L'artiste Micheline SIMON découvre son exposition à La Fabrique Centre d'Art et commente ses oeuvres auprès d'Evelyne ARTAUD, critique d'art et commissaire de cette exposition.
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00:00 Bon alors...
00:02 À la...
00:04 À l'expo !
00:05 À la métier !
00:06 À la métier !
00:07 Le jeu qui se fait dans le travail, c'est que chaque élément trouve sa bonne place,
00:12 sa juste place.
00:13 C'est ni la bonne, ni la mauvaise, mais il trouve sa place et c'est vrai que c'est
00:18 un truc qui n'appartient pas vraiment à celle qui est en train de mettre ça.
00:22 Ça se fait comme une évidence en fait.
00:26 En fait t'es ennuyé.
00:28 Oui.
00:29 Chaque chose amène une autre, un petit peu comme la suite infinie des causes qui créent
00:33 des effets, qui créent des causes, qui créent des effets.
00:36 Et ça se fait comme ça jusqu'au moment où c'est terminé et ça, ça se fait aussi
00:41 naturellement.
00:42 Oui, oui, oui.
00:43 Quand je colle, je pratique une langue, je colle, je dessine, il y a Dame Venture aussi,
00:49 j'écris.
00:50 C'est comme si je parlais une langue que je ne connaissais pas, je ne savais pas du
00:52 tout ce que...
00:53 Et quand je regarde, ça me parle.
00:56 Mais ça ne me parle pas comme un message, ça me parle, ça me touche, ça vient m'atteindre
01:04 quelque part où je ne savais pas que j'étais là.
01:07 Et là, ce que j'aime justement en également comme ça, c'est qu'à la fois on est dans
01:12 ce que j'appelle l'éparpillement de soi, c'est-à-dire cette multitude de choses qui
01:16 nous habitent, qui nous fait passer d'un état émotionnel à un autre, d'une pensée
01:22 à une autre, etc.
01:23 D'un souvenir à l'autre.
01:24 Voilà.
01:25 Et d'un coup, cette accumulation d'espace, de temps, là vous avez fait une chose.
01:31 Et cette unité quand même que l'accrochage permet, ça me renvoie quand même, là je
01:39 deviens spectateur complètement de...
01:41 De toi-même.
01:42 Oui.
01:43 Non mais de ce que vous avez fait.
01:44 Spectateur de ce que vous avez fait.
01:47 Parce que ça devient quelque chose que vous êtes approprié d'une certaine manière en
01:51 disant mais pas d'espace alors que ça avait été déjà accroché avec des espaces.
01:56 Et là, franchement, pour moi ça me bouleverse.
02:02 Ta façon là d'entrêter le vide alors que tu fais du plein.
02:05 Oui.
02:06 J'aspire au vide, mais je n'y arrive pas.
02:09 Ben si, là, là.
02:10 Mais là il y a du vide.
02:11 Oui.
02:12 Oui, voilà.
02:13 Là aussi.
02:14 Et là, oui, mais ça c'est récent.
02:16 C'est récent cette espèce d'ouverture.
02:18 Il y a comme un creux qui se fait.
02:20 C'est en train de se faire à l'intérieur.
02:22 Une issue.
02:23 Il y a quelque part une issue.
02:24 Il y avait ce projet de Jean Luparant, Le Boul des jambes.
02:27 Ah oui, oui, oui.
02:28 Je m'étais dit que c'était quand même très audacieux de proposer une boule.
02:32 Une boule.
02:33 Une boule.
02:34 Et il y avait cette image de Pablo Picasso où il y a ce jeune personnage du cirque qui
02:43 fait un truc d'équilibre sur une boule.
02:46 Et j'avais fait un montage avec cette boule, mais vraiment à ce début, puis après j'étais
02:52 un peu resté là.
02:54 Et j'ai continué avec tous les cours qui restaient.
02:57 Je veux dire c'est fou parce qu'il y en avait des caisses entières, des cours entiers.
03:01 La publicité, c'était marquer les esprits.
03:04 En fait l'important c'est qu'on en parle.
03:06 Donc Benetton à ce moment-là montrait des images dérangeantes et notamment le nourrisson,
03:13 enfin le bébé au moment où il sort du ventre de sa mère.
03:17 Il n'a pas été nettoyé, il n'a pas été longé.
03:21 Il est tout moche.
03:24 Il est plein de tous les miasmes de ce qu'il vient de vivre en fait.
03:29 Le reprise de la danse par Eulstin Stein, à mon sens, je me souviens bien, devait être
03:35 un sujet donné aux élèves sur la copie, l'image.
