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Court métrageTranscription
00:00 Oh là là, est-ce que je peux pitcher ce film ?
00:02 Je dirais, pour essayer de rester simple et pas trop longue,
00:08 que c'est l'histoire d'une actrice.
00:10 En l'occurrence, elle s'appelle Chiara, c'est un peu moi, mais c'est pas complètement moi.
00:13 Cette actrice, qui a donc un père très connu, puisque c'est Mastroianni,
00:17 comme on lui répète tout le temps qu'elle ressemble à son père, que ceci, que cela,
00:22 à un moment donné, un ras-le-bol, un truc, et un matin, elle se réveille et...
00:27 C'est incroyable ! Qui t'a fait ça ? C'est pour des photos ?
00:32 J'ai encore rêvé de mon père, cette nuit.
00:36 C'est comme s'il me hantait. Enfin non, plutôt, c'est comme si c'était moi qui étais devenue le fantôme de mon père.
00:43 Et de moi, c'est tout.
00:44 Chiara, tu peux m'expliquer ce que ça t'apprend de faire ça ?
00:48 Ça me rend heureuse. Dis-toi qu'elle est comme une somnambule,
00:52 faut pas la réveiller brusquement.
00:55 Bonjour, Nicole ! Vous connaissez Marcello ?
00:57 C'est quoi ces conneries, Chiara ?
00:59 Marcello. Nicole, c'est Marcello, attention.
01:02 Pour moi, profondément, l'histoire du film, c'est quand même...
01:05 Comment on fait avec nos morts ? Comment on fait pour faire revenir nos fantômes ?
01:09 En fait, c'est un peu comme si Christophe m'avait donné la plus belle séance de spiritisme possible.
01:14 C'est-à-dire que, petit à petit, je deviens un espèce de revenant, le revenant de mon père.
01:20 Pour moi, c'est pas un film sur la famille, c'est plus un film sur comment on se construit,
01:26 malgré le chagrin, malgré des deuils précoces, et comment on cherche une identité,
01:33 et comment parfois, en tout cas pour moi, disparaître est plus simple qu'apparaître.
01:39 Et donc, disparaître derrière un personnage...
01:41 D'ailleurs, je le dis à un moment dans le film, il y a une scène entre moi et ma mère,
01:46 où elle dit "Mais toi, tu deviens quoi dans tout ça ?"
01:48 Et je lui réponds "Mais moi, ça me battrait bien de disparaître."
01:51 Moi, j'avais l'impression qu'il fallait être en costume de Marcelo, et tout ça.
01:57 Enfin, j'avais l'impression d'être sur un Marvel et d'enfiler un costume de super-héros.
02:02 Ça m'a donné beaucoup de force, oui, vraiment, comme moi j'enfile un costume,
02:07 mais dans ma tête, c'est Batman, quoi.
02:09 Ça t'en rappelle rien ?
02:11 Tu as dit "Je vais jouer cette histoire au cinéma, Marcelo."
02:16 "Là, il n'y a pas de Marcelo."
02:18 "C'est l'écart de la vérité."
02:19 À l'origine du projet, à l'origine de tout, c'est Christophe.
02:22 Il se trouve que j'ai fait une pièce avec lui qui s'appelle "Le ciel de Nantes",
02:25 dont on vient de finir la tournée.
02:26 Et je pense que ce film-là, celui qu'on a fait, "Martin Lumiére",
02:30 il n'y aurait pas pensé si on n'avait pas fait les films qu'on a fait précédemment ensemble,
02:34 et s'il n'y avait pas eu cette pièce.
02:35 Parce que dans "Le ciel de Nantes", c'est l'histoire de sa famille,
02:38 que nous, acteurs, on fait revenir.
02:40 Et moi, dans cette pièce, j'incarne sa tante.
02:42 On est tous revenus sur scène comme des fantômes.
02:45 Et je me suis dit, finalement, c'est drôle qu'il ait eu envie de faire ce pendant
02:49 un peu plus comédie, un peu plus de l'ordre de la fantasy que la pièce.
02:56 Mais en fait, il m'a confié sa tante, et maintenant, c'est moi qui lui confie un peu mon père.
03:00 Moi, je suis très en confiance avec lui depuis très longtemps.
03:03 Et c'est très étrange, d'ailleurs, parce qu'en fait,
03:05 j'étais en confiance avec Christophe dès la première fois que j'ai travaillé avec lui,
03:08 alors que c'était la première fois, donc on ne se connaissait pas du tout.
03:11 Il y a quelque chose de très simple qui s'est passé entre nous,
03:14 et pourtant, dans la vie, on ne se fréquente pas beaucoup.
03:16 On se fréquente surtout pour le travail, en fait.
03:18 Mais la confiance avec Christophe, elle est née très vite parce que, je ne sais pas,
03:23 c'était simple de comprendre ce que l'autre voulait.
03:26 Et puis, il y a eu ce truc sur la première fois que j'ai collaboré avec lui,
03:30 c'était les "Chansons d'amour", et j'avais un petit rôle.
