Victor Delage, fondateur Institut Terram.
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00:00 qui est Victor Delage, bonjour.
00:02 - Bonjour.
00:02 - Vous êtes ce qu'on appelle un expert de ces questions européennes,
00:06 vous avez une vision censée être dépolitisée,
00:08 vous êtes fondateur de l'institut Terram,
00:11 l'objectif de cet institut c'est penser, innover et agir pour nos territoires.
00:15 Victor Delage, justement, quel est le lien entre l'Europe et notre territoire, l'île de France ?
00:20 - Alors il faut savoir que, au niveau européen,
00:24 il y a ce qu'on appelle la politique régionale, la politique de cohésion,
00:28 qui permet de, chaque année, de financer différents projets
00:33 à travers ce qu'on appelle des fonds structurels.
00:35 Alors il existe plusieurs fonds structurels, on ne va pas rentrer dans le détail,
00:38 mais ça permet de financer soit des établissements publics,
00:43 soit des politiques de rénovation pour justement lutter contre le réchauffement climatique.
00:49 Et si on s'attache à regarder précisément en quoi l'île de France bénéficie de ces fonds structurels,
00:55 on est sur une enveloppe qui avoisine les 715 millions d'euros sur la période 2021-2027.
01:04 Et ça permet, par exemple, de lancer des grandes politiques
01:08 pour la préservation de la biodiversité le long de la Seine,
01:11 pour des rénovations thermiques, des logements sociaux dans plusieurs communes d'île de France.
01:19 Ça permet soit de prendre, d'ailleurs, sur ces enveloppes, la totalité du financement,
01:24 ou une partie de la totalité, pour justement accompagner les pouvoirs publics.
01:30 - 715 millions d'euros pour 6-7 ans, c'est beaucoup ou pas, pour une région comme l'île de France et pour l'Europe ?
01:39 - Pour une région comme l'île de France, disons que ça permet de lancer des projets
01:44 qui certainement n'auraient pas eu lieu si l'Europe n'avait pas justement participé à ce financement.
01:52 Il faut savoir que si on compare justement avec d'autres régions françaises,
01:57 l'île de France n'est pas le premier bénéficiaire parce que,
02:00 ce fonds de cohésion, comment il est pensé ?
02:04 L'objectif, en fait, de cette politique européenne, c'est de réduire les inégalités entre les régions.
02:09 Il faut savoir que, selon la classification d'Eurostat, en Europe, on considère qu'il y a 242 régions.
02:15 Et ce sont avant tout les régions qui éprouvent les plus de difficultés,
02:20 d'un point de vue économique, qui en bénéficient majoritairement.
02:23 - Donc pas l'île de France ?
02:24 - Donc pas l'île de France, mais néanmoins, comme je le disais,
02:27 ça permet effectivement de lancer des projets qui n'auraient certainement pas existé
02:31 si l'Europe n'était pas intervenue.
02:33 - Mais est-ce que ce n'est pas des projets un peu gadget, parfois,
02:35 quand on voit par exemple un Escape Game à Sergie, financé par l'Europe ?
02:40 - C'est bien un Escape Game, hein ?
02:41 - Disons que ça permet, oui, une certaine vie sociale.
02:45 Je ne crois pas qu'on puisse dire que ce soit gadget,
02:47 parce qu'il y a tellement de projets qui sont financés,
02:50 soit partiellement, soit dans leur totalité, que c'est...
02:54 - Alors pourquoi ça n'a pas si inaperçu ?
02:56 Parce que finalement, on ne s'en rend pas bien compte
02:57 de tous ces projets qui sont financés par l'Europe ?
03:00 - Parce que c'est souvent, et c'est d'ailleurs ce qu'on peut globalement reprocher à l'Europe,
03:04 c'est que ce qui ne marche pas, on le voit très facilement,
03:07 et d'ailleurs on voit bien les décideurs politiques s'en emparent à chaque fois.
03:12 Par contre, ce qui marche, on a à la fois beaucoup de difficultés à communiquer dessus,
03:17 et puis par ailleurs à le défendre.
03:18 C'est un peu ce qu'on voit d'ailleurs depuis le début de cette campagne.
03:21 On voit le camp des Européens plutôt,
03:24 qui a beaucoup de mal à expliquer ce que fait l'Europe au quotidien,
03:27 et par contre, le camp notamment mené par la liste de Jordane Bardella,
03:32 où on voit que c'est très facile d'accuser Bruxelles
03:36 par rapport à des dysfonctionnements,
03:38 aussi bien au niveau de la gouvernance et de l'application des lois,
03:42 parce qu'on voit bien que depuis...
