Elle parle d Elle S01E01 carole bouquet

  • il y a 4 mois
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00:00 ...
00:05 -Je m'appelle Carole Bouquet,
00:07 mais j'ai porté bien d'autres noms.
00:10 J'ai été la James Bond girl Mélina Avlok...
00:15 ...
00:19 La résistante Lucia Obrach,
00:21 Anne d'Autriche ou encore Florence dans "Trop belle pour toi".
00:24 ...
00:27 Comédienne, j'ai incarné bien des femmes.
00:29 Il y en a une que j'aurais bien aimé être.
00:33 Elle s'appelle Gabrielle Chanel.
00:36 ...
00:41 Coco Chanel, une petite couturière partie de rien
00:45 et qui a fondé un empire.
00:47 ...
00:51 Elle et moi, nous avons quelques petits points communs.
00:54 ...
00:57 Déjà,
00:58 on a de l'humour, du moins, je l'espère.
01:02 -Je viens d'admirer votre collection,
01:04 mais vous, qu'en pensez-vous ?
01:06 -Je pense qu'elle est un peu démodée.
01:08 -Est-ce que vous pensiez qu'un jour,
01:10 vous vous trouveriez dans un film américain
01:13 de 25 millions de dollars ?
01:15 ...
01:16 -Oui.
01:17 -Chanel, quand j'étais plus jeune,
01:19 c'était surtout pour moi du travail.
01:22 A 27 ans, je suis devenue égérie de la marque
01:24 pour le parfum numéro 5.
01:26 Dans les pubs, j'incarnais une femme de pouvoir.
01:30 Cela m'a rendue indépendante.
01:32 J'allais aux défilés,
01:34 côtoyais le monde de la mode.
01:36 Je le devais à Gabrielle.
01:39 -Une femme extrêmement libre,
01:43 c'est ça qui m'intéresse.
01:45 Encore plus que les robes, bien sûr.
01:47 C'est pour ça que ça continue aussi à marcher.
01:50 Derrière, il y a un personnage très fort.
01:53 Sinon, ça suffirait pas.
01:54 Quelqu'un qui dessine des robes, il y en a quand même beaucoup.
01:58 -Nous, femmes, nous lui devons tant.
02:00 Alors je lui devais bien ce film,
02:02 même si je ne suis pas certaine qu'elle aurait tout apprécié.
02:06 -Vous ne croyez pas que la télévision
02:08 a bêti un peu les gens aussi ?
02:10 Je ne crois pas que vous le direz,
02:12 mais je trouve que ça a bêti les gens.
02:14 Même moi, ça m'abrutit.
02:16 -C'est tout.
02:17 "Mme Chanel", 2 premières.
02:20 Musique douce
02:22 ...
02:29 -Pour comprendre ce que nous devons à Gabrielle Chanel,
02:32 il faut remonter le temps.
02:34 -Ce qui est bien, c'est qu'il y a le réglage à la paresseuse,
02:38 qui est là.
02:39 Elle peut déjà vous permettre toute seule de serrer.
02:42 -Oui. -Allez-y, tirez.
02:45 -Cette aurore est un corset, un vrai.
02:49 Il date de 1900.
02:51 -On continue, parce qu'on vous enlève 10 cm.
02:54 -Oui, oui. -A la taille.
02:56 Sinon, on ne rentrera pas dans la ronde.
02:58 -Maintenant, il faut y aller.
03:00 -Est-ce que vous pouvez supporter encore un peu ?
03:03 -Je peux encore, avant de... -De tomber.
03:06 -Avant de...
03:07 Avant de m'évanouir.
03:09 -Avant Chanel, le corset est la base de la silhouette féminine.
03:13 Plaire aux hommes, la femme d'alors sans prison se contraint.
03:18 -Allez-y, tirez. -Oui, ça y est, je tire.
03:21 -On va croiser, maintenant. -Oui.
03:23 -Vous allez retirer à fond. -Oui, oui.
03:26 -Allez.
03:28 -Celle qui m'en sert s'appelle Mireille Tambouret.
03:31 Elle règne sur le vestiaire,
03:33 une immense collection de vêtements de location
03:35 pour les tournages de cinéma.
03:37 -Ce serait dommage de gâcher cette ligne.
03:40 -C'est elle qui m'a habillée
03:42 quand j'incarnais la résistante Lucie Aubrac.
03:45 -Là, c'est bon. -C'est bon.
03:47 -Très bien. C'est pas compliqué. Voilà, maintenant.
03:50 Voilà.
03:51 -Ca, c'est à peine possible.
03:55 Donc, vous oubliez marcher, vous promenez,
03:58 vous oubliez penser, parce que vous pouvez rien faire.
04:01 C'est pas du tout un hasard,
04:03 si le costume est aussi contraignant.
04:06 C'est que, justement,
04:09 ça impose aux femmes un comportement
04:12 et une manière de penser
04:15 qui fait qu'elles n'ont pas de droits,
04:17 elles dépendent de leur mari.
04:19 C'est une prison,
04:21 et cette prison physique fait une prison mentale.
04:24 Là, on va maintenant emprisonner le haut.
04:27 -C'est un vêtement ?
04:28 -Chanel est l'une des premières modistes
04:31 à créer des robes sans corset, fluides,
04:33 qui permettent aux femmes de se mouvoir librement.
04:36 -Elle peut pas mentir. -Ma liberté, c'est ça.
04:39 Vous oubliez ça. Donc, moi, j'ai ça.
04:42 Et puis, y a le corset, et toute la taille est prise.
04:44 -Qu'est-ce qui est le plus difficile dans votre métier ?
04:48 -Hein ?
04:49 Permettre aux femmes de bouger aisément,
04:51 ne pas se sentir déguisée,
04:55 ne pas changer d'attitude,
04:59 de manière d'être, selon la robe dans laquelle on les a fourrées,
05:02 c'est très difficile.
05:04 Et ça, je crois que c'est le don que je possède.
05:07 Si tant est que ce soit un don, je crois que je l'ai.
05:10 -Le vêtement est le représentant social,
05:14 le rang social de la femme.
05:16 -Il est temps que Mireille me libère,
05:19 comme Gabriel l'a fait pour nous toutes.
05:22 -Waouh !
05:25 C'est pas fini, là ?
05:26 SOUPIR
05:27 Ah !
05:29 Ah !
05:30 Ah !
05:31 Et je peux respirer.
05:33 Je peux me parler, et on va pouvoir discuter,
05:36 parce que tout à l'heure, je suis désolée,
05:39 ça m'empêchait de parler.
05:40 Je vais récupérer un peu de vocabulaire,
05:43 parce que ça m'a même fait perdre mon vocabulaire.
05:46 -C'est fort, moi.
05:47 Et vous voulez me donner un do ?
05:49 Et on le fait tous ensemble.
05:51 Vous respirez.
05:53 Et on y va.
05:54 Musique douce
05:56 ...
05:58 -J'ai 18 ans.
06:00 C'est la première fois que je suis filmée.
06:02 ...
06:05 Je dois mon entrée dans ce métier à Serge Moati.
