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Trente ans après l'inauguration du tunnel sous la Manche, Yann Leriche, directeur général de Getlink (ex Eurotunnel) le concessionnaire et exploitant du tunnel, se réjouit, mardi 7 mai 2024, d'une "formidable réussite".

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Transcription
00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:03 Bonsoir à toutes et à tous, c'est un symbole de l'entente cordiale, le plus long tunnel sous-marin du monde.
00:09 Le tunnel sous la Manche inauguré le 6 mai 1994 par la Reine d'Angleterre et le président François Mitterrand.
00:17 C'était il y a 30 ans hier. Bonsoir Yann Le Riche.
00:21 Bonsoir.
00:21 Vous êtes le directeur général de Getlink, ex-Eurotunnel, concessionnaire et exploitant du tunnel sous la Manche.
00:27 Vous sortez de l'Assemblée Générale des actionnaires qui s'est tenue ce matin à Paris.
00:32 Il y a des petits actionnaires de la première heure qui ont cru à l'époque en la prouesse technologique.
00:37 Vous leur avez dit quoi ? Vous leur avez dit que vous avez fait bien de rester à une époque où on a croulé sous la dette
00:42 et on a résisté à tout, notamment au Covid et au Brexit ?
00:46 Oui, le tunnel, c'est une longue aventure de 30 ans qui a eu des démarrages, vous l'avez souligné, un peu difficiles financièrement.
00:54 Mais si on prend du recul, 30 ans après, quelle formidable réussite !
00:57 Le tunnel aujourd'hui, c'est 25% des échanges marchands entre la Grande-Bretagne et l'ensemble des pays européens.
01:04 C'est près d'un demi milliard de personnes qui ont traversé grâce au tunnel
01:07 et donc qui a parfaitement rempli sa mission de rapprocher la Grande-Bretagne d'un côté et l'Europe de l'autre.
01:13 Alors sauf que le Brexit, ça implique pas mal de choses,
01:18 et notamment la fin de la liberté de circulation avec deux nouvelles formalités.
01:24 Et ce n'est pas fini puisque le nouveau système d'enregistrement des données à l'entrée de l'Union Européenne
01:28 entre en vigueur à l'automne prochain. Est-ce que vous y êtes préparé ?
01:31 Nous sommes totalement prêts.
01:34 La sortie de la Grande-Bretagne de l'Union Européenne ou ce nouveau système ES,
01:39 à chaque fois pour nous ce sont de nouvelles formalités.
01:42 Et ces formalités, on a décidé non seulement de nous y adapter,
01:46 mais d'en profiter pour renforcer notre compétitivité en faisant mieux que la plupart de nos concurrents.
01:51 Parce que les Britanniques représentent tout de même 70% du trafic passager.
01:54 Oui c'est ça. Donc ces nouvelles formalités EES, qui signifie Entry Exit System,
01:59 c'est un nouveau système qui verra de nouveaux contrôles se réaliser pour les ressortissants de pays tiers.
02:07 Alors les pays tiers, ce sont les pays qui ne sont pas les pays dans la zone Schengen.
02:10 La Grande-Bretagne fait partie des pays qui ne sont pas dans la zone Schengen, qui n'y a jamais été d'ailleurs.
02:16 Et donc les ressortissants de Grande-Bretagne, quand ils franchiront la frontière à la fin de l'année,
02:22 devront faire une biométrie faciale et devront aussi donner leurs empreintes digitales.
02:27 Et vous, vous ne voulez pas de liste d'attente ? Vous ne voulez pas que les gens attendent longtemps ?
02:31 Puisque c'est ça votre avantage compétitif notamment.
02:33 Oui, la grande force du tunnel c'est que ça va vite, c'est que ça marche bien et ça continuera de marcher bien.
02:38 Nous avons beaucoup investi, 80 millions d'euros pour être prêts pour ces nouvelles formalités,
02:42 qui donc continueront à se faire sur nos terminaux dans de bonnes conditions.
02:46 On a aussi augmenté la taille des différentes infrastructures qui sont les nôtres,
02:52 pour avoir un débit qui sera le même que celui que nous avons aujourd'hui.
