Stéphane Blakowski reçoit Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports dans le gouvernement de Jean Castex.
Jean-Baptiste Djebbari a toujours eu le sens de l'investissement dans l'entreprenariat ou dans le domaine de l'aviation. Pilote de formation, il n'a jamais réellement aspiré à une carrière politique, il le dit lui-même les partis traditionnels ne l'ont pas attiré. Mais c'est au fil des rencontres qu'il se rapproche du futur président Emmanuel Macron et choisit de s'engager en politique à ses côtés. Malgré les difficultés du début : il se heurte aux débats houleux de l'Assemblée, il fait ses armes en s'inspirant de ses expériences professionnelles précédentes et du rugby qu'il a pratiqué. Il acquière finalement sa place de ministre qui selon lui est due « à un scandale de homards »... Ce mélange de chance et de travail en dehors des cadres, comme son investissement sur Tik Tok où il devient un véritable phénomène, fera de lui le ministre le plus apprécié chez les jeunes. Malgré un avenir radieux qui semble tout tracé, il se retire de la vie politique à la recherche d'autres expériences. Jean-Baptiste Djebbari reste un électron libre de la société civile qui a usé du pouvoir pour faire bouger le monde des transports le temps d'un mandat.
En 1988, dans son discours de politique générale, Michel Rocard s'inquiétait déjà de la défiance croissante entre les citoyens et leurs représentants. Pour afficher sa volonté de "réconcilier l'État et la société civile", le nouveau Premier Ministre confiait donc le Ministère de la Santé au Professeur Schwartzenberg, une sommité en médecine mais un novice en politique. Neuf jours plus tard, l'éviction de Léon Schwartzenberg rappelait qu'on ne s'improvise pas ministre si facilement.
La politique est-elle une vocation ou un métier ? Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, disait Le Président Chirac en 2004, la politique n'est pas seulement une vocation, c'est aussi un métier qui demande une formation. Il justifiait ainsi l'éviction de tous les ministres de la société civile du nouveau Gouvernement Raffarin.
Aujourd'hui, la question se pose avec la même acuité. Lors de sa première campagne, le candidat Macron s'était vanté de ne pas "être un professionnel de la vie politique". Pourtant, quasiment aucun ministre de la société civile ne figure dans le nouveau Gouvernement de Gabriel Attal ...
Pourquoi est-il si difficile d'être ministre lorsqu'on est novice en politique ? Quatre personnalités ayant vécu cette expérience à différentes époques, nous livrent leurs témoignages : former un cabinet, organiser des déplacements, faire sa place dans un milieu encore surtout masculin, défendre ses projets à l'Assemblée, s'imposer dans les médias, le tout, sans avoir le temps de reprendre son souffle.
Et si c'était le premier pas pour nous réconcilier avec nos responsables politiques ? Tenter de comprendre pourquoi il est si difficile pour un ministre d'être à la hauteur de sa fonction.
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Jean-Baptiste Djebbari a toujours eu le sens de l'investissement dans l'entreprenariat ou dans le domaine de l'aviation. Pilote de formation, il n'a jamais réellement aspiré à une carrière politique, il le dit lui-même les partis traditionnels ne l'ont pas attiré. Mais c'est au fil des rencontres qu'il se rapproche du futur président Emmanuel Macron et choisit de s'engager en politique à ses côtés. Malgré les difficultés du début : il se heurte aux débats houleux de l'Assemblée, il fait ses armes en s'inspirant de ses expériences professionnelles précédentes et du rugby qu'il a pratiqué. Il acquière finalement sa place de ministre qui selon lui est due « à un scandale de homards »... Ce mélange de chance et de travail en dehors des cadres, comme son investissement sur Tik Tok où il devient un véritable phénomène, fera de lui le ministre le plus apprécié chez les jeunes. Malgré un avenir radieux qui semble tout tracé, il se retire de la vie politique à la recherche d'autres expériences. Jean-Baptiste Djebbari reste un électron libre de la société civile qui a usé du pouvoir pour faire bouger le monde des transports le temps d'un mandat.
En 1988, dans son discours de politique générale, Michel Rocard s'inquiétait déjà de la défiance croissante entre les citoyens et leurs représentants. Pour afficher sa volonté de "réconcilier l'État et la société civile", le nouveau Premier Ministre confiait donc le Ministère de la Santé au Professeur Schwartzenberg, une sommité en médecine mais un novice en politique. Neuf jours plus tard, l'éviction de Léon Schwartzenberg rappelait qu'on ne s'improvise pas ministre si facilement.
La politique est-elle une vocation ou un métier ? Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, disait Le Président Chirac en 2004, la politique n'est pas seulement une vocation, c'est aussi un métier qui demande une formation. Il justifiait ainsi l'éviction de tous les ministres de la société civile du nouveau Gouvernement Raffarin.
Aujourd'hui, la question se pose avec la même acuité. Lors de sa première campagne, le candidat Macron s'était vanté de ne pas "être un professionnel de la vie politique". Pourtant, quasiment aucun ministre de la société civile ne figure dans le nouveau Gouvernement de Gabriel Attal ...
Pourquoi est-il si difficile d'être ministre lorsqu'on est novice en politique ? Quatre personnalités ayant vécu cette expérience à différentes époques, nous livrent leurs témoignages : former un cabinet, organiser des déplacements, faire sa place dans un milieu encore surtout masculin, défendre ses projets à l'Assemblée, s'imposer dans les médias, le tout, sans avoir le temps de reprendre son souffle.
Et si c'était le premier pas pour nous réconcilier avec nos responsables politiques ? Tenter de comprendre pourquoi il est si difficile pour un ministre d'être à la hauteur de sa fonction.
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00:00 *Musique*
00:25 - Bonjour Jean-Baptiste Djebari.
00:27 - Bonjour à vous.
00:28 - Merci d'avoir accepté cette invitation pour cette série d'entretiens consacrée aux ministres issus de la société civile.
00:34 Donc vous incarnez parfaitement ce profil puisque vous n'aviez jamais fait de politique avant d'être élu député en 2017
00:40 et c'est cette élection qui va vous permettre de devenir secrétaire d'État puis ministre délégué au transport.