06:08 Serge est alors metteur en scène.
06:10 Il m'a expliqué un soir que pour devenir actrice,
06:13 je devais faire le conservatoire.
06:15 Il m'a même aidée à répéter mes textes
06:18 la veille du concours.
06:19 J'entre au cinéma par une grande porte.
06:24 Louise Bunuel m'engage à 18 ans
06:26 pour jouer une séductrice dans cet obscur objet du désir.
06:30 Louise va pour toujours me coller à la peau
06:33 cette image de beauté froide.
06:36 Pour Gabrielle Chanel,
06:38 Louise s'appelle Étienne Balzan.
06:40 Étienne Balzan, un jeune homme riche,
06:44 un héritier, passionné de sport et caisse.
06:48 C'est lui qui a fait rentrer Gabrielle Chanel
06:52 dans ce que l'on nomme alors la bonne société.
06:55 ...
06:57 Moulins, 1905.
06:59 C'est ici que leur rencontre a lieu.
07:02 ...
07:04 Gabrielle a 20 ans.
07:06 C'est une petite couturière de la vie,
07:09 une jeune femme prisonnière de sa condition sociale
07:12 et terriblement belle.
07:14 ...
07:16 S'en rend-elle compte ?
07:18 Est-ce le regard des hommes qui va nourrir chez elle
07:21 cette envie d'échapper à son sort,
07:23 à un mariage convenu,
07:25 à une vie de misère comme l'ont vécu ses parents ?
07:29 Gabrielle et Étienne vont tomber amoureux.
07:31 Union contre nature entre le fils de bonne famille,
07:35 le playboy et la fille de nulle part.
07:37 Il lui faudra du courage, je trouve, à Gabrielle,
07:41 pour vivre dans l'ombre de cet homme
07:43 qui n'envisage absolument pas de l'épouser.
07:46 -Moi, j'étais timide quand j'avais 18-20 ans.
07:50 Je crois que la timidité est une chose qu'elle n'a pas connue.
07:54 Je pense qu'il y a très tôt une force,
07:57 mais très, très jeune.
07:59 Vraiment, très tôt.
08:01 Je l'imagine pas du tout timide, mais pas du tout.
08:04 Blessée, peut-être, par certaines choses, oui,
08:07 forcément, dans la vie, mais timide, pas du tout.
08:11 Sur ça, je crois qu'on n'a rien en commun.
08:14 ...
08:16 -Gabrielle devient Coco, une irrégulière,
08:20 une femme entretenue, une maîtresse.
08:22 Le couple vit à Croix-Saint-Ouen,
08:26 dans l'Oise, au milieu des chevaux.
08:28 ...
08:31 Gabrielle épouse la passion d'Étienne
08:33 et devient une cavalière émérite.
08:36 ...
08:38 -Vous êtes dans le sable, vous allez en filer.
08:41 ...
08:43 ...
08:47 -Dans les hippodromes, dans les soirées mondaines,
08:50 elle s'initie aux usages,
08:52 mais trouve la force de rester libre et audacieuse.
08:56 ...
08:59 -C'est pas facile d'avoir de l'audace.
09:01 La vie, quelquefois, vous contraint et vous en empêche.
09:05 Et quelquefois, on a suffisamment de courage,
09:08 parce qu'il en faut beaucoup,
09:10 pour faire quelque chose qui est en dehors de ce qui était prévu.
09:14 C'est une sortie de route, un virage qu'on prend,
09:17 quelque chose qu'on prend, en général,
09:19 dont on n'a pas la réponse. On sait pas où on va,
09:22 mais on y va avec élan, avec...
09:25 Donc...
09:27 C'est assez rare.
09:28 C'est comme ça qu'on arrive à faire les choses, c'est vrai,
09:31 mais ça peut faire peur.
09:33 -Elle innove, emprunte un pantalon à Étienne Balzan
09:36 pour mieux monter à cheval.
09:38 Puis, elle lui pique toute sa garde-robe,
09:41 se montre en habit d'homme, bien plus confortable.
09:44 Gabrielle se remet à coudre,
09:47 s'invente des robes dont certaines ont été conservées.
09:50 -Alors, elle est pas fin, à l'époque.
09:53 -Mirenne Larzaluz, curatrice du Musée de la mode à Paris,
09:56 les connaît par coeur.
09:58 -Elle priorise la liberté des mouvements,
10:01 les conforts, la légèreté...
10:05 -Les hommes peuvent se mouvoir, bouger,
10:07 les hommes ont accès au monde.
10:09 Donc, il faut que je donne accès au monde aux femmes.
10:13 -Tout à fait. Avant qu'elle ait devenu créatrice,
10:15 ou couturière,
10:17 elle portait elle-même des vêtements des hommes
10:20 qu'elle transformait pas.
10:22 -Elle les adoptait.
10:23 -Elle portait le manteau de l'art,
10:25 on la voit les mains dans les poches.
10:28 -Elle portait des pantalons.
10:29 -Absolument, on piquait aux uns, aux autres.
10:32 -J'imagine le choc que ça doit être à l'époque
10:35 quand on la voit sur les champs de course
10:38 avec ce manteau d'homme qu'elle a, les mains dans les poches,
10:41 les jumelles, le pantalon,
10:43 par rapport aux autres femmes qui devaient ressembler ravissantes,
10:47 à des oiseaux de paradis,
10:48 et elle qui arrive comme un petit soldat,
10:52 c'est une radicalité.
10:53 Elle était très consciente.
10:55 Il y avait des personnes qui s'y manquaient.
10:58 -J'imagine. -Elle était tellement forte,
11:00 elle avait cette personnalité extraordinaire.
11:03 Elle était tellement sûre de sa vision,
11:05 de ses convictions, de cette idée très claire
11:08 qu'elle avait de l'avenir. Elle était tellement moderne.
11:11 -J'ai moi aussi une différence.
11:15 -C'est la première grande réconférence
11:17 pour Carole Boutet,
11:19 qui a un rôle très difficile dans "Trop belle pour toi".
11:22 Une juste récompense...
11:24 -J'ai 31 ans quand je reçois le César de la meilleure actrice
11:27 pour mon rôle dans "Trop belle pour toi".
11:29 -J'aime raconter des histoires, pas les miennes,
11:34 celles des autres.
11:36 J'aime que de la tête d'un homme, je sais pas où est Bertrand,
11:42 surgisse une petite bonne femme pour moi.
11:46 Merci à lui.
11:50 -Je dois à Bertrand Blier ce rôle presque à contre-emploi,
11:53 qui dynamite cette fameuse beauté froide
11:56 pour laisser enfin place à l'actrice.
11:58 Rires
12:00 -C'est le genre prière, quand même.
12:04 Je parle quand elle est grave, dans la gravité.
12:07 Parce que quand elle rigole, elle en devient plus normale.
12:11 Rires
12:16 -J'ai quand même écrit pour elle...
12:18 C'est quand même un portrait.
12:21 J'ai écrit pour elle des choses qu'elle est seule à pouvoir dire.
12:25 -Le portrait d'une personne si parfaite
12:28 que son mari ne peut plus l'aimer.
