À un mois des élections européennes, la poussée des partis nationalistes en Europe se poursuit dans les sondages, et notamment en France avec le Rassemblement national. Ce camp eurosceptique veut désormais changer l'Union européenne de l'intérieur quand les partis dits europhiles se mettent à défendre une souveraineté et un protectionnisme européens. On en parle dans l'émission Ici l'Europe sur France 24 et Public Sénat. Année de Production : 2023
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00:00 France 24 et RFI présentent
00:03 (Musique)
00:23 Bonjour à tous et merci de nous rejoindre pour "Ici l'Europe". Nous sommes ensemble sur France 24 et RFI.
00:29 Nous prenons tout de suite la direction de la Géorgie, petit pays du Caucase de 4 millions d'habitants,
00:35 en partie occupé par l'armée russe depuis 2008. Un pays en ébullition avec des manifestations monstres
00:41 contre l'adoption de la loi dite sur l'influence étrangère par le Parlement.
00:45 Une loi calquée sur une autre adoptée d'ores et déjà à Moscou, alors qu'il a obtenu en décembre dernier
00:52 le feu vert pour son statut de candidat à l'adhésion à l'Union européenne.
00:56 Ce pays est regardé de très près par ses partenaires désormais.
01:00 Même le veto de la présidente de Géorgie ne semble pas de nature à infléchir le gouvernement du parti rêve géorgien,
01:08 la formation du milliardaire bidzina Ivanishvili.
01:12 Et nous recevons pour en parler, et bien justement, cette présidente géorgienne, Salome Zourabichbili.
01:19 Bonjour, vous êtes en duplex avec nous depuis Tbilisi, la capitale de Géorgie.
01:26 Vous êtes une présidente très opposée à cette loi.
01:29 Alors le texte, rappelons-le, impose à tout ONG ou à tout média recevant plus de 20% de son financement de l'étranger
01:37 de s'enregistrer en tant qu'organisation poursuivant des intérêts d'une puissance étrangère
01:42 et se soumettant à un contrôle administratif. En quoi c'est dangereux pour votre démocratie ?
01:49 Parce qu'on a vu les effets d'une loi identique, avec la terminologie identique telle qu'elle a été appliquée en Russie,
01:57 et l'effet que ça a produit sur la société civile, les organisations non gouvernementales, les médias qui pratiquement n'existent plus.
02:05 Alors ça n'est pas le cas de la Géorgie qui n'est pas la Russie, et donc c'est pas aussi facile.
02:09 On a une résistance et une résilience un peu différentes.
02:13 Mais c'est la direction qui est prise par cette loi, qui a été présentée, il faut le noter, l'année dernière déjà,
02:21 qui a déjà l'année dernière provoqué des manifestations de masse,
02:26 qui a provoqué déjà l'année dernière des réactions extrêmement négatives de tous nos partenaires européens,
02:31 l'organisation, l'OSCE, Idelodir, et tout ça a provoqué le retrait de la loi l'année dernière,
02:38 et la promesse par le Premier ministre de dire "plus jamais cette loi, on a compris qu'il ne fallait pas", etc.
02:45 On obtient en décembre le statut de candidat que nous octroient nos partenaires européens,
02:53 c'est la liesse et l'enthousiasme dans la population, tout le monde fête,
02:58 et deux mois après, tout d'un coup, sans prévenir, le gouvernement remet cette loi,
03:05 rejette ce pavé dans la mare, qui est quelque chose qui est une provocation à la polarisation,
03:11 et une espèce de brûlot en quelque sorte, parce que tout le monde sait ce que ça a déjà provoqué,
03:17 et surtout c'est fondé, et c'est en parallèle avec une rhétorique extrêmement anti-occidentale, anti-européenne,
03:26 qui ressemble beaucoup à la rhétorique du Kremlin,
03:30 tout le monde est agent d'étranger, tout le monde travaille pour quelqu'un, tout le monde est financé,
03:34 tout le monde veut la révolution, tout le monde veut un deuxième front contre la Russie,
03:38 tout le monde est soupçonné de tout, c'est la grande théorie de la conspiration,
03:44 qui est proposée par le président du Rêve géorgien, M. Ivan Ishvili, dans un grand discours fleuve le 29 avril,
03:53 qui est repris ensuite par absolument tous les leaders du gouvernement et du parti,
04:00 et qui ensuite adopte cette loi par un vote absolument monolithique de l'ensemble du parti, il n'y a pas une voix qui manque.
04:09 Oui, alors justement, le parti du Rêve géorgien est passé en force au Parlement le 14 mai dernier, avec ce vote.
04:16 Ce vote a donné lieu à des manifestations impressionnantes à travers toute la Géorgie,
04:22 des leaders étrangers qui viennent sur votre sol avertir du désaccord des Européens,
04:28 et pourtant cela n'a pas fait reculer le gouvernement, pourquoi pas ?
