• il y a 7 mois
Transcription
00:00Jonathan bonjour. Bonjour. Alors Jonathan, tu es ce qu'on appelle une des victimes d'outreau.
00:10Quelle enfance as-tu ? Moi j'ai eu une enfance meurtrie par la violence, les viols, les coups.
00:19Qui te violait ? Mes parents et d'autres personnes. Des personnes qui venaient chez tes parents ? Des
00:27personnes qui venaient chez mes parents et qui étaient payées et qui certains donnaient de
00:32l'argent pour nous violer. Donc c'était de la prostitution aussi ? Oui. Et c'était régulier,
00:41c'était toutes les semaines, c'était quand ? Plusieurs fois par semaine. Plusieurs fois par
00:46semaine ? Entre quel âge et quel âge ? De mes souvenirs, deux ans à six ans. Deux ans à six
00:54ans. Au moment où on arrêtait définitivement les visites fratries. Chez tes parents,
00:58quelle était l'ambiance ? Il paraît qu'il y avait des cassettes porno en permanence à la télé.
01:02Tout le temps. Il y avait des cassettes pornographiques constamment qui tournaient
01:10à la télé. On mangeait toujours la même chose, c'était des cris, des coups. Mais pour moi
01:22personnellement de la joie parce que pour moi c'était normal. Tu ne savais pas qu'il y avait
01:31autre chose ? Non, non, non. Tu pensais qu'être un enfant c'était ça ? Oui, moi j'étais intimement
01:38convaincu que tout le monde vivait la même chose. Et un jour tes parents ont été arrêtés ? Oui,
01:45moi j'ai été placé en février 2001. En février 2000, pardon, mes parents ont été arrêtés en 2001
01:53pour viol, proxénétisme et viol sur mineurs de moins de 15 ans. Et là démarre l'affaire Outreau.
02:06A l'époque tu as un tout petit enfant encore ? J'ai cinq ans et demi. Quand je suis arrivé en
02:14famille d'accueil, j'allais avoir six ans trois mois après. Donc j'avais cinq ans et demi à
02:21l'époque où je rentre en famille d'accueil pour la deuxième fois parce que j'avais déjà été en
02:27famille d'accueil avant et d'une façon plus formelle. Et tu as entendu par des enquêteurs ?
02:34Oui, mes premières conditions ont été très compliquées parce que je riais. En fait j'étais
02:44tellement persuadé que ce que je vivais était normal que pour moi j'étais capable de raconter
02:51les pires horreurs tout en riant, tout en ayant une certaine normalité dans ce que je racontais.
02:57Comme je te l'ai dit, j'étais convaincu que tous les enfants vivaient la même chose.
03:06A l'école tu en avais parlé à des petits copains ou pas ?
03:09Absolument pas.
03:11Donc tu sentais bien qu'il y avait quelque chose de pas tout à fait normal ?
03:14C'est d'ailleurs ce qui m'avait été dit à l'époque. Déjà on n'y passait pas beaucoup de
03:22temps à l'école à l'époque. Nous on versait les enfants mais les profs commençaient à se
03:31poser des questions. Le directeur de l'école pareil. Ce qui avait amené à se poser un certain
03:41nombre de questions sur ce qu'on pouvait vivre à la maison.
03:45Les services sociaux ont joué un rôle positif ou négatif à ce moment-là ?
03:50A partir du moment où j'ai commencé à dénoncer les faits, il s'est passé neuf mois où les
04:01services sociaux se sont renvoyés la balle entre le palais de justice et tout ce qui s'en suivait.
04:08Ils se sont écrits un nombre inversemblable de rapports. Il y a eu un certain nombre de
04:13signalements qui ont été faits. Ils ne voulaient pas nous enlever de chez nos parents.
04:20Combien d'enfants ont défilé dans l'appartement de la Tour du Renard ?
04:25Énormément. Mais tous n'ont pas été reconnus. Nous on est douze.
04:35Ça a duré combien de temps ces soirées ?
04:39De mon souvenir, quatre ans.
04:41De quel âge à quel âge ?
04:42De deux ans à six ans. Mais un rapport explique que ça a dû commencer entre neuf mois et un an.
04:59Qu'est-ce que tu veux dire ? Ça a commencé avant encore ?
05:02Oui. Il explique que pour lui il n'y a pas de traces de sodomie.
05:14Il faut savoir que l'anus se résorbe en trois semaines.
05:19Tu peux très bien violer un enfant et trois semaines après il aura l'anus aussi parfait qu'il l'était trois semaines avant.
05:30J'ai eu une reconstitution anale complète. Ils disent que le sanctuaire était amoindri.
05:40Ils ne pouvaient pas m'exclure d'une sodomie répétée.
05:46Après ce sont des termes médicaux qui sont un peu difficiles à expliquer.
05:52Ensuite tu t'es retrouvé au premier procès.
05:55Oui en 2004 à Saint-Omer.
05:58Donc tu avais quel âge ? Neuf ans ?
06:01Dix ans. Je suis né en 1994 donc dix ans.
06:06Comment tu as vécu les choses ?
06:08Ça a été très compliqué parce qu'on n'est pas préparé. A aucun moment on n'est préparé à ça.
06:14Ni dans la façon comment ça va se passer, ni dans la façon comment on allait déposer à la barre.
06:22On ne savait même pas qu'on allait… rien en fait.
06:27On va te poser des questions, tu réponds, point barre.
06:31De ce procès vont sortir des accusations et des peines pour très accusés.
