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Émission spéciale du 2 juin 1967

Le 2 juin 1967, l'émission "Cinq colonnes à la une" consacrait une soirée spéciale au 20ème anniversaire du retour de Guillaume Seznec du bagne.

Contexte :

Guillaume Seznec, un charpentier breton, avait été condamné à la peine de mort en 1923 pour le meurtre de son ami Franck Marie. Après 13 ans de bagne, il avait été gracié en 1933 mais n'avait jamais cessé de clamer son innocence.

L'émission :

L'émission spéciale "Cinq colonnes à la une" était présentée par Pierre Desgraupes et proposait un large panorama de l'affaire Seznec.

Des entretiens avec les protagonistes de l'affaire : l'épouse de Guillaume Seznec, Marie-Jeanne, leurs enfants, des témoins du crime, des anciens codétenus de Seznec, etc.
Des archives : des extraits du procès, des photos d'époque, des images de Guillaume Seznec au bagne.
Des reportages : sur les lieux du crime, à Carnac, et sur la vie de Guillaume Seznec après sa libération.

L'impact de l'émission :

L'émission "Cinq colonnes à la une" a eu un grand retentissement et a contribué à relancer l'intérêt pour l'affaire Seznec.

Depuis 1967 :

L'affaire Seznec n'a jamais été résolue et Guillaume Seznec est toujours présumé innocent.

En 2016, la Cour de révision a annulé la condamnation de Seznec pour "violation des droits de la défense".

L'affaire Seznec continue de fasciner et de mobiliser. De nombreux livres, films et documentaires lui ont été consacrés.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:17 Je vais vous montrer ce qu'il me reste comme souvenir.
00:22 Oui.
00:23 Voilà ma grand-mère, la mère de mon père.
00:27 Oui.
00:28 Ma grand-mère ne voulait pas que mon père se marie avec une marque
00:31 parce qu'elle voulait surtout que mon père soit prêtre.
00:34 Oui.
00:35 Ma sœur Marie.
00:36 Voici mon père le jour de son mariage.
00:39 Vous savez, une famille bretonne conquit de l'habit de prêtre pour aller...
00:42 Oui.
00:43 Alors ma grand-mère ne voulait pas de ce mariage.
00:46 Et voici maman avec mon jeune frère qui est mort.
00:49 Ça c'est votre papa.
00:50 C'est mon papa étant jeune homme. Il sortait du séminaire de Pontcroix.
00:54 Guillaume Céznec.
00:58 Quand papa était condamné, maman a voulu que mon frère et moi
01:01 on aille lui faire nos adieux à la prison de Quimper.
01:04 Vous êtes allé dans cette prison?
01:05 Alors on est allé dans cette prison et papa était condamné.
01:08 Alors là ça a été affreux.
01:12 Parce qu'on n'avait pas...
01:17 Je ne peux pas vous expliquer. Entre trois grilles.
01:20 C'est ça.
01:21 Ça a été tout le temps un souvenir à temps, je vous l'ai dit.
01:24 C'est ce qu'il y a de plus affreux pour vous, c'est ce souvenir-là.
01:26 Ça a été le souvenir le plus affreux. Il a été comme une bête enchaînée au fond.
01:30 Ça reste toujours ça.
01:33 Bon, je ne peux pas trop y penser.
01:35 Pierre Kemner, 46 ans, célibataire endurci, conseiller général du Finistère,
01:42 marchand de bois à Landernot.
01:44 Il a gagné beaucoup d'argent à Brest pendant la première guerre,
01:47 Céznec aussi d'ailleurs.
01:49 Cinq ans ont passé, la guerre est loin,
01:51 Céznec façonne des sabots dans sa série de morlais.
01:54 Sa situation financière, sans être inquiétante, lui donne des soucis.
01:58 Le 25 mai, à 5h du matin, Céznec et Kemner partent en cadiac
02:03 de l'hôtel parisien à Rennes pour Paris.
02:05 Pouliquin, notaire Pont-l'Abbé,
02:08 expédié urgent, chèque barré sur Société Générale,
02:12 Maison-Mère Paris et non Banque de France,
02:15 à mon adresse recommandé, Kemner, négociant Landernot,
02:19 poste restante, numéro 3, Paris.
02:22 Kemner, négociant Landernot.
02:24 C'était convenu, maître Pouliquin devait adresser
02:27 un chèque de 60 000 francs à son beau-frère Kemner.
02:30 Et les deux bretons roulent vers Paris.
02:33 Deux jours plus tard, Céznec est de retour à Morlaix.
02:35 Quant à Kemner, on ne l'a jamais revu.
02:38 Le commissaire divisionnaire honoraire Boucher
02:42 était à l'époque un tout jeune commissaire.
02:44 C'est drôle quand un monsieur vient de Morlaix
02:47 pour venir à la brigade mobile pour demander des nouvelles,
02:50 alors qu'il a le commissariat de Morlaix à sa disposition
02:53 et le service de la préfecture à sa disposition
02:55 pour la recherche dans l'intérêt des familles,
02:57 parce que ça se présentait comme une affaire
02:59 dans l'intérêt des familles.
03:01 Alors votre divisionnaire est allé à Morlaix ?
03:04 Alors le divisionnaire, quand il a pris connaissance
03:06 de la main courante, il a dit "mais Céznec,
03:09 mais c'est le type de Morlaix".
03:11 Vous savez, on parle entre policiers.
03:13 Il a dit ça, c'est le type de Morlaix ?
03:15 Oui, on parle en policier, vous savez,
03:17 on parle dans un langage un peu professionnel.
03:19 Mais c'est le type de Morlaix, c'est le type qui a eu
03:21 un incendie suspect à Brest de sa blanchisserie.
03:24 Mais c'est un type très douteux.
03:26 Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là ?
03:28 Voilà comment l'affaire Céznec a commencé.
03:30 Le commissaire Boucher fait allusion à l'incendie
03:32 de la blanchisserie de Brest dont Céznec était le propriétaire
03:36 et qui brûla en 1922 dans des circonstances si bizarres
03:41 que l'assurance refusa de payer les indemnités.
03:45 En 1908, déjà à Plo-Moderne, le village natal de Céznec,
03:50 un incendie avait détruit un vaste pâté de maison
03:54 où demeuraient Céznec et la belle famille de Céznec,
03:58 la famille Marc.
04:00 Céznec avait conservé de cet incendie
04:02 une très grosse cicatrice au visage.
04:05 Il avait le visage littéralement recuit par le feu.
04:08 Et lorsqu'on l'approchait, on devinait bientôt
04:11 un homme au caractère dur, aproguin et cependant fort intelligent.
04:17 Le 4 juin 1923, c'est-à-dire dix jours
04:21 après le départ pour Paris de Kemner et de Céznec,
04:26 Génie, la sœur de Kemner, se rend à Morlaix
04:30 et elle va voir Céznec.
04:32 « Où est Pierre ? » lui demande-t-elle.
04:34 À Paris, répond Céznec, ou en Amérique en tout cas,
04:37 ne vous inquiétez pas, il gagne de l'argent.
04:40 Une chose était vraie, c'est que ces deux hommes
04:43 étaient engagés dans un trafic de voitures
04:46 provenant des stocks américains constitués à la fin de la guerre.
04:50 D'après Céznec, il y avait un intermédiaire qui était un Américain.
04:54 Il ne savait pas très bien son nom,
04:56 il ne savait pas si c'était Charlie ou Cherdly.
04:58 En tout cas, cet homme-là se chargeait d'écouler
05:02 les voitures qu'on lui donnait, de les écouler en Russie soviétique.
05:07 Cependant, l'inquiétude de la famille Kemner est dissipée,
05:10 le 13 juin, grâce à un télégramme qui est expédié du Havre.
05:15 « Kemner, négociant Landerneau, Finistère.
05:19 Ne rentrerez Landerneau que dans quelques jours.
05:22 Tout va pour le mieux. Kemner. »
05:25 Kemner négociant Landerneau.
05:27 On était rassuré.
05:29 Pas pour longtemps tout de même, car le 20 juin à 22h30,
05:33 était trouvé sous une banquette de la salle d'attente
05:37 des 3e classe de la gare du Havre.