04:33 Pourquoi pas, il faut leur demander.
04:36 C'est la grande question, pourquoi à un moment de progrès sur la voie européenne,
04:42 que nous avons un certain nombre de réformes très importantes à prendre très vite,
04:47 pour pouvoir obtenir l'accession aux négociations, à ce moment-là,
04:53 cette session parlementaire est utilisée non pas pour aller dans ce sens,
04:57 mais pour au contraire jeter un espèce d'obstacle artificiel sur la voie de l'accession à l'Union européenne.
05:05 Et c'est ça la question que posent les manifestants, c'est ça la préoccupation, c'est ça l'indignation.
05:10 Il n'y a pas que cette loi, il y en a plusieurs autres,
05:13 mais celle-là est devenue un espèce de centre focal de l'attention.
05:18 Pourquoi est-ce que les autorités choisissent la voie de l'affrontement,
05:21 la voie de la polarisation, la voie de la provocation de leur société,
05:25 parce que ce n'est même pas un affrontement de deux parties de la société.
05:29 80% de la société grgm veut son avenir européen,
05:34 elle n'est pas prête à y renoncer,
05:36 et d'ailleurs il est très intéressant de voir que derrière le narratif très russe,
05:41 l'Occident veut nous renverser, l'Occident est l'origine de tous les maux,
05:47 derrière cela il y a un codicil qui est ajouté depuis quelque temps,
05:52 mais nous arriverons quand même à faire entrer la Géorgie dans l'Union européenne,
05:56 dit le rêve géorgien, dit le gouvernement.
05:59 Ça veut dire qu'ils ont simplement regardé leurs propres électeurs,
06:06 leurs derniers supporteurs, le dernier carré, Fidel,
06:09 et ils ont constaté que là aussi, les gens ne veulent pas se voir priver de l'avenir européen,
06:14 ils ne veulent pas voir le pays priver de son avenir européen,
06:18 ou de ses visages, tout ce qui va avec d'ailleurs.
06:22 Regardons ce qui va se passer, vous pouvez utiliser votre droit de veto contre ce texte,
06:28 et vous avez dit que vous vouliez le faire,
06:30 mais de toute façon il peut être quand même rejeté ensuite par la majorité au Parlement,
06:35 il n'y a pas de solution institutionnelle en tant que telle ?
06:39 Des solutions institutionnelles, il y en a si les autorités,
06:43 comme elles le prétendent un petit peu dans les dialogues non publics,
06:49 il y en a s'ils veulent faire une concession,
06:52 ils ont reculé l'année dernière mais ils ont menti,
06:55 donc ils peuvent encore jouer, et par exemple quand mon veto sera proposé,
07:00 ils pourraient ne pas réagir au veto immédiatement,
07:03 laisser cette loi en quelque sorte comme une épée de Damoclès
07:07 qui pendrait au-dessus de la société civile,
07:10 mais sans acter sur le veto, c'est-à-dire sans recourir aux votes majoritaires,
07:14 ils rejeteraient le veto.
07:17 Ils peuvent aussi reprendre la loi, ils ont beaucoup d'armes en leurs mains,
07:21 moi je n'en ai qu'une qui est le veto, et qui a une portée extrêmement symbolique,
07:26 tout le monde sait très bien que ce veto est un veto politique,
07:30 c'est un veto symbolique, mais ils veulent que l'expression dans la rue
07:35 de ce que la population a dit, c'est-à-dire nous voulons sauver notre avenir européen,
07:39 soit aussi dit à un niveau institutionnel par la Présidente,
07:43 et c'est ça que je vais faire, et d'ailleurs il faut savoir aussi
07:46 que la Constitution, qui est un article qui impose à toutes les institutions étatiques
07:53 de faire tout ce qui est en leur possible pour favoriser l'avenir européen
07:58 et la marche vers l'Union européenne, m'impose à moi aussi cette action
08:04 qui est de bloquer tout ce qui va à l'encontre, en revanche,
08:08 de la voie européenne de la Géorgie, donc c'est ce que je ferai.
08:11 Une partie de ces manifestants aussi appellent à des sanctions occidentales,
08:16 que peut faire l'Union européenne ?
08:18 Qu'est-ce que vous attendez, j'ai envie de dire, comme réaction de l'Union européenne ?
08:23 Alors moi je dis très clairement que sur la question des sanctions individuelles,
08:28 je ne me prononce pas parce que je n'ai jamais vu nulle part un président
08:32 se prononcer sur des sanctions individuelles envers tout ce soir,
08:36 je suis la présidente de tout le monde.