06:37Et puis tu te retrouves plus tard à un deuxième procès en appel et là l'histoire se retourne.
06:44Ça devient ce que les gens appellent aujourd'hui l'affaire Doutreau, le fameux fiasco judiciaire.
06:50Et là, qu'est-ce qui s'est passé entre temps en te remettant dans ton âme d'enfant de cet âge-là
06:58pour que subitement ces coupables deviennent des gens innocents ?
07:03Qu'est-ce que tu comprends à ça à ce moment-là ?
07:06Rien. C'est une incompréhension totale.
07:11Comment es-tu traité par les avocats au deuxième procès ?
07:14En fait le problème c'est qu'on nous posait une question.
07:18Mais on n'avait pas le temps de répondre à la première question qu'une deuxième question avait été posée.
07:23Et en fait, vu qu'il y avait une contradiction, forcément, parce qu'on répondait à la première et non à la deuxième,
07:29donc ils expliquaient que les enfants n'en savent rien, donc du coup ils mentent.
07:33Et vous essayez de leur dire « mais non, on ne ment pas, on dit la vérité ».
07:37En fait le problème c'est que le rapport de force, parce qu'on s'est sentis non protégés.
07:48En fait j'aurais aimé qu'on se lève et qu'on dise « stop ».
07:51En fait on s'adresse à des enfants et on ne s'adresse pas à un prévenu qui a 25 ans et qui est capable de se défendre.
08:01Alors qu'ils savaient de toute façon ce qu'on a vécu pendant des années, ils le savaient.
08:07Donc c'est un espèce d'acharnement supplémentaire qu'ils n'auraient jamais dû avoir lu.
08:14Et à quel âge as-tu pris conscience que ton passé, ce qui s'était passé,
08:20avait servi un but bien précis qui était d'acquitter des gens
08:26pour qu'ensuite on n'écoute plus jamais la parole des enfants
08:29puisque soi-disant vous aviez menti ?
08:31Tu as pris conscience de ça à quel âge ? À 15 ans ?
08:34Beaucoup plus tard, parce que j'ai mis un sacré bout de temps à me…
08:43j'essaie de comprendre.
08:44J'ai pu avoir accès au dossier, j'ai pu avoir accès à un certain nombre de choses,
08:50j'ai pu me plonger dans le dossier sans rentrer non plus dans les dédales du sujet.
08:57Mais j'ai essayé de comprendre parce que je me posais beaucoup de questions,
09:03j'ai essayé de comprendre un certain nombre de choses et du coup ça…
09:09Non, beaucoup plus tard, voilà.
09:11Pour répondre à tes questions, beaucoup plus tard.
09:14Alors là, il vient de sortir sur Netflix une série qui s'appelle
09:19« Ou trop, un cauchemar français ».
09:22Et en fait, ce n'est pas ton cauchemar qu'on raconte dans cette série,
09:27c'est comme depuis le cauchemar d'Ésaquité.
09:33Est-ce qu'on est toujours dans la même doctrine ?
09:35Toujours.
09:36La production française t'a interviewé longuement,
09:39elle t'a interviewé pendant combien de temps ?
09:41Toute une journée.
09:42Ah oui, donc ça fait quoi, huit heures ?
09:46Ça fait une bonne journée d'huit heures et je suis revenu une deuxième fois
09:51pour faire des images de fond.
09:53Il en est resté quoi au final de tout ce que tu leur as dit ?
09:56Je pense une dizaine de minutes.
09:59Qu'est-ce qu'ils ont coupé à ton sens d'important que tu leur as dit
10:03pendant cette journée d'interview
10:05et qui n'est pas resté dans le montage final de la série ?
10:08Il y a énormément de choses qui ont disparu,
10:11parce que je donne les détails sur l'affaire, sur ce qui a pu se passer,
10:14comment c'est organisé, etc.
10:16Mais des choses qui, à leur sens, ne pouvaient pas figurer dans la série,
10:21et donc, il aurait été pour moi très intéressant
10:26que les gens puissent savoir ce qui s'est réellement passé.
10:31Alors, moi, le sentiment que j'en ai de tout ça,
10:35c'est qu'on m'a promis Mondes émerveillés pendant trois ans et demi,
10:38mais Carl, c'est toujours la même chose.
10:41Ça veut dire que personne n'ose le faire, du moins.
10:47Ça veut dire que les jeux étaient faits à l'avance,
10:49ils avaient déjà décidé d'épouser la thèse officielle,
10:53celle d'un fiasco judiciaire,
10:55et pas du tout celle de la réalité,
10:57qui est celle que tu as vécue toi-même,
11:00avec tes frères et avec les autres enfants,
11:02dans votre chair, et dont on ne parle jamais, finalement.
11:06Oui, parce que personne ne va en faire des choses.
11:08Tout ce qui est expliqué dans cette série, je le sais.
11:10Et en fait, je trouve ça juste regrettable
11:14qu'on ne puisse pas aller au-delà de ça.
11:19Respecter les 13 acquittés,
11:24acquittés qui n'ont pas été innocentés,
11:27mais acquittés, ça je le rappelle,
11:29parce que c'est deux choses complètement différentes.
11:32Je le dis, Carl,
11:35parce qu'il y en a beaucoup qui font la malgarde entre les deux,
11:38mais on est acquitté au bénéfice du doute,
11:40on est innocenté parce qu'on n'a rien fait.
11:42Donc, au sens propre du terme,
11:43c'est deux choses qui sont complètement différentes.