03:39 La reprise.
03:41 Et ça c'était des sujets d'histoire de l'art par contre, pas des sujets de pratique.
03:48 Il se confond avec le lait et en même temps ça a obligé le conservateur du musée,
03:55 tous les jours d'aller remettre à niveau la surface du lait pour que la pierre se confonde avec le lait.
04:03 Oui, oui, oui, c'était magnifique ça.
04:06 Oui, il avait un sens poétique dans ses...
04:11 De la relation à la nature et à la matière.
04:15 Puis c'était toujours très fin, très suggéré presque.
04:20 Oui, oui, oui, je trouve que ce n'était pas ostentatoire, c'était des choses simples
04:25 mais qui nous amenaient à nous questionner sur cette relation à la nature.
04:31 Et à la couleur.
04:32 Et à la couleur, oui.
04:34 Et à la couleur.
04:36 Et à la couleur, à la lumière.
04:38 Parce que c'est collège, c'est extrêmement lumineux.
04:40 À l'élément aussi.
04:42 À l'élément, oui.
04:44 C'est une Venus en fait et elle est complètement désolidarisée, son corps.
04:49 Il est représentatif un peu des filtres qu'on peut avoir quand on regarde son travail a posteriori.
04:58 D'accord.
04:59 C'est-à-dire que quand je l'ai fait, ou quand on a toujours fait des choses,
05:02 on ne peut pas faire une autre, c'est cet effet de cause et d'effet à l'infini,
05:06 on ne peut pas faire autrement, que là c'est ça qui vient, etc.
05:10 Et quand une fois que c'est fini et que le regard change, que je vois la chose,
05:14 qu'elle me parle, sans savoir au départ ce que j'ai voulu dire,
05:18 et c'est ça qui est extraordinaire, c'est qu'on est dans la surprise de ce qu'on a fait,
05:23 sans savoir qui l'a fait, et pour qui, et pourquoi.
05:27 Alors à ce moment-là, c'est vrai que je vois une silhouette qui va m'évoquer la Sainte-Victoire,
05:32 donc Cézanne, et puis une espèce d'accumulation de volumes cubistes
05:39 qui évidemment vont m'évoquer Braque et Picasso,
05:43 et cette liaison qu'il y a entre la peinture de Cézanne, les écrits de Cézanne,
05:48 et cette influence qu'il a eue sur Braque et Picasso.
05:53 Et puis après, quand je regarde encore de plus près, je me rends compte que là, je ne sais pas pourquoi,
05:59 ce collage m'évoque le personnage qu'il y a dans le tableau des mémines de Velázquez,
06:06 qui est complètement au fond de la scène, qui a cheval sur une marche,
06:13 et qui est le seul représenté en entier, et qui en même temps est le regardeur de toute la scène.
06:19 Lui, il voit l'ensemble du tableau des mémines, tous les personnages,
06:23 il voit de face le roi et la reine, et il n'est pas un reflet.
06:27 Alors à la fois, j'ai l'impression qu'il est là, là-dedans, qu'il est là, là-dedans,
06:32 et après je me dis, mais c'est comme si ce petit personnage ridicule qui est venu dans mon travail par hasard,
06:38 parce qu'il était là dans l'atelier, était un peu comme l'avatar dans les jeux,
06:43 l'avatar de ce personnage de Velázquez.
06:46 Or, à l'inverse, il ne regarde pas l'image de tableau, mais il regarde à l'extérieur,
06:54 et en même temps il est positionné à la frontière de la porte,
06:57 parce qu'en fait, ça, ça a été fait sur une porte.
07:01 Donc, d'un coup, tout ça me parle, ça me parle de quoi ?
07:06 Du regardeur, de la place du spectateur, ça me parle du visuel, ça me parle du visible,
07:14 de l'histoire aussi, de l'art, et ça me renvoie aussi à tous les filtres que je peux avoir
07:21 quand je regarde le monde, en fait.
07:23 C'est comme une évidence qu'en fait, on ne voit qu'à partir d'un point de vue qui est le nôtre,
07:29 qui est notre culture, qui est notre espèce.
07:31 Et puis là, ce que tu dis sur la filiation de Cézanne par rapport au cubisme,
07:40 c'est aussi toute la fracturation de l'image, qui va être quand même ton fil de création, non ?
07:49 Oui, c'est rupture, qui construit un autre espace, mais qui en même temps,
07:53 avec lequel jamais joué en même temps, ça moi je le rattache à un état intérieur,
08:00 c'est-à-dire à la fois une possibilité de voir le lointain,
08:04 et puis à la fois de basculer dans autre chose, et puis de s'y perdre,
08:08 parce qu'en fait, on ne sait plus où on est, je veux dire,
08:10 là il y a une espèce d'accumulation de choses.