03:44 - Donc finalement, taper sur l'Europe, c'est plus facile ?
03:46 - C'est toujours plus facile.
03:47 - Et plus visible que de montrer ce qui marche.
03:51 On donne la parole aussi aux auditeurs ce matin au 01.42.3010,
03:54 qui nous appellent pour réagir.
03:56 - Oui, parce que vous savez peut-être où va l'argent,
03:59 peut-être dans votre commune, un escape game ou autre chose.
04:01 L'argent, vous avez peut-être vu des panneaux,
04:04 parce que parfois on met aussi des panneaux en disant
04:06 "Cet établissement a été financé grâce à..."
04:09 et vous avez peut-être vu les étoiles de l'Europe.
04:10 Hakim, bonjour !
04:12 - Bonjour à tous les auditrices et auditeurs de France Bleue,
04:15 en tout cas vous !
04:16 Bonjour à vous dans le 16e arrondissement.
04:17 - Quelle énergie !
04:18 - En très grande forme.
04:19 Hakim, vous nous dites que vous, vous avez toujours voté.
04:22 - Toujours, toujours.
04:24 52 ans, voter c'est un droit, un devoir,
04:27 et on s'est battus pour cela.
04:29 - Mais alors vous y comprenez quelque chose, vous,
04:31 à ce vote là, le 9 juin, pour les Européennes ?
04:33 - J'y comprends, parce que je suis impliqué,
04:36 mais je pense que beaucoup de personnes sont perdues,
04:40 parce que vous savez, il y a 38 candidats.
04:44 Les Français qui peuvent aller voter,
04:47 ne votent que 8 candidats, 10 répétitifs,
04:50 à chaque chaîne de télévision,
04:52 on ne vote que leur tête.
04:53 Avec le même programme,
04:55 c'est plus un programme qui propose,
04:57 c'est un show télé.
04:58 Et puis ils attendent quoi ?
05:00 Les jeunes télévisions, j'en veux un peu aux chaînes télé.
05:03 Et ils attendent quoi ?
05:04 Le dimanche, le lendemain, le 9h du matin.
05:07 Ils oublient qu'il y a 34 autres candidats.
05:10 Et puis ils appellent, ce que je n'apprécie pas,
05:12 les petits candidats.
05:14 Ce ne sont pas des petits candidats,
05:15 ce sont des candidats.
05:16 - Donc selon vous, pas de disparité parmi tous ces candidats,
05:19 on voit toujours les mêmes têtes à la télé ?
05:21 - À votre avis ?
05:22 Je pense qu'il y a beaucoup d'auditeurs
05:24 qui doivent penser exactement la même chose que moi.
05:27 On voit les mêmes.
05:28 Je veux vous dire, ce soir, ça va être la même chose,
05:31 M. Bardel va en prendre plein la tête,
05:33 on le sait, on connaît l'histoire,
05:35 c'est à chaque fois les mêmes débats.
05:37 Par contre, il y a une chose qui me tracasse,
05:39 c'est sur la chaîne CNews,
05:41 qui va faire un débat,
05:42 je ne fais pas de la promotion,
05:44 loin de là, entre guillemets,
05:46 mais là, il n'y aura pas les 8 candidats.
05:48 Il y a certainement deux candidats qui veulent,
05:51 je ne sais pas,
05:52 ne peut-être pas aller là-bas,
05:54 alors ce n'est pas la peine qu'ils se présentent.
05:56 - Je vois, Hakim, que vous êtes à l'affût
05:58 du moindre débat qui se retrouve à la télé
06:00 autour de ces européennes
06:01 et que vous faites votre avis.
06:02 Merci d'avoir décroché le téléphone.
06:04 Si vous êtes d'accord ou pas avec Hakim,
06:06 vous nous appelez, 0142 30 10 10.
06:08 - On va faire réagir notre invité Victor Delage.
06:11 C'est vrai, 38 listes,
06:12 je mets au défi quiconque de pouvoir
06:14 nommer toutes les listes et toutes les têtes de listes
06:17 de cette élection européenne.
06:18 Et c'est vrai qu'on voit les mêmes têtes
06:21 dans les médias,
06:23 à commencer par Jordan Bardella,
06:24 la tête de liste du Rassemblement National,
06:27 qui est donnée favori dans les sondages
06:28 pour cette élection.
06:29 Est-ce que c'est aussi de notre faute ?
