• il y a 7 mois

Visitez notre site :
http://www.france24.com

Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24

Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Pour commencer, on revient sur cette séquence à peine croyable en Tunisie.
00:04 L'arrestation musclée samedi soir de l'avocate Sonia Damani en plein direct sur France 24,
00:10 accusée d'avoir ironisé sur la situation en Tunisie.
00:13 Ce lundi, l'ordre des avocats à Tunis a décrété une grève au Dîle-Longval.
00:19 Alors, on va regarder le...
00:26 Jamais la police tunisienne n'avait osé prendre d'assaut l'ordre des avocats.
00:31 C'est désormais chose faite.
00:33 En cagoulé, des agents des forces de sécurité interpellent Sonia Damani, avocate, sous les cris de ses collègues.
00:41 Il y a une semaine, sur un plateau, elle avait ironisé après une remarque sur la situation migratoire en Tunisie.
00:48 Mais de quel pays extraordinaire on parle ?
00:51 Immédiatement, elle est poursuivie pour atteinte à la sûreté publique et incitation à la haine.
00:57 Conséquence d'un décret promulgué par le président Kays Saïed en 2022, jugé liberticide par l'opposition.
01:04 Un autoritarisme dénoncé par des centaines de manifestants hier matin à Tunis,
01:10 car ces dernières années, la politique de l'exécutif s'est considérablement durcie.
01:15 Parmi les comportements, les signaux autoritaristes, c'est la suspension du gouvernement, qu'il a renvoyée à la maison, le Parlement également.
01:28 En un an et demi, plus de 60 personnes ont été arrêtées en Tunisie,
01:32 où de plus en plus les espoirs nés du printemps arabe se dissipent.
01:36 Et nous sommes en ligne avec Atem Nafti. Bonjour, merci de répondre à ces quelques questions.
01:42 Vous êtes essayiste, on vous doit notamment Tunisie vers un populisme autoritaire.
01:47 Point d'interrogation aux éditions Riveneuve. Merci beaucoup d'être avec nous.
01:52 D'abord, que vous inspire cette séquence télé samedi soir en plein direct sur France 24 depuis la maison des avocats ?
01:59 Alors, la séquence est impressionnante, mais elle est juste impressionnante parce qu'elle a été captée par, en l'occurrence, par vos caméras, par votre collègue Marie-Lyne Dumas.
02:11 Cela dit, elle s'inscrit dans une continuité, dans un glissement vers un autoritarisme, voire vers un totalitarisme, initié le 25 juillet 2021 après le coup d'État de Kayser Said.
02:24 Et petit à petit, les espaces des libertés reculent. Et aujourd'hui, il y a un signal très important envoyé à toute voix critique.
02:34 Je me permets de dire qu'au moment même où Maître Dermeni se faisait arrêter, deux de ses collègues étaient arrêtés un samedi soir pour délit d'opinion, toujours en vertu de ce décret 54.
02:49 Un samedi soir, sans convocation, les policiers ont débarqué chez eux et les ont arrêtés. Leur garde à vue a été prolongée. Et Madame Dermeni vient d'avoir un mandat de dépôt délivré à son encontre ce midi.
03:04 Alors, Atta Nafti, revenons si vous le voulez bien sur ce décret 54 qu'on semble découvrir ici en France.
03:09 Décret promulgué par le président Kayser Said il y a bientôt deux ans, qui prévoit de la prison pour ceux et celles qui collent porte de fausses informations.
03:17 On est loin de la limpidité. C'est une loi qui est soumise à interprétation ?
03:23 C'est une loi qui est soumise à interprétation, mais très vite on a compris l'intérêt de l'exécutif.
03:28 Autour de l'exécutif, il y a un nombre impressionnant de fausses nouvelles qui sont délivrées par des personnes proches du régime.
03:36 Elles ne sont jamais arrêtées, jamais interpellées, jamais même inquiétées.
03:44 Je vous ai parlé des personnes qui officient dans la même émission que Mme Dahmany à la radio, qui ont été arrêtées.
03:52 Sur ce même plateau, il y a un propagandiste du régime qui, pas plus tard que vendredi,
03:57 a donné une fausse nouvelle et il n'a absolument pas été inquiété, dans la mesure où, encore une fois, c'est une loi qui vise clairement les opposants.
04:08 D'après les ONG, il y a 60 personnes, entre politiques journalistes et même citoyens lambda,
04:16 qui ont été poursuivies par le gouvernement en vertu de ce décret.
04:19 A chaque fois, c'était pour la critique du régime, jamais de fausses informations.
04:24 Dieu sait qu'il en est, j'en ai même été victime de la part des proches du régime.
04:28 Eux, ils ne sont jamais inquiétés.
04:29 C'est clairement une tentative d'un côté de musellement de l'opposition et d'une tentative aussi de faire peur.
04:35 C'est-à-dire que le dispositif utilisé pour arrêter Mme Dahmé, arrêté comme vulgaire terroriste, et aussi ses deux camarades,
04:44 un samedi soir, je le rappelle, c'est-à-dire où le parquet et la police travaillent à minima sur des affaires urgentes,
