• il y a 7 mois
Léa Salamé reçoit Kevin Costner, réalisateur et acteur du premier opus de la saga "Horizon" qui a été projeté à Cannes ce week-end.

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Transcription
00:00 Bonjour Kevin Costner.
00:02 Merci d'être avec nous ici à Cannes.
00:05 Si vous étiez une ville, un paysage et un personnage historique, vous seriez qui ? Vous seriez quoi ?
00:10 Un personnage serait un président américain, président des Etats-Unis.
00:15 Je vais vous dire, j'aimerais bien pouvoir parler à un ancien président américain, Abraham Lincoln.
00:22 Je lui aurais dit que sa présidence avait été couronnée de succès
00:27 parce que cet homme a dirigé notre pays au moment le plus épouvantable de notre histoire
00:33 et il pensait avoir échoué et en fait c'était une personne magnifique.
00:37 Et je voudrais pouvoir remonter dans le temps et lui dire.
00:40 Si j'étais une ville, il faudrait qu'une rivière coule au milieu.
00:50 Je suis nul pour répondre à ces questions. Tout le monde rigole.
01:00 Un paysage, il faudrait que je puisse voir des montagnes. Je ne sais pas pourquoi.
01:06 La montagne, les rivières, il y en a énormément dans votre film dont on va parler, Horizon que vous présentez ici à Cannes.
01:13 Mais juste une question. Francis Ford Coppola, il était à Cannes il y a quelques jours pour présenter Mégalopolis
01:19 et il dit qu'il y a tant de gens qui à leur mort disent j'aurais aimé faire ceci, j'aurais aimé faire cela.
01:25 Moi quand je mourrais je dirais j'ai pu faire tous les films que je voulais faire.
01:30 Est-ce que c'est votre cas aussi ? Est-ce que vous avez fait tous les films que vous vouliez faire ?
01:37 Non, je n'ai pas fait tous les films que je voulais faire.
01:41 Il y en a encore que j'ai présent à l'esprit et d'autres encore que je n'ai pas encore découvert.
01:48 Mais nous sommes nombreux à vouloir se dire qu'il faut surtout apprendre à vivre, comment vivre, vivre sans peur,
02:00 être à la poursuite de ses rêves et si on a cette liberté, il faut l'exercer cette liberté.
02:09 Il faut voyager, il faut s'exprimer et puis il ne faut pas mêler la politique à sa vie, à sa vie personnelle.
02:20 On ne vit qu'une fois, vous savez, il faut se rendre compte rapidement qu'il faut vivre sans peur et continuer avec amour et compassion pour les autres.
02:35 Kevin Costner, on a tous un souvenir d'un film culte avec vous, que ce soit "Les Incorruptibles", que ce soit "Bodyguard", que ce soit "JFK"
02:43 ou évidemment "Danse avec les loups", Oscar du meilleur film en 1990, un film que vous avez réalisé.
02:49 Mais ça faisait 20 ans que vous n'aviez pas réalisé de nouveaux films.
02:53 Et là, vous revenez à Cannes avec cette saga américaine "Horizon", "Chapter 1",
03:01 parce qu'il y en aura quatre en tout, quatre chapitres, quatre films, soit près de dix heures pour raconter les origines de la conquête américaine.
03:10 C'est un projet pharaonique, titanesque, d'une ambition folle.
03:13 Diriez-vous tout simplement que c'est le projet de votre vie, le projet d'une vie où vous avez mis tous vos rêves, tout votre argent, tous vos buts dans la vie, ce film ?
03:26 Alors, en tout cas, c'est le plus gros projet que j'ai jamais fait.
03:32 Je ne dirais pas que ce soit le projet ou la chose qui compte le plus, parce que ce qui compte le plus pour moi, c'est ma famille.
03:38 Mais sur le plan professionnel, c'est effectivement le projet le plus difficile, le plus ambitieux que j'ai jamais mené.
03:46 J'ai mis tout ce que j'ai appris dans ce film, tout ce que j'ai utilisé, même mon propre argent, effectivement, pour qu'il se produise.
03:55 Je me dis que j'ai une relation avec le public. Au cours des 20 dernières années, j'ai participé à plein de films, et c'est le premier film que j'ai réalisé en 20 ans.
04:05 Et je suis ravi que Cannes ait accepté de le projeter, parce que je suis un artiste indépendant,
04:14 et Cannes apporte une légitimité à ce film, une vitrine qui permet de montrer ce film.
04:21 Sans le festival de Cannes, je n'aurais même pas eu cette possibilité.
04:26 Et je fais ce film pour que le public du monde entier puisse aller suivre ce voyage.
04:33 C'est le film d'un voyage, pas avec une intrigue.
04:38 Vous avez des gens qui cherchent à réaliser une promesse, et il y avait une promesse en Amérique.