06:31 À nous, les médias, finalement,
06:33 qu'en parlons mal de cette élection ?
06:37 - Disons que c'est ce qui se passe en réalité
06:39 depuis très longtemps
06:41 dans le paysage politique français.
06:44 À chaque fois qu'on parle des élections européennes,
06:46 on ultra-nationalise le débat.
06:48 Alors là, c'est vrai que c'est un non-sens
06:50 quand on sait que peu de personnes
06:51 connaissent l'existence de ces élections européennes,
06:54 savent qu'il va falloir aller voter le 9 juin prochain,
06:56 de voir qu'il y a 38 listes
06:58 et que presque personne ne peut citer,
07:00 même 2-3 candidats.
07:02 C'est vrai que c'est,
07:03 même au niveau du message qu'on envoie,
07:06 on voit qu'on frôle la cacophonie.
07:08 Mais néanmoins, on l'a bien vu la semaine dernière aussi
07:11 avec le débat Attal-Bardella.
07:15 - Sur France 2.
07:16 - Sur France 2, exactement.
07:17 Et vous avez raison de le souligner,
07:18 sur le service public,
07:20 de voir qu'il y a ces deux personnes-là
07:21 et que tous les autres candidats sont mis de côté.
07:24 - Et en même temps, on ne peut pas inviter 38 candidats.
07:26 - On ne peut pas les inviter,
07:27 mais là, il n'y en avait que deux.
07:29 - Ils étaient invités sur le plateau après.
07:30 - C'est ça.
07:32 Voilà, pour commenter un petit peu ce débat.
07:35 Et moi, ce qui m'a le plus interpellé là-dessus,
07:37 c'est que dans cette histoire,
07:39 il ne faut pas oublier qu'aux européennes,
07:41 il y a beaucoup d'abstentions.
07:42 C'est presque un Français sur deux qui s'abstient.
07:45 - Justement, comment on remobilise ?
07:47 Comment on remobilise sur cette élection
07:49 qui, finalement, a quand même beaucoup d'enjeux ?
07:51 Et vous l'avez dit,
07:52 qui nous sert dans notre quotidien,
07:54 qui finance des projets intéressants dans notre quotidien.
07:57 Alors, comment on mobilise les électeurs ?
07:59 - Disons qu'il y a une asymétrie totale
08:01 entre ce que fait l'Europe,
08:02 depuis très longtemps,
08:04 notamment pour nos territoires,
08:05 sur nos territoires,
08:06 et ça vaut pour l'île de France.
08:08 Et comment on en parle ?
08:10 La manière dont on en parle,
08:11 c'est ce qu'on disait un petit peu tout à l'heure,
08:13 à chaque fois qu'il y a des problèmes en France,
08:14 on l'accuse de tous les maux,
08:15 en disant que ça vient souvent de l'Europe.
08:17 Quand on regarde sur plein de politiques différentes,
08:21 l'Europe, elle sert à beaucoup de choses.
08:22 Avec la PAC, pour financer...
08:25 - La politique agricole commune,
08:27 sans laquelle les agriculteurs auraient du mal à survivre.
08:29 - Voilà, on est bénéficiaires nets en France.
08:31 Il ne faut pas l'oublier.
08:32 Et pourtant, on voit qu'il y a une très forte colère à ce niveau-là.
08:35 J'ajouterais aussi, pour les étudiants,
08:37 avec le programme Erasmus,
08:39 qu'on appelle d'ailleurs aujourd'hui Erasmus+,
08:41 on a quand même beaucoup d'étudiants
08:44 qui peuvent profiter de ce programme-là.
08:47 Et pourtant, quand on regarde et quand on mesure
08:49 un petit peu à travers des enquêtes d'opinion,
08:50 comment se sent cette jeunesse,
08:51 notamment dans ces études,
08:53 on voit qu'il y a un vrai mal-être.
08:54 Donc on a tendance à toujours nationaliser le débat européen,
08:59 c'est ce que nos politiques font,
09:00 et pour montrer que ce que fait l'Europe,
09:02 elle le fait mal, et quand elle le fait bien,
09:04 souvent on dit que c'est l'État central qui s'en charge.
09:07 - Victor Delage, vous parlez de notre jeunesse,
09:09 et j'allais y venir à cette étude
09:11 que vous publiez avec l'Institut Terram.
09:15 Vous avez réalisé une étude qui s'appelle
09:17 "Jeunesse et mobilité, la fracture rurale".
09:20 Quel est le constat,
09:22 et en quoi on est concerné, nous, dans la région ?