04:50 l'idée est claire et nette, y compris si vous êtes modéré, puisque Mourad Zreddi qui a été arrêté,
04:56 a un discours critique, un discours très modéré, très pondéré quand il parle.
05:01 L'idée c'est que même si vous êtes pondéré et modéré, si vous êtes contre ce régime, vous allez avoir des ennuis.
05:06 Il y a une grève générale des avocats de Tunis qui a été annoncée dans la foulée.
05:11 Selon vous, il y a l'espoir que la société civile reprenne la main alors que la répression l'a se durci ?
05:17 Malheureusement non. J'ai malheureusement peu d'espoir, ça ne me fait pas plaisir de dire ça.
05:21 J'ai malheureusement peu d'espoir parce que d'une part, une partie de la société civile a accompagné ce mouvement.
05:26 C'est un mouvement qui n'est pas né, je vous ai dit, ça remonte à 2021.
05:29 Une partie de la société civile a béni le coup d'État en expliquant que,
05:34 parce qu'il y avait certains de leurs adversaires politiques, en l'occurrence les islamistes mais pas que,
05:39 qui étaient lésés par le coup d'État.
05:42 Une partie de la société civile, au moment où le président était en train de mettre en place ce système autoritaire,
05:50 a signé des chèques en blanc au président, a expliqué qu'il n'avait pas violé la constitution.
05:58 Or il a clairement violé la constitution, que ce n'était pas grave, que tout ceci s'explique par l'état d'exception décrété par le président de la République.
06:08 Aujourd'hui oui, il y a une certaine prise de conscience, mais malheureusement je pense que c'est trop tard
06:15 parce que le régime a eu le temps de se déployer et de mettre les instruments nécessaires.
06:21 Il y a eu déjà des grèves, y compris des magistrats, il y a un an.
06:25 Il y a eu une grève qui a duré un mois de tous les magistrats de Tunisie,
06:30 quand le président a mis au pas la justice, ça a duré un mois et puis finalement tout est revenu.
06:39 L'année dernière il y a eu des arrestations d'opposants politiques,
06:42 maintenant c'est clairement les acteurs médiatiques et aussi les acteurs associatifs en lien avec la question migratoire qui sont arrêtés.
06:49 Mais le pouvoir s'est suffisamment déployé, suffisamment fort aujourd'hui.
06:53 Malheureusement je ne vois pas, j'espère vraiment me tromper, mais je ne vois pas d'issue
06:59 parce que le pouvoir est aujourd'hui suffisamment fort et surtout tout ceci est assez populaire, il faut aussi le dire.
07:05 Voilà, une question sur l'état de l'opinion publique, parce que vous parlez de prise de conscience,
07:11 est-ce qu'elle est majoritaire alors que le mandat de Qaïs Saïd arrive à son terme bientôt ?
07:16 Alors si vous voulez, Qaïs Saïd a des résultats très faibles.
07:21 La crise économique est très importante, on a parlé aussi de la crise sociale entraînée par la crise migratoire.
07:27 Ce régime, c'est une somme de rejet, c'est-à-dire que les personnes qui n'aiment pas les islamistes sont contents
07:34 parce que Qaïs Saïd a arrêté les islamistes.
07:36 Les personnes qui n'aiment pas tout le corporatisme, par exemple aujourd'hui on voit la réponse des avocats,
07:41 elle est aussi perçue dans la population générale comme une sorte de corporatisme.
07:46 Donc l'idée de Qaïs Saïd devant la population, c'est "je suis en train de vous débarrasser de tous les puissants".
07:54 Aujourd'hui il y a des hommes d'affaires qui sont poursuivis, il y a des politiques qui sont poursuivies, il y a des avocats.
08:00 En fait tout ce qui est perçu comme faisant partie d'une caste opposée au peuple,
08:06 donc ça c'est le discours populiste, aujourd'hui est touché par le régime.
08:10 D'un côté il y a que le régime se joue vraiment des bas instincts et de l'esprit vengeur,
08:18 et de l'autre côté il joue aussi de l'opposition dans l'opposition.
08:24 Ce qui fait que je pense que malheureusement c'est quelque chose qui va se poursuivre,
08:30 surtout que maintenant on a vraiment installé un climat de peur.
08:33 Je pense que ce qui s'est passé samedi est un message clair et net aux opposants,
08:38 et je vois y compris sur les réseaux sociaux les gens de plus en plus peur de s'exprimer.
08:43 Parce qu'on leur a expliqué, si jamais ils n'ont toujours pas compris,
08:46 que même si vous n'êtes pas d'accord mais que vous le faites de manière poli-pondérée,
08:50 vous n'échapperez pas à des poursuites, et des poursuites spectaculaires.
08:53 Merci infiniment Atem Nafti d'avoir répondu à nos questions sur France 24.
08:57 Je renvoie vers votre livre "Tunisie vers un populisme autoritaire".
09:01 On a bien entendu que vous seriez tenté d'enlever le point d'interrogation paru aux éditions Rive Neuve.
09:07 Merci encore. Merci.

Recommandations