12:31 -Enfin, je veux dire...
12:33 Trop sublime.
12:35 Trop idéal.
12:37 -Vous pourriez commenter cette phrase que j'ai lue dans "Elle"
12:40 très récemment. Je vous la lis.
12:42 "À cause de ma prétendue beauté,
12:45 "je suis une marginale."
12:47 -Simplement, c'est la différence.
12:50 C'est tout. C'est pas une question de beauté ou pas.
12:53 La différence est difficile à vivre pour qui que ce soit.
12:56 -Je suis pas du tout un objet de fantasme.
12:59 J'avais beaucoup de mal à imaginer que je puisse être un objet de fantasme.
13:03 J'ai compris vite qu'effectivement,
13:05 j'avais un physique, encore une fois,
13:08 oui, de madone, donc...
13:10 On n'avait pas envie de me...
13:13 On me tapait pas sur le dos en me disant "comment ça va ?"
13:16 Il y avait une distance qui m'arrangeait bien.
13:19 Comme j'étais timide, au fond, ça...
13:21 Au début, je savais pas quoi en faire,
13:23 mais j'ai compris qu'il était normal
13:25 qu'un acteur soit associé à son physique.
13:28 Quel que soit le physique, on doit jouer avec notre corps.
13:31 Ca fait partie totalement du jeu.
13:33 Musique de tension
13:35 -"Nous tournions, trop belle pour toi."
13:37 Mon visage s'affichait dans le monde entier
13:40 sur des publicités en 4x3.
13:42 Bertrand était très agacé par cette image de femme fatale,
13:46 à l'opposé du rôle qu'il avait écrit.
13:48 Musique de tension
13:50 Il me surnommait "Abribus".
13:52 Applaudissements
13:55 Le César a fait de moi une femme libre.
13:57 J'étais alors reconnue par la profession et le public.
14:00 J'avais le choix de ma carrière.
14:02 Applaudissements
14:05 -Pouvez-vous nous dire ce qui sera la mode cette année ?
14:08 -Non. -Pourquoi ? Vous ne le savez pas ?
14:10 -Parce que je ne le sais pas.
14:12 Et si je le savais, je ne vous le dirais pas.
14:14 -Vous ne nous le sachiez pas, c'est dans 3 semaines.
14:17 -Oui, mais on peut faire beaucoup de choses,
14:20 y compris changer de mode.
14:21 -En 1914, quand éclate la guerre,
14:24 Gabrielle n'est encore qu'une jeune modiste.
14:27 Boy Capel est entré dans sa vie.
14:30 C'est un riche homme d'affaires anglais.
14:32 Ils vont tomber éperdument amoureux l'un de l'autre.
14:35 Applaudissements
14:37 Avec l'argent de son nouvel amoureux,
14:40 Gabrielle ouvre une boutique de couture à Deauville.
14:43 Puis, une seconde à Biarritz.
14:45 Applaudissements
14:47 Le succès est immédiat auprès des femmes fortunées
14:50 et réfugiées loin du front.
14:53 Pour la première fois,
14:54 Gabrielle doit même engager des couturières.
14:57 -Chanel n'a existé qu'en devenant elle-même.
15:02 Et ça, c'est sans prix.
15:04 C'est sa silhouette qu'elle a démultipliée sur les autres.
15:08 Elle était mince, elle avait peu de seins.
15:11 Elle s'est habillée pour plaire.
15:13 Et elle a voulu que les autres plaisent comme elle n'avait plus.
15:18 Et, curieusement, ça a marché.
15:21 Musique joyeuse
15:23 -A la fin de la guerre,
15:24 elle a la tête d'une maison de couture en vue.
15:26 Son nom est sur toutes les lèvres.
15:30 Voici quelques images rares de la maison Chanel-Requembon.
15:33 Elle date de la fin des années 30.
15:36 En 20 ans, Gabrielle a conquis le monde
15:40 et règne désormais sans partage sur la mode.
15:43 Gabrielle emploie jusqu'à 3000 couturières
15:47 qu'elle dirige d'une main rigoureuse.
15:49 Une vraie chef d'entreprise, célèbre et riche.
15:53 ...
15:55 -Elle détestait l'argent.
15:56 Elle disait que l'argent était un bon serviteur et un mauvais maître.
16:00 -Elle disait qu'il était fait pour être dépensé.
16:03 -Elle avait gagné cet argent.
16:05 Elle l'a fabriqué, elle l'a gagné,
16:07 ce qui, pour une femme à cette époque-là, est exceptionnel.
16:11 -Et voilà.
16:12 -C'est pour ça que les femmes qui travaillent
16:15 ont toutes adopté cette espèce de costume Chanel
16:19 qu'on peut enfiler le soir après avoir travaillé
16:21 pour aller dîner avec l'homme qu'on aime.
16:23 Le rendez-vous d'amour, c'était tout.
16:27 Parce qu'elle n'a travaillé là-dedans que pour la séduction.
16:33 Que pour qu'une femme puisse avoir son rendez-vous d'amour.
16:37 C'est vrai.
16:38 -Viscéralement libre,
16:39 Gabrielle rembourse à Boye-Capelle sa mise de fond.
16:43 Elle ne veut rien de voir à personne.
16:46 Mais surtout, Boye lui a fait l'affront
16:49 d'épouser une autre femme, une noble, anglaise,
16:52 une femme de son rang.
16:54 Gabrielle a beau être riche et célèbre,
16:57 elle n'est pas un bon parti, comme on disait alors.
17:00 Ils continueront toutefois de se voir,
17:02 de s'aimer en cachette,
17:04 jusqu'au tragique 22 décembre 1919.
17:07 Boye-Capelle meurt dans un accident de voiture,
17:10 Gabrielle est effondrée,
17:13 elle ne s'en remettra jamais.
17:15 Musique sombre
17:18 Jean-Pierre Rassam,
17:21 le premier amour de ma vie, est parti, lui aussi.
17:25 -J'ai 21 ans, j'ai rendez-vous avec Alain Sard et Godard.
17:29 J'ai donc fait le film de Buñuel.
17:32 Entre Alain Sard et Godard, pas un mot.
17:34 Moi, timide, 20 minutes, silence total, rien.
17:39 Et arrive un homme pas très grand,
17:42 qui marche un peu comme Charlie Chaplin,
17:45 et qui se met à parler, à parler, à parler,
17:47 qui me regarde comme Charlie Chaplin,
17:49 et qui manifestement les connaît très bien tous les deux,
17:53 et puis me parle aussi, m'invite à dîner,
17:55 après, bon, je m'en vais, moi, je vais au dîner le soir,
18:00 et je retrouve une quinzaine de personnes invitées par lui,
18:03 et il est pas là. Il arrive quand ?
18:05 J'avais appris qu'il s'appelait Jean-Pierre Rassam,
18:08 je savais pas qu'il était propriétaire de Gaumont,
18:10 je savais pas du tout qui c'était.
18:12 Il m'avait enchantée cet après-midi, il m'a sauvée.
