suis pas capable de défendre
16:02 avec les ongles. Y'a un peu d'électro.
16:04 Mes refrains ont très souvent été chantés
16:08 dans mes projets. Et de toute façon
16:10 je pense que ça fait partie aujourd'hui du rap.
16:12 Le rap a tellement
16:14 de facettes qu'aujourd'hui c'est difficile de dire
16:16 "Ah ça c'est du rap, ça c'est pas du rap." En vrai y'a
16:18 plein de types de rap différents.
16:20 Je crois que je fais du rap.
16:22 Je barre
16:24 un peu les artistes à chaque fois qui disent
16:26 "Oui mais non, moi je suis un peu plus un artiste,
16:28 donc c'est pas du rap que je fais." Ça m'énerve un peu.
16:30 Parce que les artistes sont des...
16:32 Enfin les rappeurs sont des
16:34 super artistes. Et voilà,
16:36 en tout cas je défends le rap.
16:38 J'ai grandi dans une mentalité très
16:40 hip-hop. Et j'ai commencé la
16:42 musique en 2004.
16:44 Dans des ateliers rap
16:46 où c'était que de la punchline.
16:48 Donc c'est
16:50 la façon dont j'ai commencé à écrire.
16:52 Je la renie pas. Je fais
16:54 ce que j'aime aujourd'hui. Et
16:56 peu importe le nom qu'on lui donne, en tout cas
16:58 moi j'appelle ça du rap. - Il y a aussi un truc
17:00 de maturité, je pense, de s'orienter plus vers
17:02 d'autres français, etc. - Ouais, bien sûr.
17:04 - Pour Elsa, c'est un bon exemple de ça. - Ouais, bien sûr.
17:06 Puis il y a plein de gars, tu vois.
17:08 Et on me parlait tout à l'heure
17:10 de Lafouine.
17:12 Et
17:14 Lafouine c'était le premier rappeur
17:16 à chanter à une époque
17:18 où il
17:20 sort l'album "Aller-Retour".
17:22 Si je dis pas de bêtises.
17:24 Et en fait c'est le premier
17:26 gars qui chantait, mais il était en avance.
17:28 Avant on chantait pas, quoi.
17:30 Et c'est le premier gars en me disant
17:32 "Je suis fan de Jacques Brel, machin
17:34 et tout, ça paraissait fou à l'époque, et aujourd'hui
17:36 ben...
17:38 - Il est là en plus. - Il est là un rappeur qui
17:40 aujourd'hui revient. - Il fait de retour, ouais.
17:42 - Je suis très content pour lui. - Et justement
17:44 on se mélange aussi l'intervient dans tes feats avec
17:46 Nae et Loud. - Ouais.
17:48 - Comment t'as pris cette décision, parce que ça reste des feats
17:50 justement assez risqués. Parce que ça sort de...
17:52 T'aurais pu prendre un rappeur avec qui t'as déjà featé,
17:54 tu sais que ça matche, là tu prends ce risque.
17:56 Comment ça s'est passé ? - Comment ça s'est passé
17:58 pour Loud ?
18:00 L'album
18:02 a été réalisé par Banks & Wanks,
18:04 qui sont des producteurs
18:06 québécois.
18:08 Qui ont fait
18:10 entre autres
18:12 Sean Paul, DJ Snake,
18:14 Dua Lipa, ils ont fait une tonne de trucs.
18:18 Et je les ai
18:20 rencontrés un peu par hasard, et on a matché
18:22 à un moment où je cherchais un réel.
18:24 Je cherchais un réel, pourquoi ? Parce que
18:26 c'est la première fois que
18:28 j'avais beaucoup de compositeurs différents
18:30 sur un même projet.
18:32 Et je voulais une homogénéité, je voulais
18:34 bien sûr que chacun ait sa patte,
18:36 tu vois. Mais je voulais pas qu'on se dise
18:38 c'est une succession de morceaux qui ont rien à voir.
18:40 Donc, j'ai trouvé
18:42 je pense, on est tombés
18:44 professionnellement
18:46 amoureux
18:48 mutuellement, avec ce gars-là
18:50 notamment Yannick.
18:52 Et en fait,
18:54 on a fait
18:56 un morceau ensemble, on a fait un track qui s'appelle "Lendemain",
18:58 on démarre le track, etc.
19:00 Et puis, moi, Loud, c'était
19:02 c'est une référence que j'ai depuis longtemps.
19:04 C'est un gars que
19:06 j'aime beaucoup, et c'est une musique que
19:08 j'écoute. Et il me dit
19:10 "Est-ce que tu connais Simon Lard ?"
19:12 Et tout, je dis "Ouais, j'aime bien, de fou !"
19:14 Il dit "Putain, j'aimerais trop qu'il soit sur ce track,
19:16 qu'est-ce que t'en penses ?" Je lui dis "Putain, franchement, ce serait chanmé."
19:18 On l'a appelé
19:20 en session, il a dit "Je suis trop chaud."
19:22 Ça s'est fait, ça s'est
19:24 été assez fluide. - Ok, très naturellement.
19:26 - Ouais, hyper naturellement.
19:28 Et pour Nae, ça a été un peu différent.
19:30 Moi, je suis quelqu'un qui
19:32 qui digue beaucoup, sur les réseaux,
19:34 tu vois. Je regarde une tonne de
19:36 vidéos et tout.
19:38 Et un petit peu comme
19:40 ça s'est fait avec Emma Peters à l'époque,
19:42 où Emma Peters avait, quand
19:44 j'ai demandé un feat à
19:46 Emma Peters, elle était inconnue
19:48 complète. - Ok, mais t'avais digué, t'avais trouvé le truc.