00:46 En fait vous avez un parcours très différent de ces ministres qui font de la politique depuis toujours.
00:50 Par exemple Gérald Darmanin s'est inscrit au RPR, il a pris sa carte il avait 16 ans.
00:54 Gabriel Altal de l'autre côté a pris sa carte EPS, il avait 17 ans.
00:58 Et vous, vous n'avez jamais pensé à vous inscrire dans un parti quand vous étiez jeune ?
01:02 - J'y ai pensé, ça m'a même intéressé et j'ai fait deux réunions.
01:08 Une réunion de section du PS en limousin et une réunion dans ce qui était l'UMP à l'époque à Paris
01:14 et j'avoue que ça ne m'avait pas particulièrement enthousiasmé.
01:17 Et par contre j'ai toujours aimé la politique, j'ai toujours suivi la politique.
01:19 - Et ce qui vous avait déçu dans ces premières réunions ?
01:22 - C'est qu'on parlait assez peu de la France, c'était très tactique.
01:26 C'était très électoraliste, c'était un peu clientéliste.
01:29 Et ce que je comprends parfaitement, il faut de la tactique en politique,
01:32 mais moi ce n'était pas à ce moment-là de l'histoire mon sujet.
01:36 Alors j'ai eu une famille politique, j'ai même une grand-mère qui a été à l'époque très impliquée au PS.
01:41 - Alors vous n'en avez pas eu un meeting ?
01:44 - Non, on parlait beaucoup. Nos déjeuners du dimanche étaient essentiellement politiques.
01:49 - Pour reprendre le parallèle avec Darmanin et Altal, ils ont tous les deux fait Sciences Po, logique pour un ministre.
01:54 Vous avez fait une école qui forme des contrôleurs aériens.
01:57 Vous aviez envie de passer votre vie dans une tour de contrôle ?
02:00 - Moi j'avais envie de travailler dans l'aviation.
02:02 Et c'est vrai que j'ai d'abord été formé à l'école de l'aviation civile à Toulouse,
02:06 avant d'être pilote et être formé en France et en Angleterre.
02:10 Et c'est vrai que c'était une passion, pas forcément d'un enfant,
02:13 mais une passion qui m'est venue comme ça au fil du temps.
02:15 J'avais toujours aimé suivre la politique, mais je ne m'étais jamais envisagé entrer en politique.
02:20 Et ça c'est vrai que c'est la rencontre avec Emmanuel Macron,
02:23 et puis la rencontre plus globalement autour de ce moment en 2017,
02:27 où on a eu l'impression de pouvoir...
02:28 - Votre formation en tout cas c'est contrôleur aérien, vous ne l'avez pas été longtemps.
02:32 Pilote de jet, ça vous l'avez été pendant quelques années.
02:35 Mais en fait vous aviez quand même une vocation pour créer des entreprises, c'est ça ?
02:38 Vous avez créé votre première entreprise à quel âge ?
02:41 - J'ai participé à la création de la première à 28, 29 ans.
02:45 Et moi j'ai découvert vraiment l'entrepreneuriat sur le tas,
02:48 comme ça, au travers aussi des opportunités, des crises.
02:51 Et je me suis révélé à moi-même en quelque sorte, en me disant "je peux aussi faire ça".
02:55 Et c'est vrai qu'après j'ai eu envie de créer des projets,
02:58 au gré des rencontres, j'ai eu l'opportunité de créer des projets.
03:00 Et c'est un projet de création de compagnie aérienne régionale
03:03 qui m'a fait rencontrer Emmanuel Macron et ses équipes.
03:06 - On était là en 2015, à cette époque-là,
03:08 créer une compagnie aérienne, on a besoin de fonds et d'appui politique.
03:11 Donc vous contactez Bruno Laureau, qui est alors président du groupe socialiste à l'Assemblée,
03:16 et il vous dit "bien, je vais te présenter le ministre du budget de François Hollande".
03:20 - Exactement, c'est exactement comme ça que ça s'est passé.
03:21 - Et ça se passe comment ?
03:22 - Ça s'est passé d'ailleurs de l'autre côté de l'Assemblée, sur la péniche de Gérard Felser,
03:25 que probablement vous connaissez assez bien.
03:27 Et il se trouve que Bruno Laureau aime l'aviation,
03:29 vous connaissez Gérard Felser, et Gérard Felser m'a envoyé voir Bruno Laureau,
03:32 que j'ai trouvé très sympathique, que je ne connaissais pas,
03:34 qui m'a trouvé, j'imagine, qui a trouvé le projet intéressant,
03:38 et qui m'a mis en contact avec ce jeune ministre qui arrivait à Bercy.
03:41 - On veut son nom !
03:43 - Emmanuel Macron, et qui, avec son cabinet, c'est vrai, a trouvé le projet intéressant,
03:47 et puis moi, ça m'a d'abord permis de le rencontrer une première fois,
03:50 et puis surtout après de suivre son aventure.
03:52 Le hasard a fait qu'un peu plus tard,
03:54 j'ai rencontré ceux qui deviendraient les jeunes avec Macron,
03:57 Pierre Person, Sacha Ollier...
03:58 - On en a envie d'en savoir plus sur cette première rencontre avec le personnage Macron.
04:02 Est-ce que vous vous dites en sortant "je viens de rencontrer le futur président de la République" ou... ?
04:05 - Non, alors j'ai rencontré à Bercy dans un moment où il y avait beaucoup de gens,
04:10 donc mon échange avec lui, c'est quelques minutes, c'est vraiment assez court,
04:14 mais j'ai trouvé, un, qu'il comprenait le projet assez vite,
04:17 qu'il posait les bonnes questions,
04:19 et surtout, je l'ai trouvé très efficace dans le traitement après, au travers de son cabinet.
04:23 Et moi, je découvrais un peu, de cette façon-là,
04:26 l'échema politique, le mode de fonctionnement politique.
04:29 Et je l'ai trouvé donc différent.
04:30 Et après, en suivant un peu son évolution, ce qu'il commençait à garder...
04:34 - Ça vous a donc permis de vous rapprocher, comme vous le disiez, de son entourage,
04:37 donc des gens, la bande de poitiers, c'est un peu l'aile gauche du parti,
04:41 donc c'est des gens qui, eux, avaient déjà fait dix ans de politique autour du PS,
04:45 c'est eux, qui vous ont permis d'être candidats en 2017 ?