18:15 Il m'invite à dîner, il y a 15 personnes autour de la table,
18:19 invité par lui, il vient pas.
18:21 J'ai commencé à trouver ça délicieux, moi.
18:23 Et ma curiosité a été piquée immédiatement.
18:27 Je suis tombée amoureuse de Jean-Pierre, je crois,
18:31 dès qu'il est rentré dans ce bureau.
18:34 Et je savais rien de lui.
18:37 ...
18:39 D'abord, je le trouvais très beau, vraiment, sérieusement,
18:42 et je vous dirai qu'il est très beau.
18:45 Si jamais vous me dites non, je vais être fâchée avec vous,
18:48 vous savez pas regarder.
18:50 Et la drôlerie, l'intelligence, la rapidité de cet homme,
18:54 la culture de cet homme...
18:55 Il a présenté les nards, il a fait du cinéma,
18:58 mais en même temps, c'est une culture classique.
19:01 Il vient en même temps, ça me fascine, il est né au Liban.
19:04 Il y a quelque chose, chez moi, qui aime énormément l'Orient.
19:07 Et je commence à comprendre un peu pourquoi.
19:10 C'était un cadeau du ciel.
19:12 Il est pas resté assez longtemps dans ma vie,
19:14 parce qu'il est mort trop tôt,
19:16 mais on a fait un enfant ensemble magnifique, Dimitri,
19:19 et...
19:20 ça a changé ma vie.
19:22 ...
19:24 -C'est un merveilleux fils,
19:26 comme son père, Dimitri, est devenu producteur de cinéma.
19:29 ...
19:34 -Mademoiselle, de toute façon, on t'aurait adorée.
19:37 -Je sais pas. -Et tu lui ressemblais.
19:39 Déjà par le caractère.
19:41 -Attends, elle avait pas l'air d'avoir bon caractère.
19:44 -Oui, mais tu l'as pas toujours.
19:46 -Ah !
19:47 Tu l'as connue ? Tu avais quel âge, toi ?
19:50 -Une vingtaine d'années.
19:52 -Ah, mais alors l'arrivée auprès de Mademoiselle,
19:55 moi, c'était épique.
19:56 -Raconte-moi. -Ah, bah oui.
19:58 Tu sais...
19:59 -Jacques a longtemps maquillé Gabrielle Chanel au soir de sa vie.
20:03 -A 9h, mais pas 9h.
20:04 Alors, au bout d'un moment, je me dis,
20:06 de toute façon, elle me dit rien.
20:09 Je vais faire ce que je veux.
20:10 Qu'est-ce qu'on met à une dame, par exemple,
20:13 qui a l'âge qu'elle a ?
20:14 On peut mettre un tout petit peu de bleu, tout ça, etc.
20:18 Ça va adoucir le regard, ce regard noir, tout, etc.
20:22 Et elle me dit, "Monsieur, j'espère que vous ne mettez pas du bleu.
20:26 "Je déteste le bleu."
20:27 -Je t'imagine timide, comme tu es.
20:29 "Qu'est-ce qu'il y a fait ?" -L'horreur.
20:32 L'horreur, l'horreur. Je me dis, "Mon Dieu, qu'est-ce qui va m'arriver ?
20:36 "Demain, c'est foutu."
20:37 Et puis, elle se lève, d'une façon alerte et vigoureuse,
20:41 et me dit, "Monsieur, demain, 9h, mais pas 9h01."
20:45 -Elle était coquine ? Elle te racontait des choses coquines ?
20:48 -Ah non, pas à l'âge qu'elle a,
20:50 mais elle racontait sa vie avec certains hommes qu'elle adorait,
20:54 qu'elle a aimé par-dessus tout, Boy Capel.
20:56 Elle était folle amoureuse de Boy Capel.
20:59 Elle le disait.
21:00 Extrêmement amoureuse de lui.
21:03 C'est quelqu'un qui a beaucoup compté.
21:05 Justement, elle avait l'honnêteté que Carole Bouquet
21:09 a des vérités qu'elle vivait à ce moment-là.
21:14 Encore.
21:16 -Quand on a aimé, on a aimé. -Oui.
21:18 -On ne désaime pas, ou alors on est fou.
21:20 Je suis toujours fascinée par les gens qui désaiment
21:24 ceux qu'ils ont aimés.
21:25 Ils renient leur propre vie, ce qui est fou.
21:28 -Il faut jamais renier.
21:29 -Moi, j'en ai renié très peu dans ma vie.
21:32 -C'est vrai. Moi, j'ai un souvenir extraordinaire,
21:35 je peux me permettre de le citer, parce qu'on a reconnu
21:39 cette liaison que tu as eue, merveilleuse, avec Gérard.
21:43 -Ca en a rien.
21:45 -C'était d'une grande beauté.
21:47 -Une grande beauté, justement.
21:49 Et c'était très touchant pour nous,
21:51 parce qu'il y avait ce monstre
21:54 à côté de la beauté...
21:58 -Mais on riait. -C'est ça.
22:01 -On riait. -Joyeux.
22:02 C'était joyeux, c'est le mot.
22:04 -Oui, c'était joyeux.
22:05 -Gérard m'a tant fait rire, lui aussi,
22:09 boulimique d'amour et de vie.
22:11 Nos vies de femmes ne sont plus contraintes à un seul homme.
22:15 J'ai eu beaucoup de chance en rencontrant
22:17 Francis Giacobetti, le père de Louis, mon deuxième fils.
22:20 Musique douce
22:23 ...
22:25 D'ailleurs, Gabrielle aura d'autres amours,
22:28 et pas des moindres.
22:29 Le grand duc Dmitri Pavlovitch de Russie,
22:32 le duc de Westminster,
22:34 ou encore le poète Pierre Verdi.
22:37 ...
22:39 Ces choix amoureux, à mon avis,
22:41 ne font que compliquer sa vie.
22:44 Jamais elle ne se mariera et n'aura d'enfant.
22:47 Trop mal née, sans doute.
22:50 ...
22:51 Gabrielle a toujours dissimulé ses origines,
22:54 s'inventant un père parti chercher fortune en Amérique.
22:58 La vérité est toute autre.
23:01 Née en 1883 à Saumur,
23:04 sa mère décède d'une tuberculose
23:07 et son père l'abandonne avec ses frères et soeurs.
23:10 À 12 ans, Gabrielle est orpheline.
23:13 Elle sera recueillie par des religieuses
23:16 à Aubazine, en Corrèze.
23:18 ...
23:23 -Boris Cyrulnik dit que souvent,
23:26 souvent, des enfants qui sont abandonnés
23:31 ou qui perdent leurs parents, etc.,
23:33 dans leur jeunesse, comme ça,
23:37 ils créent un avenir
23:39 et ils créent un passé
23:42 qui nous met en valeur.
23:45 C'est l'une des seules façons
23:49 que l'esprit humain a
23:52 pour sortir d'une situation
23:56 qu'on trouve même parfois impossible à vivre.
24:00 -Et au gisant des tombeaux
24:03 Il a fait don de la mort...
24:05 -Je les ai bien connues, ces institutions,
24:08 et je me reconnais un peu dans l'histoire de Gabrielle.