03:33 Et quand j'ai fini, j'étais triste d'avoir fini avant les autres.
03:36 Et Emmanuel me dit, ne t'inquiète pas, on se retrouvera bientôt.
03:38 Et puis je me suis dit, bon, il est comme tous les metteurs en scène,
03:41 il veut que je dégage du plateau, maintenant il est temps que je rentre chez moi,
03:44 et puis il veut me consoler, mais bon, il n'y croit pas à ce qu'il dit, tout ça.
03:47 Et en fait, il a tenu parole.
03:48 Je pense que ça, ça a complètement, comment dire, consolidé le truc de confiance.
03:53 D'ailleurs, j'ai même plus confiance en lui que je n'ai confiance en moi.
03:56 Chacun fait avec la peine à sa manière. Je te juge pas.
03:59 Je trouve que ta manière est violente.
04:02 Ah, donc tu me juges un peu.
04:04 Non, j'essaie de comprendre.
04:05 De comprendre quoi ?
04:07 De comprendre ce qui se passait entre Julie et toi.
04:09 Oh, ça c'est un challenge.
04:10 Ça c'est un challenge.
04:12 De comprendre pourquoi tu n'as jamais voulu d'enfant.
04:16 Pourquoi vous étiez dans un ménage à trois.
04:19 Comprendre ce que c'était la vie de ma soeur avant qu'elle meure.
04:22 Ah, et la présence d'un garçon dans mon lit, ça explique tout, c'est ça.
04:25 T'as la bonne notice, toi.
04:27 T'as de la chance.
04:28 Il peut bien y avoir des raisons pour qu'elle soit malheureuse, non ?
04:32 Parce que c'est pas un docu-fiction.
04:34 Vous voyez, moi dans la vie, j'ai des enfants, là j'en ai pas.
04:36 Dans la vie, je m'habille pas du tout comme dans le film.
04:38 On n'a pas filmé dans mon appartement.
04:40 Donc on est vraiment exactement comme dans le dispositif du Ciel de Nantes.
04:44 C'est-à-dire qu'on invente une histoire à partir de personnages réels.
04:49 Finalement, on fait des personnages fictifs à partir de personnages réels.
04:52 Un peu comme il y a parfois dans certains films, on dit c'est une histoire tirée de faits réels.
04:57 Eh bien, nous, on fait des personnages fictifs à partir de personnages réels.
05:01 Eh bien, nous, ce sont des personnages tirés de personnages réels.
05:04 Mais c'est pas tout à fait nous quand même.
05:06 Jamais je me permettrais de dire à ma mère est-ce que mon père était un kiffeur ou je sais pas quoi.
05:10 De la même manière que Melville, par exemple, son personnage qui est contre ma démarche,
05:16 dans la vraie vie, il aurait été le premier à m'encourager.
05:19 À me dire "Viens, attends, je connais un petit tailleur dans Paris, viens, je vais te montrer.
05:22 On va aller se faire faire un costume exactement comme il faut, nanana."
05:25 Pour dire qu'on part de nous, mais c'est pas nous.
05:28 T'es tellement heureux de t'avoir rencontré, tellement fier.
05:32 Vous savez, j'ai eu tellement de chance de faire ce film.
05:39 Alors qu'au début, je me disais "Bon, je les connais tous.
05:42 Bon, c'est pas sur ce film que je vais rencontrer des nouvelles personnes."
05:45 Vous voyez, j'avais un côté presque un peu comme ça.
05:47 Et donc, je me souviens qu'à un moment donné, j'allais dire à Christophe
05:49 "Mais t'es sûr que pour la mère, faut ma mère vraiment...
05:51 Enfin, je veux dire, pourquoi on ne peut demander pas à une actrice ?"
05:53 Il me dit "Ben non, la tienne, il se trouve qu'elle est actrice, donc on peut pas."
05:56 Mais en fait, ce que j'adore avec le film, c'est que c'est pour ça que tout à l'heure,
05:59 je parlais de l'amitié, parce que je pense que c'est vraiment un truc super important dans le film
06:02 et qu'il a réussi à montrer de façon pas du tout mièvre,
06:05 parce que c'est des sentiments qui sont difficiles à montrer dans les films
06:09 sans que ça devienne un peu démago ou un peu mièvre ou un peu truc.
06:12 Et lui, je trouve qu'il a réussi ce truc du groupe.
06:15 Et c'est vrai que j'avoue que de retourner à Cannes avec eux,
06:19 j'ai l'impression que c'est comme si on avait rajouté quelques journées de tournage à ce film
06:24 qui, pour moi, a été une expérience assez hallucinante.
06:28 La prochaine étape avec Christophe, vous voulez dire ?
06:31 J'aimerais bien que vous lui demandiez.
06:33 Il est là.
06:35 Parce que moi, ma terreur, c'est qu'après ça, il me dise "Bon, écoute, là, on a fait le tour."
06:39 Donc j'espère qu'il y aura une prochaine étape.
06:42 Si vous pouviez lui en parler ?
06:44 Vous ne pouvez pas, hors caméra.
06:46 Essayez de le convaincre.