Edouard Durand, ancien juge des enfants au tribunal de grande instance de Bobigny et ex-coprésident de la Ciivise, Nadia Daam, productrice de Famille&Co sur France Inter et autrice ("La gosse" aux éditions Grasset) et Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste sont les invités du Grand Entretien.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00France Inter ouvre le débat ce matin, un grand entretien en forme de table ronde après
00:05la proposition choc formulée par Emmanuel Macron, une proposition qui suscite le débat
00:09depuis quelques jours.
00:10Le président donnait un entretien au magazine Elle cette semaine et il insistait au cours
00:16de cet entretien sur le devoir de visite des pères de famille parentale, monoparentale.
00:22Il y a donc une vraie question qui se pose, où sont les pères ? Vitons un grand retour
00:26en arrière, c'est la question qu'on va poser à nos invités.
00:30Vos questions chers auditeurs, vos réactions au 0145 24 7000 ou sur l'application France
00:36Inter.
00:37Avec nous en studio, Nadia Damm et Edouard Durand.
00:39Bonjour à tous les deux.
00:40Bonjour.
00:41Bonjour.
00:42Et bienvenue.
00:43Nadia, on ne vous présente pas, vous êtes chaque semaine à l'antenne d'Inter le matin
00:46avec Famille&Co, spécialiste des questions de parentalité, et vous venez de publier
00:51La Gosse chez Grasset.
00:52Vous êtes Edouard Durand, magistrat, juge pour enfants au tribunal de Pontoise.
00:57Vous avez été président de la commission indépendante sur l'inceste et les violences
01:01sexuelles faites aux enfants.
01:03Et vous venez de publier dans la collection Tract de Gallimard 160 000 enfants, violences
01:07sexuelles et déni social.
01:09Vous êtes un spécialiste et un observateur au premier rang pour voir évoluer les différents
01:16modes de famille et ce qui peut s'y exercer comme type de violence.
01:19Et puis nous sommes en duplex avec le psychiatre et le psychanalyste Serge Heffez.
01:23Bonjour.
01:24Bonjour.
01:25Merci d'être avec nous Serge Heffez.
01:27On ne compte plus les ouvrages de référence que vous avez publiés sur la famille.
01:31Vous dirigez l'unité de thérapie familiale à la Pitié et Selle-Pétrière et vous êtes
01:35le co-président d'une commission parentalité dont on va discuter dans un instant.
01:41Partons d'abord des mots du président de la République, Nadia Damm.
01:44Je le cite « Il doit y avoir non plus seulement un droit, mais un devoir de visite, un devoir
01:51de suivi, d'éducation et de poursuite du projet parental au-delà du couple ».
01:56Je vous pose cette question, comment est-ce que vous avez reçu ces mots-là ? Le devoir
02:01de visite, le devoir d'être présent pour un père, quelle que soit la configuration
02:07de la vie familiale ?
02:08Comment est-ce que je les ai reçus ? Mal.
02:10J'ai trouvé les propos du président Macron assez ahurissants, à la fois sur la forme
02:16et sur le fond.
02:17Sur la forme, ce n'est pas anodin, il faut quand même rappeler que cette interview,
02:20il l'a donnée au magazine Elle, qui est un magazine féminin, qui se revendique comme
02:24tel au lectorat féminin.
02:25Et que ça, d'une certaine manière, suggère encore que la parentalité, c'est la grande
02:30affaire des femmes.
02:31Dans cette interview, il va parler aussi bien de ménopause qu'en effet de garde d'enfants.
02:35Puis un autre détail sur la forme, qui là aussi n'est pas du tout anodin.
02:39Plusieurs personnes l'ont remarqué, tout au long de cette interview, quand il parle
02:42des hommes qui sont devenus pères, il va dire les pères.
02:45Quand il parle des femmes qui ont des enfants, il dit les mamans, de manière quasiment systématique.