24:12 Ma soeur et moi avons été élevées par notre père
24:14 après le divorce de nos parents.
24:16 Il a laissé le soin de notre éducation à des religieuses.
24:20 -Très vite, il décide de placer ses deux filles ici,
24:23 dans un pensionnat catholique au nord de Paris.
24:26 -M. Bouquet était un homme très droit,
24:29 très honnête,
24:30 très profondément attaché à ses filles,
24:33 mais qui ne savait pas non plus
24:35 comment leur manifester cet attachement.
24:37 Il avait l'air très désemparé.
24:40 C'est ce qu'il m'a dit quand il a inscrit ses filles ici.
24:44 Il m'a dit qu'il ne savait pas comment s'en sortir.
24:47 -Mon père était quelqu'un qui ne parlait pas.
24:50 J'ai été élevée par lui, avec ma soeur.
24:53 Il ne parlait pas du tout, mais du tout.
24:56 Et on n'avait personne qui venait non plus à la maison.
24:59 On était élevées en vase clos avec mon père.
25:02 Après, je suis partie en pension
25:04 avec des Dominicaines qui étaient extrêmement féministes.
25:07 Un petit miracle m'est arrivé.
25:09 Elles ne voulaient pas qu'on reste à la maison
25:12 et qu'on fasse de la couture.
25:13 Elles nous demandaient d'être médecins,
25:16 de faire partie de la vie du XXe siècle.
25:18 J'ai appris à coudre, mais ça ne leur suffisait pas.
25:21 Les Dominicaines m'aimaient beaucoup.
25:23 Elles ont dit qu'elles étaient désolées,
25:26 mais qu'il faut qu'elles s'en aillent,
25:28 parce qu'au point de vue autorité,
25:30 on a du mal maintenant avec Carole.
25:32 Mon père leur a répondu que c'était parce qu'ils ne pouvaient pas
25:36 faire la couture.
25:37 -Je pense qu'elle a beaucoup souffert de l'absence de mère.
25:41 On ne lui en parlait pas,
25:43 pour ne pas mettre à vif certaines blessures,
25:47 mais on faisait en sorte qu'elle se sente aimée et entourée.
25:52 -Il a eu un cancer qui serait guérissable,
25:55 qui est un cancer des intestins, devenu un cancer du poids.
25:58 Je lui ai promis, puisqu'il était très seul,
26:01 et ma sœur s'en occupait énormément, plus que moi,
26:05 et avant de l'emmener à l'hôpital, la veille,
26:08 il ne parlait pas, il souffrait terriblement,
26:12 et je lui ai promis que...
26:17 Je lui ai dit qu'il ne s'inquiète pas pour moi.
26:19 Je lui ai dit que je lui avais promis de me débrouiller.
26:22 "T'inquiète pas pour moi."
26:24 Musique douce
26:26 -La débrouille m'a emmenée à New York
26:29 pour un film à petit budget.
26:31 ...
26:37 J'ai rejoint la bande du Studio 54, une boîte de nuit à la mode.
26:41 -Le disco aux Etats-Unis a réalisé un chiffre d'affaires
26:44 de 22 milliards de dollars.
26:46 -Je fréquentais la bande d'Andy Warhol,
26:48 qui m'avait prise sous son aile.
26:50 Il y avait Basquiat, Patti Smith, Dali et tant d'autres.
26:53 ...
26:55 Une période folle, mais que j'ai vécue en retrait,
26:59 impressionnée par tous ces grands artistes.
27:02 J'étais taiseuse,
27:05 une petite citrouille au milieu des cendrillons,
27:08 fascinée par ce milieu artistique bouillonnant,
27:12 silencieuse, comme Gabrielle.
27:15 -Elle était une petite personne silencieuse.
27:17 Elle est très éloquente, personne ne raconte plus quel son siècle.
27:21 Elle était silencieuse, elle écoutait,
27:23 elle avait une tête de cygne noir, l'œil des cygnes.
27:26 -Jean Cocteau était l'un des meilleurs amis de Gabrielle.
27:29 Mais il y avait aussi Paul Morand,
27:31 Marc Jacob, Salvador Dali et Picasso.
27:34 ...
27:36 Après la mort de Boye-Capel,
27:38 Gabrielle se rapproche de Messiaen Cerf,
27:41 pianiste et jéri du tout Paris.
27:43 Messiaen va lui offrir son éducation artistique.
27:46 Il aidera à penser ses plaies, loin de Paris, à Venise.
27:51 ...
27:56 -Dans son appartement, rue Cambon,
27:59 elle accumule une collection d'objets,
28:01 à l'image de toutes les rencontres flamboyantes de sa vie.
28:05 Venise, 1920.
28:08 Gabrielle rencontre Diaghilev, le chorégraphe russe.
28:12 -C'était un coup du destin,
28:15 parce que grâce à ce voyage à Venise,
28:18 elle a tout découvert, l'or, le noir,
28:21 enfin, tout ce qu'elle a ensuite mis dans son décor.
28:24 Et surtout, ce qui s'est passé à Venise,
28:27 c'est que Diaghilev a retrouvé Messiaen.
28:31 Diaghilev, avec son pantalon fermé par une épingle anglaise,
28:34 crevé de faim et surtout avait besoin d'argent
28:38 pour ses danseurs, c'était sa vie.
28:40 Il voulait remonter le sacre du printemps.
28:43 Il a dit qu'il avait besoin d'une somme importante.
28:47 -Chanel, toujours silencieuse, timide,
28:49 vous imaginez, elle qui parlait ensuite,
28:52 "En veux-tu, en voilà", n'ouvrait pas la bouche.
28:55 Elle rentre à Paris,
28:56 et cette jeune femme va à l'hôtel de Diaghilev,
28:59 furieuse d'être dérangée,
29:01 descend l'escalier, reconnaît cette jeune femme
29:04 qui était avec eux à Venise,
29:06 et elle lui dit "Je vous apporte le nécessaire
29:09 "pour la reprise du sacre, à une condition, le secret."
29:12 Et a commencé ce que Grasset appelait
29:14 "la répension de la grande mademoiselle."
29:17 Musique douce
29:19 -Un engagement tourné vers le milieu intellectuel
29:22 et artistique de l'époque, dont la majorité,
29:24 il faut le dire, était sans le sou.
29:26 ...
29:28 A chacune son combat, le mien, je l'ai mené de fond
29:31 dès les années 80.
29:33 Il s'est imposé de façon viscérale,
29:35 avoir eu des enfants a changé ma vie.
29:38 ...
29:39 -Il y a un déclic qui se passe après un film
29:43 où je suis allée voir "La Déchirure".
29:46 Je suis à ce moment-là enceinte de Louis,
29:48 qui a 33 ans maintenant.
29:50 Euh...
29:52 Et on dîne après avec plusieurs amis.
29:55 On est allés rarement au cinéma avec plusieurs amis,
29:58 je sais pas pourquoi ce soir-là.
30:00 On était plusieurs, on dîne ensemble.
30:02 Et je me rends compte que...