08:14 Et surtout de la matière.
08:16 Avec beaucoup de matière.
08:18 Carton, écriture.
08:22 Alors des fragments d'écriture, évidemment, on comprend bien que c'est fragile,
08:26 mais voilà, en fait, ce sont des indices, des choses qui nous donnent par fragments,
08:35 des pistes.
08:36 Et après, chacun avec ses propres filtres en fait une lecture.
08:43 En tous les cas, ça s'adresse à nous.
08:49 Il y a une adresse.
08:51 On est convoqué.
08:54 Et évidemment, quand on dit effondrement et construction,
08:59 ça nous renvoie quelque part à notre identité.
09:02 Qu'est-ce qu'on est d'autre que une suite de déconstruction,
09:06 reconstruction, d'adaptation à ce que la vie nous propose en fait.
09:11 Et après, cette porte, parfois ça m'intéresse, cette porte,
09:16 parce qu'on jouait là-dessus, elle est ouverte ou elle est fermée.
09:20 Comment on se situe face à une porte ?
09:24 Là, on a envie d'entrer.
09:27 Oui, c'est une invitation.
09:29 Là, c'est les derniers qui ont été faits.
09:33 Et qui témoignent un peu, comme tu dis, de ce besoin de structuration, de solidité.
09:38 Parce qu'il y a cette grille qui, même si elle est systématique,
09:43 est présente dans ce travail.
09:45 Elle structure la chose.
09:47 Elle structure la chose, oui.
09:48 Beaucoup plus que d'autres travaux antérieurs.
09:52 Et c'est pour ça que j'ai toujours l'impression que ce travail d'atelier,
09:55 quand on va dans l'atelier pour faire quelque chose, faire quoi,
10:00 je ne sais pas ce que ça veut dire,
10:02 c'est quand même toujours être face à soi-même.
10:05 C'est un face-à-face.
10:06 Et dans ce face-à-face, il y a un moment où,
10:10 quand on se rend compte de ce qu'on a fait,
10:14 ça nous renvoie, en fait, quelque part à nous-mêmes.
10:19 Et si on a été sincère, ça renvoie chacun à ce qu'il est aussi quelque part.
10:23 Il y a toujours une figure humaine quelque part.
10:26 Alors, dans le premier, c'est vrai que c'est des femmes au bain, si je me rappelle bien.
10:30 Et je pense que c'est Valentone, je ne me souviens plus très bien,
10:33 parce que des fois c'est un peu un flash.
10:35 C'est comme, on va dire, il y a des femmes au bain.
10:38 Là, il y a une espèce de personnage qui serait face à,
10:41 je ne sais pas comment citer, de l'espace.
10:45 Un espace, oui.
10:46 Oui, exactement, oui.
10:48 Quelque chose qui va m'apporter.
10:50 Et puis là, la figuration, je sais que…
10:54 L'alcool.
10:55 Alors, il y a par exemple un bouddha.
10:59 Je ne me rappelle plus, mais là je vois qu'il y a au moins un bouddha.
11:02 Et puis il y a aussi cette référence systématique aussi
11:06 à des dessins de quand j'étais plus jeune, qu'on peut voir ailleurs aussi.
11:10 Mais là, c'est un exercice de perspective de la place de cinquième,
11:14 avec l'appréciation du professeur qui disait que j'avais bien compris le système,
11:19 mais que ce n'était pas très soigné.
11:21 Et je trouve que c'est tout à fait bien vu avec le recul.
11:26 Yvoire.
11:30 Voire, moi je crois.
11:32 Oui, voire.
11:33 Yvoire, oui.
11:34 Yvoire.
11:35 Alors, ça, c'est le rappel d'une oeuvre.
11:37 C'est une peinture.
11:39 C'est un dessin que j'avais fait la première fois que je suis allée à la maison.
11:43 Et c'est une peinture qu'on trouve dans le café Le Florian.
11:46 C'est sa marque, qui est extrêmement belle.
11:49 Et, ben, voilà.
11:51 Ça devait être une chose qu'on peut trouver sur les fleurs, par exemple.
11:55 Parce que, quand je dis que je travaille avec des fragments,
11:59 des éléments avec lesquels j'ai du mal à me séparer,
12:02 c'est vrai que là, par exemple, on va se tromper sur les fleurs,
12:05 mais des gros nomines qui ont été faits par ma mère.
12:08 Et alors, je lis ça, ça me paraissait absolument pas possible.
