Jean-Luc Ployé, expert psychologue, originaire de l’Aube, a réalisé plus de 13 000 expertises d’auteurs d’infractions et de victimes dans tout type d’affaires : violence, meurtre mais aussi les viols et agressions sexuelles. Il livre son regard sur le rapport des jeunes à la violence, ses manifestations et ses causes.
Propos recueillis par Orianne Roger / Réalisation : Glenn Essoly
Propos recueillis par Orianne Roger / Réalisation : Glenn Essoly
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Est-ce que vous pouvez peut-être nous dire en quelques mots ce que vous avez pu observer
00:10 avec votre expérience sur le fonctionnement de la violence chez les jeunes et peut-être
00:13 pourquoi aujourd'hui on a l'impression qu'elle est plus importante ?
00:16 Moi vous savez dans ma profession je reçois beaucoup de jeunes effectivement qui sont
00:21 soit auteurs soit victimes de violences.
00:25 J'ai une espèce de baromètre mais également de réceptacle en quelque sorte et je recueille
00:30 un petit peu leurs paroles.
00:31 Est-ce que je me rends compte quand même de grosses difficultés que rencontre notre
00:36 jeunesse actuellement qui est d'une part liée je pense de façon quand même à mon
00:41 avis évidente depuis deux trois ans aux effets du confinement.
00:45 J'observe également énormément de fragilité chez les jeunes avec effectivement des mécanismes
00:53 comme ça de nécessité d'appartenir à un groupe, ce que j'appelle le groupe d'appartenance
00:59 où effectivement on se rend compte qu'il y a des violences qui sont partagées, qui
01:02 sont subies ou exercées dans des espaces où il n'y a que des adolescents d'ailleurs
01:07 dans un premier temps.
01:08 Par exemple au niveau également de la répercussion des écrans ou des portables, je me rends
01:16 compte aussi que non seulement la violence doit être partagée immédiatement entre
01:20 eux, autrement ils n'appartiennent pas au groupe et ça devient extrêmement difficile
01:25 mais surtout elle est également prise par vidéo et systématiquement véhiculée sur
01:32 tous les réseaux sociaux.
01:33 C'est quelque chose qui leur appartient en quelque sorte.
01:36 Entre ce moment-là et le moment du passage à l'acte, est-ce qu'il y a une prise de
01:39 conscience de ce qu'on est en train de faire ? Est-ce qu'il y a une prise de conscience
01:42 après l'acte ? On a vu beaucoup de jeunes décéder soit sous des poux soit…
01:46 Oui, la question de la prise de conscience à mon avis est très importante parce qu'en
01:49 fait à partir du moment où on prend conscience, ça veut dire qu'on va réfléchir, analyser
01:54 et peut-être intégrer autre chose.
01:55 La difficulté c'est qu'au moment du passage à l'acte, dans tous les cas, il y a une
02:00 espèce d'étanchéité, de non-étanchéité.
02:03 Il n'y a plus de frontière entre le virtuel qu'ils ont absorbé, subi par le visionnage
02:12 des réseaux sociaux ou des écrans etc. avec une espèce de ce que j'appelle le mode
02:17 de mémoire traumatique cérébrale en quelque sorte.
02:20 Ils n'échangent pas, ils ne communiquent pas, ils absorbent.
02:22 Et au niveau du passage à l'acte, ils vont ressortir cette violence.
02:26 Donc à ce moment-là, quand moi je les vois très peu de temps après le passage à l'acte,
02:32 quand on me demande de les examiner par exemple, ce qui est tout à fait particulier et ce
02:36 que j'évoque comme étant à mon avis une espèce d'altération de leur discernement
02:44 au moment des faits, entre le bien et le mal par exemple, ça n'excuse en rien leur
02:49 passage à l'acte, ce n'est pas du tout ce que je veux dire.
02:52 Mais en fait, ils n'ont pas forcément conscience de ce qu'ils ont fait, réellement si vous
02:55 voulez.
02:56 Et donc il faut un temps beaucoup plus important pour qu'ils prennent conscience de ce qui
03:00 s'est passé.
03:01 [Musique]
03:11 Merci.
03:12 Merci à tous !