19:50 - En fait, j'ai...
19:52 J'étais tombé en amour totale de sa voix.
19:54 C'est toujours le cas.
19:56 Et en fait,
19:58 j'avais tellement aimé
20:00 que je lui ai proposé d'être sur le projet.
20:02 Et Nae, ça s'est passé de la même façon,
20:04 en fait. Je suis tombé sur des vidéos,
20:06 deux, trois fois.
20:08 J'étais hyper touché par sa voix.
20:10 On avait aussi un truc de
20:12 similitude,
20:14 où à un moment, moi, les réseaux,
20:16 on commençait à prendre avec des vidéos acoustiques.
20:18 Et elle aussi. - Elle est dedans
20:20 à fond. - Et du coup,
20:22 je trouvais ça chanmé.
20:24 On était un soir très tard avec
20:26 Nazim, avec qui j'ai fait ce titre.
20:28 Et en fait, j'ai dit, j'aimerais trop que Nae soit là.
20:30 Je lui ai envoyé un message.
20:32 Je crois que le lendemain,
20:34 ou deux jours après, on avait le titre.
20:36 - C'est pour ça qu'elle est très forte, elle aussi.
20:38 - Elle est incroyable. - Cette vidéo acoustique,
20:40 c'est hyper intéressant. - Elle est incroyable.
20:42 - Tu m'as parlé, donc,
20:44 des références à Disney, et tu as parlé d'Oresan.
20:46 Il y a plein de références dans ton album.
20:48 Je crois qu'il y a Vincent Cassel.
20:50 Toi, justement, est-ce que tu as eu des artistes
20:52 qui t'ont un petit peu inspiré, qui t'ont aidé ?
20:54 Comme toi, tu peux aider un certain public.
20:56 - Moi, j'ai été...
20:58 Alors, j'ai commencé le rap
21:00 avec des artistes
21:02 vraiment
21:04 portés sur le texte.
21:06 Et beaucoup plus d'artistes parisiens
21:08 que marseillais, paradoxalement.
21:10 - Tu as grandi à Marseille. - Oui, j'ai grandi à Marseille,
21:12 mais j'ai toujours été beaucoup plus attiré
21:14 par le rap parisien. À l'époque,
21:16 moi, vraiment,
21:18 les gars qui ont
21:20 commencé à vraiment
21:22 me matrixer en termes de peura,
21:24 c'était Thierry James,
21:26 Medine, Youssoupha,
21:28 vraiment les trois
21:30 qui ont vraiment eu le plus
21:32 d'influence, en tout cas, dans mon rap.
21:34 - Pour force, c'est ton rap. - Oui.
21:36 Et j'ai toujours été impressionné par les mecs
21:38 qui écrivent. Donc, c'est toujours
21:40 ça qui m'a attrapé beaucoup plus que les
21:42 prods, en tout cas, sur les premières écoutes.
21:44 Et après,
21:46 en vérité,
21:48 ce qui m'a beaucoup influencé
21:50 dans ma musique,
21:52 c'est
21:54 le sport. Je parle
21:56 beaucoup de sport, je parle beaucoup de foot,
21:58 de référence foot, parce que, en fait,
22:00 c'est une passion aussi, tu vois.
22:02 Je suis passionné de football, et en fait,
22:04 en parler, ça se fait naturellement.
22:06 Je réfléchis pas à ce que je vais dire ça,
22:08 parce que comme j'aime le foot, en fait, ça se fait naturellement.
22:10 - C'est en toi. - On a toujours eu
22:12 ce truc-là, tu vois.
22:14 Toutes mes références, elles sont footballistiques.
22:16 Tous mes parallèles,
22:18 ils sont en rapport avec le football.
22:20 Et en fait, ça se fait
22:22 seul quand j'écris, quoi.
22:24 Donc, comme j'écris pour beaucoup d'artistes
22:26 pop, c'est des références
22:28 que je peux pas vraiment faire. - Ouais, c'est difficile.
22:30 - Ça me frotte un peu, parce que j'en ai plein, je te jure, à chaque fois.
22:32 Et quand c'est moi, par contre,
22:34 je suis... Mais j'essaye de...
22:36 En tout cas, j'essaie qu'elle soit pointue, tu vois.
22:38 Juste dire "t'es rapide comme Mbappé",
22:40 ou des trucs comme ça, ça me fait pas
22:42 vibrer, tu vois. J'ai un peu envie de faire vibrer
22:44 les fans de foot. - OK. Et tu m'as dit
22:46 que t'étais plus inspiré par la scène rap parisienne.
22:48 - Ouais. - Pour le foot, t'étais plus
22:50 inspiré par le... Non, c'est vrai,
22:52 c'était sur Marseille, là ? - C'était sur Marseille.
22:54 - OK. Eh bien, écoute, merci beaucoup.
22:56 - Merci à toi. - Merci pour t'avoir répondu à nos questions,
22:58 t'avoir pris le temps. - C'était très cool. - Du coup, ton prochain album,
23:00 qui sort le 31 mai, "Alain". - Exactement.
23:02 - C'est un très bel album. - Merci beaucoup.
23:04 - Tu vas aider beaucoup de monde avec ça aussi.
23:06 - J'espère. J'espère. On est des psys
23:08 mutuels, tu vois. Si moi je les aide,
23:10 eux, ils m'aident. On est trop bien.
23:12 - C'est la plus belle chose pour finir. Merci encore.
23:14 - Merci à toi.

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