02:51Et pourquoi ce n'est pas anodin ? C'est parce que ça, ça fige encore une fois les
02:54personnes, les individus, dans des rôles bien assignés.
02:58C'est-à-dire aux femmes, aux mères, aux mamans, le care, le soin, etc.
03:01Et aux pères, l'autorité, l'autorité qui leur serait naturelle.
03:05Tout ça, ça a pour effet de dépolitiser la question, alors qu'évidemment elle est
03:09infiniment politique.
03:10Serge Eiffez, qu'en pense celui qui a été l'auteur de « La Fabrique de la Famille »
03:15quand la famille s'en mêle ? Ce sont deux de vos livres, mais en l'occurrence, comment
03:18est-ce que vous avez reçu cette idée d'un devoir de visite, une logique de devoir pour
03:23les pères ?
03:24Je rejoins ce qui vient d'être dit, parce qu'il y a comme une maladresse de calendrier
03:31si vous voulez.
03:32C'est-à-dire que Gabriel Attal, il y a 15 jours, est revenu sur les principes d'autorité
03:37défaillante dans la famille, il désigne des familles défaillantes, il appelle aux
03:41travaux d'intérêt généraux, aux amendes pour les parents défaillants, et dans la
03:45foulée, le Président de la République parle de ce devoir de visite des pères, c'est-à-dire
03:51sous-entend qu'il y a un déficit d'autorité dans la famille, et que ce déficit d'autorité
03:56est dû à la carence paternelle ou à l'absence des pères, c'est-à-dire qu'il ne tient
04:00absolument pas compte de ce que sont les transformations de la famille aujourd'hui, la puissance paternelle
04:05dans la famille, ça a fait long feu, on est passé à l'autorité parentale conjointe
04:10au jour d'aujourd'hui, le mariage n'a plus la même place dans la famille, on est
04:14beaucoup plus dans des situations de séparation et de coparentalité, et c'est comme si finalement
04:20ce devoir des pères, il daignait un peu toute cette histoire et toute cette évolution.
04:26Édouard Durand, que pensez-vous justement, vous aussi de cette expression-là, vous parliez
04:31d'un risque de retour en arrière ?
04:32Le concepteur de l'autorité parentale, un grand juriste, Jean Carbonnier, disait « la
04:40coparentalité, c'est la nostalgie de l'indissolubilité ».
04:44Explication ?
04:45Et ça veut dire que cette histoire de projet parental, de couple parental au-delà du
04:51couple conjugal, des concepts qui sont très éloignés de la réalité des familles et
04:57des besoins des enfants, montrent, dans un système de rapport de force, que le droit
05:05de la famille est devenu un champ de ruines, et qu'on ne sait plus comment organiser
05:13la vie des familles dans une politique publique pour permettre aux enfants de grandir en sécurité.
05:19Le problème, c'est celui-ci.
05:20Mais justement, Édouard Durand, quelle forme, concrètement, ça pourrait prendre un devoir
05:25de visite ?
05:26Est-ce qu'il pourrait y avoir des sanctions pénales ?
05:27Est-ce qu'il pourrait y avoir des sanctions civiles, parce que c'est ce que réclament
05:29certaines associations ?
05:31Ça a été dit à l'instant, derrière tout ce champ lexical, il y a la nostalgie de
05:37la puissance paternelle.
05:39Depuis ce qu'on a appelé les émeutes, on se dit « on manque de père ».
05:44De l'été dernier, à la mort de Naël.
05:46Vous savez, c'est ce qui a présidé à tout le droit de la famille, du code Napoléon.
05:50Il serait impossible à l'État de maintenir l'ordre s'il n'était efficacement secouru
05:54par les pères.
05:55Mais on est loin de ça.
05:58Aujourd'hui, soit on remplace le mot « droit » par le mot « devoir », mais qui est déjà
06:02dans la définition de l'autorité parentale, un ensemble de droits et de devoirs, et finalement
06:06on ne change pas grand-chose, soit on impose à l'enfant de voir un père qui lui fait
06:15peur et donc qui n'inspire pas l'autorité.