05:40 Une valise jaune, tachée de sang,
05:43 et qui avait incontestablement séjourné dans l'eau de mer.
05:47 C'était une valise qui appartenait à Pierre Kemner.
05:50 Elle contenait un carnet de dépenses,
05:53 portant de la main du disparu,
05:56 la mention des frais du voyage en chemin de fer,
05:59 Dreux-Paris, Paris-le-Havre.
06:01 Elle contenait aussi une convention de vente à Seysnec,
06:05 d'une propriété appartenant à Kemner,
06:09 et située au bourg de Plourivaud.
06:11 « Seysnec, interrogé par les policiers, raconte son voyage.
06:15 Départ de l'hôtel parisien à Rennes, le 25 mai à 5h30.
06:19 Voyage interrompu par de nombreuses pannes.
06:22 Arrêt à Dreux, vers 17h, au garage Odé.
06:25 Puis, dit Seysnec, nous avons dîné dans un restaurant
06:28 que je n'arrive pas à situer,
06:31 mais qui se trouve dans une rue en pente.
06:34 Ensuite, j'ai déposé Kemner à la gare de Dreux.
06:38 Sur quoi, informé par la presse,
06:41 des habitants de Oudan viennent déclarer
06:44 « Nous les avons vus dîner au plat des teufs ».
06:47 Seysnec alors corrige son récit.
06:49 Le voyage avait été interrompu par de nombreuses crevaisons.
06:52 Kemner était fatigué et pressé d'arriver à Paris,
06:55 il avait rendez-vous à 8h du matin avec ce Charlie ou Shirley.
06:59 Je reconnais le restaurant où nous avons dîné.
07:02 Puis, nous sommes repartis pour Dreux,
07:05 où je l'ai laissé à la gare.
07:07 Et c'est là qu'il m'a dit « Je suis fatigué, je prends le train.
07:10 Retrouvons-nous à Paris si tu peux, sinon, rentre à Morlaix ».
07:14 Des employés de la gare de Oudan se manifestent à leur tour
07:19 et déclarent les avoir vus devant la gare.
07:22 Une fois de plus, Seysnec revient sur ses déclarations.
07:25 « J'ai dû me tromper de gare, dit-il.
07:28 Impossible, réplique le commissaire Vidal.
07:30 Il n'y avait plus de train au départ de Oudan. »
07:33 Alors, dit Seysnec, c'était bien à Dreux
07:36 où Kemner a pu prendre le rapide de 21h56.
07:40 Les variations de Seysnec entraînent son inculpation.
07:44 Nous sommes le 29 juin 1923.
07:46 Il est incarcéré à la prison de Morlaix.
07:49 Là, il essaiera de s'évader.
07:52 Il tentera de susciter de faux témoignages.
07:54 Mais c'est fini pour lui.
07:56 Il ne peut plus entraver le développement de l'instruction.
07:59 Informé par la presse de l'arrestation de Seysnec,
08:02 des témoins du village de Ploiret se présentent à la police.
08:05 18 jours après la disparition de Kemner,
08:08 8 jours avant la découverte de la valise du Havre,
08:11 le jeune Léon Jacob a vu Seysnec s'arrêter vers 19h
08:14 à 2 km juste dans la descente sur le Bourg.
08:17 Seysnec lui a demandé de pousser sa voiture
08:20 qui était, disait-il, en panne dans un verger près de la ferme.
08:23 Alors, monsieur Jacob,
08:26 c'est là que vous avez amené la voiture ?
08:29 Montrez-nous exactement l'endroit.
08:31 Lui, il l'a conduite.
08:34 Elle marchait, la voiture.
08:36 On n'avait pas besoin de la pousser.
08:38 Et arrivé là, il a eu un emplacement, quoi,
08:41 qu'il était libre.
08:43 Un emplacement libre, il l'a laissée là.
08:45 Il a laissé là la voiture.
08:47 Et alors, qu'est-ce qu'il a fait, là, à ce moment-là ?
08:49 Là, il a pris la manivelle pour la mettre en route.
08:51 Le bidon d'essence qu'il avait en réserve, sûrement,
08:54 il l'a amenée dans la maison, dans la maison d'habitation.
08:57 Et il a causé, à un moment, un breton.
08:59 Et qu'est-ce qu'il lui a dit ?
09:01 Il lui a dit quelque chose comme ça, quoi.
09:03 "T'emmènes-moi avec bravo."
09:05 "Il fait beau, quoi." Quelque chose comme ça.
09:07 C'est ça. Et vous, vous avez regardé la voiture ?
09:09 Moi, j'ai regardé.
09:11 Et vous avez vu la plaque ?
09:13 C'est ça.
09:15 C'est ça.
09:17 Et alors, c'est ce qui vous a donné l'idée, après,
09:19 quand vous avez su que c'était lui ?
09:21 Je suis allé au journaux.
09:23 Oui.
09:25 Et je me suis dit, tiens, il a été chez nous, cet homme-là.
09:27 C'est ça. Et la voiture est donc restée là ?
09:29 Oui. Jusqu'à temps, deux jours après.
09:31 J'ai revenu la chercher, quoi.
09:33 Là-dessus, Seznek descend dans le bourg,
09:35 mais comme il trouve la poste fermée,
09:37 il se rend à l'hôtel des voyageurs
09:39 et sort de sa poche une formule de télégramme.
09:41 Il rédige son télégramme destiné à sa femme
09:43 et le donne vers 20 heures à Mlle Nicolas.
09:45 J'ai eu peur.
09:47 Parce qu'il était bizarre.
09:49 D'abord, ses cicatrices, la figure,
09:51 et puis il était habillé quand même pas comme un monsieur,
09:53 mais comme un ouvrier.
09:55 Enfin, c'était pas pour ça que j'avais peur de lui,
09:57 mais c'est parce qu'il était drôle.
09:59 Il n'avait pas l'air normal.
10:01 Il avait l'air...
10:03 soucieux.
10:05 Il faisait les 100 pas
10:07 en ayant l'air de réfléchir beaucoup.
10:09 Une fois qu'il est parti, moi, j'ai pu penser à ça.
10:11 Seznek, après, quand mon père,
10:13 en lisant le journal, a vu cette histoire quéménaire,
10:15 il dit, on parle d'un homme nommé Seznek.
10:17 Alors, à ce moment-là, c'est ce nom-là qui m'a frappée.
10:19 Alors, je dis Seznek, Seznek,
10:21 j'ai déjà vu ce nom-là quelque part.
10:23 Et puis, c'est à ce moment-là que je me suis rappelée
10:25 du télégramme.
10:27 En panne à 10 km de Lagnon,
10:29 ne rentrerait que demain matin Seznek.
10:31 Surtout que la signature était très, très lisible.
10:33 Alors, je pars à mon père,
10:37 il m'a demandé si j'étais certaine.
10:39 Je dis, je suis absolument certaine.
10:41 A ce moment-là, je vais aller à la gendarmerie.
10:43 Il est parti à la gendarmerie,
10:45 aussitôt qu'on a mangé.
10:47 Puis les gendarmes ont téléphoné à Rennes,
10:49 à la police mobile de Rennes.
10:51 Et puis, le lendemain, ils étaient chez moi.
10:53 - Quel âge vous aviez?
10:55 - 22 ans.
10:57 Et puis, j'étais une mite.
10:59 J'étais pas virte.
11:01 - Donc, 2 jours après,
11:03 Seznek est revenu.
11:05 La voiture était où?
11:07 Elle était là?
11:09 - Elle était là.
11:11 - C'est ça.
11:13 Et vous, où est-ce que vous étiez
11:15 au moment où Seznek est revenu?
11:17 - Moi, j'étais dans un petit champ
11:19 en bordure de la route.
11:21 Et je l'ai vu revenir de la direction
11:23 de la gare de Brouarette,
11:25 portant un paquet sur l'épaule.
11:27 Il paraissait un paquet...
11:29 Il paraissait lourd.
11:31 - Il paraissait lourd?
11:33 Comment?
11:35 - Comme ça, quoi.
11:37 - Enveloppé dans quoi?
11:39 - Du papier d'emballage
11:41 couleur gris-jaune.
11:43 - Gris-jaune?
11:45 - Oui. Je me rappelle très bien.