11:45C'est-à-dire que cette affaire-là,
11:47c'est l'affaire d'un réseau pédocriminel,
11:50et c'est présenté comme une erreur judiciaire.
11:54Tout le problème est là.
11:55C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'on décide de faire une série,
11:58on inverse les choses.
12:00On ne nous raconte pas les choses comme elles se sont passées.
12:03Et toi, tu sais comment elles se sont passées,
12:05puisque tu y étais.
12:07Oui, mais une erreur judiciaire,
12:10ça s'entend de la façon…
12:15Comment je peux t'expliquer ça ?
12:17La vérité, en vérité,
12:18elle n'intéresse que ceux qui veulent bien l'entendre.
12:20Donc, tout a été fait de façon à minimiser les choses,
12:24parce qu'il fallait absolument enterrer l'affaire Autreau
12:26parce qu'elle dérange l'affaire Autreau, on le sait.
12:28Mais on ne peut pas dire fiasco judiciaire.
12:31Fiasco judiciaire avec 12 enfants reconnus victimes
12:34sur 64 enfants dans la procédure.
12:3812 enfants reconnus victimes, un réseau, pas de clients.
12:41On pourrait faire un procès du procès.
12:43Rien que le procès en lui-même, il est jugeable.
12:45Mais personne ne le fera.
12:47On avait deux avocats commis d'office,
12:49payés par le conseil général,
12:51donc on ne s'attendait pas à des ténors du barreau.
12:54On s'est retrouvés face à 19 avocats.
12:57Je veux dire, à un moment donné,
12:59il y a un rapport poids-puissance,
13:01il n'y a aucun équilibre dans ce qui s'est passé.
13:05Et ça, je trouve ça humainement pas correct
13:12d'avoir laissé les choses telles qu'elles ont été
13:17et de ne pas avoir dit stop
13:19et de dire qu'il faut être capable de faire un procès équitable,
13:24autant pour l'une partie que pour l'autre.
13:26Et non.
13:28Après, on était des enfants,
13:30on ne comprenait rien à ce qui se passait.
13:32On n'a jamais pris le temps de nous expliquer,
13:34comment ça allait se passer.
13:35Et c'est d'ailleurs aujourd'hui,
13:37ça fait partie des choses que je trouve regrettables.
13:41C'est plus que regrettable,
13:43parce qu'à cause de ça,
13:45la parole des enfants aujourd'hui
13:47n'est pas écoutée et n'est pas reconnue dans les tribunaux.
13:50Ça, c'est un enfer.
13:52Depuis l'affaire Autreau,
13:53moi, j'en paye le poids encore aujourd'hui,
13:58parce que moi, je ne peux pas leur en vouloir.
14:01Il y a certaines personnes qui ont pu avoir des propos outranciers à mon égard,
14:06en m'expliquant qu'aujourd'hui,
14:08leurs enfants étaient victimes d'incestes et de viols
14:13et tout ce qui pouvait s'en suivre.
14:15Et que depuis l'affaire Autreau,
14:17personne n'est capable d'entendre ce que ces enfants racontent.
14:22Mais moi, nous, on n'est pas responsables de ça.
14:25Ils ont expliqué dur comme fer
14:27qu'il ne faut pas sacraliser la parole de l'enfant.
14:31Mais ça, c'est un peu facile.
14:33Aujourd'hui, je le dis souvent,
14:35moi, celui qui m'explique que oui,
14:37bon, parfois, il y a des doutes,
14:38oui, on peut dire éventuellement que les enfants mentent.
14:41Mais moi, j'ai proposé à plusieurs reprises d'envoyer mes dépositions,
14:44mais personne ne veut les lire,
14:46personne, même si il ne les lit pas.
14:51Je veux dire, à un moment donné,
14:53il faudrait être capable d'accepter
14:55ce qui est dur à accepter.
14:59Oui, mais le souci, c'est que ce n'est pas uniquement de l'inceste.
15:02C'est-à-dire que tes géniteurs faisaient venir d'autres gens qui vous violaient.
15:07Donc, on appelle ça un réseau pédocriminel.
15:10Et ce réseau, finalement,
15:12quand les pouvoirs politiques en place à cette époque-là
15:16ont compris qu'il y avait un réseau,
15:18ils ont eu peur qu'il y ait le même phénomène qu'il y avait eu en Belgique
15:22avec la marche blanche,
15:24où tous les Belges étaient descendus dans la rue.
15:26Ils ont eu peur qu'il se passe la même chose ici, en France.
15:29Et c'est pour ça qu'ils ont retourné l'affaire,
15:31en disant que finalement, vous aviez inventé.
15:34L'affaire Outreau, à proprement parler,
15:36est devenue une histoire politique.
15:40Une fois l'aspect judiciaire passé,
15:45elle est devenue une histoire politique
15:47parce que certains se sont dit
15:50que c'était peut-être intéressant de se servir de cette affaire
15:54pour je ne sais pas exactement pourquoi faire.
15:58Mais oui, Nicolas Sarkozy l'a fait.
16:02Je pense qu'à mon sens, c'est le seul à l'avoir fait,
16:06notamment justement pour détruire le rôle de juge d'instruction,
16:10chose qu'il n'a pas obtenue, bien entendu.
16:14Pourquoi c'est devenu une affaire politique ?
16:22Est-ce que tu as une explication, Karl ?
16:25Pour moi, c'est devenu une affaire politique
16:27parce que les politiques n'avaient pas envie,
16:29c'est ce que je viens de te dire,
16:31de se retrouver avec une marche blanche en France.