06:18Nadia Damme, vous inquiétez ?
06:19Oui, parce qu'en effet, ce que j'ai eu beaucoup en tête en lisant les propos d'Emmanuel
06:23Macron, c'est à quel point il était éloigné des réalités des familles et surtout cette
06:28idée-là que la loi fabriquerait de l'attachement et fabriquerait du lien.
06:31Je n'ose pas imaginer ce qui peut se passer dans la tête et dans le regard d'un enfant
06:37qui va voir son père passer du temps avec lui malgré lui.
06:41Comment est-ce qu'on explique à un enfant qu'il va voir son père alors que son père
06:44ne veut pas ? Et puis comment est-ce que ça va se passer concrètement ? Où est-ce
06:47que ça va se passer ces rencontres ? Est-ce qu'elles vont être médiatisées ? Comment
06:50est-ce que ça va se passer pour les adolescents dont on sait qu'ils doivent être un peu
06:53plus associés aux décisions qui les concernent ? Tout ça, ça reste quand même extrêmement
06:58flou.
06:59Alors on rappelle bien sûr que tous les pères ne sont pas forcément maltraitants, tous
07:02les pères ne sont pas forcément absents, mais c'est vrai, Serge Eiffès, vous qui
07:06êtes psychiatre et qui travaillez en thérapie familiale avec les nouvelles parentalités,
07:11avec la GPA qui peut être pratiquée à l'étranger, avec les familles homoparentales,
07:16le rôle du père, il est bousculé.
07:18Parfois d'ailleurs, il n'y a pas de père.
07:20Parfois il n'y a pas de père, mais souvent il y a des pères, et souvent il y a des pères
07:23qui n'occupent pas la place qu'ils pourraient ou qu'ils auraient envie d'occuper.
07:27Donc avant de parler d'amende aux pères ou qu'on aille chercher les pères avec une
07:32baïonnette dans le dos pour les amener dans leur famille, parlons de prévention.
07:35Ce que disait Nadia Adam, c'est intéressant, c'est qu'en fait, quel peut être le bénéfice
07:40de forcer un père qui n'a pas envie de voir son enfant, à le voir quand même ?
07:44Non mais si vous voulez, si vous permettez, avant de les forcer, il s'agit de les inciter
07:49et de mettre en place un dispositif global qui redonne et qui donne une place aux pères,
07:55ceux qui n'ont pas aujourd'hui, parce que ça n'est pas encore tout à fait dans les
07:58mentalités.
07:59Si vous voulez, les pères peuvent être où ? Ils peuvent être à l'école pour s'occuper
08:02de l'éducation de leurs enfants, ils peuvent être chez le médecin, ils peuvent s'occuper
08:05d'hygiène, d'alimentation, etc.
08:09Or cette place, elle est occupée aujourd'hui principalement par les mères.
08:13Comment est-ce qu'on va inciter davantage les pères à être plus proches, à la fois
08:18de l'éducation et du fait de pouvoir élever correctement leurs enfants ?
08:24On peut modifier des choses à l'école, on peut modifier des choses dans les conseils
08:27de classe.
08:28On va y venir à la question des solutions dans un instant Serge Fès, mais j'aimerais
08:31encore qu'on reste sur le diagnostic, Nadia Adam, dans votre livre La Gosse.
08:35Vous dites que votre fille vous demande un jour, ça commence à combien une famille ?
08:39Et vous lui répondez à deux.
08:41C'est bien deux.
08:42Et vous, maman solo, comment est-ce que vous percevez ce débat sur la figure du père ?
08:48Ça pose en effet la question de l'absence des pères.
08:50Mais il y a beaucoup de manières d'être absent quand on a un père, il y a beaucoup
08:52de manières de faire défaut à son enfant.
