• il y a 5 mois
Rencontre avec Lætitia Dosch, brillante et spontanée. L’actrice vient de présenter à Cannes son premier film comme réalisatrice, une comédie philosophique intitulée « Le Procès du chien », sélection « Un certain regard ».
Transcription
00:00 C'est mon can où je me sens le plus à l'aise.
00:01 On parle de Me Too et on parle aussi des actrices réalisatrices.
00:04 On nous pose des questions qu'il y a 10 ans,
00:05 on n'en aurait même pas eu l'idée de nous poser.
00:07 On n'avait même pas eu l'idée que les actrices puissent pouvoir parler de ça.
00:11 Au début, je ne me suis pas trop rendue compte
00:12 parce que j'étais en train de finir mon film et je ne dormais plus depuis un an.
00:15 Donc j'étais juste soulagée.
00:16 Ça m'a fait "Ah cool, c'est vrai que ce n'est pas nul".
00:18 Parce que j'avais peur d'avoir bossé pendant 4 ans et que ce ne soit pas réussi.
00:21 Ça aurait été horrible.
00:22 Donc je me suis dit "C'est cool".
00:23 Et après la joie, la folie de ça, il voit quand même 2000 films.
00:30 Et je me suis pris la tête toute la semaine sur quoi dire.
00:33 Je ne savais pas quoi dire.
00:34 Il y a trop de choses que je dis dans le film pour pouvoir dire une phrase.
00:36 Pour moi, je n'y arrive pas.
00:37 Je suis arrivée sur la scène, donc il y a 1500 personnes.
00:40 J'ai commencé pour parler, j'avais prévu quand même un petit texte au dernier moment.
00:43 Je n'ai plus eu de voix, je ne pouvais plus parler,
00:46 j'étais trop gagnée par l'émotion.
00:47 Et puis après, tout d'un coup, ça s'est lancé et voilà.
00:50 C'est vachement intéressant que vous nous racontiez ça
00:53 parce que votre personnage, que vous incarnez,
00:56 cette avocate, dans des moments un peu importants,
00:59 des moments de stress, elle perd aussi sa voix.
01:01 Je sais.
01:02 Elle a la voix qui part en vrai.
01:04 Je trouvais ça super qu'une femme n'arrive pas à trouver sa voix.
01:08 C'est une femme qui se demande toujours "Comment est-ce que je peux parler comme je suis ?"
01:11 Il y a toujours l'impression d'être à côté de ses pompes.
01:13 C'est tous les efforts qu'elle fait.
01:14 Pour être vraie, elle n'y arrive pas.
01:16 Et en plus, quand on est avocate, ça se voit beaucoup parce que c'est en public,
01:19 parce qu'il faut parler fort.
01:20 Ça se voit beaucoup.
01:21 Ça me faisait beaucoup rire et ça me ressemble.
01:23 Et cette femme, elle ne va pas s'affirmer en cherchant sa voix.
01:26 C'est marrant, elle court tout le temps après une voix grave.
01:28 Elle cherche tout le temps à avoir une voix grave comme les hommes
01:29 pour être plus convaincante.
01:31 Alors qu'en fait, sa façon à elle d'être convaincante,
01:33 ça va être juste d'être convaincue.
01:34 Et plus elle va être convaincue, plus elle va trouver de la force.
01:37 Et puis elle va trouver les bons mots.
01:39 Et plus elle va devenir qui elle est.
01:40 Ce qui est beau avec le fait de jouer une avocate,
01:42 c'est qu'on la fait changer de niveau de jeu.
01:45 Parfois, elle est dans la vie et parfois, on la voit plaider.
01:48 Et des fois, elle plaide bien, des fois, elle plaide mal.
01:50 Donc, on travaille sur la représentation.
01:52 Ça m'a fait penser au théâtre, bien sûr,
01:53 parce qu'en plus, nous jouions à Andorval et moi,
01:56 puis les deux avocates, devant 80 figurants quand même.
01:58 Donc, on était déjà au théâtre.
02:00 Des similitudes, il faut être convaincue.
02:03 Moi, je ne pense pas qu'il faut user de trop de subterfuge, justement.
02:06 Je ne pense pas qu'il faut user trop de sa voix, d'effet de voix.
02:09 Je pense qu'il faut y aller par les idées et la conviction.
02:12 C'est comme un conte philosophique, comique, autour des chiens et des femmes.
02:15 Par exemple, un chien, c'est un ancien loup
02:18 qui, pendant 40 000 ans, a été modelé, façonné.
02:22 Il a été changé.
02:24 On a sélectionné les plus dociles, on les castre pour qu'ils restent enfantins.
02:28 On crée nos meilleurs amis parfaits, on les modèle.
02:32 Et je trouve qu'aussi, on remplace chien par femme.
02:35 Je peux m'y reconnaître aussi.
02:37 J'ai l'impression de me battre contre des modèles
02:39 auxquels on me demande d'appartenir.
02:40 Et j'ai l'impression qu'on est beaucoup qui sont dans cette optique-là
02:42 et qui cherchent à s'en libérer.
02:43 En tant qu'actrice, en plus, je commence à un peu prendre de l'âge.
02:46 Ce n'est pas facile par rapport au visage, à l'image.
02:49 En tant qu'actrice, pour me libérer de la peur,
02:51 du regard des gens sur ma beauté ou pas beauté,
02:55 c'est tout un travail que je n'ai pas réglé.
02:58 - C'est en cours ? - Je ne sais pas si c'est réglable.
03:00 - À cause de... - De ce qu'on demande aux actrices,
03:02 encore actuellement, il faudrait que...
03:04 Là encore, on voit arriver des corps différents,
03:07 ce qui n'était pas le cas il y a 10 ans quand même.
03:08 Donc déjà, c'est bien. Après, sur l'âge,
03:10 sur le fait de garder son visage qui vieillit et de ne pas le changer,
03:15 il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire, je crois.
03:17 Sous-titrage Société Radio-Canada
03:19 ♪ ♪ ♪

Recommandations