08:38 En revanche, je pense que l'Union européenne a un devoir de clarté aujourd'hui,
08:44 elle doit se prononcer à côté, et c'est ce qu'ont fait d'ailleurs les ministres
08:50 qui étaient présents à Tbilisi, les parlementaires qui sont venus,
08:54 elle doit soutenir une population qui est très clairement pro-européenne
08:58 et qui défend son avenir européen.
09:00 Deuxièmement, elle doit se porter en désaccord critiqué,
09:04 et très fermement et très radicalement,
09:07 les déclarations et le discours politique des dirigeants.
09:11 Il faut leur dire, c'est terminé, ou alors on n'a pas le moyen de se parler,
09:14 c'est pas possible d'avoir ce double langage qui est d'un côté,
09:18 je vous assène de toutes sortes de critiques et d'insultes,
09:22 et il y avait des insultes, y compris par le président du Parlement géorgien,
09:26 envers les parlementaires présents à Tbilisi,
09:29 notamment le représentant de Bundestag.
09:32 Ce n'est pas possible d'avoir ces deux langages, donc il faut qu'ils choisissent.
09:37 Troisièmement, il faut être très clair sur ce qui va arriver ensuite,
09:41 c'est-à-dire qu'il faut laisser la population géorgienne choisir son avenir
09:46 en regardant ces élections qui sont à notre porte le 26 octobre,
09:50 et qui seront de facto une forme de référendum.
09:54 Si elle confirme qu'elle veut son futur européen,
09:58 et à ce moment-là l'Union européenne réagira comme elle le souhaite,
10:02 et comme elle le pense, et comme elle le doit,
10:04 en revanche, si jamais, ce que je ne crois pas,
10:07 si jamais la population géorgienne faisait une décision dans un autre sens,
10:12 et disait finalement "je ne suis pas si sûr de ce que ça, de mon avenir européen",
10:16 et de vouloir le défendre à tout prix,
10:18 à ce moment-là, tout est justifié.
10:21 Les sanctions sur le pays, comme sur la Géorgie,
10:24 c'est-à-dire l'arrêt de la pause de telle ou telle candidature, ou d'autres choses.
10:30 Jusqu'où peut aller le rêve géorgien,
10:33 qui vous le disait a remis quand même sur la table cette loi qu'il avait abandonnée.
10:37 Est-ce que vous croyez à la possibilité d'un scénario similaire à l'Ukraine en 2014,
10:43 puisqu'on voit justement des manifestations qui sont réprimées de façon importante,
10:48 et qu'il y a un rapprochement effectivement avec la rhétorique russe ?
10:53 Il y a un rapprochement avec la rhétorique russe,
10:55 mais les rapprochements et les comparaisons avec des situations très différentes ne sont jamais raisons.
11:00 La situation de la Géorgie est très différente de l'Ukraine à l'époque,
11:05 et personne ne sait jusqu'où peuvent aller les dirigeants du rêve géorgien,
11:10 qui semblent être enfermés dans une espèce de fuite en avant.
11:14 Et la réponse à cette fuite en avant, nous l'avons, ce sont les élections,
11:18 c'est des élections référendaires, dans le calme.
11:22 Moi ce que je veux absolument noter, c'est que la population est absolument pacifique,
11:28 que toutes ces manifestations sont des manifestations pacifiques,
11:32 où il n'y a pas une voiture brûlée, il n'y a pas une vitrine qui est volée en éclat,
11:38 il n'y a aucune violence parmi les manifestants,
11:41 il n'y a même pas de violence verbale de la part des manifestants,
11:45 et c'est très intéressant, je viens de rentrer cette nuit sur les réseaux sociaux,
11:50 sur l'un des groupes de ces jeunes qui sont un peu les organisateurs spontanés de ces manifestations,
11:57 et à la différence des réseaux sociaux que moi je connais en Europe ou même ici,
12:03 il n'y a aucune insulte, aucune violence verbale,
12:07 tout ça est dans l'organisation, les idées nouvelles,
12:09 comment est-ce qu'on peut faire, comment est-ce qu'on peut parler à nos amis en Europe,
12:13 leur demander de nous envoyer des petites vidéos,
12:16 beaucoup de créativité, très peu de violence, absolument pas de confrontation.
12:20 Alors il y a de la violence de la part des forces spéciales,
12:25 mais non pas des forces de police régulières qui sont là de façon assez inutile,
12:30 parce que rien ne le justifie.
12:32 Une demande à nos amis européens qui est de demander aux dirigeants de façon très très ferme
12:38 d'appliquer ce qu'ils prétendent faire, les standards européens,
12:42 qui demandent à ce que les forces spéciales soient identifiées par des numéros,
12:46 de façon à ce qu'ils puissent y avoir des enquêtes,
12:48 quand il y a les cadres et les vidéos que l'on a vues,
12:52 où les gens jetés à terre sont violentés d'une façon qui est inacceptable
12:57 dans un pays qui est, se veut et restera démocratique.
