• il y a 6 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonjour Anne-Sophie, Yann.
00:07 Bonjour.
00:08 Vous avez publié des livres enquêtes exceptionnels sur Bob Marley ou sur encore Noir Désir, Bertrand Cantat.
00:12 Voici "Les derniers jours de Johnny" publié chez Grasset.
00:15 C'est un livre exceptionnel.
00:17 On va entendre la voix de Johnny parce que cette voix-là, c'est une voix absolument incroyable.
00:22 "Mon pays c'est l'amour", c'est le 51ème et dernier album de Johnny.
00:25 Vous nous racontez ces instants-là où chacun se dit qu'il va mourir.
00:30 Il est à quelques semaines de mourir et il chante encore.
00:33 C'est exceptionnel au fond.
00:35 Ce qui est exceptionnel, c'est que cette voix, c'est celle d'un homme qui devrait déjà être dans la tombe.
00:42 Et pourtant, elle est d'une force qu'on n'a pas connue depuis très longtemps,
00:47 en tout cas que ses collaborateurs n'ont pas connue en studio,
00:49 parce qu'il a arrêté de fumer à cause de son cancer notamment.
00:52 Mais surtout, la force, elle ne vient pas que de ça.
00:55 Elle vient aussi de cette rage de vivre que Johnny a gardée jusqu'aux derniers instants de sa vie.
01:02 Et là, c'est un homme à qui on a dit il y a plusieurs mois, il ne vous reste que quelques semaines, trois mois à vivre.
01:08 Et malgré tout, non seulement il est toujours là, mais il est en studio en train d'enregistrer un album.
01:12 Il revient de tourner.
01:14 C'est complètement dingue.
01:15 C'est-à-dire que normalement, quand on a un cancer, on se repose.
01:18 Ce n'est pas forcément ce qui est recommandé d'ailleurs aujourd'hui.
01:20 Mais pourtant, lui, non seulement il vit comme avant, mais en plus, il vit même plus fort qu'avant.
01:26 Il produit un album qui est exactement l'album qu'il voulait faire.
01:29 Un retour à ses racines, au rock'n'roll, au blues.
01:32 Donc, on a l'impression que la boucle est bouclée.
01:35 Même si pour lui, ce n'est pas la fin, ce n'est pas son dernier album.
01:38 Il ne le croit pas un instant.
01:39 Écoutez cette voix.
01:40 Il faut dire, Anne-Sophie, que cette voix qu'on entend, il est délabré quand il enregistre.
01:55 Le jour où il enregistre ça, il est délabré.
01:57 Exactement.
01:58 Le jour où il va en studio pour enregistrer cette chanson, qui donnera d'ailleurs le titre de l'album,
02:04 il a subi quand même des traitements qui sont très, très lourds.
02:07 Il a mal partout.
02:10 Tout son corps n'est que douleur.
02:12 Il prend de la morphine pour essayer vraiment d'aligner un pas après l'autre.
02:16 Il a même du mal à marcher.
02:19 Il doit pour la première fois d'ailleurs s'asseoir en studio, ce qu'il n'a jamais fait.
02:22 Normalement, il sait, Johnny, il ne faut pas oublier que c'était un petit ras de l'opéra.
02:25 Donc, il sait utiliser son corps vraiment pour faire circuler l'air.
02:29 Le coffre de Johnny, son secret, c'est ça, comme Elvis.
02:32 Il chante toujours debout, les pieds écartés, avec une posture parfaite.
02:35 Or là, ils sont obligés de lui apporter un tabouret, ce qui pour lui déjà est un signe terrible, pour qu'il puisse chanter.
02:42 Et pourtant, ça ne s'entend pas.
02:45 C'est-à-dire que la voix reste belle, pure.
02:48 Et quand il va au studio, tout le chemin, il souffre.
02:53 Vraiment, tout est effort.
02:55 Et pendant les quelques minutes que dure l'enregistrement de la chanson, le temps est suspendu.
03:00 Il redevient le Johnny qu'il était.
03:03 Et il met tout le monde au tapis.
03:05 – C'est incroyable, parce que rétrospectivement, vous repartez en arrière, Anne-Sophie,
03:09 ce jour où il va rencontrer Patrick Bruel.
03:12 Et il lui dit, tiens, on m'a trouvé un truc, on m'a trouvé un cancer.
03:16 – Oui.
03:17 – Et il en parle, et puis hop, il passe à autre chose.
03:20 Il a sa Lamborghini, il veut partir, il a des projets de concert, etc.
03:24 Il en parle comme si c'était quelque chose d'anodin.
03:26 Il veut dompter la maladie.
03:28 – Je pense que ce qui est… vous savez, on ne peut comprendre la force du personnage de Johnny Hallyday
03:33 que dans son attitude face à la mort.
03:35 Et ces scènes où il annonce à un de ses meilleurs amis, Patrick Bruel, sa maladie,
03:41 elles sont très révélatrices de son état d'esprit et de sa psychologie.
03:45 C'est-à-dire que c'est un homme à qui on vient de diagnostiquer une maladie terrible,
03:49 un cancer state 4, qui va nécessiter des traitements durs, longs, difficiles.
03:54 Et malgré tout, il déjeune avec un copain.
03:56 Et puis, on dirait que "ah, ma voiture est à la fourrière"
03:59 ou "je ne sais pas quoi, je dois refaire ma serrure".
04:02 Enfin, on a l'impression que c'est une banalité, une question qui est à balayer comme ça.
04:08 Et puis hop, il passe à autre chose et il revient aux conversations, aux copains, à la musique, etc.