02:56 Et donc vous espérez qu'il n'y aura pas d'impact ?
02:58 On espère, on fait plus qu'espérer.
03:00 On a fait des jumeaux numériques qu'en plaine nos deux terminaux pour modéliser tout ça,
03:03 pour travailler avec les autorités, pour nous assurer que ça marche bien.
03:06 Si on revient un tout petit peu en arrière, on nous avait dit avec le Brexit,
03:09 il y aurait des heures et des heures de queue, ça montrait à Paris, à Londres.
03:11 Ça n'est pas arrivé.
03:12 De la même façon, ça n'arrivera pas parce que grâce au digital,
03:16 grâce au travail du quotidien de nos équipes,
03:19 grâce au travail du quotidien avec les autorités françaises et britanniques,
03:22 on a préparé tout ça.
03:23 Et donc cette date d'entrée en ES aujourd'hui ne nous inquiète pas du tout.
03:28 Au contraire, on la voit comme un avantage complémentaire,
03:31 en faisant mieux que d'autres opérateurs du transmange.
03:34 - Sauf qu'effectivement, le Brexit, ce n'est pas traduit par des listes d'attente,
03:37 mais ça s'est traduit quand même par une baisse du trafic.
03:40 Le trafic est encore loin de ses niveaux d'avant Covid,
03:43 -30% pour les camions par rapport à 2019, -16% pour les voitures.
03:48 Comment est-ce que vous l'expliquez, Yann Le Riche ?
03:50 - Alors c'est vrai que le commerce n'est pas revenu au niveau d'avant Brexit.
03:57 Il y a beaucoup de facteurs qui expliquent ça.
03:59 Il y a effectivement le Brexit qui a complété,
04:02 mais le Covid est intervenu, la hausse des prix de l'énergie, l'inflation.
04:06 Donc on est face à une série de facteurs qui font qu'aujourd'hui,
04:10 on n'est pas tout à fait revenu à ce qu'on était avant,
04:12 mais les volumes sont en croissance et c'est en train de repartir.
04:15 Donc on est extrêmement confiant.
04:17 On voit bien qu'on a encore beaucoup de Britanniques, par exemple,
04:21 qui ont leur maison secondaire qui est en France, 150 000 environ.
04:26 Et donc eux, continuent de traverser, reprennent des voyages.
04:28 - Alors ils continuent de traverser comment ?
04:30 Vous avez aussi la compétition des ferries qui font la traversée de la Manche ?
04:34 - Oui, nous avons la compétition des ferries.
04:35 On l'a toujours eu d'ailleurs.
04:37 Sur ces marchés, on est leader, que ce soit sur le fret ou sur le passager.
04:40 Sur le passager, par exemple, nous avons 58% de parts de marché.
04:43 Et si nous n'avons pas retrouvé tout à fait les volumes d'avant Covid,
04:46 notamment parce que les habitudes de voyage ont changé,
04:49 on a des voyageurs qui voyagent pour plus longtemps,
04:52 qui achètent plus de produits premium chez nous.
04:54 Ce qui fait qu'aujourd'hui, on est une entreprise extrêmement performante,
04:57 qui a un chiffre d'affaires qui est supérieur à celui qu'il était avant.
05:00 Parce que le voyage, ce n'est pas qu'un nombre de traversées,
05:04 c'est aussi la capacité de s'arrêter, par exemple, dans nos salons premium, Flexi+.
05:09 C'est le choix de choisir un billet qui est plus flexible,
05:11 parce que voilà, on peut avoir envie de partir.
05:14 - Mais un billet qui peut être aussi plus cher,
05:15 parce que vous avez une concurrence de la part des ferries.
05:19 Vous avez dénoncé notamment un dumping social de la part de certaines sociétés
05:23 qui pratiquaient des salaires en dessous du salaire minimum.
05:25 - Oui, alors ça c'est une de nos gros batailles d'aujourd'hui.
05:28 On a trois concurrents ferries face à nous, sur le 3 du Pas-de-Calais.