11:47 - Est-ce que vous pouvez vous souvenir
11:49 à peu près, à votre avis,
11:51 ça pesait combien de kilos, ce paquet?
11:53 - Il paraissait encore assez lourd,
11:55 mais peut-être plus de 10 kilos.
11:57 - Plus de 10 kilos?
11:59 - Oui.
12:01 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:03 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:05 - Oui.
12:07 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:09 - Oui.
12:11 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:13 - Oui.
12:15 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:17 - Oui.
12:19 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:21 - Oui.
12:23 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:25 - Oui.
12:27 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:29 - Oui.
12:31 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:33 - Oui.
12:35 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:37 - Oui.
12:39 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:41 - Oui.
12:43 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:45 - Oui.
12:47 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:49 - Oui.
12:51 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:53 - Oui.
12:55 - Il paraissait un peu plus lourd.
12:57 - Oui.
12:59 - Il paraissait un peu plus lourd.
13:01 - Oui.
13:03 - Il paraissait un peu plus lourd.
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13:07 - Il paraissait un peu plus lourd.
13:09 - Oui.
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13:17 - Oui.
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16:57 - Il paraissait un peu plus lourd.
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17:59 - Oui.
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18:03 - Oui.
18:05 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:07 - Oui.
18:09 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:11 - Oui.
18:13 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:15 - Oui.
18:17 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:19 - Oui.
18:21 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:23 - Oui.
18:25 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:27 - Oui.
18:29 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:31 - Oui.
18:33 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:35 - Oui.
18:37 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:39 - Oui.
18:41 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:43 - Oui.
18:45 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:47 - Oui.
18:49 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:51 - Oui.
18:53 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:55 - Oui.
18:57 - Il paraissait un peu plus lourd.
18:59 - Oui.
19:01 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:03 - Oui.
19:05 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:07 - Oui.
19:09 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:11 - Oui.
19:13 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:15 - Oui.
19:17 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:19 - Oui.
19:21 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:23 - Oui.
19:25 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:27 - Oui.
19:29 - Il paraissait un peu plus lourd.
19:31 - Oui.
19:33 - On l'a reconnu à cause de cette balafre.
19:35 - Oui.
19:37 - Et ça lui a été fatal.
19:39 - Oui.
19:41 - Je crois que l'idée du jury était faite.
19:43 - Ils avaient leur conviction.
19:45 - Je crois.
19:47 - Moi, j'avais la mienne aussi.
19:49 Je m'abstiens de vous la dire.
19:51 - Bien sûr.
19:53 - Parce que je ne suis pas juge.
19:55 - Oui.
19:57 - Je ne suis pas juge.
19:59 - Oui.
20:01 - Il a passé dans l'autre monde.
20:03 Il a eu un autre juge.
20:05 S'il est innocent, j'espère qu'on lui aura rendu justice.
20:07 Mais j'avais mon impression.
20:09 Et même ma conviction.
20:11 - En somme, ça vous paraissait impossible
20:13 qu'il soit innocent.
20:15 - À mon avis, oui.
20:17 - À votre avis.
20:19 - Et l'opinion publique?
20:21 - Impossible.
20:23 Évidemment, tant qu'on n'a pas trouvé le cadavre.
20:25 Il disait toujours,
20:27 "Tant qu'on n'a pas trouvé le cadavre,
20:29 "on ne peut pas prouver qu'il a tué."
20:31 - Vous savez, pour moi,
20:33 ce sera toujours...
20:35 - M. Francis Gourville, homme de lettre.
20:37 - ...la disparition complète du corps de Kemenere.
20:39 Mais je crois que ce qui a fait la force
20:41 de Céznec pendant son procès,
20:43 ça a été la conviction absolue
20:45 que jamais on ne le mettrait en présence
20:47 du corps de sa prétendue victime.
20:49 Il a eu cette réponse têtue, n'est-ce pas,
20:51 jusqu'au dernier moment.
20:53 - C'est ça.
20:55 - Têtue, n'est-ce pas, jusqu'au dernier moment.
20:57 "On m'accuse d'avoir tué Kemenere.
20:59 "Qu'on commence par me faire voir son cadavre.
21:01 "Et alors, là, nous pourrons discuter."
21:03 Et le commissaire Vidal lui-même l'a dit,
21:05 n'est-ce pas, que jamais au cours de l'instruction,
21:07 ils n'ont surpris chez lui
21:09 la moindre défaillance de ce côté-là.
21:11 Sa réponse était toujours,
21:13 "Vous m'accusez d'assassinat.
21:15 "Faites-moi voir le cadavre de ma victime."
21:17 Mais c'est justement parce qu'il n'était pas
21:19 le seul à avoir fait ça.
21:21 - C'est ça.
21:23 - "Faites-moi voir le cadavre de ma victime."
21:25 Mais c'est justement parce qu'il était persuadé
21:27 que jamais on ne le ferait
21:29 qu'il a eu cette force de caractère
21:31 jusqu'au dernier moment.
21:33 Qu'en a-t-il fait?
21:35 Ici, je crois que dans le quartier de Travarveline,
21:37 qui était le sien,
21:39 que vous trouveriez de nombreuses personnes,
21:41 des survivantes de l'affaire,
21:43 pour vous dire que
21:45 pendant plusieurs nuits,
21:47 ils ont senti des odeurs de brûlée
21:49 qui les ont surpris.
21:51 Et on n'a pas fouillé les cendres
21:53 à tout seul. La police est allée faire...
21:55 - Oui, on a passé les cendres
21:57 aux autres amis pour voir s'il y avait quelque chose,
21:59 mais on n'a rien trouvé.
22:01 Alors, il y aura toujours le mystère
22:03 de la disparition du cadavre, n'est-ce pas,
22:05 qui subsistera jusqu'à...
22:07 - Tout de même, ça suppose que
22:09 Céznec a ramené dans sa cadilla
22:11 que de Houdon à Hédreux
22:13 jusqu'ici, le corps de Kemmler
22:15 dans une caisse, enfin...
22:17 - Oui, si réellement il l'a amené à Morlaix,
22:19 on n'en est pas sûrs,
22:21 parce qu'on a fait également des recherches
22:23 du côté de Gambet, de la Colée Zevline...
22:25 - Oui, oui. Il était grand, Kemmler ?
22:27 - Non, il était de taille moyenne.
22:29 Il pouvait avoir un mètre
22:31 entre 65 et 70,
22:33 mais enfin, il n'était pas grand.
22:35 Céznec était plus grand que lui. - C'est ça.
22:37 - Est-ce que vous avez le souvenir d'un témoignage
22:39 qui a vraiment eu une grosse influence
22:41 sur les jurés ? - Je crois
22:43 surtout que les jurés ont été
22:45 influencés par l'ensemble des témoignages...
22:47 - En 1924, était-il un des assesseurs
22:49 du président de la Cour d'Assise de Quimper.
22:51 - Il y avait là,
22:53 comment dirais-je, une sorte de faisceau
22:55 de présomption. - C'est ça.
22:57 - Si l'on ajoute à cela que, dans la nuit
22:59 où Kemmler a disparu,
23:01 les habitants de Oudan
23:03 ont entendu une voiture circuler à plusieurs
23:05 reprises dans la région des Marais de la
23:07 Queue de Zevline, et...
23:09 ça faisait bruler d'ailleurs tous les chains du voisinage,
23:11 on en a tiré la conclusion
23:13 que, sans doute,
23:15 on avait précipité le corps dans ces marais
23:17 des Zevline qui, paraît-il,
23:19 sont insondables. C'était
23:21 l'opinion des enquêteurs.
23:23 Et le cric ayant disparu,
23:25 à leur avis, le corps avait
23:27 été fiselé contre le cric et le tout
23:29 jeté dans les marais. A mon avis,
23:31 ce qui a été considéré
23:33 comme le mobile, tant
23:35 par les magistrats
23:37 que par le jury,
23:39 c'est que ces Znechs
23:41 faisaient là une affaire d'argent,
23:43 voulant s'approprier la propriété
23:45 de Pouvez-vous, tout simplement, qui avait
23:47 à l'époque une certaine valeur,
23:49 ayant pas mal de bois
23:51 qui pouvait intéresser des marchands de bois,
23:53 notamment. Je crois d'ailleurs que Kemener faisait
23:55 plus ou moins de marchands de bois, si mes souvenirs
23:57 sont exacts. - Oui, c'est exact. En somme,
23:59 ce serait pour une simple affaire d'argent que
24:01 ces Znechs se seraient jetés
24:03 dans cette effroyable aventure.