13:01 Salomé Zouravich-Billy, d'autres lois, vous l'avez dit,
13:04 qui marquent une dérive autoritaire,
13:07 une modification du code des impôts qui autorise à rapatrier les fonds déposés à l'étranger
13:12 et permet de les soustraire à des sanctions occidentales,
13:15 ça c'est une loi pro-oligarque en quelque sorte ?
13:19 On a la loi Russe qui est soi-disant destinée à introduire de la transparence
13:24 sur les financements des organisations non-gouvernementales
13:27 qui sont financées par nos amis et partenaires,
13:30 et cette loi qui a été passée en Katimini
13:33 pendant qu'il y avait les manifestations autour de la loi Russe,
13:36 en procédure d'urgence, en 48 heures,
13:40 sans explication de l'impact sur le budget,
13:45 sans examen dans les différentes commissions.
13:48 Et c'est une loi qu'on peut appeler une loi Ivanishvili ou une loi oligarque,
13:53 mais qui peut être aussi utilisée plus largement
13:57 par les gens qui sont menacés, sanctionnables je dirais,
14:01 parce qu'à ce moment-là ils peuvent rapatrier leurs fonds en Géorgie,
14:05 créer très facilement ici une société qui reçoit,
14:08 non pas seulement les fonds, mais plutôt les capitaux mobiliers transférables,
14:13 des œuvres d'art,
14:15 et pour ceux qui ne sont pas encore sanctionnés,
14:18 ça peut être des flux financiers.
14:20 Tout ça c'est absolument pas transparent,
14:22 les lois d'application doivent être prises par le ministère des Finances
14:26 dans l'obscurité la plus totale,
14:29 et pendant ce temps-là, les autorités nous parlent de transparence
14:33 vis-à-vis d'organisations qui existent depuis 30 ans dans le pays,
14:37 et qui nous ont aidé à nous développer,
14:39 et à développer la démocratie en Géorgie.
14:42 Et d'ailleurs le milliardaire Ivanish Bily,
14:45 dont la fortune est estimée à 1/5 du produit interieur but de la Géorgie,
14:49 effectivement vous disiez, est-ce que c'est une loi Ivanish Bily ?
14:52 On parle évidemment d'un autre sujet qui a beaucoup secoué l'Union Européenne,
14:57 à savoir sur son sol un attentat d'un tireur isolé
15:01 contre le Premier ministre Slovaque, Robert Fitzhau.
15:05 Les Européens ont exprimé leur soutien.
15:08 De quoi cette tentative de meurtre est-elle le signe ?
15:11 Le signe de la violence politique qui existe dans tous nos pays,
15:17 particulièrement en Europe, aux États-Unis, dans tous les pays démocratiques.
15:23 Et c'est ça qui est le plus inquiétant,
15:26 c'est que ce sont dans les pays où les gens peuvent normalement s'exprimer,
15:30 ils peuvent s'exprimer à la fois publiquement dans la rue, manifester,
15:35 et ensuite s'exprimer dans les urnes.
15:37 Et c'est dans ces pays-là que tout d'un coup,
15:40 cette violence politique est en train d'émerger, alors qu'elle n'a pas lieu d'être.
15:44 Alors elle est évidemment alimentée par ces réseaux sociaux qui sont anonymes,
15:50 et l'anonymat facilite tout,
15:53 et la brutalité de l'expression de cette violence verbale
15:56 qui ensuite se transforme en violence politique.
15:59 Donc c'est très grave, c'est très dangereux.
16:02 L'Union Européenne nous dit "dépolariser, dépolariser",
16:05 et ma réponse est toujours de dire "je ne sais pas exactement
16:09 quels sont les instruments de la dépolarisation,
16:12 et personne ne les a encore inventés".
16:15 Je crois que c'est dans la responsabilité des leaders eux-mêmes,
16:18 et c'est pour ça que je trouve, si je reviens à la Géorgie,
16:22 que je trouve le discours des dirigeants de Rêve Géorgien extrêmement grave,
16:28 parce que la brutalité de leur discours,
16:31 leurs attaques contre l'opposition, contre la société civile,
16:34 contre nos partenaires étrangers,
16:36 et du même acabit que ce qui génère ensuite les théories de la conspiration,
16:40 et les théories de la conspiration, ensuite on sait,
16:43 on a l'expérience historique de savoir jusqu'où ça peut aller.
16:47 Donc tout le monde, devoir de vigilance,
16:50 et devoir de responsabilité, en particulier des gens qui sont en responsabilité.
16:55 Merci Madame la Présidente, merci Salomé Zoura-Bijvili.