04:12 – Par exemple, un soir, dans un restaurant de ses restaurants,
04:14 à Pissus, près des Champs-Élysées, un de ses restaurants favoris,
04:16 il dit "à la fin du repas, tout le monde est là, tout le monde s'amuse,
04:20 je crois qu'il y a Jean Reno, il y a d'autres invités",
04:22 "je ne veux pas mourir, je suis trop jeune, je ne veux pas partir tout de suite".
04:26 Et Bruel, les larmes aux yeux qui lui dit "mais non, tu ne vas pas mourir".
04:29 – Oui, alors c'est des mois plus tard, donc à ce moment-là,
04:33 on s'approche déjà de la mort, c'est à l'automne,
04:36 quand il a annoncé sa maladie, c'était au printemps,
04:39 mais il a quand même des moments de lucidité.
04:41 Mais malgré tout, c'est ça qui est très beau avec cette histoire et ces derniers jours,
04:45 et l'intensité de ces derniers jours, c'est ces allers-retours aussi
04:48 de cet homme qui s'accroche, qui fait tout pour vivre,
04:51 qui fait tout pour vivre, quelques heures de plus, quelques jours de plus,
04:54 quelques mois de plus, quelques années de plus, mais qui se dit
04:56 "moi ce n'est pas mon premier cancer, ce n'est pas mon premier pépin de santé,
05:00 j'ai toujours survécu, j'ai survécu aux accidents de voiture,
05:03 on lui a tiré dessus, il a survécu, il a survécu au cancer, il a survécu au coma",
05:07 et il se dit "la mort, je la tiens dans ma main, je mourrai quand je voudrais".
05:11 Et donc comme il n'a pas envie de mourir, il pense qu'il tiendra,
05:14 et puis avec de temps en temps, évidemment, des moments d'abattement,
05:18 où après il se ressaisit, mais il passe de lucidité à déni, à espoir,
05:23 être dans ses têtes à ce moment-là, c'est un peu un rollercoaster émotionnel.
05:27 – C'est une tragédie, le 10 juin 2017, à Lille, Stade de Lille,
05:30 on va entendre là, c'est les vieilles canailles,
05:32 cette tournée qu'il veut faire avec ses potes Eddy Mitchell et Jacques Dutronc,
05:36 là c'est la chanson "Les Cactus", et pendant que le public entend ça,
05:42 il se passe un drame sur scène, et Johnny s'accroche soudain au micro, hyper pied.
05:49 – Hyper pied, ce qu'on n'entend pas, ce qu'on ne sait pas,
05:53 quand on est dans le public des vieilles canailles,
05:56 c'est que Johnny, qui fait cette tournée en province,
05:58 il faut le signaler parce que c'est quand même, une tournée en province c'est difficile,
06:01 et il passe d'une ville à l'autre, etc., c'est une logistique qui est compliquée.
06:07 Or là, il se déplace avec quasiment un hôpital,
06:10 il subit des traitements juste avant de rentrer sur scène,
06:13 jusqu'à la dernière minute, vraiment parfois,
06:15 donc il reçoit de l'oxygène, des transfusions, etc.,
06:18 et puis ensuite, il monte sur scène, et voilà,
06:23 et son corps, qui devrait être abattu, prend le dessus de manière assez miraculeuse.
06:28 – Parce que tout le monde s'attend à ce qu'il meure sur scène quasiment,
06:30 les gens se disent "il va mourir sur scène".
06:32 – Exactement, tout le monde est à peur et tremble en disant,
06:35 mais ce type qui est mourant, qui tout d'un coup chante, transpire,
06:40 a le cœur qui bat, il va claquer quoi !
06:42 Et donc, il y a une intensité très très forte,
06:45 et à part, en effet, il y a eu quelques épisodes où le corps lâche.
06:49 – Le corps lâche, et là, vous dites,
06:51 et D. Mitchell à la fin du concert qui dit "stop, on ne peut pas continuer",
06:54 on a l'impression d'entourer un mort vivant, on ne peut pas continuer.
06:57 – Et pourtant, c'est pourtant précisément cela qui fait qu'il va tenir.
07:04 Et d'ailleurs, les médecins lui disent, à D. Mitchell,
07:06 qui à un moment exactement est angoissé, se dit "mais on est en train de le tuer,
07:10 notre ami, à lui faire faire une tournée, je ne sais combien de dates,
07:13 en France, en Belgique, etc.
07:15 On pousse trop ! " Et non, les médecins lui disent "non, au contraire,
07:19 au contraire, vous lui redonnez de la vie".
07:20 Et Johnny lui-même dit "cette tournée, si je ne la fais pas, je vais crever".
07:24 Donc, quelque part, ce public qui lui a toujours donné cet amour,
07:28 la scène, être entouré de ses copains, c'est ça la vie pour Johnny.
07:32 Il n'est jamais aussi heureux que quand il est sur scène.
07:35 – Oui, puis alors il y a des moments d'intimité,
07:37 évidemment Laetitia qui poste des photos sur Insta et qui dit "fuck le cancer".
07:42 À un certain moment, Johnny se retourne contre elle et lui dit "Marre, marre,
07:46 mère Teresa, ferme-la, ferme ta gueule", parce qu'il lui parle comme ça.
07:49 – Il est dur.
07:50 Johnny, il est très dur avec les gens qu'il aime, et tous, en tout cas,
07:56 peuvent en témoigner, c'est-à-dire que ce n'est pas un être tendre,
08:00 c'est un être généreux, qui a beaucoup de qualités,
08:04 qui a été un ami parfois exceptionnel, etc.
08:07 Mais qui, notamment avec les femmes, ça vient des blessures de son enfance,
08:12 peut être très très dur, et Laetitia, elle en a bavé.
08:15 Elle n'est pas parfaite, mais il n'est pas parfait non plus.
08:18 – Oui, vous dites, il a eu 4000 femmes dans sa vie.
08:22 – Oui, alors… – Vous avancez ce chiffre.