24:05 - En admettant qu'il y aurait eu autre chose
24:07 et sait-on jamais
24:09 s'il n'y a pas autre chose qu'on cache
24:11 pour des raisons diverses,
24:13 en admettant qu'il y ait eu autre chose,
24:15 il n'en est rien ressorti de l'instruction
24:17 ni des débats. - Ni des débats.
24:19 Et il vous paraît possible qu'il y ait
24:21 quand même autre chose. - C'est très
24:23 difficile à dire. C'est très difficile à dire.
24:25 - Mais en fait, c'est pas impossible.
24:27 - C'est pas... Non.
24:29 On ne sait jamais. On ne sait jamais.
24:31 Mais n'importe comment,
24:33 en prenant
24:35 votre hypothèse, qu'il y ait eu
24:37 autre chose, à mon avis,
24:39 ça n'aurait pas...
24:41 Ça aurait peut-être pu diminuer
24:43 la culpabilité, mais ne pas
24:45 la faire disparaître. - Parce que, voyez-vous,
24:47 M. le Président, il y a tout de même une question
24:49 qu'on se pose. Tout de même, il a été accusé d'assassinat
24:51 et de faux.
24:53 Bon, je trouve... Je trouve déjà
24:55 un peu curieux qu'on l'accuse d'assassinat
24:57 puisqu'on trouvera le corps.
24:59 Et ensuite de faux. Donc, c'est la peine de mort, ça.
25:01 Alors, comment se fait-il
25:03 que les jurés
25:05 n'ont pas décidé
25:07 la peine de mort? Est-ce qu'ils ont eu un doute?
25:09 Est-ce qu'il y a eu quelque chose, croyez-vous,
25:11 à votre impression? Est-ce que vous pensez qu'il y a quelque chose
25:13 qui a freiné un peu?
25:15 - C'est peut-être
25:17 parce que,
25:19 n'ayant pas retrouvé le cadavre,
25:21 ils ont préféré
25:23 ne pas aller jusqu'à la peine suprême.
25:25 Irréversible. - Est-ce que
25:27 je peux vous demander, M. le Président, tout de même,
25:29 de me dire, si c'est possible,
25:31 de me dire quelle a été
25:33 votre conviction personnelle dans cette affaire?
25:35 - Moi, mon conviction personnelle est que
25:37 Céznec était coupable.
25:39 Il n'y avait pas d'erreur judiciaire, à mon sens.
25:41 - Il n'y a pas d'erreur judiciaire? - Oh non, non. Pour ça, je suis très ferme.
25:43 - Vous croyez donc que la justice
25:45 a été normalement rendue, bien rendue,
25:47 on peut le dire? - Bien rendue, bien rendue.
25:49 - Et que la peine infligée à Céznec
25:51 était une peine normale
25:53 pour Antonin? - Oui, d'accord.
25:55 D'accord.
25:57 Je crois même que le fait
25:59 d'avoir donné les circonstances atténuantes
26:01 n'était pas plus mal.
26:03 - Céznec est condamné aux travaux forcés à perpétuité
26:05 et beaucoup de gens disent qu'il a échappé
26:07 de justesse à la guillotine.
26:09 En fait, le jury écarta, après hésitation,
26:11 la préméditation.
26:13 Incarcéré à l'île d'Euret d'abord,
26:15 Céznec fait ensuite partie
26:17 d'un convoi pour la Guyane.
26:19 C'est au Bagne qu'il apprendra,
26:21 en 1927, la mort de sa fille
26:23 aînée, Marie, qui était entrée au Carmel.
26:25 Minée par la tuberculose
26:27 et les privations, elle meurt
26:29 à 19 ans. En novembre 1930,
26:31 à l'hôpital Beaujon à Paris,
26:33 Marie Jeanne, sa femme, meurt à son tour.
26:35 Et le voici,
26:37 lui, marqué par la déchéance.
26:39 Nous avons voulu
26:41 en avoir le cœur net.
26:43 Au palais de justice de Quimper,
26:45 nous avons remué ces papiers poussiéreux
26:47 qui retracent le destin d'un homme.
26:49 Nous sommes arrivés à des conclusions.
26:53 Vous jugerez.
26:55 Premièrement, si Kemner a pris le train
26:59 en quittant Sèsnec,
27:01 ce ne peut être qu'à Dreux,
27:03 à 21h56.
27:05 Le dernier train
27:11 au départ de Oudan était à 20h15.
27:13 Il est étonnant,
27:15 d'autre part, que Kemner ait inscrit
27:17 sur son carnet, trouvé dans la
27:19 valise du Havre, des prix de billets
27:21 de chemin de fer qui ne sont pas conformes
27:23 à la réalité.
27:25 Les prix marqués sur le carnet sont bien
27:27 ceux du tarif, mais ils ne comportent
27:29 pas les taxes locales spéciales.
27:31 11 francs 40, Dreux-Paris.
27:33 31 francs 75,
27:35 Paris-le-Havre.
27:37 Au lieu d'eux,
27:39 11 francs 85
27:41 et 32 francs.
27:43 Quant au télégramme du Havre,
27:45 au premier examen,
27:47 il se révèle suspect.
27:49 Les experts n'eurent aucune peine
27:53 à démontrer que l'écriture n'était
27:55 pas celle de Kemner,
27:57 mais une maladroite imitation.
27:59 Certains de ces experts allèrent même
28:01 jusqu'à affirmer que l'imitateur n'était autre
28:03 que Sesnec.
28:05 Reste la convention de vente
28:13 de la propriété de Plorivaux.
28:15 Primo,
28:17 elle a été dactylographiée remarquablement
28:19 bien au moyen de la machine
28:21 Royal 434-080
28:23 achetée par Sesnec au Havre
28:25 le 13 juin.
28:27 Or, elle porte la mention
28:29 manuscrite fait double
28:31 à Landernot le 22 mai
28:33 1923.
28:35 Donc, cette convention
28:37 n'a pas été faite à la date
28:39 indiquée.
28:41 Secondo,
28:45 l'expert Samarand déclare
28:47 en ce qui concerne les mentions manuscrites,
28:49 elles offrent des hésitations,
28:51 des tremblements, des traces de reprise,
28:53 des ligatures mal rajustées.
28:55 Elles sont exactement
28:57 le contraire d'une écriture
28:59 naturelle.
29:01 Certains experts ont affirmé
29:03 que les trois lignes manuscrites
29:05 ont été décalquées
29:07 sur l'acte de vente d'une voiture
29:09 par un nommé Leverge à Kemner.
29:11 En dépit des affirmations
29:13 des experts, on ne peut tenir
29:15 pour certain que Sesnec soit
29:17 l'auteur de ces fautes.
29:19 On ne peut parler au procès des opérations
29:21 commerciales de Kemner et de Sesnec.
29:23 Elles ont pourtant existé.
29:25 Certains pensent même
29:27 qu'elles sont à l'origine de la disparition
29:29 du conseiller général Kemner.
29:31 La vente de l'automobile
29:33 dont je vous avais parlé n'a pas eu lieu
29:35 la machine ayant été vendue à un particulier
29:37 américain avant l'adjudication.
29:39 Monsieur, la voiture
29:41 Cadillac Torpedo Deluxe
29:43 que nous avons à vendre est en parfait
29:45 état sous tout rapport.
29:47 Livrée en France en mai 1918,
29:49 nous l'avons achetée
29:51 à la liquidation des stocks
29:53 en avril 1920.
29:55 Sans doute, Sesnec et Kemner
29:57 se sont livrés à des opérations commerciales
29:59 peut-être suspectes.
30:01 Pour le reste, tout ce dossier
30:03 tel que le présente au juré l'accusation
30:05 est accablant pour Sesnec.
30:07 Et pourtant,
30:09 l'affaire n'en resta pas là.
30:11 Un modeste juge de paix,
30:13 Victor Hervé,
30:15 provoqua une campagne de presse
30:17 favorable à Sesnec.
30:19 L'opinion publique alors
30:21 se retourna soudain,
30:23 prenant le parti du banniard.