16:59 On continue de parler de ce cas, de l'attentat contre FITSO,
17:03 et du duel pro et anti-européen à l'occasion des prochaines élections européennes,
17:09 avec nos partenaires, c'est le débat avec Public Sénat.
17:12 Merci de nous rejoindre alors que nous sommes en pleine campagne pour les élections européennes.
17:22 Le scrutin est en moins d'un mois, du 6 au 9 juin selon les pays.
17:27 La scote, on le rappelle, à la proportionnelle à un tour seulement.
17:31 Avec un véritable enjeu pour notre futur, voulons-nous plus ou moins d'Europe ?
17:36 Deux projets de société s'affrontent dans cette campagne,
17:39 le fédéralisme européen face au souverainisme national.
17:43 Oui, alors que les sondages prédisent une progression par rapport à 2019,
17:47 des deux groupes de droite eurosceptique du Parlement européen.
17:50 D'abord le groupe Identité et Démocratie,
17:52 qui rassemble notamment les Français du Rassemblement National et l'AFD allemande.
17:56 Et puis le groupe des conservateurs réformistes européens,
17:59 qui accueille par exemple les Italiens de Fratelli d'Italia,
18:02 le parti de Giorgia Meloni, la chef du gouvernement italien.
18:05 Ces deux groupes de droite radicales pourraient représenter pour la première fois
18:08 dans l'histoire européenne un cinquième de l'hémicycle du Parlement.
18:11 Et puis c'est une campagne européenne marquée par deux faits d'actualité aussi.
18:14 Aux Pays-Bas, l'extrême droite du Parti pour la liberté vient de réussir
18:17 à former un gouvernement de coalition avec trois autres partis,
18:20 dont la droite libérale du VVD, et puis en Slovaquie,
18:24 le Premier ministre souverainiste et pro-russe Robert Fitzhauer,
18:28 a été victime d'un attentat, ce qui a provoqué l'émoi au sein de l'Union européenne.
18:33 Alors pour en parler aujourd'hui, nous sommes en compagnie de deux invités.
18:37 Oui, d'abord Philippe Olivier, bonjour.
18:39 Bonjour.
18:40 Vous êtes eurodéputé français, membre du RN du Rassemblement National en France,
18:43 et du groupe Identité et Démocratie au Parlement européen,
18:46 donc à droite toute de l'hémicycle.
18:48 Et puis en direct de Bruxelles, on accueille Karen Melchior. Bonjour.
18:52 Bonjour.
18:54 Vous êtes eurodéputée danoise et membre du groupe Rignou Europe au Parlement.
18:59 D'ailleurs, un attentat, j'ai envie de vous dire, Madame Melchior,
19:02 contre un Premier ministre européen en pleine campagne des élections européennes,
19:06 ça change un peu l'ambiance.
19:08 Ça change beaucoup l'ambiance.
19:10 C'est vraiment affreux de lire et de savoir qu'il y a un attentat contre un politicien.
19:15 C'est le deuxième attentat pendant ces campagnes,
19:18 il y avait déjà un attentat contre un social-démocrate allemand à Dresden,
19:23 quand il était en train de mettre des affiches,
19:26 mais un attentat à fusil contre un Premier ministre européen
19:32 qui a subi une opération pour sauver sa vie après.
19:36 C'est vraiment affreux d'avoir cette violence politique dans nos campagnes
19:44 et dans notre vie démocratique.
19:46 Ça montre aussi que ça a un effet, comment on parle l'un vers l'autre
19:51 dans les débats politiques et aussi sur les médias sociaux.
19:55 Le monsieur qui avait attaqué Robert Fitzhau,
20:01 il avait eu un passé avec des pro-russes militantes,
20:07 très changé ses positions,
20:12 est très actif sur les médias sociaux aussi,
20:16 et on voit que les mots ont des effets sur les actions des personnes.
20:22 Et on a eu en Slovaquie un débat politique très violent en mots contre l'opposition.
20:33 J'ai un collègue qui a été appelé comme rat par la partie de monsieur Fitzhau
20:42 il y a seulement moins d'un mois,
20:45 et il faudra vraiment penser comment on se parle
20:48 parce que la façon de faire le débat politique,
20:52 ça peut radicaliser les gens et faire des attentats politiques.
20:57 On a aussi vu dans le passé un attentat contre la ministre des Affaires étrangères
21:05 suédoise, Anna Lind,
21:09 et il faut vraiment mettre un arrêt à cette violence politique dans nos débats.
21:16 On a aussi eu Anne Vistissen dans le débat à Maastricht
21:23 qui a dit qu'elle voulait virer von der Leyen,
21:28 faire sécher le marais en réflectant les mots de Trump à Bruxelles.
21:35 Il faudra vraiment revenir à des débats politiques contre des mots de violence.
