• il y a 7 mois
L’asexualité a fait l'objet d'un sondage mené par l'IFOP, publié en février 2024. L'étude indique que 12% des Françaises et Français se définissent comme asexuel·le·s. Anna Mangeot, autrice du livre "Asexuelle: Itinéraire intime et bouleversant d'une femme qui aime sans faire l'amour", aux éditions Larousse, en fait partie. Pour Yahoo, elle parle de son expérience.

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Transcription
00:00 Je m'appelle Anna Mangeau, je suis autrice, entrepreneuse, militante pour la visibilité asexuelle
00:05 et j'ai publié le livre "Asexuel" aux éditions La Rousse.
00:08 L'asexualité, c'est une orientation sexuelle, comme toutes les autres,
00:13 à la différence que nous, nous ne sommes attirés par aucun genre ou dans des circonstances très particulières.
00:18 Très souvent, on imagine que les personnes asexuelles sont des personnes qui n'ont aucune vie sociale,
00:23 aucune expérience ou alors des traumatismes, ce sont des gens un petit peu ennuyeux, pas forcément très jolis.
00:29 Ce sont des personnes qui ne veulent pas d'enfants, pas fonder de famille ou qui ne peuvent pas être en couple.
00:33 Moi, j'ai pris la parole sur les réseaux sociaux en premier et puis dans mon livre
00:37 pour démocratiser ce terme qui est l'asexualité et aider, si possible, au moins une seule personne
00:43 à se sentir un petit peu moins seule quand elle va se coucher le soir.
00:46 Dès ma première prise de parole, j'ai eu énormément de retours qui, d'une seule voix,
00:52 témoignaient du fait que le mot "asexuel" n'était pas assez répandu et qu'ils avaient souffert toute une vie
00:57 de ne pas avoir de mots à mettre sur ce qu'ils étaient.
00:59 Je suis tombée sur le mot "asexuel" pour la première fois quand j'avais 14 ans environ,
01:06 sauf que ce mot-là était traité d'une façon très misérabiliste, donc je ne m'y suis pas du tout reconnue
01:12 et j'ai fini par me l'approprier autour de mes 21 ans quand je suis retombée sur quelqu'un qui en parlait,
01:17 mais cette fois d'une manière joyeuse, d'une manière détaillée.
01:21 C'était une asexuelle qui en parlait avec bonheur et fierté et là, je me suis reconnue.
01:25 Il y a une étude qui est sortie fin janvier, début février, au sujet de la sexualité des Français
01:31 et il y était mentionné l'asexualité, à l'apostrophe "asexualité", décrétant que 12% des Français
01:38 se considéraient eux-mêmes comme étant asexuels.
01:41 Sur le coup, moi, ça m'a remplie de joie, pas forcément pour ce chiffre,
01:46 mais simplement pour le fait qu'on se soit intéressé à cette orientation,
01:50 qu'on ait trouvé légitime de poser ce mot dans le sondage.
01:53 Ça prouve qu'on s'intéresse enfin à l'asexualité et même qu'il rentre un petit peu dans les mœurs communes.
01:59 Et encore une fois, plus ce mot-là sera déployé, sera utilisé,
02:04 et moins les gens qui sont concernés se sentiront cassés.
02:08 À la lecture de ce sondage, les médias et pas mal de gens s'en sont emparés en parlant de régression sexuelle,
02:15 du fait que du coup, les Français feraient de moins en moins l'amour.
02:18 On pourrait voir l'asexualité comme une des raisons à ça, comme une nouvelle dérive de l'humanité,
02:25 alors qu'en réalité, non, je pense que c'est deux choses qui sont complètement décorrélées.
02:28 D'un côté, on a un mot qui se démocratise,
02:31 des gens qui se sentent légitimes à se clamer avec fierté asexuels, à assumer qu'ils sont au grand jour.
02:38 Et d'une autre, on a, je pense, quelque chose d'assez cyclique qui vient après les années 70, 80, 90, 2000,
02:45 qui fait qu'on va vers une sexualité qui est plus lente, mais aussi peut-être plus qualitative.
02:49 Beaucoup de personnes pensent qu'être asexuel, ça revient à ne pas être en couple, à ne pas vouloir ou pouvoir être en couple.
02:56 Alors déjà, je tiens à vous le dire que moi, je suis en couple depuis presque six ans avec un garçon.
03:01 On est très très heureux et on compte bien passer notre vie ensemble.
03:04 Avant ça, j'ai été avec de nombreux partenaires.
03:06 Mais souvent, on confond l'asexualité et l'aromantisme.
03:10 Le fait d'être aromantique, c'est le fait de ne pas ressentir d'attirance amoureuse,
03:14 et donc souvent, de ne pas ressentir le besoin, l'envie d'être en couple.
03:18 Mais être asexuel n'empêche pas de vouloir des relations romantiques,
03:22 et être aromantique n'empêche pas de vouloir des relations sexuelles.
03:25 Très très très souvent, on dit que mon couple ne doit pas être très heureux, n'a pas forcément d'avenir,
03:31 parce qu'une relation amoureuse sans sexualité, c'est en définitive une relation sans avenir.
03:37 Moi, ça me fait doucement rire, parce que je pense qu'au contraire,
03:41 mon amoureux et moi, on partage une intimité qui n'a pas de communes mesures,
03:45 qui est faite de tout petits gestes, tout le temps.
