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00:00C'était il y a trois ans, presque jour pour jour. Le 4 mai 2021, Shaïnez Daoud était tuée par son ex-mari, immolé par le feu, devant sa maison de Mérignac.
00:09Un drame qui a profondément marqué au-delà des limites de la Gironde. Alors qu'est-ce qui a changé depuis ?
00:14Eh bien, on va poser la question à Naïma Chahayed, la directrice de la PAFED, l'association pour l'accueil des femmes en difficulté.
00:20Elle est bien sûr notre invitée ce matin, Marie Roarch.
00:22Bonjour Naïma Chahayed.
00:23Bonjour.
00:24Qu'est-ce qu'elle a déclenché, cette affaire Shaïnez, il y a trois ans ? Est-ce qu'elle a impulsé une forme de changement ?
00:30Une onde de choc, je crois. Il y avait eu le mouvement MeToo, le Grenelle contre les violences conjugales.
00:36Mais ce drame abominable aux portes de la ville de Bordeaux, je crois, une onde de choc et puis une mobilisation nationale.
00:48Les associations, les citoyennes, les citoyens, les politiques étaient au pied du mur sur la question des violences conjugales.
00:56Et ils ont été obligés de prendre à bras le corps ce sujet qui est un phénomène sociétal, un fléau même.
01:03Donc, plus de 200 000 femmes qui sont victimes chaque année de violences conjugales et intrafamiliales.
01:09Et Madame Shaïnez Daoud, malheureusement ou heureusement, a permis de faire avancer le droit des femmes et notamment la question des violences conjugales.
01:18Les associations comme les nôtres réclamaient depuis un certain temps de se référer au modèle espagnol.
01:25Notamment sur les parquets spécialisés.
01:28Des juridictions spécialisées qui sont dédiées à ces violences ?
01:31Absolument. Il y a quelques semaines de cela, la procureure de la République avec la préfète à l'égalité des chances
01:38ont lancé le parquet vif sur la ville de Bordeaux et sur la ville de Libourne.
01:45Donc, une avancée considérable qui va permettre à la fois à la justice pénale et à la justice civile de se parler
01:53pour éviter les drames de Madame Daoud.
01:56Et ce que ça a permis aussi, et je crois que c'est la mobilisation citoyenne qui a permis cela,
02:02avec les associations en première ligne évidemment,
02:04c'est de réclamer que les bracelets anti-rapprochement sortent des tiroirs,
02:09que les téléphones grave danger soient mobilisables et mobilisés à l'instant où la femme le demande,
02:15notamment dans le cadre d'une ordonnance de protection, pour protéger les femmes et les enfants.
02:22Dans le cas des violences conjugales, il y a évidemment les femmes qui sont les premières victimes
02:27et depuis 2021, les enfants sont aussi considérés comme des victimes à part entière.
02:32Et ça, je crois qu'on le doit à Madame Daoud.
02:35On a demandé à nos auditeurs ce matin à Aïma Chareyz s'ils pensaient qu'on en faisait assez
02:39pour lutter contre les violences faites aux femmes.
02:41Alors, on va écouter la réponse de Marie Odile, une Bordelaise, pour elle c'est non,
02:45et elle évoque un manque de moyens. On l'écoute.
02:47La volonté est là. Les idées sont là aussi.
02:50Mais derrière, les applications ne se font pas.
02:53Il n'y a pas de sous. Il faut le dire, il faut être clair en France.
02:56Je pense qu'il y a un problème de sous qui ne va pas au bon endroit.
02:58Alors vous évoquez tout à l'heure ces téléphones grave danger, ces bracelets anti-rapprochement.
03:02Aujourd'hui en Gironde, il y a 170 téléphones grave danger,
03:05donc c'est ces téléphones que les femmes peuvent activer lorsqu'elles se sentent en danger.
03:0935 bracelets anti-rapprochement, ça c'est pour les conjoints qui ont été condamnés pour des violences.
03:14Est-ce que, comme Marie Odile, vous pensez qu'il y a un manque de moyens malgré tout ?
03:17Est-ce qu'on met pas assez de moyens sur cette lutte contre les violences faites aux femmes ?
03:20Alors, je serais malhonnête de dire qu'il n'y a pas eu de moyens supplémentaires.
03:25Est-ce qu'ils sont suffisants ? Je ne le crois pas.
03:28Parce que lorsqu'on mobilise par exemple les services de gendarmerie ou de police,
03:33ou les services de justice, si vous êtes à moyens constants,
03:37évidemment il va y avoir une difficulté à la prise en charge et à l'accompagnement de ces femmes.
03:42Donc il faut davantage de moyens pour les services de police, de gendarmerie et de justice
03:46pour traiter dans l'immédiateté et de mettre en sécurité les femmes et les enfants.
03:51Et évidemment, des moyens supplémentaires pour les associations.
03:54C'est la Fondation des Femmes qui le dit.
03:56Il manque un milliard pour les violences faites aux femmes et notamment les violences conjugales.
04:01Donc il n'y a pas assez de moyens pour traiter ce sujet majeur.
04:04Vous qui recevez des femmes dans votre association, la PAFED,
04:07est-ce que l'affaire Chahinez a pu libérer la parole de femmes qui se sont dit
04:11ça peut m'arriver ? Ce qui est arrivé à Chahinez Daoud, ça peut m'arriver ?