21:41 Effectivement, Philippe Olivier, il y a toute une bataille d'informations
21:44 qui se joue après cet attentat contre Robert Fitzhau,
21:47 qui dirige un gouvernement nationaliste.
21:50 Ce gouvernement accuse la gauche d'être responsable de cet attentat,
21:54 décrit le tireur comme un opposant de gauche au gouvernement.
21:59 Mais comme le disait Karen Melchior,
22:01 par exemple si on prend un article du journal Le Monde,
22:03 ce tireur avait aussi un passé de militant
22:06 ayant participé à des manifestations pro-russe, anti-migrants, anti-Rome.
22:10 Il y a beaucoup de zones nombres autour de cet attentat
22:13 et il est en train de prendre une tournure très politique.
22:15 Oui, moi, évidemment, je déplore et avec effroi cet attentat,
22:20 comme toutes les violences politiques qui sont absolument inadmissibles.
22:25 Moi, je me garderai de tout commentaire.
22:27 Là, on est en train d'essayer de faire une instruction sur les plateaux de télévision.
22:31 Je crois que ce n'est pas le lieu, ce n'est pas le moment.
22:34 Il faut laisser l'enquête en cours et puis on fera des commentaires après.
22:38 Je crois que ce qui est important, c'est d'essayer de garder un échange d'idées,
22:42 un échange d'idées qui permet au public et donc à l'électeur d'être éclairé
22:47 et de pouvoir arbitrer librement et en toute conscience.
22:50 Alors, Robert Fitzhau, rappelons-le, il vient de la gauche, en tout cas.
22:57 Il était labellé social-démocrate, mais il a été exclu du Parti Socialiste Européen.
23:03 Il dirige aujourd'hui un gouvernement nationaliste.
23:06 Il avait dit qu'il allait couper la Dalle Ukraine, il ne l'a pas fait.
23:09 Et vous craignez que cet attentat soit aussi peut-être repris par la propagande russe,
23:15 parce que c'est vrai qu'en pleine campagne des Européennes,
23:17 il y a cette inquiétude de propagande et d'antrisme dans les élections de puissances étrangères.
23:24 Je trouve que c'est très probable que la propagande russe va essayer
23:28 d'utiliser ces divisions dans les sociétés européennes et cette violence,
23:35 de créer des divisions et aussi de créer un apathie contre les autorités et contre les élections,
23:43 pour ne pas donner envie d'aller participer dans les élections.
23:49 Et je veux réagir un peu, deux mots par monsieur Olivier, qu'il ne faut pas faire de commentaire.
23:54 Je trouve qu'il faudra toujours faire un commentaire contre la violence.
23:58 Quand on a vu en violence, n'importe si l'objectif est politique ou non,
24:03 il faut réagir et dire que la violence dans nos sociétés, ce n'est pas acceptable, jamais.
24:08 – Philippe Olivier.
24:09 – Je ne crois pas avoir dit le contraire.
24:11 Je me suis gardé de porter des accusations contre qui que ce soit,
24:14 essayer de tirer des conclusions extrêmement hâtives, une affaire dont on ne connaît rien.
24:18 – Est-ce que ça peut avoir un impact sur les élections européennes finalement ?
24:22 Et notamment justement, on le disait, ce match entre les eurosceptiques et les europhiles.
24:28 – Je pense que c'est peut-être bien que ça participe à, j'allais dire,
24:31 à une ambiance un peu délétère.
24:33 Moi, je souhaite que le débat ait lieu de manière tout à fait sereine.
24:36 Ce que j'observe, c'est que ce gouvernement slovak est tout à fait emblématique,
24:40 en dehors de cet attentat terrible, emblématique d'un mouvement qui se manifeste dans toute l'Europe,
24:47 qui est un mouvement de gauche nationale.
24:49 On l'observe en Slovaquie, on l'observe au Danemark,
24:53 où quand même on a un gouvernement socialiste qui est très ferme sur l'immigration.
24:56 Et on l'observe aussi avec la dissidence de Sara Wagner in Est en Allemagne,
25:01 qui est une dissidente de Die Linke et qui prend des positions anti-immigrationnistes.
25:07 Donc on voit que le paysage politique en Europe se recompose autour des idées nationales,
25:13 que ce soit à droite comme à gauche.
25:15 – Oui, car on le rappelle, il y a aussi l'extrême droite nationaliste
25:17 dans ce gouvernement de Robert Fitzhaus, c'est une forme d'alliance entre les nationalistes.
25:21 Alors on va parler des Pays-Bas maintenant, car elle met le cœur,
25:24 puisque le parti d'extrême droite, le parti pour la liberté de Geert Wilders
25:28 a réussi après des mois de négociations à former un gouvernement de coalition
25:31 avec trois autres partis néerlandais, dont la droite libérale du VVD,
25:36 une droite libérale du VVD dont les eurodéputés siègent dans votre groupe Rienu,
25:41 car elle met le cœur.