08:54Ça peut être physiquement, géographiquement, on peut vivre par exemple à l'autre bout
08:58de la France, on peut être absent émotionnellement, c'est-à-dire faire peu de cas de son enfant
09:04et être absent sur le plan logistique, c'est-à-dire ne pas s'occuper des activités extrascolaires,
09:09ne pas prendre rendez-vous chez le médecin, etc.
09:11Il y a l'évidence, cette histoire du devoir de visite, ça ne va pas venir réparer ces
09:16carences-là, ça ne va pas venir soigner l'enfant et par ailleurs, en effet, ça je
09:20le dis dans le livre et je l'ai beaucoup dit dans ma tête en lisant les propos d'Emmanuel
09:24Macron, il dit à un moment « il faut un père et une mère ». Non, il ne faut pas
09:28un père et une mère, il faut du soin à l'enfant, il faut respecter les besoins fondamentaux
09:33de l'enfant.
09:34Et encore une fois, un père absent, ce n'est pas forcément dommageable pour l'enfant,
09:39en tout cas pas plus qu'un père présent malgré lui, ça vraiment, on sous-estime
09:42les conséquences sur l'enfant et sur l'équilibre de la famille.
09:45Edouard Durand, vous parliez tout à l'heure des pères violents, mais il y a aussi la
09:49question tout simplement de l'économie, des pensions alimentaires non versées, des
09:53choses comme ça.
09:54Ce n'est pas vraiment une forme de violence, mais ça fait partie des litiges qu'il peut
09:57y avoir dans des divorces, des séparations.
10:01Oui, c'est pour ça que c'est une politique publique et qu'il ne faut pas la faire reposer
10:05exclusivement sur la responsabilité des citoyens pris individuellement ou en couple
10:11conjugal ou post-séparation en tant que parents.
10:14C'est une politique publique et il ne faudrait pas que ce devoir de visite soit un moyen
10:21de compenser ce que les allocations familiales verseraient aux mères quand le père est
10:27défaillant.
10:28Le père de famille, c'est une notion de droit civil ?
10:30Oui, c'est une notion de droit civil, mais c'est une notion de droit civil qui est très
10:35jolie, très bien formulée, qui date un peu, qui est l'idée que l'homme, mari et père
10:42est celui qui, par essence, fait tout bien de manière pondérée et responsable.
10:46Je voudrais dire une toute petite chose qui est la suivante, il ne faut pas se tromper
10:51et avoir une sorte d'illusion d'optique.
10:53La place des pères dans la famille n'a jamais été fragile, instable, mise en question.
11:01Elle a toujours été sacralisée.
11:04Ce qui est nouveau dans l'histoire des êtres humains, c'est que la mère est devenue,
11:10il y a quelques décennies, en 1970, sujet légitime de droit de l'éducation et de
11:16la protection de ses enfants.
11:18Depuis 1970, 1987, 2002, aujourd'hui, nous nous cessons de dire « mais qu'avons-nous
11:25fait ? ». Nous avons donné l'autorité parentale aux mères.
11:27Il y a quatre situations familiales à prendre en compte, sinon on ne peut rien penser.
11:33Ce sont l'entente, l'absence, le conflit et la violence.
11:39C'est selon ces quatre configurations qu'on peut se proposer.
11:42Juste avant de filer au standard, retrouvez les auditeurs d'Inter, Serge Heffez, vous
11:46voulez y réagir ?
11:47Oui, bien sûr, parce que je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire M.
11:52Durand, mais qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ?
11:55Moi, par exemple, quand j'ai commencé dans la santé mentale, il y a une quarantaine
11:59d'années, à m'occuper de jeunes en difficulté, les pères n'étaient pas là, quasiment,
12:04on ne les voyait pas.
12:05Ils ne venaient pas dans les centres de soins, on voyait surtout les mères et on ne pensait
12:09même pas à impliquer les pères dans les soins des enfants.