04:49 - En fait, c'est vraiment une amitié naissante avec Pierre Person,
04:52 autour de sujets... - Qui a été numéro 2 d'En Marche.
04:54 - Qui a été numéro 2 d'En Marche, député de Paris,
04:56 et on avait commencé à réfléchir, lui et moi, amicalement,
04:58 sur les sujets de démocratie numérique.
05:00 Et je trouve que ce sujet du numérique et de la démocratie numérique en démocratie,
05:05 ça m'intéressait, et j'avais postulé, d'ailleurs, en 2013,
05:07 toujours sous l'aspect de l'entreprenariat, au concours mondial de l'innovation,
05:11 sur un sujet de plateforme numérique pour voter.
05:13 Donc déjà, à l'époque, 2013, j'étais quand même un peu intéressé à ces sujets-là,
05:16 et avec Pierre Person, on avait donc réfléchi à comment mettre ça à profit
05:20 pour En Marche, qui se structurait, et puis après, dans la campagne,
05:23 avec Pierre notamment, et puis quelques autres, Stéphane Sésournet et d'autres,
05:26 j'avais participé de temps en temps à des petites missions,
05:29 mais c'est vrai que ça a commencé comme ça pour moi.
05:31 - Donc, vous êtes élu en 2007, représentant du peuple pour cinq ans.
05:36 Est-ce que d'emblée, vous vous êtes dit,
05:39 ça va être un bon tremplin pour devenir ministre un jour ?
05:41 - Non, non, moi, j'étais très impressionné.
05:43 D'abord, je n'ai pas du tout anticipé ça.
05:45 Au moment où En Marche se créait, où Emmanuel Macron est candidat,
05:49 moi, j'étais en train de reprendre une compagnie aérienne,
05:52 en tout cas, développer une compagnie aérienne européenne
05:54 pour intégrer mon projet de compagnie aérienne régionale,
05:57 donc j'étais très concentré là-dessus.
05:59 Je suivais, entre-empires, octobre 2016 et janvier, février, mars 2017,
06:04 j'étais un peu loin de la France et des sujets politiques.
06:08 Et puis après, je comprends qu'Emmanuel Macron va être candidat,
06:10 je lis le programme, je comprends à un moment qu'il va être élu,
06:14 et on échange un peu avec le parti,
06:16 ils cherchaient des candidats, eux aussi, à la députation.
06:18 Et moi, je leur avais dit que la terre de ma famille, c'était le limousin
06:21 et que s'ils cherchaient des candidats dans ce territoire-là,
06:24 ça pouvait m'intéresser, que j'étais candidat.
06:28 Et c'est comme ça que ça s'est fait.
06:29 Et donc, entre mars et avril-mai,
06:32 finalement, le temps est assez dilaté, Emmanuel Macron devient président,
06:34 et puis les investitures se font, mais finalement, assez tardivement.
06:38 Et puis après, on se prend au jeu de la campagne, mais encore une fois, on a...
06:41 - Quand vous arrivez à l'Assemblée, vous n'avez pas l'idée de...
06:44 - Non, non, non.
06:44 Alors, déjà, la campagne, c'est un mois, mais c'est très dense.
06:47 Moi, je faisais deux réunions publiques par soir,
06:48 donc je commence à vouloir être élu ou avoir envie de gagner entre les deux tours,
06:53 parce que j'arrive, à ma grande surprise, premier.
06:56 Mais la campagne de second tour est assez dure.
06:59 J'avais en face de moi le maire communiste de Saint-Julien, Pierre Allard,
07:02 que je salue et qui est quelqu'un d'ailleurs de très sympathique,
07:04 mais qui remontait pas mal, donc je finis par gagner.
07:08 On arrive ici, et moi, j'ai toujours beaucoup lu l'histoire parlementaire,
07:13 et j'étais très emprunt de la Troisième République, de ses débats parlementaires,
07:16 et donc, quand je rentre dans l'hémicycle la première fois,
07:17 c'était pour moi, pour le coup, un grand moment d'émotion personnelle.
07:21 Après, j'ai vu que dans les faits, le débat parlementaire pouvait être, voilà,
07:24 parfois moins glorieux.
07:25 -Vos débuts à l'Assemblée, je vais vous en souvenir,
07:27 n'étaient pas très réussis,
07:29 puisque la première fois que vous posez une question au gouvernement,
07:33 vous vous dites "bon, je connais bien ma question, je vais y aller sans fiche",
07:36 et en fait...
07:37 -J'avais mes estimées, le stress, ce qui se passe réellement,
07:40 et je pense que c'est tout à fait en lien avec ce que je disais précédemment,
07:42 c'est que pour moi, cette enceinte parlementaire,
07:46 là où se forge le débat public, c'était extrêmement important.
07:50 -Vous ne pouvez pas signer vos phrases, vous êtes en pénurie.
07:53 -En fait, il faut se rendre compte, vous le savez,
07:56 c'est que c'est extrêmement bruyant,
07:58 vous êtes interrompus en permanence,
08:00 vous êtes à moitié insulté, ce qui était quand même, pour le coup, là, le cas,
08:03 et c'est très désarçonnant, et donc ça m'a désarçonné.
08:06 Et comme vous avez un temps contraint de deux minutes pour poser la question,
08:08 quand vous commencez à perdre le fil, vous perdez le fil.
08:11 Et pour moi, ça a été une très bonne expérience,
08:13 il faut toujours apprendre des moments de difficultés dans la vie,
08:15 et donc après, j'ai appris.
08:16 -Oui, on voit ça, parce qu'en se disant, en voyant ce début,
08:19 bon, il ne va pas être très à l'aise, forcément.
08:21 Et en fait, 100 jours plus tard, quand il faut communiquer
08:24 sur les 100 premiers jours du président Macron,
08:26 on vous voit sur le plateau de BFM, très à l'aise.
08:29 Donc vous étiez conscient que pour ne pas rester un député lambda,
08:31 il fallait acquérir de la visibilité ?
08:34 -Je ne sais pas si je l'ai anticipé comme ça,
08:36 mais moi, j'ai toujours été un faiseur, j'ai toujours été opiniatre.