04:15Alors, je ne sais pas si on peut le lier au féminicide de Mérignac et au décès de Madame Daoud.
04:23Je pense que MeToo a été une révolution, je crois, pour la libération des femmes.
04:30On le voit encore aujourd'hui, les femmes décident de prendre la parole, de dire stop.
04:35Donc que les violences que je subis au sein de ma famille, dans mon foyer ne sont plus acceptables.
04:41Je crois que MeToo a engagé une révolution et le décès de Madame Daoud a poursuivi cette révolution.
04:48Il est 7h49 sur France Bleu, j'ai notre invitée ce matin, Naïma Charaï,
04:52directrice de la PAFED, l'association pour l'accueil des femmes en difficulté sur France Bleu.
04:56L'Assemblée nationale qui crée hier une commission d'enquête sur les abus, les violences dans le cinéma,
05:01l'audiovisuel, le spectacle vivant, la mode, la publicité, tout un tas de secteurs dont on parle beaucoup.
05:05Ces derniers temps, il y a l'affaire Depardieu qui est un exemple parmi d'autres malheureusement.
05:11On continue dans ce sens de la libération de la parole, on avance avec ça, Naïma Charaï ?
05:15Enfin ! Enfin, quand je vois la manière dont a été traité Adèle Haenel,
05:21notamment sur la remise des Césars, qui a été la première à dénoncer ça dans le cinéma,
05:27trois ans, comment elle a été mise au banc du cinéma,
05:30et donc il y a une évolution qui est majeure, cette commission parlementaire,
05:35vraiment c'est une extrême bonne nouvelle,
05:38mais en même temps, on voit que la civisme est démantelée,
05:41donc comment cette commission d'enquête va permettre de relancer la civisme,
05:46notamment contre l'inceste.
05:48Oui, mais les violences intrafamiliales, et je crois que c'est un continuum les violences faites aux femmes.
05:54On ne peut pas dissocier la question des violences intrafamiliales, des violences sexistes et sexuelles,
05:59et des violences conjugales, il y a un continuum.
06:01Donc je pense que cette commission parlementaire va permettre de remettre à plat
06:06la question du traitement des violences dans le monde du cinéma et dans le monde artistique,
06:13et c'est le début, je crois.
06:15On traite les symptômes, on traite les violences, ce qui les provoque,
06:20on essaye de mettre les agresseurs en prison, en tout cas de les juger,
06:26est-ce qu'on traite selon vous suffisamment ce qui est à l'origine les préjugés,
06:31les préjugés sexistes notamment, est-ce qu'on œuvre assez à ce niveau-là ?
06:35Ce qui est fondamental, je crois que c'est l'éducation des enfants, dès le plus jeune âge.
06:39Il y a quelques années de cela, je me souviens d'une ancienne ministre
06:43qui avait mis en place les ABCD de l'égalité,
06:48pour permettre à l'école, dès le plus jeune âge,
06:51qu'on soit une fille ou un garçon, d'intégrer la culture de l'égalité.
06:55Si on ne travaille pas sur la question de l'éducation,
06:58sur la question qu'est-ce qui fait que je suis égale à toi,
07:02quel que soit le genre, si on ne traite pas cette question-là dès le plus jeune âge,
07:06nous serons encore sur le curatif et on aura, comme notre association,
07:11des milliers de femmes qui nous appellent pour essayer de les accompagner,
07:16ou comme l'année dernière, 300 femmes et enfants que nous avons hébergées
07:20parce qu'on n'aura pas traité cette question d'un point de vue préventif
07:23et d'un point de vue de l'éducation.
07:25D'autant qu'au-delà de tout ça, on a aussi des positions conservatrices
07:30qui se font entendre de plus en plus, malgré les mouvements MeToo,
07:33malgré la libération de la parole.
07:35Ils hurlent, en meute, on le voit bien,
07:41le rapport du Haut Conseil à l'égalité indique qu'il y a une montée du sexisme en France
07:49et notamment chez les jeunes, chez les 16-25 ans.
07:52Et on voit, dès qu'il y a une avancée sur le droit des femmes,
07:56et on l'a vu avec la constitutionnalisation de l'IVG,
08:00il y a, en face, le camp conservateur réactionnaire
08:04qui essaye de faire reculer le droit des femmes.
08:06Donc cette question du droit des femmes, elle est essentielle,
08:09elle est toujours vivace et on voit les incels,
08:12comme on dit aux Etats-Unis, ou les masculinistes en France,
08:15essayent de faire reculer le droit des femmes
08:18et face à eux, ils auront toujours des féministes comme moi.
08:21Merci beaucoup Naïma Charaï d'être venue ce matin sur France Bleu Gironde.
08:25Je rappelle que vous êtes la directrice de l'APAFED,
08:27c'est l'association pour l'accueil des femmes en difficulté
08:29qui a une ligne d'écoute qui est joignable,
08:32je donne le numéro 0556 40 93 66
08:36pour toutes les femmes victimes de violences conjugales.
08:38Merci à vous.
08:39Évidemment, vous retrouvez toutes ces infos sur francebleu.fr
08:41ainsi que cette interview en vidéo sur notre site internet.

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