08:24 – Sur les derniers jours, en tout cas, il n'en a qu'une, a priori,
08:28 mais en tout cas, dès les débuts de sa carrière, dans les années 60,
08:34 sachant que tous les soirs, il allait de spectacle en spectacle,
08:37 les filles se jetaient sur lui, alors ça va vite, quand on dort presque jamais,
08:41 il est le soir en spectacle, puis il va en boîte de nuit,
08:44 puis les restaurants, puis les cafés…
08:46 – Tous les pères voulaient donner leur fille à Johnny, vous dites ça.
08:49 – Mais Johnny, ce n'est pas un homme, c'est un dieu quelque part, pour les Français.
08:54 Le toucher, c'est approcher à une forme de divinité.
08:58 Et puis regardez, regardez ces images, regardez la beauté de cet homme,
09:01 surtout jeune, ce regard bleu piscine, cette sensualité, cette bouche, etc.
09:06 Il était absolument irrésistible, toutes les femmes voulaient l'approcher.
09:09 Et comme Elvis d'ailleurs, il a créé sa carrière sur la sexualité.
09:14 Elvis sur scène, pourquoi Elvis a le succès d'Elvis aussi ?
09:18 Alors évidemment, c'est sa musique, etc.
09:20 Mais c'est le roulement de hanche qui l'a rendu absolument mythique,
09:24 où on passe de la rockstar à la mythologie.
09:27 Johnny, c'est ça, c'est cet homme qui jouait sur le sexe, sur scène,
09:33 qui bougeait de manière très sensuelle, qui se roulait par terre,
09:36 et qui rendait les filles hystériques.
09:37 – Oui, mais pourtant, le 25 mars 95, il va rencontrer Laetitia Boudou,
09:43 et vous dites, il est paumé, et elle aussi, ces deux paumées qui se rencontrent.
09:47 Le père d'ailleurs de Laetitia n'est pas tellement favorable à cette rencontre.
09:51 – Oui, même si c'est lui l'instrument.
09:53 C'est le père qui présente Laetitia à Johnny, ami et amie, dans les années 90.
09:58 Johnny, il a eu évidemment des hauts et des bas,
10:01 même s'il a eu une carrière absolument exceptionnelle par sa longévité,
10:03 et puis quand même, ses fans sont restés jusqu'au bout.
10:06 Il a eu des échecs commerciaux, il a tenté beaucoup de choses, etc.
10:10 Et il est toujours dans la remise en question.
10:12 C'est un éternel insatisfait, c'est un homme qui,
10:15 c'est pour ça qu'il a duré, qui va toujours se dire,
10:17 "mais qu'est-ce que je vais faire après ? C'est quoi le prochain spectacle ?
10:19 C'est quoi le prochain truc ?" Il a peur d'être ringard.
10:21 Et donc là, dans les années 90, il est dans un moment de creux,
10:25 de remise en question, et puis c'est quelqu'un qui a une personnalité aussi,
10:28 dans le fond, assez dépressive.
10:30 C'est pas quelqu'un qui est joyeux constamment.
10:33 Non, il est recueilli, il est dur, et cassé aussi.
10:39 Et elle, cette petite fille, parce que même si elle est majeure,
10:42 c'est une enfant, physiquement, au niveau de sa voix, de son expérience.
10:47 Elle n'a pas été au lycée, etc.
10:49 Elle n'a pas eu une vie complètement normale non plus.
10:51 Elle a lâché l'école pour s'occuper de son père, etc.
10:54 Elle aussi est une enfant un peu brisée, et donc, malgré tout,
10:59 ces deux âmes qu'on ne penserait pas forcément à rapprocher,
11:04 se trouvent alors au début…
11:06 – Oui, pas facile ! Attendez, vous dites, quand il arrive,
11:08 et à Jean Rocque, le patron de "Moite de nuit",
11:10 il dit à Jean Rocque, quand il voit arriver Laëtitia la première fois
11:12 avec d'autres femmes, il dit "je ne savais pas que tu m'avais amené des putes".
11:15 – Ça résume assez bien aussi une partie de la relation de couple
11:19 et de sa manière d'être avec les femmes.
11:21 C'était pas encore une fois, pas un temps.
11:23 – Un peu plus tard, il dit, pardon, je vous cite,
11:25 c'est Johnny qui dit "tu vois cette connasse, je vais l'épouser,
11:29 elle est gentille, tu sais que je n'aime pas être seule,
11:31 elle est jeune, sympa".
11:33 L'ami lui répond "mais c'est pas de l'amour, c'est minable".
11:35 Et Johnny lui répond "mais tu sais, ma vie est minable".
11:38 Ça c'est tout Johnny.
11:40 – C'est tout Johnny, c'est-à-dire quelqu'un capable d'une brutalité extrême,
11:44 mais qui en même temps va rester… qui croit en l'amour,
11:47 qui est un romantique désespéré, c'est-à-dire qu'il s'est marié 5 fois,
11:51 on ne se marie pas 5 fois quand on ne croit pas au mariage ni en l'amour.
11:54 – C'est un solitaire qui ne peut pas rester seul.
11:56 – Exactement, c'est l'ombre, la lumière, constamment,
11:58 et il est constamment en train de lutter entre deux parties de lui,
12:01 et ce que j'ai voulu raconter aussi dans cette histoire d'amour
12:06 qui est complexe, qui n'est pas simple, il n'y a pas de gentil, il n'y a pas de méchant ici.
12:10 – Oui, regardez le livre enquête, il est formidable.
12:12 – C'est des êtres humains fragiles, et c'est un amour qui, comme tout amour,
12:16 l'amour c'est quand même l'émotion humaine la plus complexe.