08:40 Pour moi, échouer, ce n'est jamais grave.
08:42 Donc une difficulté, ce n'est jamais grave.
08:43 On apprend beaucoup plus, et ça, c'est une vraie leçon de vie,
08:45 et ça marche toujours, quel que soit d'ailleurs ce qu'on fait dans la vie,
08:48 on apprend toujours plus de ses échecs que de ses réussites.
08:50 Et donc pour moi, ce n'était pas un sujet, ces premiers débuts.
08:54 Sur la capacité à passer un message, à vulgariser, à parler simplement
08:58 et à être très clair, c'est toujours ce que j'ai essayé de faire
09:01 dans toutes mes activités.
09:02 Et c'est vrai qu'en politique, peut-être plus qu'ailleurs,
09:05 il faut essayer d'avoir un mode de fonctionnement et de contact
09:08 et de communication assez direct,
09:09 ce que j'ai essayé de faire par la suite avec d'autres formats.
09:12 Mais pour moi, c'est essentiel.
09:14 Sinon, c'est assez facile de se réfugier dans la technique,
09:17 dans une forme de technocratie.
09:18 Et à la fin de la fin, on essaie de parler à des gens,
09:20 de leur expliquer des choses souvent compliquées.
09:22 - Dans votre manière de vous installer à l'Assemblée,
09:24 vous êtes assez rapidement nommé coordonnateur du groupe En Marche
09:26 sur la commission durable.
09:28 C'est un peu comme si vous rentriez dans une grande entreprise
09:30 et que vous cherchiez à gravir des échelons, j'ai l'impression.
09:32 - En fait, c'est peut-être beaucoup plus simple que ça.
09:34 C'est que comme on était quelques-uns à se connaître,
09:37 il y a eu à un moment une forme de speed dating
09:41 entre les 30, 40 députés qui postulaient pour animer
09:44 ou coordonner les travaux de la commission.
09:46 Et il s'est trouvé que mon profil a probablement
09:48 un peu à peu près convaincu.
09:50 Et donc j'ai fait ça, ce n'était pas forcément facile
09:52 parce que ça nécessitait de...
09:54 - C'était un peu un rôle de manager.
09:56 - Un rôle de manager.
09:57 Il fallait s'assurer que tout le monde comprenait bien
09:58 ce qu'on faisait, coordonner les travaux parlementaires.
10:00 On était quand même, du coup, assez proche du gouvernement.
10:03 Et à l'époque, Gabriel Attal était whip de la commission
10:05 des affaires sociales, Amélie Monchalin était whip.
10:06 - Ça veut dire coordinateur.
10:07 - Ça veut dire coordinateur, bien sûr.
10:09 J'étais coordinateur de la commission des finances.
10:10 J'étais coordinateur de...
10:11 - Vous étiez déjà parmi ceux qui se distinguaient dès le départ.
10:14 - Oui, puis ce n'était pas forcément simple
10:15 parce que les sujets n'étaient pas forcément simples.
10:17 On a rapidement eu des textes de loi à voter.
10:19 La réforme ferroviaire pour moi,
10:20 et puis plein d'autres textes pour les autres.
10:22 Et ça forge.
10:23 Moi, honnêtement, ça m'a formé.
10:25 C'est une forme de formation accélérée sur le tas.
10:28 - Et sur le tas.
10:28 - Parlementaire, exactement.
10:30 - Vous êtes un bon joueur de rugby amateur.
10:32 C'est un sport de combat collectif.
10:33 Ça aide quand on doit affronter le monde politique ?
10:37 - Moi, je pense que la politique devrait ressembler
10:39 plus au rugby, souvent.
10:40 Et vous avez parfaitement résumé la chose.
10:42 C'est que c'est un sport de combat collectif
10:43 et tous les mots comptent.
10:44 De combat, parce que la politique, c'est dur.
10:46 Et collectif, parce que tout seul, on n'est rien.
10:48 Mais au rugby, que vous soyez grand, gros,
10:51 rapide, malin, buteur, vous avez une place.
10:55 Et moi, j'ai toujours essayé de mener un peu ma barque comme ça,
10:57 en disant, voilà, à quel endroit dans l'équipe,
11:00 je peux rendre service et comment faire en sorte
11:01 que l'équipe gagne ?
11:02 La politique devrait ressembler plus au rugby.
11:04 - En 2018, nouvelle promotion,
11:05 vous êtes rapporteur du projet ferroviaire,
11:07 donc de la loi SNCF.
11:09 Ça vous permet d'accompagner Elisabeth Borne,
11:11 qui elle est ministre du transport,
11:12 dans toutes ses concertations avec les partenaires sociaux.
11:15 Est-ce que c'est à ce moment-là que vous vous êtes dit,
11:16 en fait, c'est quand même pas si compliqué
11:18 d'être ministre du transport ?
11:19 - Non, d'abord, ça m'a permis de rencontrer les syndicats,
11:23 de rencontrer les patrons de la SNCF,
11:26 de comprendre un peu intimement comment ça pouvait se passer.
11:28 Et comme le texte a fini en commission mixte paritaire
11:31 dans laquelle n'est pas le gouvernement,
11:33 c'est moi qui ai finalisé toutes les négociations
11:35 avec le gouvernement d'un côté
11:37 et les différentes parties prenantes de l'autre.
11:38 Donc c'est un texte important en plus,
11:40 assez emblématique, la réforme de la SNCF.
11:42 Tout le monde disait qu'elle était impossible
11:44 et Emmanuel Macron l'a fait et j'y ai modestement contribué.
11:46 Donc c'est pas que je n'ai jamais més estimé
11:49 la difficulté d'être ministre,
11:50 mais c'est vrai que ça m'a permis d'avoir un peu d'élan.
11:52 Je connaissais l'aviation,
11:53 je parle truchement de cette loi,
11:55 j'ai bien connu le monde ferroviaire
11:57 et ça donne un peu de confort
11:59 et ça m'a aussi forgé quelques convictions
12:00 sur le monde des transports.
12:01 Donc ça m'a donné de l'élan, je pense.
12:02 - Vous êtes aussi, désolé de piétiner votre humilité,
12:06 mais vous êtes quand même distingué.