04:43 Avec suffisamment de résilience, d'affreuté, il y avait une terre que l'on pouvait conquérir.
04:49 Et l'Amérique a cru à cette proposition et s'est lancée à fond sur le continent.
04:55 C'est vrai que vous avez hypothéqué votre maison pour pouvoir financer ce film-là.
05:01 Qu'est-ce que ça dit de l'époque aujourd'hui ? Vous dites "je suis heureux de le montrer à Cannes",
05:05 parce qu'ici, à Cannes, c'est vrai qu'on célèbre le geste artistique, on célèbre l'art.
05:09 Mais qu'est-ce que ça dit des studios hollywoodiens qu'un homme comme Kevin Costner,
05:13 n'est pas les financements, doivent hypothéquer sa maison pour produire une histoire originale,
05:19 une histoire artistique sur l'origine de l'Amérique, sur leur histoire, sur l'histoire de l'Amérique ?
05:25 C'est vrai, ça me rend perplexe, comme tout le monde, mais il ne faut pas que cette perplexité me paralyse.
05:35 Il a fallu que je trouve un moyen de faire ce film, parce que j'ai une relation avec le public du monde entier.
05:42 Il y a là aussi une promesse, lorsque l'on va au cinéma, on entre dans cette salle obscure,
05:48 et la promesse c'est que l'on va voir quelque chose de nouveau, quelque chose qui va nous changer,
05:55 quelque chose que l'on va se rappeler, alors ça ne se produit pas toujours au cinéma,
05:58 mais c'est quand même cela, la relation avec le public, parce que lorsqu'un film donne le meilleur de lui-même,
06:06 lorsqu'en fait tout son possible, on peut créer des moments inoubliables.
06:12 Par contre, si on ne se donne pas à fond pour le faire, au cinéma on dira "j'ai vu le film, c'était pas mal, c'était comme ceci, comme cela",
06:23 mais lorsqu'on est au cinéma, dans cette salle obscure, on devrait pouvoir voir quelque chose qu'on n'oubliera jamais de sa vie.
06:32 Vous aviez l'impression que les Américains ne connaissaient pas suffisamment leur histoire,
06:37 ne connaissaient pas suffisamment les débuts de la conquête américaine,
06:42 de ce que ça a été pour ces millions d'émigrés venus d'Europe,
06:47 que de construire l'Amérique, de construire ce rêve, cet Eldorado qu'était l'Amérique pour eux,
06:54 il manquait des choses, vous avez aussi voulu raconter l'histoire de votre pays,
07:00 c'était ça aussi l'ambition du film ?
07:02 Oui, c'est une histoire unique que je raconte, mais qui fait intervenir beaucoup de gens.
07:09 On ne peut raconter qu'une histoire à la fois, mais c'est l'histoire que j'ai choisi de raconter,
07:17 qui s'étend sur une douzaine d'années, mais qui fait intervenir de nombreuses personnes qui vont tout au même endroit.
07:25 C'est une histoire emblématique des millions d'autres personnes qui l'ont vécue.
07:31 C'est bien de pouvoir se retourner un petit peu, prendre du recul sur le passé,
07:35 de voir quelque chose qui a une certaine authenticité.
07:40 La conquête de l'Ouest n'a pas été une chose aisée.
07:46 Lorsque nous avons pris possession de l'Amérique, nous avons en même temps dépossédé les peuples qui y habitaient.
07:52 Il y a une responsabilité, une tragédie qui s'est produite, dont nous ne sommes jamais remis en Amérique.
07:59 C'est le déplacement des peuples premiers.
08:01 L'histoire de l'horizon, de votre film, c'est l'histoire de la construction d'une ville dans l'Ouest américain, au milieu de nulle part.
08:09 Les premières images, on est dans un désert avec des paysages sublimes.
08:13 Il y a juste une rivière, des montagnes, rien d'autre.
08:16 Il n'y a rien et au fur et à mesure de ce film et de cette saga, il y a une ville qui va être construite à cet endroit-là.
08:22 Et vous montrez comment les premiers colons étaient déterminés à construire cette ville-là.
08:28 Mais vous montrez aussi tous les points de vue.
08:31 Et les points de vue, c'était que dans cet endroit-là, où il n'y avait rien, il y avait un peuple, un peuple autochtone.
08:36 Il y avait les Apaches qui étaient là, dans ces montagnes-là, dans ces rivières-là.
08:41 Et combien cette construction de l'Amérique a eu un coût, le prix du sang, du sang de ces Apaches.
08:49 Et il y a des scènes de bataille qui sont très violentes.
08:52 Oui, en effet. Vous savez, l'humanité a beaucoup de choses en commun.
08:59 Les peuples qui habitaient là depuis 15 000 ans, ils avaient dégoté les meilleurs lieux.