30:25 C'est à Trahounès
30:27 en Plourivaud, dans la propriété même
30:29 qui faisait l'objet de la convention de vente,
30:31 que devait rebondir l'affaire Sesnec.
30:33 Victor Hervé, juge apôntrieux,
30:35 avait recueilli pendant le procès
30:37 de Sesnec les déclarations d'un groupe
30:39 de marins qui draguaient du sable
30:41 dans le trieu. Mme Bossert,
30:43 présidente de la Ligue des droits de l'homme du Finistère,
30:45 nous rapporte ce témoignage.
30:47 Nous allions draguer du sable
30:49 cette nuit-là. La marée
30:51 était haute. Nous attendions
30:53 qu'elle baisse. Nous nous
30:55 reposions. Il n'y avait donc pas de bruit.
30:57 Et tout d'un coup, dans le calme
30:59 de la nuit, nous avons entendu
31:01 un bruit de discussion.
31:03 Peu après, nous avons vu
31:05 marcher sur la grève.
31:07 En plusieurs endroits différents, nous avons reconnu
31:09 au moins trois silhouettes, dont deux
31:11 hommes et une femme.
31:13 Et
31:15 un coup a claqué
31:17 comme un coup de revolver, sec.
31:19 Peu après, c'est une voix de femme
31:21 qui nous a aînés. "Venez prendre des cigarettes."
31:23 Aucun de nous n'a répondu.
31:25 Puis, une dizaine
31:29 de minutes peut-être après,
31:31 dans la direction
31:33 du pont de chemin de fer, derrière
31:35 le manoir de Traunès,
31:37 il y a eu un autre coup de feu qui a claqué.
31:39 Il y avait, nous l'avions remarqué,
31:41 une lumière dans
31:43 une des fenêtres à gauche du château.
31:45 Et peu
31:47 après le deuxième coup de feu, cette lumière s'est
31:49 éteinte. Et aucun
31:51 bruit n'a troublé le reste de la nuit.
31:53 Nous avons vu
31:55 ces lieux sinistres. On comprend qu'ils
31:57 étaient chauffés l'imagination du juge Hervé,
31:59 au point qu'il en vint à jeter la suspicion
32:01 sur des proches de Pierre Kemmener.
32:03 Donc, le juge Hervé
32:05 a remis son procès-verbal
32:07 au procureur de la République de Guingamp,
32:09 en lui demandant de le transmettre.
32:11 Parce que, transmis par la voie
32:13 hiérarchique, ça serait un caractère
32:15 plus officiel, plus autorisé.
32:17 Et il attendait, pendant le procès,
32:19 qu'on fasse
32:21 mention de son procès-verbal,
32:23 puisque, à chaque matin, le président
32:25 des Assises lisait
32:27 des lettres anonymes, des cartes postales,
32:29 tout ce qui arrivait au Parquet.
32:31 Et il a vu que Céznèque
32:33 était condamné, et qu'on n'avait pas
32:35 fait mention de son procès-verbal.
32:37 - Mais vous êtes sûre qu'on n'a pas fait mention de son procès-verbal ?
32:39 - On n'a pas fait mention de son procès-verbal.
32:41 Je suis affirmative, nous l'avons dit
32:43 sur toutes les tribunes publiques de France
32:45 pendant des années, on nous a jamais porté le démenti.
32:47 - Victor Hervé
32:49 abandonna sa charge et consacra le reste
32:51 de sa vie à la réhabilitation
32:53 de Céznèque. Sous son impulsion,
32:55 alors que Céznèque est toujours à la Guyane,
32:57 une généreuse campagne de presse
32:59 s'est menée dans toute la France.
33:01 Y participèrent les personnalités les plus éminentes
33:03 de la presse, du cinéma et de la littérature.
33:05 Parmi ces fidèles de Céznèque,
33:07 au premier rang, Jeanne,
33:09 Saffi, puis Mme Bosser,
33:11 Claude Sylvane, nos confrères
33:13 Maurice Privat, Morvan Lebeg,
33:15 Pierre Cise, Armand Gatti et tant d'autres.
33:17 Il y a vingt ans, en mai 1947,
33:21 le vieux Céznèque
33:23 gracié débarque au Havre.
33:25 Vingt-trois ans auparavant,
33:27 il avait dit à ses juges,
33:29 "Vous me dites que je suis allé au Havre,
33:31 je n'y ai jamais mis les pieds."
33:33 Il retrouve sa famille,
33:35 Saffi, ses amis
33:37 et Victor Hervé.
33:39 Le visage de Céznèque
33:41 est devenu aussi attachant
33:43 qu'il avait été rude
33:45 et rebutant jadis.
33:47 La campagne pour la réhabilitation s'intensifie.
33:51 Le vieux Céznèque apprend l'art
33:53 d'être grand-père.
33:55 La paix semble revenue pour lui.
33:57 Malheureusement,
33:59 un accident va abréger sa vie.
34:01 Il meurt en 1955.
34:03 Il est inhumé
34:05 au cimetière de Plomodierne,
34:07 son village natal.
34:09 Tout est étrange
34:13 dans l'affaire Céznèque
34:15 et peut-être surtout
34:17 ce rêve qui lui fit dire à Saffi,
34:19 "Le corps de Kemmner
34:21 est près d'une fontaine à Plorivaux."
34:23 Journaliste, policier,
34:25 juge assistèrent alors
34:27 à des fouilles dans le sol de Trahounès.
34:29 Jeanne s'en met là.
34:31 Rien n'avait ébranlé sa foi
34:33 dans la conviction que seule une machination
34:35 avait pu aboutir à la condamnation
34:37 de son père.
34:39 - C'est que maman a été appelée
34:41 chez le juge d'instruction
34:43 pour être entendue à Brest.
34:45 Elle s'est donc déplacée
34:47 de Morlaix jusqu'à Brest.
34:49 Angèle, on l'a mise dans le salon
34:51 qui était derrière la maison.
34:53 - C'est-à-dire la bonne.
34:55 Elle était dans le salon avec un policier.
34:57 Et Albert, mon petit frère,
34:59 il était en train de manger
35:01 son pain dehors, tout triste,
35:03 sa maman n'étant plus partie.
35:05 Et Bonnie est venue,
35:07 parce qu'il le connaissait bien,
35:09 lui a donné une de ses claques
35:11 et lui a dit, "Va manger ton pain
35:13 dans le bureau de ton père."
35:15 - Pourquoi est-ce que Bonnie lui a donné une claque?
35:17 - Parce qu'Albert traînait autour de l'usine.
35:19 Quand maman et Angèle...
35:21 C'est à Brest, le soir,
35:23 après 5 heures, je crois,
35:25 on lui a dit, "Alors, femme Cessnack,
35:27 "vous reniez le four, regardez ce que l'on a trouvé.
35:29 "Cette machine à écrire."
35:31 Elle a dit, "Ça, je l'ai jamais vue."
35:33 Et mon petit frère était présent,
35:35 et Angèle.
35:37 Alors Albert a tiré sur la manche
35:39 à maman et il a dit, "Maman, j'ai vu, moi."
35:41 "Tais-toi, tais-toi."
35:43 Elle l'a envoyée promener.
35:45 Et quand les policiers sont partis,
35:47 il a dit, "Mais moi, j'ai vu,
35:49 "j'ai vu le gros, et il a vu les 2 policiers,
35:51 "il a vu 2 messieurs."
35:53 - Oui, oui, parlez, parlez.
35:55 - Il a vu les 2 policiers qui portaient un gros paquet,
35:57 et dont l'autre soutenait par derrière ce paquet.
35:59 - C'est ça.
36:01 - Pour le monter. - C'est ça.
36:03 - Alors maman lui a dit, "À quelle heure tu as vu ça?"
36:05 "Au moment où tu venais de partir."
36:07 "Quand j'ai vu ça."
36:09 - Oui.
36:11 - Et quand ils ont descendu, c'est le même paquet qu'ils ont descendu.
36:13 - C'est ça. En somme, d'après Albert...
36:15 - C'est les policiers qui l'ont mis.
36:17 - C'est les policiers qui ont apporté la machine.
36:19 - Exactement.
36:21 - Et puis ils ont fait la perquisition, ils ont trouvé la machine, et puis ils l'ont apportée.