12:07 Il y a plus de 300 députés en marche élu.
12:10 Au début de 2019, on nomme 9 porte-parole
12:13 du groupe En Marche et vous en faites partie.
12:14 Sur ces 9 porte-parole, 5 vont devenir ministres,
12:17 dont vous.
12:18 Ça veut dire que pour entrer au gouvernement,
12:21 il faut être capable d'être brillant dans les médias.
12:24 - En tout cas, je pense qu'il faut être efficace.
12:25 Et efficace dans l'action parlementaire
12:28 et efficace pour porter le message en dehors
12:30 parce qu'à la fin de la fin, vous essayez de convaincre des gens
12:32 et des gens qui, par ailleurs, parfois,
12:35 ne vous aiment pas ou ne comprennent pas forcément
12:37 ce que vous faites, que vous avez à ce moment la raison
12:40 et que vous le faites pour le bien du plus grand nombre.
12:42 Donc c'est un travail de communication très direct.
12:44 Il ne faut pas oublier quand même qu'il y avait eu aussi
12:46 les Gilets jaunes entre temps.
12:47 Et ça a été une expérience absolument incroyable pour moi.
12:49 C'était, objectivement, très dur.
12:51 J'ai fait 5 grands débats.
12:53 J'ai fait un grand débat à la fin en prison.
12:55 Honnêtement, sur 3 heures de discussion,
12:56 vous aviez une heure où c'était quand même sportif
13:00 ou viril pour reprendre les allégories rugbystiques.
13:02 Et moi, j'ai aimé ça.
13:04 J'aime bien le débat.
13:05 Je crois que j'aime bien les gens.
13:06 J'en suis même sûr que j'aime bien les gens
13:07 et j'aime bien convaincre.
13:08 Donc la télé...
13:09 - Est-ce que vous avez permis de vous distinguer
13:10 parmi les autres députés, j'imagine ?
13:12 Il y a aussi une question de chance
13:13 parce que vous entrez au gouvernement en 2019.
13:15 Mais si François de Rugy ne quitte pas le ministère de l'Écologie,
13:19 Elisabeth Borne ne le remplace pas,
13:21 elle reste ministre des Transports,
13:22 vous n'entrez jamais au gouvernement.
13:23 - Moi, quand on me demande comment j'ai fait
13:24 pour devenir ministre, je dis que je n'ai rien fait
13:26 et que j'ai été le fruit d'un scandale assez bizarre
13:30 autour des homards.
13:31 Donc je suis fondamentalement...
13:32 - Les homards, c'est François de Rugy
13:33 avec qui on a reproché d'avoir beaucoup pris homard.
13:35 - Et probablement que d'ailleurs s'il avait duré
13:37 un peu plus, quelques semaines,
13:38 je n'aurais jamais eu cette opportunité-là.
13:40 La vie, c'est aussi ça, c'est aussi la chance.
13:41 Il faut savoir la susciter, la générer.
13:43 Mais la chance, c'est pleinement...
13:45 fait pleinement partie de la vie.
13:46 J'en ai eu sur ce coup-là.
13:47 - Oui, mais enfin en même temps,
13:48 entre juillet et la rentrée,
13:50 il n'y avait pas de ministre des Transports.
13:52 Donc est-ce que là, vous avez un peu intrigué ?
13:54 Est-ce que vous avez levé le doigt pour dire "moi, je vais y aller" ?
13:57 - Je n'ai pas levé le doigt, mais j'avais déjà fait...
14:00 D'abord, j'ai attendu d'être considéré comme légitime.
14:02 Et moi, je voulais me sentir légitime pour, entre guillemets,
14:05 "candidater" ou "postuler" ou "faire savoir mon intérêt".
14:07 Et c'est vrai que j'ai fait savoir mon intérêt
14:09 assez directement au président de la République
14:11 et à Édouard Philippe, en l'occurrence,
14:13 qui a été Premier ministre à l'époque.
14:14 - Vous êtes nommé le 4 septembre 2019.
14:16 On vous prévient combien de jours avant ?
14:18 - Vraiment pas longtemps avant.
14:19 J'ai eu le président assez rapidement, 48 heures avant.
14:23 J'ai vu Édouard Philippe à Matignon pendant une grosse heure.
14:27 On a parlé de pas mal de choses et j'ai été nommé le lendemain.
14:30 Et cette période-là des 24 heures,
14:32 entre le moment où on vous propose probablement
14:34 de rentrer au gouvernement et le moment où vous êtes réellement nommé,
14:37 est une période pas très agréable à vivre
14:38 parce que je connais d'autres personnes qui ont...
14:42 - Qui attendaient, mais qui ne l'ont pas eu.
14:43 - Exactement.
14:44 - Si on nous devait remercier comme au César,
14:46 qui vous a le plus servi pour rentrer au gouvernement ?
14:48 Qui vous devez remercier ?
14:50 - Non, mais je pense que, objectivement,
14:51 moi, j'aime beaucoup le président de la République.
14:53 J'aime beaucoup la personne Emmanuel Macron.
14:54 Après, tout le monde peut être lucide sur la politique
14:56 et à bien des égards, je pense qu'y compris en Macronie,
14:59 on peut faire un exercice de critique bienveillante.
15:03 Mais c'est vrai que...
15:05 - Moi, je le délaie grâce à Emmanuel Macron.
15:06 - Bien sûr, bien sûr.
15:07 Et quoi qu'il en soit, participer à ce moment de 2017,
15:11 à ce moment démocratique, à cet élan qui est autour de lui,
15:15 qu'on aime ou pas la politique ou parfois qu'on aime ou pas l'homme,
15:17 pour moi, ça restera un moment extraordinaire de ma vie.
15:20 Et j'ai essayé d'y contribuer à ma juste mesure.
15:23 - Voilà, donc, au gouvernement,
15:25 vous avez pu nommer votre cabinet ou on vous a dit
15:26 "non, tu vas prendre le cabinet d'Elisabeth Borne et ça ira très bien" ?
15:29 - Non, non, moi, j'ai eu la chance.
15:31 D'abord, moi, je voulais être ministre des Transports.