30:05 Je suis très émue.
30:07 Euh...
30:08 Je suis sortie du film en larmes.
30:10 Et puis après, pendant le dîner,
30:12 bien évidemment, on nous revoit là, très joyeux,
30:15 très... C'est très convivial, je suis très jeune, bon.
30:18 Et je trouve qu'il y a quelque chose d'incongru dans mes larmes,
30:23 en me disant "Carole, faudrait savoir,
30:26 "si tu pleures parce que tu viens de voir ce film
30:28 "et que tu es émue par ça, alors essaie d'être cohérente."
30:32 Puisque j'ai pleuré sur...
30:34 la souffrance d'enfant mis en danger.
30:37 Alors, à ce moment-là, j'ai commencé à regarder des associations.
30:41 Euh... Qui s'occupaient d'enfants.
30:43 Et moi, je pensais le Tiers-Monde, je pensais la Rougeole,
30:46 je pensais...
30:48 Euh... D'ailleurs, ce qui est tendu à arriver dans certains pays
30:51 où ils ont pas l'argent pour les vaccins.
30:54 Et puis, il y a eu un article qui m'intéressait beaucoup,
30:57 écrit par une femme qui s'appelait Martine Brousse,
30:59 qui est toujours là,
31:01 directrice présidente de la Voix de l'Enfant.
31:03 Et je les ai appelées en leur disant
31:05 "Je voudrais venir vous voir, je voudrais vous aider,
31:08 "je sais pas comment."
31:10 Je suis allée dans le bureau, un tout petit bureau,
31:12 et le téléphone n'a pas arrêté de sonner,
31:15 on avait du mal à se parler,
31:16 de gens qui appelaient au secours pour des enfants maltraités.
31:20 Et je suis tombée des nues.
31:22 (Brouhaha)
31:25 -Porter la Voix de l'Enfant, c'est prendre au sérieux,
31:28 lorsqu'il raconte aux professeurs, à l'éducateur, aux policiers,
31:32 les violences dont il est victime.
31:34 C'est trouver des solutions pour le protéger.
31:38 Un combat qui nous a permis de changer des lois
31:40 et dont je ne me lasserai jamais.
31:42 -La Terre de Demain sera faite de ses enfants,
31:45 pas par moi, par eux.
31:46 Et j'ai des enfants, et au lieu de les élever tous les deux,
31:49 il faut bien aussi que je regarde ce qui se passe à côté
31:52 et que leurs partenaires seront ses enfants,
31:55 alors j'ai un sens de la famille élargie.
31:57 Et je me dis qu'il faut s'occuper d'eux,
32:00 si la seule politique ne suffit pas,
32:02 il faut s'occuper de ceux qui feront la Terre demain.
32:05 C'est ses enfants.
32:06 -La violence engendre la violence, la connerie engendre la connerie.
32:10 -On a souvent dit que Gabrielle Chalain n'était pas très famille.
32:13 Ce n'est pas tout à fait vrai.
32:15 Sans enfants, elle a aimé plus que tout son neveu André,
32:19 le fils d'une de ses sœurs.
32:21 ...
32:23 Cet attachement va, malgré eux,
32:26 écrire la légende noire de Gabrielle durant l'occupation.
32:30 -Elle a fermé sa maison de couture
32:32 en laissant ouverte uniquement la boutique rue Cambon
32:35 pour faire du parfum.
32:36 Ensuite, elle est partie à Corbert, dans les Pyrénées,
32:39 avec sa famille, certaines ouvrières de la maison Chanel.
32:42 -La journaliste Isabelle Fimeyer a travaillé durant 20 ans
32:46 sur la période sombre de Gabrielle.
32:48 Une Gabrielle qui se compromet pour sauver André,
32:51 ce fameux neveu qu'elle aime tant, de la mort.
32:54 -En fait, le vrai nœud de tout ça,
32:56 ce pourquoi on l'accuse et que personne ne comprend,
32:59 c'est qu'elle a accepté l'aide de l'ennemi pour sauver son neveu.
33:03 Il a donc été fait prisonnier très tôt, en 40.
33:06 Quand elle l'a su, elle est revenue à Paris, en août 40,
33:10 et c'est là que tout a commencé,
33:13 parce que les Allemands ont compris qu'ils pouvaient la tenir.
33:17 -Les Allemands libèrent André
33:19 et espèrent ainsi enrôler Gabrielle.
33:22 Elle connaît Churchill,
33:24 il nourrit de nombreuses amitiés avec la famille royale britannique.
33:28 Elle pourrait être utile.
33:29 Il n'en saura rien.
33:31 Isabelle Fimeyer a découvert un document secret défense
33:34 qui confirmerait que Gabrielle n'a jamais livré la moindre information.
33:39 -Ce qui est écrit noir sur blanc, c'est qu'elle n'a fourni
33:42 aucun renseignement.
33:44 C'est formidable de voir sur ces trois pages-là
33:47 qu'elle est lavée de tout soupçon.
33:49 Ce n'est pas une espionne nazie,
33:51 elle n'a pas travaillé, elle n'a pas collaboré.
33:54 Les documents sont là.
33:55 Musique douce
33:57 -Mais Gabrielle Chanel multiplie les faux de patriotisme.
34:01 Elle est un peu critique.
34:02 D'abord, elle continue de loger au Ritz,
34:05 symbole de l'occupation allemande.
34:07 Elle habite une petite chambre dans la partie non réquisitionnée.
34:11 Mais cette proximité avec les nazis la rend suspecte.
34:14 ...
34:17 Surtout, elle fréquente depuis les années 30
34:20 Hans Gunther von Dinklage, un playboy anglo-allemand.
34:24 Ce qui lui sera reproché à la Libération.
34:27 ...
34:32 A 61 ans, Gabrielle quitte la France
34:35 et s'installe à Lausanne, en Suisse, avec son amant,
34:38 Hans Gunther von Dinklage,
34:41 las des accusations.
34:42 Fini la couture, mais l'argent coule à flot
34:45 grâce à une création de 1921,
34:48 le parfum numéro 5.
34:50 ...
34:52 -Elle est vraiment la première couturière femme
34:55 à créer son propre parfum.
34:57 Et à lui donner son nom.
34:59 -Quelle époque, là ?
35:01 -Ca, c'est 1921.
35:03 Elle a souhaité rompre, on va dire,
35:05 avec la tradition naturaliste, florale,
35:08 dans la parfumerie... -Du Muguet.
35:11 -Voilà. Des roses, etc.
35:13 Je pense qu'elle a voulu juste se concentrer sur les parfums.
35:17 Et la présentation, le faire le plus radicalement simple possible.
35:21 Ca correspond absolument avec sa vision pour la mode,
35:25 avec ses minimalismes, ses simplicités,
35:28 cette esthétique épurée de ses créations,
35:31 de la mode.
35:33 C'est cohérent avec toute sa vision.
35:36 -Le fameux numéro 5,
35:37 aujourd'hui encore l'un des parfums les plus vendus au monde.
35:41 ...
35:52 Si le 5 fait la fortune de Gabrielle,
35:55 il lui fera aussi porter le soupçon de l'antisémitisme.