16:36C'est-à-dire que les gens prennent conscience
16:38de la gravité de ce qui s'était passé
16:40et que ce genre de phénomène qui s'était passé à Outreau
16:43se passait dans d'autres villes de France.
16:45On l'avait eu d'ailleurs plus tard à Angers.
16:49Et que les gens ne prennent pas conscience
16:51de l'existence de ces réseaux.
16:53C'est un secret de polichinelle.
16:55On sait bien que ça existe.
16:57Les pouvoirs publics n'ont pas envie de lutter contre,
17:00pour des tas de raisons.
17:02Et si on reconnaissait qu'effectivement
17:04il y avait un réseau à Outreau,
17:06alors ça voulait dire qu'il y avait une vraie volonté
17:09de la part des politiques de combattre
17:11ce phénomène de pédocriminalité dans le pays.
17:14Mais ils n'ont pas eu ce courage.
17:15Et au contraire, ils ont inversé la situation.
17:18Et c'est pour ça que vous vous êtes retrouvés
17:20face à 19 avocats et des grands ténors
17:23et qui vous ont fait peur.
17:25Et c'est normal, ils vous ont impressionné
17:27et qui n'ont pas tenu compte des expertises.
17:30Rappelons qu'il y avait 7 experts,
17:32dont Marie-Christine Grison,
17:3434 expertises qui disent toutes
17:36que les enfants ne mentent pas.
17:38Donc face à ça, il fallait absolument
17:41inverser la tendance.
17:42Moi, c'est ça que j'ai compris
17:43de l'affaire d'Outreau.
17:45En fait, les expertises étaient
17:48le chénon sur lequel on pouvait s'appuyer
17:51de façon à renverser le dossier.
17:53C'est-à-dire que si ils ont tenté
17:55sur les enfants, ça n'a pas marché
17:57parce que les propos des enfants tenaient.
17:59Et ça, je reviendrai là-dessus
18:01parce que c'est important,
18:02je vais faire une parenthèse là-dessus.
18:03Ils ont essayé de faire croire
18:05que tout reposait sur la parole
18:07de ma génitrice.
18:08Ils se sont rendus compte
18:09qu'effectivement, c'était un peu fragile.
18:12Et donc, ils ont mis cet aspect-là
18:15de côté et se sont attaqués
18:17aux expertises.
18:19C'est d'ailleurs pour cette raison
18:20qu'il y avait eu une contre-expertise
18:23qui avait été demandée,
18:25nous amenant à 7 experts
18:27qui ont proposé 34 expertises
18:29qui ne se connaissent ni d'Eve
18:31ni d'Adam.
18:32D'ailleurs, c'est bien de le rappeler
18:33parce qu'à plusieurs reprises,
18:36ils ont été attaqués
18:37en expliquant qu'ils se connaissaient,
18:40alors qu'absolument pas.
18:42Et du coup, 7 experts
18:43qui valident 34 expertises
18:45des uns et des autres
18:46sans même se connaître
18:47et qui s'appuient sur la véracité
18:50de la parole des enfants.
18:52Dans la série de Netflix,
18:55comme dans la série d'ailleurs
18:56de France Télévisions,
18:57les enfants, on ne les voit pas,
18:59on n'en parle quasiment pas.
19:01C'est vraiment les grands absents.
19:04C'est comme s'ils n'existaient pas.
19:06Ça ne t'a pas choqué ?
19:07Alors, nous, on a demandé
19:09à ce qu'ils soient présents,
19:11mais ils n'ont pas souhaité
19:13et ils n'ont pas souhaité être présents.
19:15Mais il y en a quelques-uns
19:16qui sont les enfants des acquittés.
19:21Et quand tu sais que ces adultes-là
19:24ont touché des fortunes colossales,
19:27moi, je ne suis pas très étonné
19:29qu'ils n'aient pas voulu être dans la série.
19:35Ils ont touché environ 300 000 euros chacun,
19:38c'est ça, les acquittés ?
19:40Un peu plus, un peu plus que ça.
19:43Il y a eu un petit peu plus
19:45d'11 millions d'euros de débloqués
19:48pour la totalité des acquittés.
19:54Et le plus, le recordman,
19:56c'est Alain Maréco,
19:58avec 2,2 millions d'euros.
20:01Mais c'est un peu le budget
20:03qui a été débloqué à l'époque
20:06qui constituait une réparation.
20:10Et vous, vous avez touché combien, les enfants ?
20:1332 000 euros.
20:1532 000 euros ?
20:16Oui.
20:17Parce que c'est un barème, Karl.
20:20De poids, de mesure ?
20:21C'est la géométrie variable.
20:23Mais parce qu'il y a un barème.
20:25En fait, mes propos,
20:27ça va être un peu dur,
20:29mais si tu te fais sodomiser une fois,
20:32c'est 50 euros.
20:34Si tu te fais sodomiser pendant un an,
20:37c'est 10 000 euros.
20:39En fait, plus il y a de sodomie,
20:45mieux t'es rémunéré.
20:46Incroyable.
20:47Il y a ce témoignage aussi
20:49qui m'a, moi personnellement,
20:50beaucoup choqué,
20:52de l'avocat qui s'appelle De La Rue
20:55et qui évoque des scènes de zoophilie
20:58carrément morts de rire.
21:00Des scènes de zoophilie avec les enfants
21:03en n'y croyant pas,
21:05pour démonter le système,
21:07pour faire croire que vous avez inventé ça.