15:33 Je voulais pas être ministre tout court,
15:36 je voulais être ministre des Transports,
15:36 pour la raison que j'ai citée précédemment.
15:38 J'aimais le secteur, je le comprenais et j'avais des idées.
15:41 Et donc, en arrivant, je me suis séparé de certains membres du cabinet.
15:45 J'ai parlé au président à l'Elysée,
15:46 qui m'a demandé si j'avais besoin en particulier de profils.
15:51 - Et tu as pu choisir.
15:52 - Et donc, j'ai pu choisir.
15:53 Et j'ai pu choisir une équipe que j'ai organisée
15:56 avec un pôle assez politique, quatre conseillers.
15:58 Certains, d'ailleurs, avaient fait la campagne,
15:59 d'autres étaient à l'Elysée et d'autres avec des profils assez jeunes,
16:03 assez techniques, assez technologiques,
16:05 parce que je ressentais que pour être fort à l'intérieur,
16:08 il fallait un cabinet fort politiquement et fort techniquement.
16:11 - Un ministère, ça se dirige comme une entreprise ?
16:14 - Je sais pas, mais en tout cas, c'est un gros ministère,
16:16 le ministère des Transports.
16:17 C'est plus de 26 000 fonctionnaires, c'est 10 milliards de budget,
16:21 c'est évidemment la vie quotidienne, les grèves.
16:23 - C'est une grosse entreprise.
16:24 - C'est une très grosse entreprise.
16:25 Alors après, vous avez, allez, 100 proches.
16:28 Vous avez un cabinet d'une quinzaine, vingtaine de personnes
16:31 et vous avez 100 personnes qui vous voyaient assez régulièrement.
16:34 Et par définition, comme une grosse boîte,
16:36 vous n'êtes pas tout le temps sur le terrain, partout.
16:38 - Mais comme une grosse boîte.
16:39 - Mais comme une grosse boîte et vous avez beaucoup de grosses boîtes publiques,
16:41 la SNCF, Air France, dans votre environnement, Air France-KLM, ADP, etc.
16:46 Donc, il faut essayer de bien...
16:48 Et qui fonctionnent en plus avec des cultures très différentes,
16:50 avec des profils très différents.
16:51 Donc, il faut essayer de bien comprendre dans quel écosystème vous évoluez
16:55 et après, de faire œuvre utile.
16:57 - Ce qui m'a frappé, c'est que le soir même ou le lendemain de votre nomination au gouvernement,
17:01 vous dînez avec Gérald Darmanin.
17:04 Ça veut dire qu'on a besoin d'appui politique quand on est novice au gouvernement ?
17:08 - C'est marrant, vous me le rappelez, mais maintenant, je m'en rappelle.
17:10 - Ah, vous l'aviez oublié ?
17:11 - Non, je ne l'ai pas oublié, mais c'est vrai que c'était assez rapidement après.
17:15 J'aime bien Gérald Darmanin, je le connais depuis finalement assez longtemps.
17:17 - Il y a une question de soutien politique, peut-être ? C'est un vrai poids lourd ?
17:20 - C'est un vrai poids lourd, mais moi, je le voyais avant.
17:22 Je l'aimais bien avant.
17:23 J'aime bien son intuition politique et son opinion à trotter.
17:28 Et c'est vrai que c'est toujours intéressant d'avoir...
17:30 - Il vous a calé un rendez-vous avec Sarkozy, mais pourquoi ?
17:33 - Ah, c'est vrai, vous savez tout.
17:36 Non, c'est très vrai.
17:37 Non, ça m'intéressait d'encontrer le président.
17:39 J'avais demandé à Gérald éventuellement de l'organiser.
17:42 Je savais que le président Sarkozy aimait bien rencontrer les jeunes ministres.
17:46 Et je me souviens toujours, j'ai d'ailleurs revu le président Sarkozy il n'y a pas très longtemps,
17:50 c'était très étonnant et très intéressant, ce premier rendez-vous d'une heure face à face.
17:57 Et bien, c'est vraiment le terme.
17:58 C'est un vrai fauve politique au sens animal du terme, au sens énergétique du terme.
18:03 Et puis, évidemment, il a une très grande culture et un très grand savoir-faire politique.
18:06 Moi, ça m'intéressait.
18:07 Et pour le moment, ça m'a donné aussi des clés, quelques clés de compréhension et d'action.
18:11 - De gauche, j'ai aimé Sarkozy, en fait.
18:12 - En tout cas, on peut être de gauche.
18:16 Je ne sais pas si je suis totalement de gauche, mais en tout cas, si.
18:20 Je me définis peut-être comme un libéral social, dans l'ordre que vous voulez.
18:23 Mais bien sûr, on peut avoir été à gauche, avoir voté essentiellement de l'essentiel de sa vie à gauche
18:27 et trouver Sarkozy, le président Sarkozy, très intéressant.
18:30 - 2019 décembre, la plus grande grève de l'histoire de la SNCF.
18:33 J'imagine que c'est le vôtre pire moment au gouvernement.
18:35 - Oui, on l'avait anticipé.
18:36 C'était un moment, en fait, c'était un moment finalement assez simple à gérer
18:40 parce que c'était une grève politique contre l'action du gouvernement.
18:43 Ce n'était pas un sujet interne.
18:44 Donc, pour le coup, la direction de la SNCF était moins engagée que sur d'autres sujets.
18:47 Et on était en désaccord et on savait qu'on n'avait aucun autre choix que de faire passer cette réforme
18:53 parce qu'elle était devenue très emblématique
18:56 et parce qu'on était sur des positions assez radicalisées entre nous,
19:00 c'est-à-dire qu'il y avait d'un côté l'une seule la CGT plutôt favorable à la réforme avec...
19:05 - Et de l'autre, la CGT Sud.
19:06 - Et de l'autre, la CGT Sud, qui était très raide et qui était dans un combat politique.
19:10 Donc moi, je leur avais dit que la porte est toujours ouverte, mais...
19:13 - Dans ce cas-là, votre boulot, c'est d'assurer la communication dans les médias
19:16 pendant que la négociation se fait au niveau de Matignon ?
19:20 - Non, non, les négociations, c'était plutôt chez nous, plutôt au ministère des Transports,
19:24 mais ça va qu'il y avait beaucoup de coordination avec Matignon.