35:58 ...
36:00 En 1924, elle confie la commercialisation de son parfum
36:04 à Pierre et Paul Vertemère,
36:06 deux frères brillants industriels.
36:09 L'occupation allemande, en 1940, va changer la donne.
36:14 Pour récupérer des parts dans la société des parfums Chanel,
36:19 dans un courrier glaçant de mai 1941,
36:22 Gabrielle Chanel se porte acquéreur des actions des parfums Chanel.
36:26 Est-ce par opportunisme, sur des conseils mal avisés ?
36:31 Cette lettre, sur laquelle elle n'a pas à poser sa signature,
36:36 ne livrera jamais ses secrets.
36:39 Pourtant, cette lettre n'entachera jamais sa relation
36:42 avec les Vertemères, d'après Isabelle Fimilière.
36:46 -En 1946, ils se sont retrouvés à New York,
36:50 et en 1947, ils ont revu ensemble, cette fois-ci à Paris,
36:55 les termes du contrat qui ne la satisfaisaient pas,
36:58 mais ils le savaient bien avant-guerre.
37:01 Avant-guerre, ils devaient revoir ces pourcentages, bien sûr.
37:05 -"Une femme irréprochable, j'en ai connu une,
37:08 "et j'ai eu la chance de l'incarner,
37:11 "la résistante Lucie Aubrac, héroïne du siècle passé."
37:15 -Réflexion que j'avais eue avec Lucie Aubrac,
37:18 j'ai eu une engueulade avec Claude Berry,
37:20 qui veut qu'elle ait un sac à la main,
37:23 alors qu'elle a son vélo, son truc,
37:25 je lui dis qu'elle ne peut pas avoir un sac à la main,
37:28 Lucie Aubrac arrive, on tourne,
37:30 et elle me dit "Mais qu'est-ce que c'est que ce sac ?"
37:33 "C'est Claude qui m'a dit que vous aviez un sac, Lucie."
37:36 "J'ai jamais eu de sac, je mettais tout dans mes poches,
37:40 "ça empêche de marcher un sac." J'étais assez contente.
37:43 Musique de violon
37:46 -Christian Dior vous dit tout, madame, sur sa collection d'automne.
37:50 -Après guerre, Christian Dior règne désormais sur la molle.
37:55 Son "new look", salué par la presse,
37:57 fait revivre les tailles cintrées,
38:00 le corset, les poitrines généreuses.
38:03 Musique de violon
38:06 Les nouvelles stars de la couture s'appellent Pierre Balmain,
38:09 Jacques Fatt, Hubert de Givenchy, que des hommes.
38:12 Musique de violon
38:14 Les années 50 voient le retour des froufrous, des bustes fins,
38:18 les talons augmentent, la femme s'érotise, devient fatale,
38:22 tout ce que Gabriel déteste.
38:24 Musique de violon
38:27 -La mode de ces 10 dernières années a été très souvent excentrique.
38:31 Y a-t-il des excentricités que vous tolérez ?
38:34 -Je n'ai pas trouvé la mode excentrique,
38:37 je l'ai trouvé extravagante, ce qui n'est pas la même chose.
38:40 Je n'aime pas l'extravagance.
38:42 -Elle aimait être entourée de très jolies dames.
38:45 Elle appréciait la beauté des femmes d'une façon exceptionnelle.
38:50 -C'est pour ça qu'elle les habillait si bien.
38:52 -Tout à fait.
38:54 -Il faut aimer les femmes pour les habiller si bien.
38:57 -Sans doute.
38:58 -Il faut pas être jaloux, il faut pas être en viol.
39:01 -Pas du tout. Elle adorait ses mannequins.
39:04 D'abord, c'était des femmes du monde,
39:06 c'est-à-dire très élégantes, raffinées, bien élevées.
39:09 Elle n'acceptait pas la vulgarité.
39:12 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:15 -Oui.
39:16 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:19 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:22 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:25 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:28 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:30 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:33 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:36 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:39 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:42 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:44 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:47 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:50 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:53 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:56 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
39:58 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:01 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:04 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:07 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:10 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:12 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:15 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:18 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:21 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:23 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:26 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:29 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:32 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:34 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:37 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:40 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:42 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:45 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:48 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:50 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:53 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:56 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
40:58 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:01 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:04 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:07 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:09 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:12 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:15 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:17 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:20 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:23 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:25 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:28 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:31 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:33 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:36 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:39 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:41 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:44 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:47 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:49 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:52 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:55 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
41:57 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:00 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:02 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:05 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:08 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:10 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:13 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:16 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:18 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:21 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:24 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:26 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:29 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:31 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:34 -C'est un peu comme si elle avait une petite sœur.
42:37 -Ca m'est jamais traversé l'esprit
42:39 de m'habiller d'une certaine manière pour séduire un homme.
42:43 Je pense que j'étais chaque fois, en tous les cas,
42:46 avec mon pantalon noir en hiver et ma chemise blanche.
42:50 Ca fait des années que ça dure.
42:52 Maintenant, je fais des efforts,
42:54 parce que le temps passant, il faut faire les efforts.
42:58 C'est-à-dire qu'effectivement, cette beauté de l'extrême jeunesse
43:02 qui peut se contenter de rien,
43:05 ce n'est pas le cas en vieillissant.
43:08 Il faut trouver les subterfuges.
43:10 Il faut s'arranger un peu avec la réalité.
43:13 Je fais plus attention maintenant que je ne faisais quand j'étais jeune.
43:17 -En vieillissant, on change.
43:20 A la fin de sa vie, Gabrielle était devenue un peu soupaulée,
43:24 critiquant l'époque, la politique, la mode.
43:28 -Il y a 20 ans, le new look et les minijupes.
43:31 Comme je trouve les deux très, très laids,
43:34 je me demande si ça ne se tient pas, à votre avis.
43:37 -C'est affreusement démodé.
43:39 C'est difficile de juger une mode qui n'est pas une vraie mode.
43:43 -Et les minijupes ? -Je déteste ça.
43:47 Je trouve ça sans pudeur, affreux. Je ne comprends pas pourquoi.
43:50 Ca ne plait à aucun homme. Je ne connais pas un homme auquel ça plaît.
43:54 C'est pour plaire à qui ?
43:55 -C'est une dame âgée et un peu seule que rencontre Claude Delay.
43:59 -Vous l'avez rencontrée comment ?
44:02 -Par hasard. -Mademoiselle, par hasard.
44:04 -Je bénis ce hasard. Elle ne croyait qu'au hasard.
44:08 Elle sortait du Ritz à 12h30. Je ne le savais pas.
44:11 Je sortais de la Sorbonne, j'avais des livres sur le bras.
44:14 Chanel arrive, se plante devant moi et me dit
44:17 "Vous en avez de la chance d'avoir du temps pour lire.
44:20 "Moi, je vis comme une prisonnière."
44:23 Spontanément, je lui tends les livres.
44:26 "Je n'ai pas le temps, heureusement, c'était Marguerite Duras.
44:29 "Elle l'aurait détestée."