03:48 On est fous l'un de l'autre, on est fous de l'odeur l'un de l'autre, du contact l'un de l'autre,
03:54 et on n'a pas forcément besoin que se déploie le rapport pénétrant au sein de notre couple.
04:00 On fait l'amour de plein de façons, et pour moi, passer trois heures dans les bras,
04:04 se serrer, se caresser le dos, la nuque, les cheveux, en respirant nos odeurs mutuelles,
04:08 c'est une façon de faire l'amour.
04:10 Les personnes asexuelles font partie de la communauté LGBT qu'il y a plus,
04:14 puisque nous sommes le A, en compagnie des aromatiques, des A-genres.
04:17 Par contre, c'est vrai qu'on a encore du mal, je pense, à trouver notre place,
04:22 parce que d'une part, les milieux queer sont quand même très sexualisés,
04:27 les symboles queer tournent beaucoup autour de l'asexualité et son expression.
04:31 J'ai rien contre, mais du coup, les gens comme moi ont du mal à s'y projeter, à y trouver leur place.
04:37 Et il y a aussi que, pour beaucoup de personnes queer,
04:40 les asexuels, en fait, ne seraient pas LGBT qu'il y a plus,
04:44 puisque dénués d'orientation sexuelle.
04:47 Ce qui est faux, puisque c'est une orientation sexuelle.
04:49 La société toute entière repose sur des bases ultra-sexuelles.
04:54 Ça va, encore une fois, du marketing au cinéma,
04:57 et à tout ce qu'on approche de près ou de loin à la relation A2.
05:01 Tout passe par et pour le sexe, donc grandir dans une société comme ça,
05:06 ça peut être très difficile,
05:09 parce que, disons que la société, les gens, nos amis, les films, les livres,
05:14 nous répètent sans cesse que ne pas vouloir faire l'amour,
05:20 ne pas en avoir envie ou ne pas en avoir besoin,
05:23 c'est vraiment dommage.
05:24 C'est quelque chose de profondément triste,
05:26 parce que le bonheur, le plus grand épanouissement, découle de l'acte sexuel.
05:31 Moi, je suis suivie depuis maintenant presque 12 ans par un psychiatre
05:36 qui n'avait pas mis de mots sur mon asexualité,
05:39 mais qui m'a franchement beaucoup aidée,
05:41 et c'est aussi pour ça que je suis là aujourd'hui à en parler,
05:43 de façon aussi assumée et épanouie.
05:46 Ce n'est absolument pas le cas pour le plus grand nombre des personnes asexuelles
05:50 qui tombent sur un corps médical, souvent pathologisant,
05:53 qui va essayer de le réparer à coup de, j'allais dire, thérapie de conversion,
05:59 mais parce que ça s'en rapproche, à coup de séances de sexologue,
06:02 à coup de séances où il faut se forcer avec des jouets,
06:05 ce qu'on m'a déjà proposé et que j'ai heureusement refusé,
06:09 à coup de séances de thérapie qui se rallongent et se rallongent,
06:14 où en définitive, tout vient à nier ce qu'on est par essence,
06:17 un être qui n'a juste pas besoin et envie d'avoir des relations sexuelles.
06:22 Je pense que les comportements qui me déplaisent le plus
06:25 ou qui me blessent le plus quand j'en viens à parler de mon asexualité,
06:29 c'est tout ce qui va être un peu culpabilisant, un peu
06:34 "Ah, ma pauvre, tu ne sais vraiment pas ce que tu rates",
06:37 "Ah, mais ton mec, il doit être tellement malheureux",
06:41 "Ah, mais moi, je ne pourrais vraiment pas être à ta place".
06:43 En fait, quelque chose qui va constamment ramener ce que je suis à quelque chose de triste.
06:49 Il est déjà tellement difficile de s'épanouir quand on est asexuel
06:53 en essayant de se convaincre soi-même qu'on ne manque de rien
06:56 et que ce qu'on est est suffisant à notre bonheur,
06:59 ce qui est d'ailleurs tout à fait possible,
07:01 que ces pics constants, permanents qu'on vient de nous lancer à chaque fois qu'on en parle,
07:05 en fait, ils viennent juste nous rappeler et nous remettre face à cette difficulté.
07:10 Dans les milliers à éviter qu'il y a plus, on commence à parler d'asexualité politique,
07:14 donc du fait d'arrêter d'avoir des rapports en contradiction avec une société
07:19 qui est presque à en avoir, souvent inter-renormée, patriarcale, etc.
07:23 Moi, je pense qu'aujourd'hui, il est trop tôt pour s'approprier ce terme à des fins politiques,
07:29 dans le sens où, pour l'instant, il y a déjà tellement à faire
07:33 pour que ce soit reconnu comme une orientation sexuelle,
07:35 et donc une orientation sexuelle avec laquelle on est et qui n'est pas une pathologie
07:40 ou quelque chose qu'on obtient à la suite de traumatismes,
07:43 que je trouve ça un petit peu tôt.
07:45 On va plutôt parler d'abstinence politique, je pense, d'abstinence choisie,
07:50 ou, comme le dit très bien Ophélie, le fait de faire ceinture.
07:53 [Générique]

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