12:18 – D'accord, il la trompe tout de suite, après il a rencontré Laetitia,
12:22 vous dites "il la trompe, c'est à la une de Voissy",
12:24 il fait un détour avec le yacht pour pas que Laetitia puisse voir la une de Voissy.
12:27 – Absolument, pendant leur lune de miel, ce qui est quand même charmant.
12:30 – Il dit à ses amis "une femme il faut la tromper pour lui prouver qu'on l'aime",
12:33 c'est ça sa philosophie ?
12:34 – Oui, c'est sa philosophie, je crois qu'il a trompé en effet
12:37 toutes les femmes avec qui il a été, et malgré tout elle va s'accrocher,
12:42 la petite blonde dont tous les amis disaient "mais elle ne tiendra pas 15 jours,
12:47 on ne la verra pas la semaine prochaine, etc."
12:50 même quand ils se marient, personne n'y croit, et puis elle reste,
12:53 elle reste jusqu'au bout, parce qu'à un moment, elle va aussi reprendre le pouvoir.
12:57 – Oui, mais alors attendez, vous racontez, elle va un jour, il n'est pas là Johnny,
13:00 il est loin, et il apprend qu'il y a une soirée d'anniversaire
13:03 chez les Nikaravids où elle se rend, et où elle ne revient pas chez elle le soir,
13:08 et il apprend donc qu'elle a découché, et il est très mal Johnny.
13:13 – Il est très mal, lui-même qui n'a pas forcément de leçons à donner à qui que ce soit
13:16 en termes de fidélité, tout d'un coup, quand sa femme, qui, ne l'oublions pas,
13:21 a quand même, et de 30 ans sa cadette, donc lui, à bout d'un moment,
13:24 fatalement, il vieillit aussi, c'est-à-dire que quand elle le rencontre,
13:27 il est encore beau mec, il est athlétique, etc.
13:30 Mais elle, à 40 ans, elle est splendide, elle est au top de sa féminité,
13:35 elle a trouvé quelque part sa place, un pouvoir dans cette famille.
13:39 – Donc quand elle le trompe, vous dites clairement, elle le trompe.
13:41 – Et à un moment, elle le trompe, elle se venge, elle se venge,
13:44 et lui, qui pourtant l'a trompé sans cesse depuis les débuts de leur histoire,
13:49 en est malade, il en est malade.
13:52 – Oui, il est complètement perdu, et en fait, à un moment donné,
13:57 la maladie arrive là-dessus, à un moment donné, elle lui sauve la vie.
14:02 Il est quasiment dans le coma, elle l'amène à l'hôpital,
14:05 elle lui sauve la vie, et là, il y a un avant et un après
14:07 dans la relation des deux couples.
14:09 – Oui, il y a plusieurs points de bascule, et en effet, cet épisode médical,
14:15 où lui tombe dans le coma, et elle, toute petite, toute frêle,
14:19 d'ailleurs, mais plutôt frêle, va traîner le corps de Johnny dans la voiture
14:24 pour l'emmener à l'hôpital elle-même, parce qu'elle n'a pas le temps
14:27 d'attendre l'ambulance, à ce moment-là, elle va lui sauver la vie.
14:31 Et donc, le pouvoir se retourne dans le couple, et tout d'un coup,
14:35 lui, qui l'a traité si mal, alors il continuera, d'ailleurs,
14:39 il ne sera pas toujours tendre avec elle, mais deviendra plutôt dépendant
14:44 de cette femme, qui se transforme un peu en infirmière, en assistante, en tout.
14:50 Elle prend la place, et elle devient tout pour lui.
14:52 – Et alors, il dit toujours, "ah, mais j'ai un album à enregistrer,
14:55 il est malade, on va entendre 'Made in Rock'n'Roll',
14:57 extrait 251e, mes derniers albums", c'est toujours très émouvant, évidemment,
15:01 d'entendre ce disque qui a eu un énorme succès, et il dit,
15:04 "j'ai eu des projets, j'ai encore des trucs", et tout ça,
15:07 il ne supporte pas qu'on lui renvoie l'image de la maladie,
15:10 il ne supporte plus du tout cette situation.
15:13 – Il ne supporte pas l'idée de la faiblesse, en effet,
15:18 lui qui a toujours trompé la mort en jouant à la robotrusse,
15:22 en roulant à 100 à l'heure, dans des bolides, etc.,
15:26 l'idée de pouvoir mourir dans son lit, c'est tragique,
15:29 ce n'est pas comme ça qu'il pensait partir, je pense qu'il pensait partir
15:33 comme il a vécu toute sa vie, de manière grandiose, éclatante,
15:37 rapide, fulgurante, pas malade avec un masque à oxygène,
15:43 il est parti finalement comme un homme normal,
15:46 et là, c'est aussi dans ces derniers jours
15:50 qu'on rencontre Jean-Philippe Smet derrière Johnny Hallyday,
15:55 c'est-à-dire que l'homme qu'il était, qu'il est né, etc.,
15:59 c'est les derniers jours, mais c'est aussi presque les premiers
16:02 qui sont en train de ressortir dans ces premiers jours,
16:05 et c'est toutes ces fragilités, ces peurs, ces angoisses,
16:08 donc celles de la mort, celles de la solitude, etc.,
16:11 qui se ressortent à ce moment-là.
16:13 - Oui, et alors à un moment donné, dans un couloir d'hôpital,
16:16 les médecins prennent Laetitia par sol, ils lui disent
16:19 "Laetitia, la guerre est finie", c'est ça l'expression,
16:22 c'est ce qu'ils lui disent.