12:12J'ai mis en place des unités de thérapie familiale dans lesquelles les pères se sont
12:16inscrits de plus en plus.
12:18Si les pères sont sollicités, s'il y a des dispositifs de médiation efficaces qui
12:23sont mis en place, les pères s'impliquent.
12:26Avant de stigmatiser les pères, il y a des pères absents, c'est vrai, il y a des pères
12:30qui laissent tomber leurs enfants, c'est très triste mais ce n'est pas la majorité.
12:34Avant de parler de la défaillance des pères, il faut penser à des dispositifs et surtout
12:40des dispositifs de médiation qui donnent cette place aux pères parce que, je dirais
12:46que par tradition, c'est les mères qui sont présentes et c'est les mères qui sont censées
12:50avoir un savoir-faire par rapport aux enfants.
12:51Les pères, non aussi, il faut leur donner cette place.
12:55Un mot rapide, avant de filer au standard.
12:59Quatre configurations, entente, absence, conflit, violence.
13:01Si vous faites venir en thérapie familiale, en audience ou en médiation un père ou un
13:07mari violent, vous cassez la réparation d'un enfant et de toutes les victimes dans
13:14la famille.
13:15Il faut distinguer les situations.
13:17Bonjour Malek.
13:18Oui, bonjour.
13:19Et bienvenue sur Inter.
13:20Merci.
13:21Moi, ce que je voulais dire en fait, c'est que j'ai été séparé de la mère de mon
13:28fils.
13:29Mon fils aujourd'hui a 17 ans et la mère, moi au départ, je voulais fuir mon fils parce
13:36que je voulais régler mes problèmes avec sa mère et je me suis occupé, j'ai commencé
13:41à m'occuper de mon fils grâce à, parce que j'étais un peu thérapeute, j'ai rencontré
13:45un thérapeute qui m'a accompagné là-dedans et qui m'a demandé et qui s'est battu
13:49pour que je prenne ma place de père.
13:50Et ce que je m'aperçois aujourd'hui, ayant pris ma place de père, c'est que mon enfant
13:54est épanoui, surtout qu'en plus que j'ai une double culture, que la construction de
14:00cet enfant, je pense que c'est au père et à la mère, même s'ils sont dans le
14:03même pays, c'est à eux de trouver cet espace puisque quand je suis passé devant
14:07le juge, le juge, je lui ai bien expliqué que si moi, je ne prenais pas ma place de
14:12père, que mon fils avait une double culture et qu'il pouvait avoir encore plus de difficultés
14:16à s'épanouir dans la vie.
14:18Et aujourd'hui, mon fils, avec les faits de société, il a 17 ans et il est en recherche,
14:25il est en recherche, il ne sait pas où il se situe dans la société, donc il se rapproche
14:28un peu du culturel, il délaisse un peu le culturel, mais il est très, très épanoui
14:34et il est bien dans sa peau et je ne remercierai jamais sa mère qui s'est beaucoup battue
14:40pour que je prenne ma place.
14:41Et souvent, les mères règlent aussi leur compte avec leur père, donc les pères n'arrivent
14:47pas aussi à voir leur enfant, puisque j'ai d'autres amis à qui on a substitué l'enfant,
14:53la mère a substitué l'enfant.
14:54On va justement laisser nos invités réagir, Malek, parce que votre témoignage est extrêmement
14:59riche et merci de l'avoir partagé avec nous.
15:01J'aimerais savoir ce qu'en pense Serge Heffes, justement.
15:03Écoutez, ça va tout à fait dans le sens de ce que je disais, c'est-à-dire qu'il
15:08est souvent possible, pas toujours, mais il est souvent possible d'aider les pères
15:13à s'impliquer davantage et à leur donner plus de place.
15:16Il y a un dispositif de soutien à la parentalité qui existe, qui a été mis en place en 1999
15:21avec des réseaux d'aide aux parents, avec des points écoute, avec des systèmes de
15:26médiation.