25:43 Alors deux questions, est-ce que cette alliance c'est un tournant politique au sein de l'Europe
25:46 et qu'est-ce que vous dites à vos collègues Rienu néerlandais ?
25:49 – Je dis les mêmes choses à mes collègues Rienu néerlandais
25:52 que j'avais dit à mes collègues de Rienu suédois et danois
25:58 quand ils sont rentrés dans des coalitions basées sur un soutien parlementaire de l'extrême droite.
26:05 C'est un choix que moi je n'ai pas fait,
26:09 mais c'est un choix qu'on puisse faire dans les Pays-Bas, en Suède et en Danemark,
26:14 qui est impossible à faire en Espagne, en France et en Allemagne,
26:22 mais on fait des coalitions en Danemark et en Pays-Bas
26:27 avec tout le spectre politique après les élections.
26:31 Et je trouve que pour moi ça donne plus de pouvoir à l'extrême droite
26:36 quand les socialistes danois adoptent des positions d'extrême droite
26:43 dans leur politique.
26:45 Et je trouve que c'est dommage que les BVD, ils ont fait ce choix,
26:50 mais c'est quelque chose qu'on avait vu déjà avant.
26:53 Ça qui change un peu, c'est que Rienu avait signé un pacte
26:58 de ne pas engager dans des coalitions de fafaire la politique avec l'extrême droite,
27:04 mais quelques semaines après, ils ont fait ça au niveau national.
27:09 Donc est-ce qu'on peut vraiment faire confiance à ce pacte européen
27:13 si on ne les regarde pas quand on fait la politique au niveau national ?
27:17 Philippe Olivier, vous nous disiez que vous étiez content avant ce plateau
27:22 d'une victoire de cette coalition hollandaise des nationalistes de droite
27:28 en pleine campagne des européennes, mais d'un certain point de vue,
27:32 Geert Wilders n'a pas gagné son pari, alors qu'il est arrivé en tête,
27:36 de devenir Premier ministre. Il n'est toujours pas fréquentable.
27:39 Il y a eu encore un cordon sanitaire contre lui pour qu'il ne soit pas à ce top job, non ?
27:43 Non, il a fait un sacrifice de ses ambitions personnelles pour faire avancer ses idées.
27:49 C'est tout à son honneur. Mais son parti, le PVV, à qui notre partenaire
27:53 au Parlement européen est maître du jeu politique en Hollande,
27:59 c'est un événement politique majeur.
28:02 Et j'observe que les digues sont en train de rompre.
28:07 On l'a vu en Italie, on le voit dans d'autres pays, comme la Suède,
28:13 on le voit maintenant en Hollande, et tout ça préfigure une poussée nationale
28:18 extrêmement importante dans toute l'Europe.
28:20 Effectivement, on voit une poussée des nationalistes partout en Europe.
28:23 Karen Melker, est-ce que c'est la survie du projet européen
28:26 qui est en jeu dans ces élections européennes ?
28:28 C'est toujours la question, mais je ne crois pas.
28:32 Ce n'est pas l'extrême droite qui va tuer le projet européen cette fois.
28:38 C'est plutôt la guerre d'agression hybride de la Russie
28:45 qui met en danger le projet européen si on n'est pas au courant
28:52 que c'est une guerre hybride qu'on est en train de vivre en Europe.
28:57 On a besoin d'une Europe forte pour protéger nos nations,
29:02 parce que nos nations ne peuvent pas être fortes toutes seules,
29:05 mais il faut avoir la collaboration européenne.
29:09 Depuis le Brexit, c'est vrai que vous ne proposez plus de sortir de l'UE
29:14 ou de la zone euro, ni personne d'ailleurs à la droite de la droite.
29:17 Est-ce que ça veut dire qu'on est mieux à l'intérieur d'un certain point de vue ?
29:22 Et puis, à l'intérieur, pour quoi faire ? Pour bloquer l'Europe ?
29:25 Pas du tout. D'abord, on ne quitte pas la table de jeu
29:29 quand on est en train de gagner la partie.
29:31 Je pense qu'on l'a montré avec les élections qui ont lieu,
29:34 qu'on est en train de gagner la partie en Europe.
29:36 Moi d'ailleurs, je ne confonds pas l'Union européenne et l'Europe.
29:40 L'Union européenne n'est pas l'Europe.
29:42 On voudrait nous faire croire qu'il n'y a pas d'autre solution
29:46 comme modèle de coopération entre nations européennes que l'Union européenne.
29:51 Or, il en existe d'autres et nous nous proposons une alternative.