19:26 Et le rôle, c'est d'assumer le débat avec les syndicalistes quand c'est nécessaire,
19:31 d'aller expliquer ce qu'on fait, y compris parfois de débattre de façon un peu virulente, musclée.
19:36 - Virile, comme on dit, mais correct.
19:38 - Virile, mais correct, toujours.
19:39 Et puis, in fine, pour le coup, l'âge de l'avoir "emporté", entre guillemets, politiquement.
19:45 Mais moi, j'avais dit, y compris au président et au Premier ministre,
19:48 que dans toute victoire, il fallait montrer de la considération
19:52 et il fallait pas écraser ceux qu'on avait "vaincus" politiquement.
19:55 Et moi, j'ai toujours eu le plus grand respect pour les syndicalistes,
19:57 notamment, on en avait besoin à ce moment-là,
20:00 et même, voilà, la vie, c'est toujours des victoires et des échecs.
20:03 - En tout cas, là, c'était une victoire pour vous, ça vous a sans doute contribué à avoir une promotion.
20:08 Vous n'êtes plus secrétaire d'Etat, mais ministre délégué aux Transports,
20:11 ça change pas de changer de statut ?
20:13 - Ça change, je sais pas si ça change réellement beaucoup de choses,
20:16 ça change certainement le fait d'avoir un cabinet un peu plus grand,
20:19 d'avoir un peu plus de moyens,
20:21 d'avoir plus d'autonomie dans l'action gouvernementale, dans les interactions,
20:25 mais moi, j'ai pas eu l'impression d'avoir réellement souffert comme secrétaire d'Etat.
20:32 Elisabeth Borne était vraiment sur ces sujets écologiques,
20:35 j'avais une très bonne relation avec Matignon, avec Édouard Philippe, puis Jean Castex,
20:39 donc je sais que pour certains, c'est important le statut et le titre,
20:42 mais pour moi, ce qui était important, c'était ma capacité à faire,
20:45 et j'ai pas vraiment observé qu'avec mon changement de titre,
20:48 ma capacité à faire augmentait ou diminuait.
20:50 - Là, vous aviez donc vraiment eu l'occasion de prouver vos capacités,
20:53 est-ce qu'à un moment, vous vous êtes dit "je suis capable d'être ministre
20:57 et j'aimerais m'intéresser à un autre domaine que les Transports" ?
21:01 - Évidemment, on se pose des questions, parce qu'on observe les petits camarades
21:05 qui parfois changent de poste, changent de secteur,
21:08 et mènent comme ça leur barque parce qu'ils ont l'objectif infini
21:11 d'être à Matignon ou d'être président.
21:13 Moi, c'était pas mon sujet.
21:14 Mon sujet, c'était de...
21:16 D'abord, je m'étais dit que je ferais 5 ans en politique,
21:19 que je les faisais entre 35 et 40 ans,
21:21 qu'à 40 ans, j'aurais envie de faire autre chose,
21:23 et j'ai adoré la politique.
21:24 Et j'ai aussi considéré que ne pas vouloir durer en politique,
21:27 c'était avoir beaucoup de liberté.
21:30 Donc moi, les Transports m'ont intéressé,
21:32 et j'ai eu la chance de faire quasiment 3 ans en Transports,
21:34 et j'ai voulu faire ça.
21:36 Je dis pas "jamais plus jamais pour la politique", parce que j'ai adoré ça,
21:39 mais je pense aussi que dans la vie, il faut construire des séquences,
21:41 singularement dans un monde où on a moins de partis politiques,
21:43 moins d'idéologies en politique,
21:46 où on a une haute autorité des Transports et du public
21:48 qui peut être parfois un peu problématique,
21:49 du point de vue du politique.
21:51 Donc, ouais, j'étais assez serein sur le fait
21:53 que je voulais être ministre des Transports et faire ça.
21:55 - Je résume votre parcours. - Intimement.
21:56 - 2017 député, 2018 rapporteur SNCF,
21:59 2019 secrétaire d'État, 2020 ministre délégué aux Transports,
22:02 2021, vous devenez le ministre le plus populaire du gouvernement sur TikTok.
22:07 Ça sert à quoi d'être populaire sur TikTok ?
22:09 - Ça sert à faire comprendre aux jeunes,
22:11 puisque les jeunes sont plus sur TikTok que sur d'autres formats,
22:15 ce que faisait le ministre des Transports,
22:17 quels étaient les dossiers que je traitais,
22:19 et ça sert à le faire dans un format peut-être
22:22 avec un peu plus de dérision, d'auto-dérision.
22:25 - Vous aviez une équipe dédiée à ça pour communiquer sur TikTok ?
22:27 - Moi, j'avais une équipe de communication, mais pas dédiée...
22:29 On faisait tout et on était trois,
22:31 et donc on avait fait Instagram, on avait fait Twitter.
22:34 Twitter, c'est vraiment l'ère du clash, c'était assez peu intéressant.
22:37 Instagram, c'est assez joli, assez beau, mais c'est un peu le fan club.
22:40 Et on s'est dit que TikTok, c'était intéressant parce que c'était assez viral,
22:42 donc on pouvait parler à beaucoup de monde assez rapidement.
22:46 Et donc, on a réfléchi au format,
22:47 et c'est là qu'on a trouvé des formats qui ont été réputés assez drôles.
22:50 - Je ne sais pas si les gens se rendent compte,
22:51 mais moi, c'est sans doute un des trucs qui m'a le plus scotché dans votre parcours.
22:54 Donc, en 2022, vous êtes l'homme politique le plus populaire sur TikTok,
22:59 enfin, à part le président, bien sûr, mais devant Bardella, devant Mélenchon.
23:02 C'est-à-dire que vous avez un capital énorme en notoriété,
23:05 pourquoi vous ne l'investissez pas en politique ?
23:07 - C'est assez marrant, parce que ce capital, il existe toujours.
23:09 Moi, dans la rue, tous les jours, je croise des jeunes qui me demandent
23:12 quand je reprends TikTok, etc.
23:13 Donc, c'est vrai que c'est extrêmement puissant.
23:15 - Mais pourquoi pas l'investir en politique ?
23:16 Des gens rêvent de ça.