09:05 À côté de cette rivière, un endroit, ils pouvaient la franchir facilement.
09:09 Ils ont donc découvert quelque chose, un lieu qui pouvait s'adapter à leur mode de vie.
09:14 Donc pas étonnant que lorsque les immigrants sont arrivés, eux aussi, ils voulaient vivre au meilleur endroit possible,
09:19 là où on pouvait franchir la rivière.
09:21 Et donc, il y a eu cet affrontement avec un peuple qui, tout d'un coup, s'est trouvé entièrement bouleversé
09:30 par l'arrivée, la cupidité d'un autre groupe de personnes qui sont arrivées là.
09:35 Et on appelle ça du progrès, je trouve ça assez difficile, mais c'est pourtant le mot que l'on emploie pour désigner cette histoire.
09:42 Le progrès, qui était la construction de l'Amérique, mais quelque chose d'autre a été perdu.
09:46 Quand on survole l'Amérique, du haut de l'avion, on regarde en dessous de soi, on ne voit rien du tout.
09:51 Le territoire est immense. Et puis on se dit, mais quand même, même les peuples premiers n'y sont pas.
09:57 Et quelques fois, lorsque je regarde du hublot de l'avion, je me dis, mais il y avait un tel désir de terre,
10:04 que personne n'y habite, pas même les Indiens, pas même les peuples autochtones.
10:10 Alors, pourquoi on avait ce tel désir de conquérir la terre, et que les peuples qui étaient là avant nous,
10:17 on les a embêtés, on les a chassés de leur propre terre ?
10:20 C'est important pour vous de montrer ça, de montrer que c'était la face sombre de la construction de l'Amérique, du rêve américain ?
10:28 Ben oui, vous savez, dans les westerns, les villes, les villages existent déjà, ils ont déjà été construits.
10:37 Alors, moi j'ai l'habitude de voir des westerns comme ça, mais je voulais quand même parler de ça.
10:43 Comment la ville a-t-elle été créée ? Quelle est la mythologie de ces villes du Grand Ouest ?
10:49 Il y avait beaucoup de violence, beaucoup d'histoires, une histoire non dite.
10:55 Et moi je voulais un petit peu montrer que ces villes ne sont pas apparues comme par enchantement.
11:01 Ce qui frappe aussi, c'est la beauté des paysages dans votre film.
11:05 Il paraît que vous êtes obsessionnel pour trouver le bon lieu de tournage,
11:10 que vous rendez votre équipe complètement folle pour aller trouver la bonne rivière, la bonne montagne,
11:15 le bon paysage, la bonne lumière pour filmer, et vous les rendez fous.
11:20 Oui, c'est tout à fait vrai. Ils font tout pour m'aider, mais effectivement, je les fatigue.
11:27 Quand je suis en train de regarder un paysage, je dis « Oh non, il est en train de regarder à cet endroit-là,
11:32 à l'autre bout, le sommet de la montagne, l'autre côté du fleuve, ça veut dire qu'il va falloir qu'on y aille nous-mêmes ».
11:38 Mais nous avons de la chance de voir ces lieux qui sont encore là, ces paysages,
11:47 qui nous rappellent qu'on n'a pas besoin de tout construire, de tout urbaniser.
11:52 Le simple fait de regarder le paysage brut nous remplit d'une autre énergie.
11:59 C'est très bien que ces lieux restent intacts, qu'on puisse les voir de la même façon.
12:05 C'est assez rare que les femmes aient un rôle important dans les westerns.
12:08 Chez vous, une grande partie de l'histoire est racontée à travers le regard des personnages féminins.
12:13 Pourquoi c'était important pour vous d'avoir la vision des femmes dans la construction de cette Amérique-là ?
12:19 Parce que c'est les femmes qui ont posé l'Amérique.
12:24 Et si on les élimine de cette histoire, c'est une erreur.
12:28 Dans les westerns, souvent, les femmes ne jouent qu'un tout petit rôle,
12:32 alors qu'en réalité, elles ont joué le plus grand rôle qui soit.
12:35 Je ne sais pas pourquoi, moi je suis un homme, mais lorsque j'ai écrit ce film avec mon co-scénariste,
12:41 on a vu que les femmes dominaient l'histoire, le film,
12:44 parce qu'ils ont eu cette importance importante de les représenter,
12:50 pas d'une petite façon, mais d'une grande façon.
12:52 On a vu leur intelligence, leur résilience, mais également leur vulnérabilité.
12:56 Kevin Costner, le rêve américain, il existe encore aujourd'hui au 21e siècle.
13:01 Votre pays est fracturé, on le voit tous les jours dans les journaux.
13:06 Est-ce que vous pensez qu'il y a encore un rêve américain en 2024 aux Etats-Unis ?