09:25 - Alors c'est une étude qu'on publie effectivement
09:27 avec le Chemin d'Avenir également,
09:29 l'association.
09:31 Ce que l'on voit, pour aller assez vite,
09:32 parce que c'est une vaste étude,
09:33 c'est qu'il y a une vraie assignation
09:35 à résidence de cette jeunesse rurale.
09:38 C'est-à-dire que par exemple,
09:39 pour aller quotidiennement,
09:42 ces jeunes ruraux, entre 15 ans et 29 ans,
09:45 ils font 2h34 de transport.
09:48 C'est 45 minutes de plus que les jeunes urbains.
09:51 - Ça arrive aussi en Ile-de-France,
09:52 ça concerne aussi certaines communes,
09:55 certains territoires reculés de la région,
09:57 Grande-Coronne ?
09:57 - Bien sûr, parce que quand on est parisien,
09:59 on a le sentiment que l'Ile-de-France,
10:01 c'est que de l'urbain.
10:02 Il ne faut pas oublier que, dans notre région,
10:05 55%, 56% même, des communes
10:08 appartiennent à ce qu'on qualifie de ruralité,
10:12 c'est-à-dire des communes peu denses ou très peu denses.
10:14 Ça représente aussi 2 millions de franciliens
10:17 sur 12 millions, donc c'est pas rien.
10:19 Donc bien sûr que ça concerne beaucoup notre région.
10:22 Il ne faut pas oublier que l'Ile-de-France,
10:23 c'est le plus grand désert médical dans notre pays.
10:27 - Et ce qui est intéressant dans cette étude,
10:28 c'est que vous faites donc un lien
10:30 entre cette difficulté à se déplacer pour les jeunes
10:35 et la proportion à voter RN, Rassemblement National.
10:39 - C'est ça, effectivement.
10:40 Déjà, la première chose à dire,
10:41 c'est que les jeunes ruraux,
10:42 ils votent massivement pour le RN.
10:45 On l'a vu lors de la précédente élection présidentielle,
10:48 c'était 39% de ces jeunes ruraux
10:51 qui ont voté pour Marine Le Pen.
10:53 Si on compare aux citadins,
10:56 les citadins étaient 18%,
10:58 donc on voit qu'il y a une différence très significative.
11:00 Si on prend le cas de l'Ile-de-France,
11:03 on a regardé les résultats,
11:04 c'est 42% des jeunes ruraux
11:07 qui ont voté en faveur de Marine Le Pen.
11:09 Donc on voit que c'est encore plus massif
11:10 qu'à l'échelle nationale.
11:13 Donc bien sûr que ça concerne toute cette population
11:16 et particulièrement dans notre région.
11:18 Ça s'explique par le temps de transport,
11:19 mais aussi par ce sentiment d'isolement,
11:22 par le fait que beaucoup d'entre eux
11:26 considèrent que nos décideurs,
11:28 mais même aussi les médias,
11:30 par le dire réalité,
11:31 ne s'intéressent pas à leurs préoccupations du quotidien.
11:35 Plus qu'un vote d'adhésion,
11:36 alors même si dans certains cas,
11:38 effectivement ça existe,
11:39 plus qu'un vote d'adhésion,
11:40 c'est aussi, je crois,
11:41 le signe d'un très fort mécontentement
11:43 qui est montré par cette jeunesse.
11:45 - Et cette jeunesse peut voter,
11:46 ira voter le 9 juin aux européennes ?
11:49 Elle se mobilise ?
11:50 - C'est un des principaux enjeux, effectivement,
11:54 parce que quand on regarde l'élection européenne précédente,
11:58 il y avait 40% des jeunes à peu près
12:00 qui s'étaient mobilisés,
12:01 alors qu'on en a annoncé 30% dans les sondages.
12:05 C'est à peu près la même chose aujourd'hui.
12:07 On espère tous que les jeunes vont se mobiliser,
12:10 mais on sait que les 18-24 ans en général,
12:12 c'est ceux qui s'abstiennent le plus,
12:13 et particulièrement pour ces élections européennes.
12:16 - Merci beaucoup Victor Delage
12:17 pour ce décryptage ce matin
12:19 sur ces élections européennes,
12:21 lancement officiel de la campagne.
12:22 Aujourd'hui, on rappelle la date,
12:24 le 9 juin prochain, vous pouvez voter,
12:26 il n'y a qu'un seul tour,
12:28 et 38 candidats, 38 listes,
12:30 ça fera beaucoup de bulletins à prendre.