36:23 - Alors maman a dit ça à l'avocat tout de suite,
36:25 elle a fait appeler l'avocat, et l'avocat a dit,
36:27 "On ne croira jamais à un enfant."
36:29 Ce qui fait qu'Albert n'a pas été entendu aux assises.
36:31 Mais il l'a dit, et il a donné les précisions
36:33 de ce qu'il avait vu de ses yeux d'enfant.
36:35 - Jeanne croit,
36:37 aujourd'hui encore,
36:39 comme de très nombreux partisans
36:41 de la révision du procès de Seysnec,
36:43 que le policier Bonny
36:45 fut l'auteur d'une double machination.
36:47 Premièrement, c'est Bonny
36:51 qui aurait apporté chez Seysnec
36:53 à Morlaix pour la trouver ensuite
36:55 la machine à écrire achetée au Havre.
36:57 Deuxièmement,
36:59 c'est Bonny qui, grâce
37:01 à une véritable équipe de faux témoins,
37:03 aurait entièrement
37:05 monté l'affaire du Havre,
37:07 c'est-à-dire les allers-retours en chemin de fer,
37:09 l'achat de la machine à écrire,
37:11 et l'envoi du télégramme
37:13 "Kemmner".
37:15 En 1923,
37:17 Bonny n'était qu'un jeune et modeste
37:19 inspecteur de police auxiliaire.
37:21 22 ans plus tard,
37:23 on s'en souvient sans doute,
37:25 Bonny sera fusillé pour trahison
37:27 et collaboration avec la Gestapo.
37:29 - Il y a énormément
37:31 de personnages de deux, monsieur, énormément.
37:33 - Oui. Il y a le fameux
37:35 Georges Le Hainaut, là. - Georges Le Hainaut,
37:37 "Migeaux, la terreur". - Oui, mais il paraît que c'est pas lui.
37:39 Vous savez bien qu'on a dit que c'était pas lui.
37:41 - Si, si, si, c'est lui. - Et vous, vous croyez que c'est lui?
37:43 - Moi, je crois que c'est lui. Oui, parce que
37:45 les indicateurs
37:47 ont des identités très difficiles
37:49 à établir. Ils ont plusieurs orthographes
37:51 à leur nom, plusieurs domiciles, plusieurs métiers
37:53 quelquefois. - Et quel rôle aurait-il
37:55 joué dans cette histoire? Il aurait dénoncé
37:57 ses Znechs au Havre? - C'est Georges Le Hainaut
37:59 qui aurait, soi-disant, vu
38:01 ses Znechs dans le train entre Rouen
38:03 et le Havre, et qu'il aurait remarqué
38:05 à sa paupière clignotant. - Oui,
38:07 mais remarquer qu'il était pas seul, hein.
38:09 D'après l'enquête, il y en avait un autre qui était avec lui.
38:11 - Il y avait Le Grand avec lui. - C'est ça.
38:13 - L'homme est Le Grand. Avec lui, oui.
38:15 Et ils sont venus aux Assises
38:17 et je lis dans le dossier
38:19 des Assises
38:21 ses Znechs se mettent en face
38:23 d'eux et disent, enfin,
38:25 qu'est-ce que vous avez tous m'accusé?
38:27 On dirait que vous êtes tous de la même boîte.
38:29 - Hum, hum. - Vous ne doutez pas,
38:31 ses Znechs, que c'était des indicateurs. Bien sûr,
38:33 Georges Le Hainaut était un indicateur.
38:35 Amis de Bonny. - Amis de Bonny.
38:37 - Du fameux Bonny. - Du fameux Bonny.
38:39 Donc il a recueilli les enfants
38:41 après que Bonny
38:43 fut fusillé après la guerre.
38:45 - Ce que je sais, c'est ceci, c'est qu'il y avait
38:47 en Bretagne des stocks
38:49 américains qui avaient été constitués
38:51 par l'armée américaine en prévision
38:53 d'une guerre qui devait ne jamais finir. - M. André
38:55 Cahillat, cinéaste. - ...considérable.
38:57 Et en particulier dans le
38:59 Finistère, il y avait entassé
39:01 des stocks de voitures
39:03 Cadillac neuves. - Oui.
39:05 - Des commissions avaient été constituées
39:07 pour établir des lots,
39:09 en particulier,
39:11 définir les critères
39:13 qui faisaient qu'une voiture était considérée
39:15 comme d'occasion ou neuve. Le critère,
39:17 il était tout simple, était considéré comme voiture
39:19 d'occasion toute voiture à laquelle
39:21 il manquait une pièce.
39:23 Or, une bande
39:25 de garagistes et de truands,
39:27 parce que c'est ça, parce que c'est une histoire de truands aussi,
39:29 installés aux
39:31 abords de la porte Maillot,
39:33 à travers
39:35 certains membres des commissions,
39:37 par exemple, Kemner, qui était président
39:39 d'une de ces commissions, avait accès
39:41 au camp, pénétré
39:43 dans le camp, prélevé sur
39:45 les voitures une pièce qu'ils amenaient
39:47 chez eux, puis
39:49 on prenait la liste des voitures
39:51 auxquelles manquait une pièce, les voitures étaient
39:53 affectées à la catégorie
39:55 voiture d'occasion, on les vendait
39:57 comme telles, pour rien ou presque,
39:59 les types en question les rachetaient,
40:01 remettaient la pièce et avaient des voitures
40:03 neuves. Donc,
40:05 sur cette affaire des
40:07 stocks américains, s'est greffé
40:09 un scandale financier
40:11 et politique, puisque les gens qui
40:13 constituaient les commissions, les présidents de ces diverses
40:15 commissions, tous ceux qui avaient accès à ces stocks,
40:17 étaient des hommes politiques, comme Kemner,
40:19 qui était conseiller général du Finistère.
40:21 Ainsi, les partisans de la révision
40:23 soutiennent deux thèses.
40:25 Premièrement, l'existence
40:27 d'une organisation criminelle
40:29 montée autour d'un trafic
40:31 de voitures américaines, ce qui peut
40:33 expliquer la disparition de Kemner.
40:35 Deuxièmement,
40:37 l'existence d'une machination
40:39 imaginée par
40:41 Bonny, pour orienter
40:43 sur Sesnec l'attention de la justice.
40:45 Alors, qui
40:47 a raison ?
40:49 Nous avons été obligés d'écarter des
40:51 faits, des renseignements, des événements
40:53 qui n'entraient pas dans le cadre très
40:55 strict du cas Sesnec.
40:57 Nous n'en remercions pas moins
40:59 tous ceux qui nous ont écrits, tous ceux qui nous ont aidés.
41:01 Et il nous reste à présent
41:03 à poser quelques questions
41:05 à quelques-uns de ceux qui ont
41:07 été amenés à réfléchir
41:09 sur cette affaire.
41:11 Premièrement,
41:13 oui ou non,
41:15 Sesnec est-il
41:17 l'assassin de Kemner ?
41:19 Maître Jaffray. Je pense, à travers
41:21 tout le dossier,
41:23 que l'accusation n'est jamais
41:25 arrivée à établir d'une façon
41:27 certaine la préméditation.
41:29 Donc, force est de convenir qu'à ce moment-là,
41:35 il y a eu une discussion
41:37 entre les deux hommes. Peut-être,
41:39 après tout, est-ce que Kemner a
41:41 reproché à Sesnec
41:43 l'état dans lequel se trouvait la voiture,
41:45 en lui disant tout simplement
41:47 « Eh bien, dis donc, si c'est la voiture
41:49 que nous allons vendre aux
41:51 soviets, s'ils laissaient
41:53 vendre un matin,
41:55 ils ne vont pas être très satisfaits. »
41:57 Et cette affaire
41:59 mirobolante, cette affaire à laquelle nous
42:01 tenons tant, qui devait nous
42:03 rapporter un pactole,
42:05 que va-t-elle devenir ?
42:07 Et puis, il y a des tas d'autres
42:09 hypothèses. Mais je crois
42:11 très sincèrement que les deux hommes
42:13 se sont disputés.
42:15 Un mot
42:17 en amène un autre.
42:19 Comme je vous l'ai dit, il y a quelques instants, ils étaient
42:21 fatigués, très nerveux.