15:27Ce réseau ne fonctionne pas, ou ne fonctionne pas suffisamment, parce qu'il n'est pas assez
15:31entretenu, il n'est pas assez connu et il n'est pas assez subventionné.
15:35Et j'aimerais qu'on parle un petit peu du fond, c'est-à-dire comment, dans le fond,
15:40on met en place, au niveau de chaque collectivité territoriale, on met en place des actions
15:46qui permettent aux familles d'avoir des lieux, et surtout aux pères, d'avoir des lieux où
15:52ils vont pouvoir exprimer ce que ce père vient d'exprimer.
15:54Justement, c'est le sens de la question de Josiane, sur l'appli France Inter.
15:59Alors, Josiane, qui dit qu'elle est bénévole dans une structure d'aide aux personnes en
16:02précarité financière, je constate qu'il y a beaucoup de familles monoparentales et
16:05que ce sont surtout les mères qui portent tout sur leurs épaules.
16:09Elle dit « j'aimerais bien qu'on impose d'abord aux pères l'obligation de payer
16:12la pension alimentaire comme préalable à un droit de visite ». On en parlait tout
16:15à l'heure.
16:16Nadia Adam, la question des pères absents et des mères solos, c'est aussi une question
16:18économique ?
16:19Bien sûr.
16:20Je voudrais juste revenir sur ce qui vient d'être dit par l'auditeur.
16:21Parce que, vraiment, il ne faut pas laisser passer ça, mais quand il dit qu'il y a beaucoup
16:24de mères, déjà, ce n'est pas vrai, mais il y a beaucoup de mères qui se serviraient
16:28de leur enfant pour faire du mal, qui manipuleraient leur enfant pour faire du mal à leur ex-conjoint.
16:33Alors, ça, c'est faux.
16:34Ça s'appelle le syndrome d'aliénation parentale.
16:36De l'aliénation parentale, qui n'a aucun fondement scientifique et qui est, par ailleurs,
16:39un élément qui est repris par les milieux masculinistes.
16:42Donc, il ne faut pas du tout laisser cette idée-là se diffuser.
16:46Par ailleurs, sur la place à laisser aux pères, il faut aussi rappeler une autre réalité
16:50statistique.
16:51C'est que si, dans les cas de séparation, les pères n'ont pas leurs enfants ou ne
16:55sont pas le parent hébergeur, c'est parce qu'ils ne demandent pas la garde.
16:57Devant les tribunaux, dans les affaires, les pères ne demandent pas la garde.
17:02Ce sont les mères.
17:03Edouard Durand, justement, cette question de la garde, c'est ce que dit Catherine aussi
17:06sur l'application.
17:07Que dire des pères qui saisissent les juges pour ne plus avoir la garde de leurs enfants
17:10pour des raisons diverses, notamment ils travaillent trop, et des juges qui valident
17:14cela sous prétexte que la mère a plus de temps ?
17:16Oui, c'est ce qu'a dit votre auditeur, j'ai fui mon fils.
17:18Et bien oui, effectivement, fuir ses responsabilités a des conséquences.
17:24Mais ce qu'avait montré une étude qui avait été demandée par des mouvements masculinistes
17:31au ministère de la Famille, au ministère de la Justice, c'est que la quasi-totalité
17:36des décisions rendues par les juges aux affaires familiales étaient conformes à la demande
17:40des pères et des mères.
17:42Parce qu'il y a une réalité dont il faut tenir compte.
17:47Il ne faut pas construire un modèle du bon parent qui divorce et qui est un modèle
17:52qui ne peut pas être tenu.
17:53Vous dites que même l'expression de famille défaillante vous semble problématique, Nadia
17:59Adam, pourquoi ?
18:00Oui, ça on l'entend beaucoup dans le discours politique.
18:04Des parents défaillants.