16:24 - La guerre est finie, alors c'est terrible, parce que d'ailleurs
16:27 cette expression est injuste, parce qu'on a l'impression
16:30 que le cancer, ce serait une guerre qu'on pourrait gagner,
16:33 c'est beaucoup trop inégal, je veux dire, on ne peut pas se battre,
16:36 ce n'est pas parce qu'on s'est bien battu ou moins bien battu,
16:39 alors ils se sont bien battus, ce qui fait qu'il a vécu 15 mois
16:42 et pas 3, mais le destin n'était pas entre leurs mains,
16:45 ils ne pouvaient pas lutter contre ce cancer, le cancer était partout,
16:48 il était dans les os, il était dans la chair, etc.
16:51 - Il se mentait, comme il a toujours menti, au fond,
16:54 il se mentait à lui-même.
16:56 - C'était un menteur compulsif, il l'a dit lui-même, il me l'a dit,
16:59 d'ailleurs, quand je l'ai rencontré, il m'a dit "moi je mens tout le temps",
17:02 il a dit ça à lui-même ainsi qu'à son entourage en se disant
17:05 "mais non, je vais survivre, je vais survivre",
17:08 quand il rencontre son manager dans son bureau 10 jours avant sa mort,
17:11 en disant "bon, qu'est-ce que vous faites pour la prochaine tournée,
17:14 le prochain album, etc.", il se ment aussi quelque part à lui-même,
17:17 même si lui, il croit, tout le monde y croit, et puis pourquoi pas,
17:20 après tout, c'est Johnny Hallyday, tout a toujours été hors norme
17:23 chez Johnny Hallyday, donc pourquoi cette fois-ci, il n'arriverait pas
17:26 à tromper la mort ? - Oui, oui, à un moment donné,
17:29 il est avec ses amis, ses amis-aides, Laura et leur mère respectives,
17:32 et là, il s'en prend à Laetitia, il dit "c'est quoi ce cirque,
17:35 que tout le monde se barre, je ne veux plus voir personne".
17:38 - Oui, il est à l'hôpital à ce moment-là, donc il vient d'avoir
17:41 encore un autre épisode assez douloureux de détresse respiratoire,
17:44 il est à la clinique Bizet, et pour lui, d'avoir tout d'un coup
17:49 ses ex-femmes, ses amis, ses enfants rassemblés autour de son lit d'hôpital,
17:57 en effet, ça veut dire la mort, évidemment, et donc il a une réaction
18:01 assez violente à ce moment-là, mais qui résume bien aussi
18:08 son rapport très ambivalent à la vieillesse, à la mort, etc.
18:12 - Et à ses enfants, parce que là, David, on va entendre 100%,
18:15 David Hallyday vient de reprendre avec la voix de son père
18:18 ce titre qu'il avait écrit pour lui, et qui racontait au fond un peu
18:21 leur propre histoire. Quand il laisse un message à son fils,
18:25 vous dites sur le répondeur, il dit "David, est-ce que tu peux
18:28 appeler ton père ? C'est Johnny, Johnny Hallyday."
18:31 C'est comme ça qu'il parle à son fils, c'est dingue.
18:34 - C'est dingue, oui, mais ça montre bien à quel point les relations
18:37 à un moment ont été à la fois très proches, faites d'admiration,
18:40 mais aussi distendues, c'est-à-dire que David a été très bien élevé
18:44 par sa mère, il a eu un deuxième père, Tony Scotti, mais Johnny,
18:48 c'était pas le père de l'année, je suis pas sûre qu'il l'ait déjà
18:51 emmené à l'école, ou... - Vous voulez dire qu'ils ont déjeuné
18:54 en tête à tête qu'une fois dans sa vie ? - Oui.
18:57 - Dans leur vie, une seule fois ? - Je pense qu'il était très peu présent,
19:01 il l'a pas vraiment élevé, et il venait, alors il était là pour taper
19:05 à la porte à 3h du matin avec des musiciens bourrés, en disant "alors,
19:09 montre tes projets, enfin tes progrès à la batterie, etc."
19:13 alors que c'était un soir d'école, mais c'était pas un super père.
19:17 - Alors on a beaucoup raconté, évidemment, quand on apprend que c'est fini,
19:20 Laetitia, tout de suite, elle informe Sylvie Vartan,
19:24 qui va arriver des Etats-Unis directement, qui va rencontrer Johnny
19:29 pendant un temps important, on ne sait pas ce qu'ils se sont dit,
19:32 on a le sentiment, en sortant, qu'ils pensent que Johnny est sous emprise.
19:36 C'est ce que vous dites. - Oui, alors ce qui s'est dit
19:39 ce jour-là restera un secret, ce qui est leur seul secret,
19:43 parce que Johnny et Sylvie, quel couple a été plus médiatisé
19:47 qu'eux, ils ont commencé leur histoire d'amour sous les flashes des photographes,
19:51 ils l'ont continué, tout leur mariage a été comme ça, documenté,
19:54 presque seconde après seconde, elle le raconte, qu'ils n'étaient jamais seuls.
19:59 Mais il reste quelques moments de mystère privé, notamment ces derniers instants
20:06 avec lui, où ça reste un des mystères secrets qu'ils ont réussi à préserver.
20:12 Et elle, en effet, se souviendra d'un homme sous emprise, n'étant pas lui-même,
20:18 sous la coupe d'eux. - Oui, oui, mais lorsque David va vouloir voir son père,
20:24 dans les derniers moments, et là, chacun le sait maintenant,
20:27 aujourd'hui, la porte va rester close, et en fait, on apprend,
20:32 vous racontez dans le détail, ça n'est pas Laetitia directement
20:35 qui dit à David, non, Johnny, ton père ne peut pas te recevoir,
20:39 c'est le personnel qui vient lui dire, et en fait, c'est la décision de Johnny.