21:09De La Rue, il a toujours été comme ça.
21:11Il est très théâtral, il est très moqueur.
21:13De toute façon, ça a toujours été le cas.
21:16Mais Maître De La Rue,
21:17il oublie quelque chose,
21:18c'est qu'à l'époque,
21:19il n'a pas toujours été convaincu
21:23de l'innocence de son client.
21:26Et ça, il a un peu tendance à l'oublier
21:28parce qu'il y a un journaliste qui avait,
21:30je pense que c'est un des premiers
21:33à avoir sorti un article
21:35qui, à l'époque, s'appelait
21:36« La maison de l'horreur ».
21:38Il avait justement eu un avocat au téléphone
21:42qui lui avait dit
21:43« Mon client crie haut et fort
21:45qu'il est innocent,
21:47mais il est noir comme du charbon. »
21:48C'était qui, son client, à De La Rue ?
21:50C'était Maréco.
21:52Il n'y a pas un mot dans la série
21:53sur le fait que Franck Lavier,
21:55un des acquittés,
21:56a été condamné à nouveau,
21:58vingt ans après les faits,
21:59pour des abus sexuels,
22:00agressions sexuelles sur sa fille ?
22:02Ne serait-ce même pas jamais imaginé
22:05qu'il serait poursuivi.
22:07On s'est dit, voilà,
22:09ils vont exclure la plainte,
22:11ils vont passer encore la maille du filet,
22:13comme ça a toujours été le cas depuis le début.
22:15Et d'ailleurs, en 2016, oui,
22:17c'est la troisième fois,
22:20et non la deuxième fois.
22:21Est-ce qu'il avait déjà eu des soucis
22:22avec sa femme à l'époque ?
22:25Sauf qu'entre-temps, sa fille,
22:26elle a eu un enfant,
22:28et par acquis de…
22:31je ne sais pas,
22:32avec un minimum de lucidité,
22:34elle s'est dit,
22:35« bon, ça a assez duré,
22:37je ne vois pas pourquoi
22:39je priverais mon enfant
22:41de voir ses grands-parents,
22:42et la bêtise a assez duré. »
22:44Et du coup, elle a décidé
22:45de retirer sa plainte.
22:47Mais le parquet a poursuivi.
22:50C'est-à-dire que ça,
22:51ça c'est bien,
22:52enfin c'est bien.
22:53Oui, c'est bien,
22:54parce que même si
22:55une personne retire sa plainte,
22:57si le parquet décide de poursuivre,
22:59il poursuit.
23:01Donc c'est qu'ils estimaient
23:02qu'ils avaient des éléments
23:05pour le poursuivre.
23:07Mais il a pris six mois avec sursis.
23:11Ton demi-frère, shérif,
23:13m'a affirmé plusieurs fois
23:15que parmi les très acquittés,
23:17sept ne méritaient pas de l'être.
23:20Et d'ailleurs, on le voit dans la série,
23:22au moment du procès en appel à Paris,
23:25tous ne sont pas acquittés instantanément.
23:28Il y en a sept qui sont condamnés
23:30à de la prison ferme.
23:31Oui.
23:33Donc tes géniteurs,
23:34Delay-Badaoui,
23:35le couple Delplanque-Grenon,
23:38Franck Lavier, dont on parlait,
23:40l'abbé Viel et Daniel le grand-fils.
23:43Ça, ça fait bien sept.
23:45Plus Lucier Marécaud,
23:46mais lui, c'est 18 mois avec sursis.
23:48Oui.
23:49OK.
23:50Toi, à la fin de la série,
23:51tu dis qu'aucun d'entre eux
23:53n'aurait dû sortir de prison.
23:56Pourquoi ?
23:57Est-ce que ça veut dire
23:58qu'ils étaient tous dans ces soirées
24:00ou que certains avaient affaire
24:03avec ce réseau,
24:04même s'ils n'étaient pas dans les soirées,
24:06selon toi ?
24:07Pour moi, ils sont tous mouillés.
24:09Je le réitère, ils sont tous mouillés.
24:11Il y a des personnes que j'ai accusées
24:13et d'autres que je n'ai pas accusées,
24:15mais que mes frères ont accusés.
24:18Donc, ce qui s'est passé avec moi
24:20ne s'est pas forcément passé avec d'autres.
24:22Et ce qui s'est passé avec d'autres
24:23s'est passé avec moi.
24:24Mais dans un sens ou dans un autre,
24:26ils étaient tous responsables
24:29de leurs actes.
24:30Et moi, je le veux,
24:32je l'écris haut et fort,
24:33qu'ils ne devaient absolument pas
24:35sortir de prison.
24:36Et je les incite à porter plainte
24:38pour diffamation,
24:39qu'ils le fassent.
24:40Qu'ils le fassent.
24:41Moi, je réitère mes propos,
24:43ils n'auraient jamais dû sortir de prison.
24:46Moi, j'ai eu une conversation
24:47avec le fils Brunet,
24:50qui d'ailleurs a porté plainte
24:53contre moi pour diffamation,
24:54ou il s'apprête à le faire,
24:55ou je ne sais pas exactement.
24:57Mais il va se tirer une balle dans le pied
25:00parce que, malheureusement,
25:02c'est quelqu'un qui peut être
25:03aujourd'hui dans le déni,
25:04mais il a vécu des choses atroces
25:06comme nous, on l'a vécu.