29:55 Et ceux qui nous expliquent qu'il n'y a pas d'alternative à l'Union européenne
29:58 voudraient nous expliquer qu'il n'y a plus de démocratie, qu'on n'a plus de choix.
30:01 Mais vous ne voulez pas sortir de l'Union européenne ?
30:03 L'alternative, c'est en sortant ou pas en sortant ?
30:05 Nous voulons réformer l'Union européenne,
30:08 faire en sorte que les nations, les peuples, les États aient du pouvoir.
30:12 C'est-à-dire que nous voulons transformer la Commission en secrétariat du Conseil,
30:17 de manière à ce que le Conseil puisse décider...
30:21 Donc plus de méthode communautaire, parce que la Commission c'est la méthode communautaire
30:24 et le Conseil c'est en effet le vaisseau des chefs d'État.
30:27 C'est une vision impérialiste, c'est-à-dire un État central qui domine les nations.
30:31 Nous, nous voulons que les nations restent souveraines
30:34 et que des cercles de coopération puissent s'établir sur des sujets
30:38 et que ces coopérations soient libres et qu'elles soient profitables.
30:41 Vous parlez de souveraineté, souveraineté nationale, c'est intéressant
30:44 car le camp des europhiles est en train de changer de discours en ce moment
30:48 et se met également à parler de souveraineté, mais d'une souveraineté européenne et non nationale
30:53 avec une Europe qui protège dans des domaines stratégiques
30:56 comme le domaine alimentaire, la défense, le numérique, face aux appétits de la Chine et des États-Unis.
31:01 Karen Melker, vous les libéraux à la base, vous êtes en train de devenir protectionniste.
31:09 Je crois que c'est une tendance française, peut-être à la base, d'être un peu protectionniste
31:15 pour promouvoir des champions nationales françaises ou européennes
31:20 et c'est un débat qu'on a eu pendant ces dernières cinq ans.
31:24 Je ne trouve pas que c'est nécessairement d'être protectionniste,
31:28 de dire qu'il ne faut pas être naïf, il ne faut pas être naïf de suivre des règles de jeu
31:33 quand les autres ne suivent pas.
31:35 Quand les États-Unis donnent des soutiens massifs à leurs industries,
31:40 quand la Chine n'a pas d'industrie indépendante, mais seulement des industries de l'État,
31:47 il faudra regarder comment est-ce qu'on mettra un niveau d'équilibre
31:52 entre nos entreprises et les entreprises dans le niveau mondial.
31:58 Il faudra avoir une collaboration européenne là où ça donne du sens.
32:05 Nous avons une collaboration entre des États souverains
32:09 qui collaborent pour un marché uni, un marché commun,
32:14 parce que c'est profitable pour chacun de nos États
32:17 et ça ne met pas en danger la souveraineté nationale.
32:21 Alors vous êtes un peu d'ailleurs d'accord sur le mot souveraineté,
32:26 mais qui recouvre quelque chose de très différent.
32:29 En quelques mots, parce qu'il nous reste peu de temps, Philippe Olivier,
32:32 maintenant que les europhiles sont engagés à bâtir une souveraineté européenne,
32:35 elle est contradictoire de votre souveraineté nationale ?
32:38 Complètement. Pour qu'il y ait souveraineté, il faudrait qu'il y ait un peuple européen.
32:42 Or il n'y a pas un peuple européen, il y a des peuples en Europe
32:45 et nous nous croyons dans les souverainetés nationales.
32:48 C'est que chaque peuple défend ses intérêts nationaux et lui-même...
32:51 Donc on garde des droits de veto de chacun des pays ?
32:53 Même s'il l'utilise comme Victor Orban l'a utilisé par exemple,
32:56 pour faire du chantage au reste de l'Europe et avoir plus de sous ?
32:59 Mais à partir du moment où on supprime le droit de veto, on supprime la nation.
33:04 C'est-à-dire qu'on ne pourra même plus défendre nos intérêts nationaux.
33:07 C'est-à-dire que si par une majorité, un État ne peut pas défendre son intérêt national,
33:12 il disparaît et ça nous n'en voulons pas.
33:14 Il faut avoir une collaboration européenne là où ça donne du sens.
33:18 Et le droit de veto, ce n'est pas identique avec la nation.
33:22 On peut avoir une nation très forte en collaborant avec les autres.
33:26 La collaboration, ça se fait meilleurement sans le droit de veto.
33:30 Il faut supprimer le droit de veto dans la collaboration des affaires étrangères,
33:34 mais pas dans le niveau de défense.
33:36 Merci à vous deux d'avoir été nos invités aujourd'hui.
33:40 Merci à vous de nous avoir suivis sur France 24, République Sénat.
33:44 L'actualité continue. Très bonne suite des programmes sur nos antennes.
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