05:32 Deux d'entre eux ont pratiqué ce que nous appelons le dumping social.
05:35 Le dumping social, c'est quoi ?
05:36 C'est le fait que ces deux opérateurs se sont affranchis du paiement à leurs salariés,
05:40 des minima salariaux et sociaux français et britanniques.
05:44 Donc évidemment, ils rentrent dans une concurrence
05:46 qui se fait non pas sur la qualité de service, non pas sur l'innovation,
05:49 mais sur uniquement le paiement de leurs salariés à des conditions les plus basses possibles.
05:55 - Et donc vous l'avez dénoncé, ça va se régler ?
05:57 - On l'a dénoncé, on n'est pas les seuls.
05:58 Tous ceux qui payent leurs employés dans des conditions respectant le droit français et britannique
06:03 ont agi, nous et d'autres.
06:06 Et des lois ont été passées en France et en Grande-Bretagne pour que ça s'arrête,
06:10 parce qu'effectivement, c'est un trou dans l'argumentation.
06:12 Les décrets français ont été votés le mois dernier,
06:14 et se rentrent en application à partir du 1er juillet de cette année.
06:17 - Alors, est-ce qu'aujourd'hui vous exploitez le tunnel au maximum de ses capacités ?
06:21 - Alors, le tunnel a encore beaucoup de potentiel.
06:24 C'est ça qui est très intéressant.
06:25 Alors, beaucoup de potentiel, ça veut dire quoi ?
06:27 Ça veut dire qu'il y a une forte demande, par exemple, pour de nouvelles destinations à grande vitesse.
06:31 - Aujourd'hui, c'est Paris, Londres, Amsterdam.
06:33 - Voilà, ça, ça existe. Il y a une demande pour faire plus.
06:35 Et donc, pour que la demande puisse s'exprimer, nous avons fait deux choses.
06:38 D'abord, nous avons augmenté la capacité du tunnel.
06:41 Concrètement, on peut faire rouler plus de trains.
06:43 On était limité à 600 par jour il y a peu.
06:47 On peut aller jusqu'à 1000 maintenant.
06:49 - Aujourd'hui, vous n'êtes pas à 1000, vous êtes à 400 à peu près.
06:51 - On n'est pas à 1000, on est à 400, et on peut monter jusqu'à 1000.
06:53 Donc, on a donné de la réserve de capacité au tunnel.
06:55 Et puis, ce qu'on a fait pour que ces nouvelles destinations à grande vitesse puissent se faire,
06:58 on a travaillé dans trois domaines différents.
07:02 On a travaillé pour simplifier toutes les règles d'accès au tunnel,
07:04 parce qu'on s'est rendu compte que c'est ça qui faisait que de nouveaux services ne se lançaient pas.
07:09 On a travaillé avec nos pairs, gestionnaires d'autres infrastructures.
07:12 En amont et en aval du tunnel.
07:14 Et on a travaillé avec les fabricants de trains,
07:16 pour que les nouvelles générations de trains, de TGV en particulier, soient aptes à aller dans le tunnel.
07:20 Et tout ça a fait que de nouveaux entrants se sont déclarés,
07:23 parce que ces règles simplifiées font que c'est très facile aujourd'hui de lancer de nouveaux services.
07:27 - Et donc, dernière question, très rapidement, est-ce que vous espérez une prochaine destination, et à quelle échéance ?
07:32 C'est ma dernière question.
07:34 - Alors, on s'y attend concrètement, puisque de nouveaux entrants et Eurostar a déclaré eux-mêmes
07:38 qu'ils voulaient lancer de nouveaux services.
07:41 Et donc d'ici 5 à 10 ans, on s'attend à ce qu'effectivement,
07:44 on ait un nombre de destinations directes entre Londres et des capitales européennes,
07:48 qui soient doublées, et concrètement parmi ces capitales,
07:51 des villes en Allemagne et en Suisse, Cologne, Francfort, Genèque, Zurich en particulier.
07:56 - Merci beaucoup Yann Le Riche, directeur général de Gatelink.
07:59 Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.
08:01 ce soir.
08:01 [Musique]

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