20:44 - C'est la décision de Johnny, alors quelle est la part aussi,
20:48 c'est sûr que les relations entre Laetitia, Johnny, Laura, David,
20:54 n'ont jamais été simples, peut-être qu'elles l'ont été un petit peu à un moment,
20:57 mais aussi, quelle est la part de Johnny, disant, moi, je veux qu'on me foute la paix,
21:01 je veux plus d'ennuis, j'ai pas envie d'avoir à me justifier,
21:04 etc., c'est quelqu'un de très lâche. Donc, ce qui est sûr,
21:08 c'est qu'on n'imposait pas des choses à Johnny,
21:11 il était quand même maître de ses décisions, c'était pas un type stupide.
21:15 - C'est lui, à un moment donné, c'est la dame de compagnie,
21:19 enfin de la maison, qui dit, non, auprès de Jean-Claude Camus,
21:22 qui lui dit, c'est terrible, Johnny a fait une crise
21:27 en interdisant l'entrée de Laura et Nathalie Baye à sa chambre.
21:32 - Oui, et parce qu'aussi, ces derniers mois, ces dernières années, plutôt,
21:38 il ne les avait pas vus tous les jours, et tout d'un coup, d'avoir ses enfants
21:41 qui tapent tous les jours à la porte, pour lui, il se dit, c'est pas normal,
21:43 moi, je veux continuer à vivre comme j'ai vécu avant.
21:45 Et d'ailleurs, on voit que les derniers jours, il les fait,
21:47 il les passe comme il a passé sa vie, avec ses copains,
21:50 son dernier repas, c'est une langouste cuisinée par Jean-François Piège,
21:55 c'est-à-dire, c'est la bonne chair, le bon vin, les copains,
21:58 penser à la musique, c'est pas voir ses enfants tous les jours.
22:01 - Il les laisse, il les laisse.
22:02 - Et donc, il veut garder, jusqu'à la fin aussi, une vie normale,
22:05 quitte à blesser ses enfants, mais c'est, dans ces derniers instants,
22:10 il est aussi dans un état d'égoïsme absolu, c'est-à-dire, ce qui compte,
22:14 c'est lui qui lutte contre sa maladie, et ce dont, quels sont ses besoins.
22:17 Ses besoins, c'est, je veux vivre comme avant.
22:19 Et donc, après moi, le déluge...
22:21 - Oui, mais quand même, David revient, il revient deux jours après,
22:25 il essaye d'entrer presque de force à l'intérieur,
22:27 il voit Johnny dans son lit qui fait semblant de dormir, pour ne pas le voir.
22:32 - Oui, c'est d'une dureté absolue, et on comprend,
22:37 il y a les clés, en tout cas, dans ces derniers jours,
22:40 de ce qui va se passer ensuite, justement, de la guerre des clans,
22:45 des questions, l'héritage qui va sortir, etc.
22:48 Tout, finalement, est là, parce que, dans les non-dits,
22:53 les actes manqués, les lâchetés, les soumissions aux uns aux autres, etc.,
22:59 c'est là que vont se créer les blessures qui vont expliquer ce qui va se passer après.
23:05 - Oui, mais pourtant, il aime Laura.
23:08 La dernière fois où il la voit, il lui dit "tu reviens la semaine prochaine",
23:11 or la porte sera close, elle ne reverra plus jamais son père,
23:15 il ne la verra pas, elle ne comprend pas, elle fait une lettre ouverte,
23:18 elle écrit à son père, en quelque sorte, et elle ne comprend pas.
23:22 Pourquoi ?
23:24 - Il part quelque part avec ce secret dans sa tombe,
23:28 mais Johnny Hallyday, ce n'est pas quelqu'un, encore une fois,
23:31 à qui on dictait des choses, donc je pense que, quand il garde la porte close,
23:35 c'est aussi une manière de se préserver, de préserver l'homme malade, décrépit,
23:40 à ce moment-là, et fragile qu'il est, pour peut-être…
23:44 a-t-il voulu rester dans les yeux de ses enfants la rock star,
23:49 le père exceptionnel, qui certes n'est pas très présent,
23:52 mais qui brille dans les concerts, etc.
23:55 C'est peut-être là le nœud de l'affaire.
23:57 - Mais David va en être réduit à écrire une lettre à son père,
24:01 il va aller la remettre, elle ne lui sera pas remise, cette lettre,
24:05 il ne la lira jamais, c'est terrible.
24:07 - C'est terrible, tout à fait, c'est terrible.
24:10 Et en même temps, je pense que chacun de nous
24:15 qui a été confronté à la fin de vie, surtout avec des hommes
24:22 d'une certaine génération, etc., qui ont toujours été habitués
24:25 à ne pas faire de compromis et à vivre comme ils l'entendaient,
24:28 ont été confrontés, cette histoire est tellement universelle,
24:31 c'est l'histoire de l'humanité, c'est l'histoire de notre relation
24:34 par enfant complexe, qui fait mal, où il y a en effet des non-dits,
24:40 des malentendus, des blessures, de la jalousie, etc.
24:43 - Mais il y a de l'argent. Vous dites, vous, non,
24:46 quand il a épousé Laetitia, elle n'a pas épousé un viagé,
24:50 c'était sincère, mais derrière, il y a beaucoup d'argent.
24:53 Vous racontez qu'elle dépense avec Johnny jusqu'à 500 000 euros
24:56 par mois dans leur train de vie.
24:58 - Oui, bien sûr, il y a de l'argent, mais même...
25:03 Alors évidemment, l'argent accentue les questions de succession,
25:08 mais là, ce n'est pas une question d'argent,
25:10 c'est une question d'enfants qui perdent leur père,
25:14 et d'un père qui part sans dire au revoir à ses enfants.
25:17 C'est autre chose aussi, ce n'est pas que du matériel,
25:20 c'est justement tout ce qui est indicible,
25:23 qui fait partie des...
25:25 Tous les mythes fondateurs quelque part de l'humanité viennent de là.
25:29 C'est comment se construire quand on n'a pas pu dire au revoir à son père.