42:23 Moi, je ne suis pas loin de penser,
42:25 mais tout cela n'est bien sûr qu'hypothèse,
42:27 que Sesnec a
42:29 frappé son camarade au cours d'une discussion.
42:31 - Oui.
42:33 - C'est une affaire, à ce moment-là,
42:35 banale, qui ne justifie
42:37 pas le retentissement qu'elle a eu
42:39 par la suite si Sesnec s'était présenté
42:41 très spontanément le lendemain matin
42:43 à la gendarmerie de Houdon, de la Queule
42:45 et Zivline, en disant « J'ai eu
42:47 une discussion au cours de la nuit avec un de mes amis
42:49 et je l'ai frappé,
42:51 il en est mort. »
42:53 Mon Dieu, l'affaire Sesnec
42:55 serait terminée depuis longtemps.
42:57 Encore une fois, c'est une affaire absolument banale,
42:59 comme on en juge des dizaines chaque
43:01 année en France, qui se termine par une peine
43:03 de prison avec sursis, quand ce n'est pas
43:05 par l'acquittement de l'accusé.
43:07 - Le président Philippe Lameau.
43:09 - On ne peut pas exclure que Sesnec
43:11 savait que Kemmner
43:13 allait s'en aller en Amérique. Il avait dit,
43:15 en Union soviétique, pour une affaire du Kadyak
43:17 qui restait obscure. On ne peut pas exclure
43:19 l'idée que les deux hommes étaient d'accord, l'un
43:21 pour paraître, disparaître,
43:23 dans des conditions qui n'ont pas été précisées,
43:25 comme disparaissent nos 40 000 disparus
43:27 annuels, et que Kemmner,
43:29 quand en partie, lui avait dit « Je te
43:31 laisse la propriété, donne-moi l'argent. »
43:33 Donc Sesnec savait qu'il ne reviendrait pas,
43:35 ce qui ne veut pas dire qu'il l'a assassiné,
43:37 mais savait qu'il ne reviendrait pas, ce qui expliquerait
43:39 que c'est avec une certaine sécurité
43:41 qu'ensuite il aurait rédigé cet acte
43:43 dont ils étaient convenus.
43:45 - M. André Kayat. - Mais vous ne trouvez pas
43:47 étrange tout de même que Sesnec
43:49 n'ait jamais parlé d'une disparition
43:51 volontaire ?
43:53 - Mais je crois qu'il n'a rien compris à sa propre
43:55 affaire. Moi je l'ai vu, je l'ai vu longuement,
43:57 puisque à son retour du bagne,
43:59 il est venu, nous avons préparé
44:01 le film, longuement, j'ai même tourné
44:03 un certain nombre de petites séquences
44:05 avec lui, qui étaient beaucoup plus des essais d'ailleurs, que des séquences
44:07 proprement dites, et je l'ai vu pendant
44:09 trois mois. Je peux dire
44:11 qu'à la fin, au bout de ces trois mois, c'est moi
44:13 qui lui racontais sa propre histoire. Cette histoire,
44:15 il n'y a rien compris, et je suis convaincu
44:17 que si on s'est acharné sur lui,
44:19 c'est dans la mesure justement où il n'était pas
44:21 capable de comprendre cette histoire.
44:23 C'est-à-dire qu'il n'aurait jamais, on ne l'aurait
44:25 pris comme bouc émissaire,
44:27 si on avait pu croire qu'il ait suffisamment
44:29 de subtilité, d'intelligence ou de connaissance,
44:31 des bas-fonds de cette histoire,
44:33 jamais on ne l'aurait fait.
44:35 Ils ont fait ça et on l'a choisi parce qu'on a
44:37 pensé qu'il était tout désigné par
44:39 sac en verre. C'était un personnage roué
44:41 et candidat. - Roué et candidat, oui, oui.
44:43 Deuxième question.
44:45 Que valent les mobiles invoquées par
44:47 l'accusation ?
44:49 Maître Michel Villard du barreau de Paris,
44:51 membre du Conseil de l'Ordre. - On a prétendu
44:53 que Céznec
44:55 avait imaginé l'histoire des
44:57 Cadillacs pour emmener son ami
44:59 Kemner à Paris,
45:01 le tuer en route, de façon à s'emparer
45:03 d'une propriété
45:05 importante que Kemner
45:07 avait à Traounez en Plourivaux.
45:09 Alors là, je crois que nous sommes dans
45:11 la plus parfaite invraisemblance.
45:13 Car on n'imagine pas
45:15 que quelqu'un qui veut se livrer
45:17 à cette machination
45:19 parte le
45:21 25 mai de Bretagne
45:23 pour se rendre à Paris, sans avoir
45:25 pris les précautions de s'assurer
45:27 à l'avance du titre
45:29 qui lui permettra de
45:31 réaliser son but, c'est-à-dire
45:33 d'obtenir la propriété en question.
45:35 Or, d'après l'accusation elle-même,
45:37 Kemner,
45:39 Céznec, du moins, est parti
45:41 le 25 mai de
45:43 Bretagne, a tué Kemner
45:45 en route, et
45:47 ce n'est que le 13 juin
45:49 que Céznec
45:51 a commencé
45:53 à se procurer
45:55 les éléments qui lui auront permis
45:57 de se livrer à cette
45:59 machination
46:01 qui, normalement, aurait dû
46:03 aboutir
46:05 au transfert de la propriété.
46:07 Tout ça, M. Pocher, moi,
46:09 ça me choque, car
46:11 je n'imagine pas
46:13 que, en dehors de la présence
46:15 de Kemner,
46:17 Céznec ait pu aboutir
46:19 et pu réussir sa machination.
46:21 Il fallait bien que Kemner soit
46:23 vivant, car
46:25 si Céznec avait présenté aux héritiers
46:27 un acte de vente d'une
46:29 propriété importante pour 35 000 francs,
46:31 acte de vente qui, par-dessus le marché,
46:33 s'est avéré, paraît-il, être un faux.
46:35 Les héritiers l'auraient contesté.
46:37 Il n'aurait pas réussi.
46:39 Troisième question.
46:41 Quel a été le rôle de Bonny,
46:43 le commissaire
46:45 divisionnaire honoraire Bucher ?
46:47 Bonny n'a pas joué un rôle
46:49 essentiel dans l'enquête Céznec.
46:51 Il a joué le rôle d'un
46:53 inspecteur, de l'inspecteur
46:55 normal, qui écrit
46:57 sous la dictée du commissaire de police,
46:59 qui porte la serviette à ce
47:01 moment-là, l'inspecteur portait
47:03 la serviette du commissaire. Maintenant, ça ne
47:05 se fait plus, heureusement, mais enfin,
47:07 à cette époque-là, ça se faisait.
47:09 Et l'inspecteur
47:11 participait rarement
47:13 aux interrogatoires. Oui, il pouvait,
47:15 avec le commissaire de police, quand il voyait un
47:17 point faible, poser une petite question,
47:19 mais c'était insignifiant.
47:21 Toute l'enquête était menée
47:23 par le commissaire de police, qui était
47:25 vidal, n'est-ce pas ?
47:27 Alors Bonny ne jouait aucun rôle
47:29 dans l'affaire. Il n'a jamais
47:31 joué aucun rôle dans l'affaire.
47:33 Monsieur Klein, journaliste à Brest.
47:35 Bonny était un inconnu.
47:37 Il aspirait, sans doute,
47:39 à faire carrière dans la police, et
47:41 j'ai l'impression que
47:43 il s'est servi comme
47:45 d'un tremplin de l'affaire
47:47 Céznec, qui était pour lui une
47:49 aubaine inespérée, pour
47:51 se mettre en valeur. Il s'est rendu compte
47:53 à ce moment-là qu'il
47:55 importait de charger
47:57 le dossier, qu'il fallait
47:59 rapidement, s'il ne voulait pas avoir
48:01 l'affaire craquée, mettre à la charge
48:03 de Céznec un certain nombre
48:05 de faits,
48:07 qui seraient en mesure
48:09 d'emporter la décision et
48:11 de permettre son arrestation,
48:13 et ensuite... - Quatrième question.