23:17 Aujourd'hui, Bardella a des fans sur TikTok, vous en avez autant que lui.
23:21 Et pourquoi vous ne faites pas de la politique avec ça ?
23:23 - Parce que je pense que la vie est une expérience sensible, et qu'y compris...
23:27 Vous voyez, par exemple, Jérôme, il n'y a pas très longtemps,
23:28 les mémoires de guerre de De Gaulle, et pas forcément d'ailleurs l'après-guerre,
23:32 mais plutôt l'avant-guerre dans les années 30,
23:34 dans laquelle lui-même a une grosse trentaine d'années.
23:36 Et on voit bien que sa pensée politique, elle est d'ores et déjà sédimentée,
23:40 elle est cristallisée, elle est extrêmement précise.
23:42 Et finalement, 20 ans plus tard, quand il va gouverner,
23:44 il va mettre en oeuvre tout ça.
23:46 Mais De Gaulle, c'est aussi la Première Guerre mondiale,
23:48 c'est aussi une autre ère politique.
23:50 Et moi, je pense que dans la vie, pour être bon quelque part,
23:53 il faut avoir des expériences sensibles multiples.
23:55 Et je me construis comme ça.
23:57 J'essaie de faire ça dans ma vie.
23:58 Donc, je ne dis pas jamais plus jamais la politique,
24:00 mais à ce moment-là de mon existence, à 40 ans,
24:03 j'avais envie de refaire d'autres choses dans le secteur privé,
24:06 de me réenrichir, de me réoxygéner.
24:08 - D'ailleurs, ce qui m'a aussi frappé,
24:10 ce que nous font, ou alors on ne le sait pas forcément,
24:12 les ministres, vous avez fait une formation.
24:14 Vous êtes un master exécutif à Polytechnique.
24:18 C'est important quand on est ministre de se former, selon vous ?
24:21 - Moi, je pense que c'est important tout le temps.
24:22 Alors moi, je viens en plus d'une culture aéronautique.
24:24 J'ai été pilote et toujours un peu modestement,
24:27 mais en aéronautique, on se forme tout le temps.
24:30 - C'est plus grave une erreur en pilote qu'une erreur
24:32 quand... - Je ne sais pas, finalement,
24:34 mais en tout cas, c'est plus rapide.
24:36 Les conséquences sont plus rapides.
24:37 Mais moi, j'ai considéré que pour mes sujets,
24:41 c'était important de rafraîchir mes connaissances.
24:43 Quand on est sur des sujets d'électrification,
24:46 de technologie électrique, de l'hydrogène,
24:48 on a de l'impact de l'intelligence artificielle.
24:51 Au-delà des mots valises,
24:53 on doit comprendre ce que ça veut dire intimement,
24:54 sur le plan scientifique, technique, comment ça s'organise.
24:57 - Il faudrait une formation pour les ministres,
24:59 avant de les nommer à certains postes ?
25:00 - Je ne sais pas, mais en tout cas, une formation au milieu de la vie
25:03 pour rafraîchir ses connaissances, se mettre à jour.
25:05 Pour moi, quand on est à des postes de décideurs,
25:08 ça me paraît absolument indispensable.
25:10 Et je prenais l'exemple des militaires assez récemment,
25:13 mais un officier général, avant d'être nommé général,
25:15 il part un an et il est reformé sur des sujets de décision publique.
25:19 - On pourrait s'en inspirer au gouvernement.
25:21 - Je pense qu'on pourrait s'en inspirer
25:22 dans à peu près n'importe quel poste de décision,
25:24 au moins de postes de décision publique.
25:25 Des grands patrons d'administration, des ministres, des députés.
25:28 Et d'ailleurs, moi, cette formation, j'avais voulu la faire comme député.
25:30 Je l'avais ensuite retardée parce que j'arrivais comme ministre,
25:34 mais j'ai voulu la faire en pensant que c'était une plus-value
25:37 pour mon action ministérielle, pas que pour moi,
25:39 pour l'action que je produisais.
25:41 Et je suis absolument convaincu que ça m'a aidé
25:42 à mieux parler aux interlocuteurs, à mieux comprendre les sujets
25:44 et donc être meilleur ministre.
25:46 - Alors justement, une dernière question,
25:47 c'est la même qu'on pose à tous nos invités.
25:49 Vous, vous avez passé plus de deux ans au gouvernement de la France.
25:53 Alors, quelles sont les trois qualités nécessaires pour être un bon ministre ?
25:59 - Je pense qu'il faut des idées et des convictions.
26:00 C'est la première qualité, parce que si vous n'avez pas d'idées
26:02 et de convictions, vous vous subissez.
26:05 Et moi, je vous l'ai dit, les transports, ça me parlait.
26:08 J'avais des idées, j'avais des convictions et c'est toujours plus facile
26:10 d'avoir de l'élan avec ces idées et ces convictions.
26:13 Je pense qu'il faut du courage parce que c'est dur, la politique.
26:15 Alors, on le dit souvent comme ça, mais c'est vraiment dur.
26:17 Vous êtes critiqué tout le temps.
26:19 Vous êtes parfois pris à partie, parfois y compris physiquement.
26:21 Vous pouvez être insulté en permanence sur les réseaux sociaux.
26:25 C'est vraiment dur. Donc, il faut du courage et de l'opinâtreté.
26:29 Et je pense que la troisième qualité, c'est la lucidité.
26:33 C'est qu'à bien des égards, en politique,
26:36 singulièrement dans un monde où on a moins de partis politiques,
26:38 où il n'y a pas de cumul des mandats, où il y a moins d'idéologie,
26:42 à part aux extrêmes, mais dans l'arc modéré,
26:44 le pouvoir politique est parfois une illusion.
26:47 Et donc, ne pas forcément vouloir durer,
26:51 ne pas s'illusionner de ce que serait le statut, le titre,
26:54 et essayer par contre de cheminer utilement pour sa famille,
26:57 pour soi, pour le pays.
26:59 C'est ce que moi, j'essaye de faire.
27:00 Et je pense que la lucidité, parfois, manque un peu en politique.
27:03 - Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation, Jean-Baptiste Gébari.
27:06 - Merci à vous.
27:07 (Musique)