• il y a 5 mois
Transcription
00:00 Des livres censurés, des ouvrages érotiques…
00:02 Saviez-vous qu'il existait dans certaines bibliothèques ?
00:05 Des enfers !
00:07 Non, pas comme ça.
00:07 L'enfer, c'est un département d'une bibliothèque où, historiquement,
00:10 on conserve des écrits soit contraires à l'orthodoxie politique ou religieuse,
00:14 soit contraires aux bonnes mœurs.
00:16 Le principe a été établi par le Vatican via ce document en 1559.
00:20 C'est l'époque où, avec l'émergence de l'imprimerie,
00:23 les ouvrages dont ceux jugés hérétiques circulent plus vite.
00:26 À Paris, il reste encore un enfer actif.
00:28 Ici, à la Bibliothèque nationale de France, la BNF.
00:33 Pas de cerbère ni de flamme, les livres de l'enfer se trouvent là.
00:37 On n'a pas pu filmer à l'intérieur pour des raisons de sécurité,
00:39 et on nous a donné rendez-vous dans une salle hyper classe
00:42 où on a rencontré Jean-Marc Chatelain,
00:43 directeur de la réserve des livres rares où se trouve l'enfer.
00:47 Aujourd'hui, dans l'enfer, nous essayons de recueillir notamment
00:50 tous les grands classiques de la littérature libertine.
00:53 Il y en a presque chaque année quelques-uns qui rentrent, mais c'est assez peu.
00:57 La particularité de l'enfer de la BNF, c'est qu'il contient uniquement
01:00 des ouvrages originaux, érotiques ou carrément pornos.
01:03 Du sad, du apollinaire, du Verlaine, des romans, des contes, des chansons, des poèmes.
01:08 On trouve par exemple ce livre de Louis Aragon,
01:10 qui contient des fragments supprimés de son roman La Défense de l'Infini,
01:14 agrémentés d'une relure plutôt ambigüe.
01:16 Une ambiguïté, une équivoque facile à lever, comme vous pouvez le voir.
01:21 On trouve aussi des exemplaires de cette revue Underground,
01:24 qui s'intitule de manière explicite "Suck", avec aussi une esthétique pop.
01:30 On est vraiment dans le discours de la fin des années 60,
01:33 qui au fond requalifie cette pornographie comme une contestation de l'ordre établi.
01:38 L'enfer de la BNF a été créé dans les années 1830,
01:41 pas par le pouvoir, mais parce qu'il était alors la bibliothèque royale.
01:45 Ce n'est pas une salle dédiée, mais simplement une cote,
01:47 un code qui donne l'adresse d'un livre dans les rayonnages, apparu en 1844.
01:51 Dans les années 1830-1840 et jusqu'à une période avancée du XXe siècle,
01:58 l'enfer sert au fond à reléguer des livres qu'on ne veut pas mettre entre toutes les mains.
02:04 De 150 livres à la fin des années 1830, on est passé à 2600 aujourd'hui,
02:08 acquis par le passé au gré des saisies judiciaires ou douanières,
02:12 et aujourd'hui achetés par la BNF.
02:14 Les plus anciens ouvrages circulaient sous le manteau,
02:16 avec souvent des dates et lieux de publications fictifs.
02:20 En 1969, ça ne s'invente pas, on décide de fermer l'enfer.
02:24 Fermer l'enfer, comme si on avait dans la bibliothèque un paradis,
02:29 un purgatoire et un enfer.
02:31 Donc ça c'est en 1969, donc on voit très très bien
02:34 quel est le contexte de libéralisation des mœurs.
02:38 Le département est conservé, mais on cesse de l'alimenter,
02:41 jusqu'à sa réouverture en 1983.
02:44 En le débarrassant en revanche de sa connotation de jugement moral,
02:48 pour en faire simplement une sorte de définition
02:51 d'un champ thématique de la littérature.
02:55 Là c'est un des grands classiques de la littérature libertine
02:58 du 18ème siècle, qui est Margot la Ravodeuse.
03:00 Fun fact, ce livre a été retiré d'une vente publique en 1774,
03:04 et il appartenait à la collection d'un commissaire de police
03:07 qui avait pu se le procurer lors d'une saisie policière.
03:09 On trouve aussi Le Château de Seine, un livre de Bernard Noël,
03:12 qui a été condamné par la justice pour outrage aux mœurs en 1973.
03:16 Et Bernard Noël avait pour défenseur Robert Bannater.
03:21 Désormais, l'enfer de la BNF sert simplement à répertorier
03:24 les ouvrages érotiques, et n'a pas vocation à les retirer
03:27 du regard des curieux, mais à les mettre à disposition des chercheurs.
03:30 On peut consulter très librement des livres de l'enfer.
03:34 La seule chose qu'on demande, c'est de justifier d'une recherche.
03:40 Une recherche qui peut être de type universitaire,
03:42 mais une recherche qui peut être aussi de curiosité personnelle.
03:46 Alors si vous êtes épris de curiosité personnelle,
03:49 vous pourrez peut-être découvrir ce qui se cache
03:51 derrière tous les floutages nécessaires à la publication de cette vidéo.
03:55 [Musique]

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