25:08Pourquoi, aujourd'hui,
25:09il retourne sa veste ?
25:10Le fils Alain Marépo, c'est pareil.
25:13Le fils Alain Marépo,
25:14à la projection de France 2,
25:15m'a dit exactement la même chose.
25:17Il ne comprend pas comment je fais
25:18pour me regarder dans un miroir.
25:21Et il s'est excusé quelques mois après.
25:23Je me bats pour moi.
25:25Je me bats pour faire reconnaître
25:26ma vérité,
25:27qui n'est peut-être pas forcément
25:28celle que tout le monde veut entendre.
25:30À un moment donné,
25:31il faut être capable,
25:33et je le répète encore,
25:34il faut être capable d'entendre
25:36ce qu'est l'affaire Outreau.
25:39Mais personne ne veut le raconter.
25:41Personne.
25:42Pourquoi, à ton avis ?
25:43Parce qu'ils ont la trouille.
25:45Ils ont la trouille.
25:46Quand j'ai fait mon passage
25:48dans l'émission sur C8
25:49avec M. Hanouna,
25:53ils étaient comme ça.
25:55Comme ça, ils étaient.
25:56Parce que c'est du direct.
25:59Ils avaient peur que je balance
26:01une bombe en plein truc.
26:04Parce que ça ne les intéresse pas
26:07de fouiller.
26:08Tu sais, je ne sais pas si tu as vu,
26:09mais récemment,
26:10ce même Cyril Hanouna
26:12a été entendu
26:13par une commission parlementaire
26:15et il a dit
26:16qu'il ne voulait pas parler.
26:19On lui a dit,
26:20quel est le seul truc
26:21dont vous ne parlerez jamais à la télé ?
26:22Il a dit la pédophilie.
26:24Ça me gêne.
26:25C'est-à-dire des thèmes
26:26que vous ne voulez pas aborder
26:27parce qu'ils pourraient être sensibles
26:28ou au contraire dangereux
26:29pour les téléspectateurs
26:30ou créer des problèmes
26:32ou des idées qui pourraient gêner.
26:35J'ai un sujet
26:37que je ne traite jamais.
26:40Je ne veux pas traiter de ce sujet
26:42parce que je suis mal à l'aise
26:45et très très mal à l'aise
26:46comme tout le monde ici
26:47avec ce sujet.
26:48C'est la pédophilie
26:49et tous les thèmes comme ça,
26:51je ne traite pas.
26:52Même quand il y a
26:53des grosses affaires,
26:54sachez, de faits divers
26:55alors qu'on les traite tous,
26:56je refuse de traiter
26:57ce genre de sujet
26:58parce que je ne sais pas,
27:00je n'y arrive pas.
27:02Oui, forcément.
27:04Forcément.
27:05Mais personne ne veut en parler.
27:06Personne ne veut en parler
27:07parce que, à mon sens,
27:08ça dérange.
27:09Mais parce que c'est la France, Carl.
27:11En fait, le problème en France,
27:13c'est qu'on ne se sent concerné
27:15à partir du moment où on a vécu.
27:19En tout cas, on est formaté comme ça.
27:21Tout ce qui est à l'extérieur,
27:23ça ne les regarde pas.
27:25Mais toi, dans ta vie de tous les jours,
27:26les gens t'en parlent encore
27:27de ça d'outre-eau
27:28ou ils ne savent pas ?
27:29Je ne sais pas.
27:30C'est moi qui en parle, en fait.
27:34Et les gens,
27:37ils ont encore cette vision des choses
27:42de l'affaire Outreau,
27:43ce qu'on a bien voulu leur raconter
27:46il y a 24 ans en arrière,
27:4921,
27:50le premier procès Saint-Omer en 2004.
27:53Et en fait,
27:54ils sont encore traumatisés
27:56par cette version des faits.
27:58Et en fait,
27:59rééquilibrer la barre aujourd'hui,
28:00c'est très délicat.
28:02Mais on y arrive,
28:03car de plus en plus,
28:04on arrive de plus en plus
28:05à faire comprendre.
28:07J'ai eu des quantités astronomiques
28:10de messages de soutien
28:12de personnes qui ont compris,
28:13des personnes qui se sont dit
28:14mais en fait,
28:15on s'est fait avoir.
28:16Et les gens commencent
28:18un peu à comprendre,
28:20notamment par le documentaire
28:22de Serge Hegard
28:23et Bernard de la Villardère,
28:24notamment par toutes les actions
28:25que vous menez,
28:26notamment par mes passages télé,
28:29la sortie du livre,
28:31de toutes les personnes
28:32qui écrivent des livres aujourd'hui
28:34sur cette affaire
28:35et qui remettent en colle.
28:38Et il n'y a pas que les partis civils.
28:40Il y a des personnes qui,
28:41à la base,
28:42pendant des années,
28:43étaient du côté de la partie
28:45de la défense
28:46et qui reconnaissent aujourd'hui
28:49qu'il y a eu des manquements.
28:51Et que moi,
28:52j'avais fait lire,
28:53je coupe parce que
28:54je vais faire une petite parenthèse,
28:55j'avais fait lire le dossier
28:56à un avocat à Paris.
28:58Il a lu les 800 premières pages
29:02et il a répertorié
29:04214 manquements.
29:07214 points
29:09qu'il n'aurait jamais lu
29:11sur 800 pages.
29:12Le dossier,
29:13il en fait plus de 32 000.
29:15De toute façon,
29:17c'est aussi simple.