12:13 Et en même temps, donc, leur trouver une place ailleurs,
12:18 leur redonner une autre vie, c'était…
12:22 Mais c'est beaucoup plus aérien, ces liens-là.
12:25 Oui, c'est vrai que l'espace est complètement autre.
12:30 Alors, c'est la fleur qui t'a amené à cet espace presque vide, vous savez, la fleur.
12:39 Alors, c'est là aussi, c'est difficile, parce que je recommence à dire une fois que c'est fait,
12:45 mais je le vois un peu comme un très petit projet, avec l'annunciation, tu vois,
12:51 quand il se met à marier avec l'âme de Lys.
12:55 Et puis, je vois à gauche comme une descente de gorge,
12:59 c'est-à-dire ces fleurs qui se fâment et puis qui se détachent et qui tombent.
13:03 Et à droite, enfin au milieu, un petit peu comme une ascension de la Vierge,
13:08 quelque chose qui est aspiré vers le haut.
13:13 Je ne sais pas, c'est très ambitieux de dire ça, mais ça me fait penser à la Vierge.
13:18 C'est là, oui.
13:19 Alors, la Vierge, c'est un peu ma référence, un peu la Vierge du Titien au frarin,
13:24 et toi qui danses en robe rouge et puis s'envole vers les cieux.
13:28 Ça me donne cet aspect.
13:29 Alors, moi, je vois un sexe féminin.
13:31 Ah oui, c'est bien, justement, c'est là, la polysémie, ça m'intéresse.
13:36 C'est vrai, c'est vrai, ce rose, cette couleur un peu chère.
13:43 Oui, c'est intéressant.
13:46 La descente de gorge, je l'ai vu tout de suite parce que…
13:50 C'est une chute, c'est un sang qui s'enchute.
13:54 Mais une chute qui peut être l'objet d'autre chose.
13:59 Après, je n'ai pas l'impression d'être dans quelque chose de noir.
14:03 J'ai l'impression que la chute est une étape, un moment,
14:08 et peut-être indispensable et nécessaire d'ailleurs.
14:12 Tu es une sage en fait.
14:15 Oh, mon Dieu, si je pouvais être sage, quel bonheur ce serait.
14:22 Alors après, ça c'est la statue des livres.
14:25 Oui, alors la statue des livres, c'est une autre histoire.
14:27 Oui, c'est une histoire.
14:29 Ce sont des monolithes, ce sont des pierres qu'on a trouvées au hasard.
14:35 C'est souvent des paysans ou des agriculteurs,
14:38 en travaillant leur champ, qui ont trouvé des pierres.
14:40 Ils se sont rendu compte que ces pierres avaient des yeux nés, des décorations.
14:44 Et on s'est rendu compte, donc, qu'on les appelait des statues ménières
14:48 parce que c'était des pierres qui avaient des représentations de gravures,
14:53 souvent en relief, donc de figures ménères, souvent de femmes.
14:58 Et évidemment, celles-ci sont plus particulièrement recentrées,
15:05 enfin trouvées, en tout cas, elles ont été trouvées dans le Ouag.
15:08 Le Ouag, c'est une partie de l'Aveyron, dont ma famille est originaire,
15:12 et où j'ai passé, depuis le lâche, où j'ai passé toutes mes vacances, c'est à Anfon.
15:17 Et notamment la statue ménière de la Prade, celle qui me touche le plus.
15:25 Elle a la même position que ton père quand il fait la sagesse.
15:30 Ah oui, c'est vrai qu'elles ont des mains comme ça, elles ont des seins,
15:34 et elles n'ont pas de bouche.
15:36 Ça c'est étonnant parce qu'elles ont des yeux à nés, mais elles n'ont pas de bouche,
15:40 comme si la parole, je ne sais pas.
15:43 En tout cas, ça leur donne un air très intériorisé.
15:46 Et cette force énigmatique, parce qu'on ne sait pas du tout à quoi elles servaient,
15:50 parce qu'elles étaient débordent dans le paysage,
15:53 on ne les a pas trouvées sur des sites archéologiques, mais au hasard, comme ça.
15:58 Donc on ne sait pas du tout à quoi elles servaient.
16:01 Ce qu'on sait, c'est qu'elles sont à peu près datées de 2500 ans avant notre ère.
16:05 Donc c'est quand même des traces d'une histoire, et d'une histoire de la femme aussi, quelque part.
16:12 Alors d'un coup, j'ai eu envie, je ne sais pas, de travailler sur ces statues ménières.
16:17 Alors les originaux sont au musée Fenaille à Rodez,
16:21 et aux endroits où on les a trouvées, on a mis des reproductions.