13:11 Le rêve serait de ne pas être fracturé alors que nous le sommes, effectivement, ça m'a triste.
13:19 Mais j'espère, mon espoir, c'est de se dire qu'il faut se regarder dans la glace,
13:27 regarder droit dans les yeux, il faut se regarder en face.
13:30 Et lorsqu'on le fait, lorsqu'on est honnête avec soi-même, on regarde sa situation,
13:36 on peut prendre de bonnes décisions, mais si on ne veut pas se regarder en face,
13:39 si on ne veut pas voir ce qui ne va pas, alors on reproduira les mêmes erreurs.
13:44 Et en ce moment, on a l'impression qu'il y a tellement de raisons de travailler ensemble,
13:51 et pourtant, nous sommes fracturés, et ce n'est pas beau à voir.
13:57 Qu'est-ce que les Américains refusent de voir ? Vous dites qu'on doit regarder en face les choses.
14:02 Qu'est-ce que certains Américains refusent de voir ?
14:07 Je suis très fier de mon pays, pour des tas de raisons,
14:10 mais il y a par ailleurs des réalités que nous essayons encore de surmonter.
14:16 La façon dont nous traitons, je ne sais pas...
14:20 C'est une histoire, c'est une question compliquée.
14:24 Moi, je sais que je peux à la fois aimer mon pays et comprendre sa situation.
14:32 Il nous faut faire preuve de plus de compassion,
14:36 il nous faut nous concentrer sur les choses qui comptent le plus.
14:44 Nos hommes politiques doivent être au service de la nation,
14:48 pas de leur propre carrière, il ne s'agit pas de se promouvoir eux-mêmes.
14:54 Leur carrière ne compte pas autant que le bien-être de la nation.
15:01 Là, ça va être un match retour Biden contre Trump en novembre prochain.
15:07 Est-ce que vous auriez aimé une autre affiche ?
15:11 Il faut avoir les meilleurs candidats possibles,
15:17 les personnes les plus évoluées,
15:20 et si le candidat est une candidate, ce serait très bien pour l'Amérique.
15:24 Écoutez, moi, je fais des films, je ne suis pas un homme politique,
15:29 je ne fais pas de politique, mais je dois accepter les conséquences,
15:34 comme les autres Américains, du choix électoral, du choix de nos dirigeants.
15:41 J'ai de l'espoir pour l'Amérique, mais il faut chasser l'ego de la politique.
15:48 C'est le problème. Quelques questions rapides pour terminer, Kevin Costner.
15:53 Côte ouest ou côte est ?
15:55 J'habite sur la côte ouest.
15:58 Voir un film sur Netflix ou voir un film au cinéma ?
16:02 Je regarde des films sur Netflix.
16:10 Bodyguard ou JFK ?
16:12 Je ne peux pas choisir. Mes films, c'est comme mes enfants, je ne peux pas choisir.
16:19 Paris ou Rome ?
16:21 C'est pareil, je ne vais pas choisir entre ces deux villes les plus célébrées de l'histoire de la civilisation.
16:29 Vous pourriez dire Paris. On est en France.
16:32 Oui, si on était à l'école, je pourrais copier sur votre feuille et écrire la même réponse.
16:39 Mais j'ai ma propre réponse.
16:41 Ce genre de comparaison, vous avez des villes exceptionnelles dans le monde, vous en aviez évoqué deux.
16:50 Mais moi, j'admire l'une et l'autre.
16:53 Parce qu'en Amérique, pendant que les villes européennes se construisaient, il n'y avait rien en Amérique.
16:59 C'était le jardin d'Éden, les animaux, les rivières.
17:04 Rachida Dati, la ministre de la culture française, va vous remettre les insignes d'officier de l'ordre des arts et des lettres.
17:11 Ça représente quoi pour vous de recevoir cela ?
17:14 Ça a été un long voyage, se retrouver au bout du compte, quelque part à un endroit où on est reconnu.
17:23 C'est quelque chose qu'il faut avoir vécu. Comment est-ce possible ? Je ne le sais pas.
17:28 J'ai essayé d'être moi-même, de raconter mes histoires.
17:34 Je n'ai pas voulu me laisser influencer par des opinions extérieures, par la politique ou que sais-je.
17:41 J'ai voulu divertir mon public.
17:44 Et ça me fait plaisir de voir que le public est encore au cinéma et je vais lui rendre hommage.
17:50 Le film s'appelle "Horizon", une saga américaine.
17:53 C'est le premier chapitre, le premier film qui sortira en salle en France le 3 juillet prochain
17:59 et qui est présenté dans ce festival de Cannes, hors compétition.
18:03 Merci beaucoup, Kevin Costner, d'avoir été avec nous ce matin.
18:07 Merci.
18:08 Merci à vous.

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