29:18Il ne faut pas épiloguer
29:19pendant 107 ans dessus.
29:21L'affaire Outreau,
29:22elle fait peur.
29:23Et ça depuis des années.
29:25Mais aujourd'hui,
29:26elle suscite encore l'intérêt
29:2824 ans après.
29:29Pourquoi ?
29:30Parce que les gens,
29:31ils le savent.
29:32Ils le savent que tout
29:33ne s'est pas passé
29:35comme ça aurait dû se passer.
29:37Et que Netflix
29:39va se tirer une balle dans le pied
29:40comme France 2 le fait.
29:42Comme différentes personnes
29:43qui font des reportages là-dessus
29:44parce qu'ils ne mettent absolument pas
29:47les enfants en valeur.
29:49Alors quand je dis valeur,
29:50ça ne veut rien dire.
29:51Mais il faut un équilibre
29:55parfait entre les deux parties.
29:57Et moi,
30:00je ne peux pas faire
30:01comme si de rien n'était.
30:02C'est impossible.
30:03Moi, pour mon évolution personnelle,
30:05je me dis,
30:06il faudrait que j'arrête.
30:07Que je passe à autre chose.
30:08Mais pourquoi ?
30:11Je n'y arrive pas.
30:13Ça fait partie de moi.
30:15Je me suis formaté pour ça.
30:17Et je ne lâcherai rien.
30:19Je ne lâcherai rien.
30:22C'est un combat d'une vie.
30:24Où est-ce qu'il en est, Chérif ?
30:26Chérif, il est en prison.
30:28Parce qu'il avait fait quoi ?
30:30C'est un ensemble de choses.
30:32Chez Chérif,
30:33il a un problème de violence.
30:38Il a fait des bêtises.
30:42Mais du coup,
30:43il altère entre sortie
30:45et retour en prison.
30:48Et ta mère, tu l'as vue depuis ?
30:51Elle a tenté de me contacter.
30:55Il y a quelque chose qui est en train de se mettre en place
30:59pour qu'on puisse se voir.
31:01Parce qu'elle a expliqué à un journaliste
31:05qu'elle souhaitait me raconter tout
31:09et répondre à mes questions.
31:15Mais en vérité,
31:18je sais qu'elle ne le fera pas.
31:20Pourquoi ?
31:21Parce qu'elle l'aurait fait depuis longtemps.
31:27Peut-être qu'elle le fera.
31:29Je sais qu'elle est sévèrement malade.
31:32Je sais qu'elle a une santé fragile.
31:34Je ne la défends absolument pas.
31:36Plus vite elle partira, mieux ce sera.
31:40Mais si elle pouvait partir
31:42en se libérant de ce fardeau qu'elle traîne
31:48depuis des années,
31:52ça me serait bénéfique,
31:54autant pour moi que pour les autres.
31:56Au deuxième procès en appel,
31:58ta mère a finalement innocenté tous les accusés.
32:03Pourquoi elle a fait ça ?
32:04Parce qu'on se faisait lyncher.
32:06Vous, les enfants ?
32:08Oui, parce qu'on se faisait lyncher.
32:10Et donc elle voulait que ça s'arrête pour vous ?
32:12Oui, elle voulait que ça s'arrête pour nous.
32:14Et d'ailleurs, elle le dit.
32:16Le lendemain, elle le dit.
32:17Elle veut revenir sur ses propos
32:20et elle a dit que tout le monde était innocent
32:26parce qu'elle voulait que ça s'arrête.
32:29Si les avocats ne s'étaient pas donnés pour mission
32:35de détruire les enfants,
32:37parce que ça a été leur mission,
32:39qu'on ne me fera pas retirer ses propos,
32:42elle n'aurait jamais tenu ses propos.
32:47Et tout ça, ça a été, je pense,
32:50le point de départ d'une confusion générale
32:54au moment où elle a dit qu'ils étaient tous innocents.
32:58Ah oui, ça a retourné l'affaire.
33:00C'est ce qu'attendaient évidemment
33:01tous les avocats de la Défense et tous les accusés.
33:05Mais si elle n'avait pas dit ça,
33:07ce n'était pas possible de libérer les gens.
33:09Ah non, c'est sûr.
33:10Le premier point, ça a été de placer les enfants
33:12dans le box des accusés.
33:13Oui.
33:14Soi-disant pour des raisons de commodité,
33:16on vous a tous mis à la place des accusés,
33:18ce qui est déjà scandaleux.
33:20À partir de ce moment-là, c'était terminé, Carl.
33:23C'était terminé.
33:24Il y avait un point.
33:28Dans la tête des gens, c'était fini.
33:32Alors que les accusés étaient à la place du public.
33:36Je ne comprends pas comment ils ont pu laisser
33:37une chose pareille se produire.
33:39Il y a eu une espèce d'inversion
33:41parce que ça nous a rendu responsables.
33:44On devenait coupables de ce qu'on dénonçait.
33:47Parce qu'on peut m'expliquer ce qu'on veut
33:49quand on est dans le box des accusés,
33:51c'est qu'on est accusé.
33:52On n'est pas une victime.
33:54Ils auraient préféré que vous vous taisiez à jamais.
33:57C'est sûr.
33:58Mais parfois, je me pose la question, Carl.
34:00Je sais que je me suis posé la question
34:01pendant très longtemps.
34:03Et si je m'étais tué ?
34:13Je pourrais en avoir des frissons,
34:15mais parfois, je me suis posé la question.