44:30 Elle me dit "Je n'ai pas le temps, venez déjeuner avec moi demain."
44:34 Je suis allée et je suis retournée pendant dix ans.
44:39 Je suis même allée dîner aussi beaucoup.
44:42 Quand mon mari partait, je partais vite dîner chez Chanel.
44:45 Le soir, c'était un scénario.
44:48 Elle descendait les escaliers,
44:50 quand on avait fini, il fallait rentrer dormir au Ritz.
44:54 Et elle avait horreur de rentrer seule.
44:59 Elle s'arrêtait à chaque marche
45:01 et elle commençait une histoire.
45:04 C'était toujours passionnant pour ne pas rentrer.
45:07 Mais vous comprenez, c'était...
45:09 J'avais le sentiment, en la conduisant, en sa porte bouchant,
45:12 d'être une criminelle.
45:13 - On la laissait seule ? - Oui.
45:15 Elle disait "Il n'y a rien de pire que la solitude.
45:18 "Si, la solitude a deux."
45:20 - Oui. - C'est vrai.
45:22 - Ça, c'est pas terrible.
45:23 - Les femmes ne sont pas heureuses dans une époque comme celle-ci.
45:26 On ne les aime pas. Elles n'ont besoin que de ça.
45:29 Une femme qui n'est pas aimée est nulle.
45:31 Et puis, c'est tout.
45:32 À quel âge qu'elle est,
45:35 jeune, vieille, mère, amante, tout ce que vous voudrez,
45:39 une femme qui n'est pas aimée est perdue.
45:41 - Etsolée, plutôt que seule,
45:44 Gabrielle Chanel s'accroche jusqu'au bout à sa maison de couture,
45:47 sa raison d'être.
45:48 - Une maison familiale, elle n'en a jamais eu.
45:50 Elle a vécu à l'hôtel.
45:52 Enfin, il y a eu le grand appartement du Faubourg Saint-Honoré
45:55 qu'elle a quitté ensuite.
45:57 Deux paravents, elle est livre.
45:59 - Oui, mais c'est pour ça qu'on ne s'invente pas...
46:01 - On ne s'invente pas une maison de famille si on ne l'a pas.
46:05 Ça n'a pas de sens.
46:06 J'ai une maison à Pantelleria, en Sicile.
46:08 Pendant des années, je n'ai jamais eu de maison.
46:11 Je visitais des maisons très belles en France pendant 20 ans.
46:14 Et je me suis dit, mais je...
46:16 Qu'est-ce que je vais créer ? C'est pas chez moi,
46:20 je ne vais pas faire semblant d'avoir des objets
46:24 que je vais acheter qui ne sont pas de mon histoire.
46:26 Parce que je n'ai pas hérité.
46:28 Je ne suis pas allée acheter un palais en Toscane,
46:31 je ne suis pas allée acheter quelque chose
46:33 qui ne m'appartenait pas.
46:35 J'ai acheté du coup des terres vierges
46:37 avec des toutes petites...
46:39 maisons en pierre noire volcanique.
46:42 Et de ça, j'ai fait une maison.
46:45 Mais ça a commencé, et c'est toujours très modeste,
46:48 mais parce que je n'allais pas construire...
46:50 J'aurais adoré naître dans une maison viscontienne,
46:53 c'est-à-dire avec toute l'histoire qui va avec,
46:56 mais si elle m'appartenait.
46:58 Mes deux fils sont...
47:00 les deux êtres les plus importants dans ma vie.
47:04 Et je crois que j'ai aimé la vie grâce à eux.
47:09 Je pense que j'étais peut-être assez douée,
47:12 mais en même temps, quelque chose de mélancolique chez moi.
47:15 J'ai regardé le monde avec leurs yeux,
47:17 avec un enfant de un mois, six mois, un an, deux ans, trois ans.
47:21 J'ai tellement aimé être avec eux, enfants,
47:24 j'ai tellement été...
47:25 C'était une telle joie pour moi
47:28 que j'espère que je leur ai appris
47:32 certaines choses et que je leur ai transmis...
47:35 Voilà, quelques belles choses.
47:39 Entre autres, Pantelleria, qui est chez eux,
47:42 et qu'ils aiment passionnément.
47:46 Transmettre.
47:47 Je leur laisserai donc cette terre,
47:49 comme Gabriel nous a laissé son nom.
47:52 Pouvait-elle imaginer, au soir de sa vie,
47:55 que celui-ci résonnerait, aujourd'hui encore,
47:58 dans le monde entier ?
48:00 Voilà, voilà, cette demoiselle qui était formidable
48:04 et qui, la veille de son départ,
48:07 m'a dit un au revoir que je n'oublierai jamais.
48:11 Mais un au revoir qui était sans lendemain.
48:14 -Et elle m'a dit, tu sais,
48:16 "Je ne résisterai pas, demain,
48:18 "à refaire cette robe à faux-cul que portait ma mère."
48:21 Elle était en pleine collection.
48:23 Je l'ai quittée deux heures avant sa mort
48:26 sur le trottoir du Ritz,
48:28 et son dernier mot a été "Je travaille demain."
48:31 C'est quand même formidable.
48:33 Et elle s'est engouffrée
48:36 dans cette porte de verre de tous les hôtels du monde.
48:39 Moi, c'était la dernière fois que j'ai vu.
48:42 -Gabrielle s'est éteinte un dimanche,
48:45 à l'âge de 87 ans, en janvier 1971.
48:49 Musique douce
48:51 -En l'église de la Madeleine,
48:54 Paris a rendu ce matin un dernier hommage à Coco Chanel.
48:59 Très nombreux étaient ses amis réunis pour cet ultime adieu
49:02 à la reine de la mode qui a si profondément marqué notre époque.
49:06 ...
49:20 Son style est éternel.
49:21 D'autres lui ont succédé,
49:24 comme Gaston Bertolo, Virginie Viard,
49:26 ou encore l'incontournable Karl Lagerfeld.
49:30 -Il est amusant de faire un style déterminé
49:33 comme une espèce d'exercice de style.
49:36 C'est ça qui m'avait tenté dans l'aventure Chanel.
49:39 -Il disait toujours que si Gabrielle voyait son travail,
49:44 elle l'aurait viré sur le champ.
49:46 -Toute mode doit suivre une mode quelconque.
49:49 Même si le style Chanel n'est pas soumis à un changement saisonnier,
49:53 il doit, dans son aspect général, avoir un petit côté up-to-date.
49:57 Sinon, la mode ne peut pas se tannier.
49:59 Donc, il faut continuer, il faut marcher,
50:02 il faut aller avec son temps.
50:04 Il faut continuer son mode.
50:05 Musique douce
50:08 -C'est parce que Gabrielle a tout donné de son vivant
50:11 que son nom Chanel est encore aujourd'hui au firmament.
50:15 C'est cette certaine idée de la femme libre,
50:19 sans entrave, et surtout audacieuse,
50:22 que Gabrielle m'a transmise, nous a transmises,
50:25 pour l'éternité.
50:27 Musique douce
50:30 ...
50:59 ...

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