25:33 Et ça, il y a beaucoup de gens qui ont été confrontés à ça,
25:36 et c'est là où Johnny, malgré le fait que ce soit un personnage
25:39 absolument hors norme, oui, il dépense 400 000 euros par mois, etc.,
25:43 mais à la fin, ça reste un homme.
25:45 Un homme avec justement ses faiblesses, ses lâchetés,
25:49 ses problèmes non résolus.
25:53 - Mais notamment avec ses propres parents.
25:55 - Oui.
25:56 - Et on peut reconnaître à Laetitia, elle a tout fait pour le réconcilier
25:59 avec sa mère, il ne voulait plus voir sa mère,
26:01 il disait que sa mère l'avait abandonnée.
26:03 Et Laetitia va faire venir sa mère au point que Johnny,
26:05 à un moment, se plaint, dit "J'ai l'impression de vivre
26:07 dans un pays non médicalisé", parce qu'il y a sa mère,
26:09 il y a les grands-mères, Mamie Rock et tout ça,
26:11 qui sont au domicile.
26:13 C'est ça aussi, Laetitia ?
26:15 - Oui, c'est...
26:17 Clairement, elle a essayé de l'aider à recoudre les plaies béantes
26:23 qui striaient son cœur, je pense que sans vouloir faire
26:27 des mauvaises chansons, le cœur de Johnny, il a été déchiré, ravagé,
26:32 c'est-à-dire qu'il a été abandonné comme un bébé par son père
26:36 et qu'il part avec l'argent et tous les meubles de l'appartement.
26:40 Sa mère, finalement, travaille comme mannequin,
26:44 le confie à la sœur de son père et puis il ne la voit plus.
26:48 Il a été baladé comme ça d'un pays à l'autre, etc.
26:50 Alors heureusement, il y a eu sa tante et ses cousines
26:52 qui ont été une forme de pilier, mais cette blessure originelle,
26:54 qui est quand même l'abandon par ses parents,
26:56 il ne s'en est jamais remis.
26:58 Et puis quelque part, en lui-même partant,
27:00 sans dire au revoir à ses parents, il reproduit aussi,
27:04 à ses enfants, pardon, il reproduit ce schéma familial.
27:07 – Oui, c'est vrai qu'aujourd'hui, on peut se dire les conditions de sa mort,
27:13 il est mort avec Karl et Dada auprès de lui.
27:17 Qui sont Karl et Dada ?
27:19 – Alors il y a son coach sportif et le chauffeur de Laetitia,
27:23 qui est aussi son chauffeur à lui, qui sont là aux derniers instants
27:28 parce qu'il avait besoin d'être constante,
27:30 il ne pouvait même plus aller aux toilettes tout seul, etc.
27:33 Et il a abandonné son corps à ses deux hommes,
27:38 et ces derniers instants, étonnamment, Laetitia n'est pas là dans la pièce avec lui,
27:44 il est avec eux, et enfin, il y a plusieurs moments, il tombe,
27:49 et c'est apparemment ce qui a été très évident.
27:51 – Il dit "je veux aller aux toilettes", parce qu'il faut raconter la vérité,
27:54 il dit "je veux aller pisser", il se lève et là il s'écroule,
27:58 il regarde le ciel.
28:01 – Oui, il regarde le ciel, ça c'est quelque chose qui m'a beaucoup intriguée,
28:06 qu'a-t-il vu dans le ciel ?
28:08 Alors j'offre des possibilités, mais il y a quelque chose de divin,
28:14 dans ce moment un peu suspendu, où enfin il comprend que ça y est,
28:21 c'est vraiment son dernier moment, c'est maintenant.
28:24 – Il le dit d'ailleurs, parce qu'il a encore l'instant de dire
28:27 "je sens que c'est la fin", et il saisit la croix qu'il a autour du cou.
28:31 – Et malgré tout, jusqu'à cette seconde, il n'y croyait pas.
28:35 Ce qui est quand même fou, c'est que quelques minutes avant,
28:39 il ne pensait pas que c'était son dernier jour, et malgré tout,
28:42 là un moment, ça y est, la mort l'appelle, et il lâche.
28:48 – Et il dit "je veux remettre cette croix à ma femme, à Laetitia,
28:54 et je vous demande de prendre soin de mes filles", c'est ça qu'il dit.
28:57 Il pense à ses filles.
28:59 Ces derniers mots, c'est pour ses filles.
29:01 – Oui, et moi pour l'avoir rencontrée, et je me souviens déjà à l'époque,
29:08 c'était quelques années avant sa mort, mais il avait très peur pour ses filles cadettes,
29:13 notamment parce qu'elles étaient mineures, parce que leur mère
29:17 n'avait pas forcément les mêmes moyens financiers,
29:19 n'avait pas de profession, donc ce n'était pas évident.
29:23 Il avait peur, il voulait les mettre à l'abri, c'était une obsession,
29:26 il en parlait déjà, je crois qu'il en parlait à beaucoup de gens autour de lui,
29:29 et lui qui a été abandonné lui-même sans rien, avait une peur panique
29:34 de faire la même chose à ses deux petites filles.
29:37 Et donc jusqu'à la fin, il a essayé de les protéger, c'était son obsession.
29:40 – Oui, il avait dit "je sais que quand je ne serai plus là, Laetitia, je le cite,
29:44 prendra des sauts de merde sur la gueule".
29:47 Est-ce que quand on apprendra quelques mois plus tard la teneur de la succession, etc.,
29:53 qui est d'une violence absolue, alors je pense que lui ne pensait pas forcément
29:58 avoir déshérité ses enfants, etc., je pense que c'est beaucoup plus compliqué.