34:20Si je n'avais jamais rien raconté,
34:23où est-ce qu'on en serait à l'heure d'aujourd'hui ?
34:28Est-ce que l'affaire Outreau aurait existé ?
34:31Non.
34:32Parfois, on reçoit tellement de méchanceté.
34:36Parce que moi, j'ai très mal vécu la série de France 2.
34:39J'ai été humilié par message.
34:42J'ai eu des commentaires positifs,
34:44mais j'ai été lynché par message.
34:48Et parfois, j'ai appelé ma meilleure amie.
34:52Je lui ai dit, j'aurais dû fermer ma gueule.
34:54Je ne sais jamais rien dire.
34:56Personne n'aurait eu connaissance de cette affaire.
35:02Parce qu'on pense que c'est facile d'être à notre place.
35:08Mais moi, ma place, je la donne à qui veut bien la prendre.
35:15J'aurais préféré, moi, avoir deux parents normaux,
35:18avoir une vie normale, faire des études
35:21et ne pas me retrouver,
35:24dérimer la nuit à couler du béton
35:26de 3h du matin à 13h de l'après-midi
35:29et pouvoir avoir la chance de faire autre chose
35:32que ce qu'on me dictait de faire.
35:35Parce que de toute façon, c'était ça toute ma vie.
35:39Entre les familles d'accueil et tout ce qui s'ensuit derrière,
35:42les gens passent, on pourrait en discuter des heures.
35:45Mais celui qui veut ma vie, je lui donne.
35:49Parce qu'il y en a beaucoup qui pensent que j'en joue.
35:53Mais ce n'est pas un jeu.
35:55Quand j'y réfléchis un peu mieux,
35:57ça ne fait pas si longtemps que ça que je suis en la tête de l'eau.
36:00Les autres enfants victimes, tu en as revu ?
36:03Tu en as repensé ?
36:04Non.
36:05Jamais ?
36:06J'avais été contacté il y a quelques années.
36:12J'ai croisé un des jurés dans le train,
36:14c'est là que je me dis que le monde est petit.
36:16J'ai croisé un des jurés dans le train
36:19en descendant sur Marseille.
36:22On a discuté,
36:23parce que de toute façon, rien ne l'empêchait de discuter.
36:25Le procès à Rennes était fini.
36:28Il m'a dit texto,
36:31il m'a dit qu'on n'a pas le choix.
36:36Si j'avais le pouvoir de lui faire écrire ce mot,
36:41j'aurais demandé forcément, bien entendu.
36:46En fait, ça me conforte.
36:48Son propos ne m'a pas surpris,
36:51mais ça me conforte juste
36:54dans l'idée de me dire qu'en France,
36:57sur une notion de justice,
36:59on fait ce qu'on veut.
37:00Il les a quittés.
37:01Tu en as recroisé ?
37:02Non.
37:03La seule personne que j'ai pu revoir,
37:10c'est Vielle,
37:12à l'avant-première
37:15de la série,
37:16du documentaire sur France 2.
37:19C'est le seul que j'ai pu
37:23vaguement croiser de loin.
37:25Il t'avait préparé une surprise
37:27à cette avant-première.
37:29Oui, oui.
37:33Le producteur, c'est Olivier Attache.
37:36C'est quelqu'un qui est convaincu que la terre est plate,
37:38si tu veux.
37:40Quand tu fais un film sur U3
37:42avec quelqu'un qui est convaincu que la terre est plate,
37:45tu sais que tu vas droit dans le mur.
37:48Lui, à côté de Dominique Vielle,
37:50il avait gardé une place libre.
37:52Il m'a dit,
37:53le texto,
37:54« Nous avions envisagé une réconciliation,
37:56mais on sent que ce n'est pas trop le moment. »
38:00Mais c'est un délire.
38:01Mais c'est un délire.
38:03Je suis très en colère.
38:06Je l'exprime différemment,
38:07non dans la violence,
38:09mais plus dans la parole.
38:12Et en fait, je me dis que 24 ans ont passé déjà.
38:16Et j'aimerais pouvoir sortir de tout ça.
38:19Et que ça m'est impossible,
38:22parce que personne ne veut s'attaquer au fond du sujet.
38:25Et personne ne veut reconnaître
38:27ce qui pourtant est essentiel
38:30pour nous
38:31et pour toute une génération d'enfants.
38:33Parce qu'à l'heure où je te parle,
38:36il y a des enfants qui souffrent et qui vivent
38:38ce que moi, j'ai pu vivre.
38:39Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour l'avenir ?
38:42De sauver les enfants.
38:46On va sauver un maximum d'enfants.
38:51Moi, c'est ce qui m'habite.
38:56C'est l'objectif que je me suis fixé.
38:58Mais il faut qu'on soit beaucoup plus nombreux que ça.
39:02Il faut vraiment qu'il y ait un éveil national
39:08et que les gens descendent.
39:13Et il le faut.
39:14Parce qu'à un moment donné,
39:16moi, je ne me bats pas pour moi personnellement.
39:20Je tente de me battre pour ceux que ça intéresse.
39:24Je ne me bats pas pour des gens qui ne veulent pas.
39:26Ceux avec qui je ne peux pas me battre.
39:28Mais j'essaie de rassembler un certain nombre de personnes
39:31de façon à ce qu'on puisse faire un ensemble de choses
39:34qui ne va pas forcément révolutionner le monde.
39:40Je m'aurais dit, j'ai essayé.
39:42Merci Jonathan.
39:44Merci beaucoup Karl.