18:05Et on entend beaucoup aussi, Gabriel Attal notamment, parler non pas seulement d'autorité
18:10mais d'exercice de l'autorité.
18:11C'est-à-dire qu'il faudrait que l'autorité, elle s'incarne par la coercition, par la force
18:16et pourquoi pas peut-être par la violence.
18:19Mais famille défaillante, qu'est-ce qui vous gêne dans l'expression ? C'est qu'elle ne
18:22désigne pas quelque chose de concret ?
18:23Ou alors que nous sommes tous des parents défaillants ou des parents faillibles.
18:27Défaillants vis-à-vis de quoi ? C'est-à-dire quels sont les attendus ? En quoi est-ce qu'on
18:30est en situation d'échec quand on dit défaillants ? Je sais évidemment qu'Emmanuel Macron et
18:34Gabriel Attal ont commencé à utiliser ces termes-là à la suite des incidents et des
18:39émeutes impliquant des mineurs.
18:41Mais là encore une fois, quand on parle de ça, on dépolitise le sujet.
18:45On dépolitise le sujet mais on évoque aussi l'intérêt supérieur de l'enfant, Édouard
18:49Durand.
18:50Vous entendez ce discours-là, ce discours porté là aussi par de nombreux politiques
18:55qui exigent le retour de l'autorité mais qui ne cessent de rappeler cet intérêt supérieur
19:01de l'enfant.
19:02Alors quel serait-il ?
19:03On dit « retour » pour parler du retour de la puissance maritale et paternelle.
19:09L'autorité, c'est nouveau.
19:11Notre civilisation est en train d'assimiler le passage très récent, 1970, de la puissance
19:19à l'autorité.
19:20La distinction entre les deux, c'est la légitimité de la violence qui est possible dans la puissance,
19:25exclue dans l'autorité à Narendt.
19:28L'intérêt de l'enfant, oui bien sûr, c'est la finalité de l'autorité parentale
19:32qui est, selon la loi, le code civil, un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité
19:36l'intérêt de l'enfant.
19:37Mais qu'est-ce que l'intérêt de l'enfant ? L'intérêt de l'enfant, c'est une
19:41réalité objective, immuable, qui est la prise en compte de ses besoins fondamentaux,
19:47à commencer par son besoin de sécurité.
19:50C'est-à-dire qui répond de manière cohérente, fiable et continue aux besoins de l'enfant
19:59quand il a peur ?
20:01Eh bien, la quasi-totalité des humains appellent cette personne une mère.
20:06Les psychologues et les psychiatres l'appellent « figure d'attachement principal ».
20:09Edouard Durand en parlait des parents défaillants peut-être et des émeutes qui avaient suivi
20:13la mort de Nael, qui avait été tuée par un policier après un refus d'obtempérer.
20:17Le gouvernement a prévu, a annoncé des sanctions pour les parents qui seraient défaillants
20:24et il fait la différence avec les parents qui seraient débordés.
20:26Est-ce que c'est une différence qui peut exister au niveau juridique ? Comment est-ce
20:30qu'on applique ces éventuelles sanctions ? Par exemple, des travaux d'intérêt général
20:33qui pourraient être mis en place pour les parents défaillants ?
20:35Je suis juge des enfants.
20:38Ma fonction sociale est d'être le gardien de ces frontières avec l'intervention de
20:45l'ordre public dans le privé des familles.
20:48Il y a des adultes qui exercent leur parentalité d'une manière extrêmement dangereuse.
20:55Et qui doivent être sanctionnés ? Plus sanctionnés qu'ils ne le sont.
21:00La plupart de ces jeunes délinquants extrêmement violents, ce sont d'abord des enfants victimes
21:05de violences conjugales, de violences physiques, de violences sexuelles.