30:02 Lui dans sa tête, il s'est dit "bon, mes enfants aînés, financièrement,
30:07 ils sont grands, ils sont adultes, ils ont une carrière,
30:09 ils vont s'en sortir, c'est réglé".
30:11 – Mais Laetitia, l'entourage la surnomme "Madame Fourien".
30:15 – Oui, l'entourage est très dur pour elle, depuis le début d'ailleurs.
30:19 Depuis les premiers jours de leur relation, les copains se moquent d'elle, etc.,
30:24 elle s'en est prise plein la figure, mais complètement, pendant des années.
30:27 Et à la fin, la façon, la manière aussi, dont il n'a pas parlé à ses enfants,
30:32 même de disposition après sa mort, c'est une façon de la jeter sous le bus aussi,
30:37 de dire "bon, après moi, le déluge", dans une attitude d'égoïsme et de lâcheté totale.
30:42 Parce qu'à la fin, c'est lui qui a signé ces documents,
30:45 c'est lui qui a pris ces décisions, et pourtant, quand il meurt,
30:48 on a l'impression que la France se divise en deux camps,
30:52 de manière d'ailleurs complètement irrationnelle,
30:54 la France se passionne pour cette affaire, qu'elle vomit aussi son envie, sa jalousie,
31:00 ses opinions, etc., partout, c'est-à-dire c'est un déluge d'opinions,
31:05 et on a l'impression qu'il y a un monstre bicéphale qui est Laura Laetitia,
31:09 et que tout s'est joué entre les deux.
31:11 La réalité est beaucoup plus complexe, la réalité, c'est que le fautif, c'est quand même aussi lui,
31:14 alors chacun doit avoir ses parts de responsabilité.
31:16 – Vous dites que quand on n'imposait pas Johnny, on ne disait pas à Johnny ce qu'il avait à faire,
31:21 ce n'était pas possible.
31:22 – Ça, tous les gens de son entourage, notamment professionnels, le disent,
31:26 que par exemple, lors de la tournée des vieilles canailles,
31:30 il a voulu que, malgré les conseils de son manager,
31:34 il a voulu séparer les revenus en trois parts égales.
31:37 Eh bien voilà, le manager a dit, Sébastien Farrand,
31:40 "Ok, on sépare en trois parts égales, parce qu'on ne discute pas, quelque part, les ordres de Johnny".
31:45 Ce n'était pas quelqu'un qu'on pouvait manipuler, je pense, facilement,
31:49 mais c'était aussi quelqu'un d'une grande lâcheté, qui voulait avoir la paix,
31:52 qui ne voulait pas fuir, disons, les ennuis, les disputes, les machins,
31:57 et a-t-il voulu faire plaisir aux uns aux autres, pour se dire,
32:02 "Moi, les histoires d'argent", parce que ça aussi, on le sait,
32:05 les histoires d'argent et Johnny, ça fait deux, ils s'en foutaient complètement,
32:09 et pas parce qu'ils étaient bêtes, parce que ce qui les intéressait,
32:12 c'était la musique, les copains, le bon temps, ce n'était pas le business.
32:15 Et donc, qu'il ait pu signer des papiers sans prendre vraiment attention, c'est possible.
32:21 Je ne dis pas que c'est ce qui s'est passé, mais c'est une possibilité.
32:24 - Oui. On va entendre, pour ce qui était, une chanson,
32:27 écrite avec Michel Berger, album mythique.
32:30 La chanson, c'est "Les chanteurs abandonnés".
32:32 Ça raconte bien, d'ailleurs, tout ce qu'on vient de dire.
32:34 Vous citez, sur la dernière, peut-être, chanson écrite et enregistrée par Johnny Hallyday,
32:40 il dit "Ce que je suis, je l'ai arraché à la vie. Ce que je suis, je ne suis qu'un cri".
32:46 Et ce sont presque les derniers mots chantés de Johnny.
32:49 Et ça dit tout, en fait.
32:51 - Ça dit tout. Johnny Hallyday, sur scène, c'était ça.
32:54 C'était ce cri qui partait des viscères, quoi.
32:59 Et c'est pour ça qu'il nous touchait autant.
33:02 Parce qu'il puisait dans ses propres faiblesses, dans ses propres démons,
33:07 pour interpréter des chansons, comme s'il s'ouvrait les veines sur scène.
33:13 Quelque part, on a l'impression que chaque douleur qu'il chantait,
33:15 il les revivait encore à nouveau.
33:17 Ça se voyait sur son visage, sur son corps, etc.
33:20 Et donc, quelque part, pour nous, public, c'était d'une vertu cathartique exceptionnelle.
33:25 Et c'est pour ça que chaque Français, je pense, a des chansons de Johnny
33:30 qui ont ponctué leur vie, qui ont l'amour, les ruptures,
33:33 la perte des êtres aimés, l'envie de vivre, l'envie d'avoir envie,
33:37 enfin, tout ça, ça nous a accompagnés parce qu'il les chantait,
33:40 c'est comme s'il nous accompagnait.
33:42 - Oui. Il y avait le titre d'un film qui s'appelait "Qui es-tu, Johnny ?"
33:44 - Oui. - On se pose encore la question.
33:46 Qui était-il ?
33:47 "Les derniers jours de Johnny" est publié chez Grasset.
33:49 C'est un livre en quête absolument exceptionnel.
33:52 Et vous nous le faites vivre, Johnny, comme s'il était là,
33:55 comme si on allait le voir.
33:56 Vous racontez ça vraiment dans le détail.
33:58 C'est romanesque et c'est incroyable, un portrait incroyable.
34:01 Anne-Sophie Yann, merci d'avoir été avec nous.
34:03 - Merci à vous.
34:04 - Merci à vous.
34:06 Sous-titrage Société Radio-Canada
34:09 ♪ On tourne les deux ♪
34:12 [Bruit de moteur]

Recommandations