48:15 Plusieurs personnes ont dit avoir
48:19 rencontré Kemmner
48:21 après le 25 mai 1923,
48:23 jour supposé
48:25 de sa disparition. Que faut-il
48:27 en penser ? Maître
48:29 Ariane Villard. - Vous avez eu
48:31 M. Lajun, qui a déclaré
48:33 avoir vu Kemmner
48:35 et l'avoir reconnu.
48:37 Non seulement à l'instruction,
48:39 mais aux assises. On s'est acharné,
48:41 naturellement, à chercher la moralité de M.
48:43 Lajun. On a trouvé qu'elle était parfaite,
48:45 mais on a trouvé qu'elle était myope.
48:47 Et vous allez voir qu'il est assez curieux
48:49 que les témoins de la survie de Kemmner sont en général
48:51 des myopes. Et ce qui est amusant,
48:53 c'est qu'on a fait le même reproche à un témoin
48:55 qui me paraît important en ce qui
48:57 concerne la survie possible de Kemmner,
48:59 c'est M. Danguay-des-Deserts,
49:01 qui est notaire, qui connaît
49:03 très bien Kemmner,
49:05 qui a l'habitude de le voir très souvent,
49:07 et qui a affirmé avoir
49:09 vu Kemmner en gare de Rennes
49:11 entre le 26 et le 29
49:13 juin. Il situait cette date
49:15 car il avait, justement,
49:17 il était passé par Rennes entre le 26
49:19 et le 29 pour se rendre,
49:21 je ne sais plus, à la communion de quelqu'un
49:23 de sa famille. Il a affirmé avoir
49:25 parfaitement reconnu Kemmner
49:27 et dire "ce n'est pas un sosie"
49:29 car il m'a salué, Kemmner,
49:31 et il m'a salué avec le geste habituel
49:33 en portant la main à sa tête, c'est-à-dire
49:35 un salut militaire.
49:37 Et il a été affirmatif à l'instruction,
49:39 il l'a été encore bien plus
49:41 aux assises. Et quand on a essayé
49:43 de lui dire "mais vous, M. Danguay-des-Deserts,
49:45 vous êtes myope également",
49:47 il a répondu "mais je porte des lunettes,
49:49 je vois comme tout le monde,
49:51 alors dites tout de suite que je suis
49:53 fou ou gâteux".
49:55 Alors ce qu'il y a d'extraordinaire en ce qui concerne
49:57 les témoins de la défense,
49:59 c'est que sur un témoin
50:01 qui a été leé et qui a été
50:03 vraiment, mais, torturé
50:05 aux assises,
50:07 il est très curieux que dans le dossier
50:09 on puisse voir les enquêtes
50:11 mais poussées, mais
50:13 complexes, mais nombreuses
50:15 qui ont été faites sur ce témoin
50:17 pour essayer de le démolir
50:19 alors qu'on n'a pas été capable
50:21 de retrouver les
50:23 ou le, ou les personnes supposées
50:25 qui auraient pu taper le fameux
50:27 acte de vente puisqu'on a écarté
50:29 la possibilité pour Sassenach
50:31 de taper lui-même l'acte de vente.
50:33 Dernière question.
50:35 Qui a dactylographié
50:37 la convention
50:39 de vente de Plorivaud ?
50:41 M. Francis Gourville,
50:43 homme de lettre à Morlaix.
50:45 Je crois en effet que vous avez raison
50:47 de ce côté-là.
50:49 Connaissant suffisamment Sassenach
50:51 pour savoir
50:53 qu'il ne
50:55 pouvait pas taper
50:57 d'une façon parfaite à la machine,
50:59 ça m'a longtemps
51:01 intrigué.
51:03 Je dis, ça ne doit pas être Sassenach
51:05 qui l'a fait,
51:07 on n'a jamais parlé d'une complicité
51:09 dans la question, mais
51:13 je crois, sans en avoir
51:15 la preuve,
51:17 qu'il avait au moins deux
51:19 amis avec lesquels il était en
51:21 relation assez constante d'affaires
51:23 ici sur la place de Morlaix,
51:25 dont l'un au moins aurait pu lui servir
51:27 de dactylographe en l'occurrence.
51:29 Cette dernière question
51:31 n'a pour ainsi dire pas été posée
51:33 il y a 43 ans lorsqu'on a jugé Sassenach.
51:35 Elle avait pourtant son importance
51:37 cette question.
51:39 On s'est également assez peu soucié
51:41 de la perquisition illégale
51:43 qui fut opérée
51:45 chez Sassenach. En l'absence
51:47 de Mme Sassenach,
51:49 perquisition au cours de laquelle un policier
51:51 qui n'était pas abonné
51:53 découvrit la machine à écrire royale
51:55 qui servit à dactylographier
51:57 la convention de vente
51:59 de Plurivaux.
52:01 On a beaucoup parlé des dollars
52:03 que les Sassenach
52:05 avaient gagnés pendant
52:07 la première guerre mondiale à Brest
52:09 en lavant le linge
52:11 des soldats américains.
52:13 Nous ne savons pas si
52:15 Sassenach, comme il l'a dit
52:17 au juge d'instruction, a donné
52:19 à Kemner tous ces dollars
52:21 pour payer en plus
52:23 de ce qui était porté
52:25 sur la convention de vente,
52:27 la propriété de Plurivaux.
52:29 Enfin, on a peu parlé
52:33 des opérations financières
52:35 de Sassenach
52:37 et surtout de Kemner.
52:39 Kemner
52:41 n'a-t-il pas été tué à Paris
52:43 au cours d'un règlement
52:45 de compte entre trafiquants ?
52:47 C'est une hypothèse qui a été émise
52:49 par M. Claude Ball
52:51 et également par M. André Cayatte.
52:53 On est très troublés
52:55 aussi par le fait que
52:57 la police n'a jamais réussi à fournir
52:59 des indications satisfaisantes
53:01 sur l'identité de la
53:03 personne qui déposa
53:05 la valise de Kemner le 20 juin
53:07 1923 dans une
53:09 salle d'attente de la gare du Havre.
53:11 Cette valise a été repêchée
53:13 de la mer comme tenta
53:15 de l'expliquer le juge Hervé.
53:17 Elle a été repêchée par qui ?
53:19 Sans doute,
53:21 les explications du juge Hervé ne sont pas
53:23 absolument satisfaisantes. Elles sont
53:25 confuses. Elles sont embrouillées.
53:27 Mais y a-t-il d'autres
53:29 explications ? Pourquoi n'a-t-on pas
53:31 cherché ?
53:33 Quant au coup de feu de Plourivaud
53:35 dont a parlé Mme Bosset,
53:37 est-ce que c'est une bonne
53:39 ou une mauvaise piste ? Nous n'en savons
53:41 rien. Mais ce que nous savons,
53:43 c'est que les jurés n'en ont
53:45 pas eu connaissance.
53:47 Et nous savons aussi que quelques années
53:49 plus tard, ce sont les jurés
53:51 eux-mêmes qui ont demandé
53:53 la révision du procès, comme
53:55 en témoigne le document que vous allez
53:57 voir maintenant.
53:59 Voilà qui prouve que les jurés
54:01 ont réfléchi au fait
54:03 qu'ils avaient condamné un homme au bagne à
54:05 perpétuité pour un meurtre
54:07 qui n'a jamais été prouvé,
54:09 puisqu'on n'a jamais pu prouver que
54:11 Kemmner était mort.
54:13 Seysnec, jusqu'à son dernier souffle,
54:15 s'est défendu d'avoir tué Kemmner.
54:17 Et pourtant, il y a des faits,
54:19 des faits incontestables. Rappelons-les
54:21 la disparition de Kemmner,
54:23 la découverte de la valise, les variations
54:25 de Seysnec, l'existence des faux,
54:27 les témoignages de Ploiret et
54:29 d'Havre. À partir de ces faits,
54:31 les jurés, un juge qui n'a
54:33 pas participé aux délibérés nous l'a dit,
54:35 donc les jurés ont acquis
54:37 l'intime conviction
54:39 que Seysnec était coupable de meurtre
54:41 et ils l'ont ainsi condamné.
54:43 Mais ces faits,
54:45 que personne ne conteste,
54:47 étaient-ils suffisants pour envoyer
54:49 au bagne à perpétuité un homme ?
54:51 Je vous le demande.
54:53 Ce verdict
54:55 est-il conforme à l'idée que vous vous faites
54:57 de la justice.

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