21:11Bien sûr, le docteur Maurice Berger qui est un pédopsychiatre spécialiste des enfants
21:15les plus violents le dit dans son activité dans les centres éducatifs fermés, 70% des
21:19jeunes les plus violents sont des enfants qui sont victimes de violences conjugales.
21:23La loi existe déjà pour mettre à l'écart ces pères violents et les empêcher de faire
21:29de la maison un lieu hors la loi.
21:32Nadia Adam, est-ce que vous pensez que c'est le rôle des pouvoirs publics de s'impliquer
21:36dans l'intime, le plus intime de la vie des familles monoparentales ?
21:40Oui bien sûr, mais tout dépend comment c'est fait.
21:44Évidemment, depuis tout à l'heure on parle de cette histoire de devoir de visite, c'est
21:50une fausse bonne idée, c'est apporter une mauvaise solution à un vrai problème.
21:54C'est-à-dire que par exemple, typiquement, plutôt qu'une réponse pénale, il pourrait
21:58y avoir une réponse civique.
21:59Il y a beaucoup d'associations de mères qui expliquent qu'aujourd'hui, quand un père
22:03ne se présente pas pour voir son enfant, la mère n'a absolument aucun recours.
22:07A l'inverse, si elle ne présente pas son enfant lors de la visite du père, elle risque
22:1315 000 euros et un an d'emprisonnement.
22:16Il faut apporter la réponse inverse, c'est-à-dire pourquoi pas, c'est ce que certaines associations
22:21réclament, pourquoi pas retirer l'autorité parentale à un père qui n'est pas là.
22:27La négligence, c'est une violence en réalité, c'est déjà une partie de la violence.
22:32Edouard Durand à Caisses, Serge Heffez, il y a beaucoup d'interventions d'auditeurs
22:37sur des personnes qui sont dans des situations de séparation, qui trouvent très difficile
22:43d'avoir la garde de leur enfant, procédure après procédure, le droit de visite n'est
22:49pas vraiment respecté ou dur à avoir, dit Romain, François dit normal, 90% des jugements
22:55sont attribués aux femmes, donc même si vous demandez, vous ne l'avez pas.
22:59Ça c'est faux, Edouard Durand c'est faux, c'est la parole du juge.
23:0397% des décisions des juges aux affaires familiales sont conformes à la demande des
23:08deux parents, c'est-à-dire qu'on ne distingue jamais la réalité de ce qui est vécu dans
23:13la famille, entente, absence, conflit, violence.
23:16Donc ça c'est extrêmement important, Serge Heffez ?
23:19Oui, c'est tout à fait juste que majoritairement les parents s'entendent pour que la mère
23:27ait la garde de l'enfant, parce qu'encore une fois, on est dans cette tradition qui
23:32a été largement soulevée, des savoir-faire maternels, du care et du soin aux enfants
23:38par rapport aux pères, donc la question elle est plutôt préventive aujourd'hui, c'est-à-dire
23:42comment est-ce que petit à petit, on va aller à l'encontre de tout ça dans un souci d'égalité
23:47entre les hommes et les femmes, et dans un souci justement de faire respecter ce principe
23:52de l'autorité conjointe qui a remplacé la puissance paternelle.
23:55Et c'est la fin de cet entretien Serge Heffez, mais on a compris...
23:59Vous n'aurez pas mes solutions, tant pis.
24:01On les aura, parce que vous reprendrez avec nous ce sujet à l'antenne d'Inter.
24:06Le mot de la fin Nadia Damme ?
24:07Non, je vais le laisser, Édouard Durand.
24:09Édouard Durand ?
24:11Un enfant doit grandir en sécurité.
24:16Merci infiniment en tout cas à tous les trois d'avoir été les invités du grand entretien
24:21Nadia Damme, je rappelle donc la gosse, c'est publié chez Grasset, Serge Heffez, merci
24:27infiniment, et donc à bientôt, et Édouard Durand, je rappelle donc ce texte que vous
24:31avez publié dans la collection Trac de Gallimard.