16:25 Donc dans les prés, comme ça, on peut trouver, et puis alors c'est fait chez les statues ménières.
16:31 Alors là, il y en a trois qui sont représentées.
16:34 Celle de Nicolas, qui a un côté plus géométrique, parce qu'elle est faite sur du calcaire,
16:41 alors que les autres sont sur du gris, donc c'est quelque chose de plus souple.
16:46 Et moi, celle qui me touche le plus, c'est celle de la Prat, parce qu'elle a un côté timide.
16:50 Elle est à la fois très présente, et très retirée en elle-même, très intériorisée.
16:55 J'en ai fait aussi un triptyque.
16:58 Et dans ce triptyque, où il s'agit quand même de parler aussi de la femme,
17:03 j'ai repris chaque fois des fragments de tableaux qu'on voit des femmes.
17:09 Alors ça, c'est les Lascais, si je te repère.
17:11 Les Lascais, on a vu les deux ensemble.
17:14 Et puis là, c'est un fragment des Demoiselles d'Avignon, bien sûr.
17:18 Et ici, c'est les Beigneuses de César.
17:22 Donc c'est un peu cette présence intemporelle et éternelle, quelque part, de la femme.
17:30 Je l'ai remis, mais malgré moi, parce qu'après je me suis dit, une fois que je les ai faits,
17:35 mais pourquoi j'ai fait ça ? Je me dis, peut-être parce que ça parle de la femme, pas de la fille.
17:41 C'est aussi une façon de se réconcilier, peut-être, avec cette part féminine forte.
17:46 Pas une féminité, parce que pendant très longtemps, la féminité, c'est un peu...
17:50 - Des niaises. - Voilà, des niaises.
17:52 Parce que la féminité, ça peut être quelque chose de fort et de puissant.
17:56 C'est peut-être ce que ça m'a permis d'approcher ce travail-là.
18:00 - Elle est un peu... Elle dit un peu tout ce que tu viens de dire.
18:07 Il y a toujours la fragilité, il y a l'écriture, il y a la poste, on s'adresse à...
18:14 Il y a tellement de choses.
18:17 Et puis, ce graphisme-là qui structure, comme un envol, quelque chose de...
18:28 - Oui, c'est un peu la confrontation, encore une fois, de la rigueur mathématique.
18:33 - Carabine. - Carabine de taille, voilà.
18:37 Donc, il y a des chiffres, il y a des mesures.
18:41 Et en même temps, en fait, c'est ce qui me construit.
18:45 Je ne dirais pas que me construire, ce serait ambitieux.
18:48 Mais en tout cas, qui me construit, c'est-à-dire être entre la rigueur, l'exigence, la précision, la cohérence.
18:57 Et en même temps, laisser la place à l'inattendu, à ce qui ne nous appartient pas, qui nous dépasse.
19:03 - Qui nous emmène. - Et qui nous emmène.
19:05 Et on ne sait pas où.
19:07 Et c'est important, justement, de pouvoir y aller, de ne pas se cramponner à des chiffres,
19:15 se cramponner à une verticale ou à une horizontale.
19:19 Mais essayer d'aller avec cet élan qui ne nous appartient pas et qui nous dépasse, en fait.
19:24 - Un petit personnage. - Oui, un petit personnage, oui.
19:28 Qui était un portrait d'une Algérienne que j'avais reproduit à une époque.
19:33 Oui, à partir d'une carte postale des années 50.
19:36 Ce petit plongeur que tout le monde connaît, c'est le tombeau,
19:39 comme s'appelle déjà ce site grec au sud de Gênes, Feston, je crois.
19:47 Donc, ce petit plongeur, il plonge, mais on ne sait pas dans quoi.
19:50 Il plonge dans l'inconnu, il plonge dans l'infini, il plonge dans sa condition humaine, dans sa condition métaphysique.
20:02 En tout cas, il y va et il y va, je trouve, dans son intégralité.
20:09 C'est-à-dire aller à fond dans l'inconnu, en fait.
20:13 Je ne sais pas si c'est pour trouver du nouveau, comme disait le poète.
20:18 Mais voilà, cette espèce de courage aussi, je trouve.
20:22 Le courage d'affronter l'inconnu.
20:25 Cette image du plongeur qui lâche, il n'a plus aucun point d'appui, en fait.
20:33 Il n'a rien qui le retient là, il est entre deux.
20:36 Il a quitté son support, il ne sait pas où il va arriver.
20:39 Et je trouve que c'est une belle image de notre condition, en fait.
20:43 [SILENCE]