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Interview de l'actrice Barbara Steele avec interventions de Roger Corman, Tim Burton, Joe Dante et David Del Valle.

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Transcription
00:00Une fois qu'on a vu Barbara Steele, on ne peut plus l'oublier.
00:30On peut dire qu'elle est l'une des rares déesses du cinéma d'épouvante.
00:36Il y a chez elle quelque chose d'intemporel.
00:40On dirait une très vieille âme qui revient éternellement,
00:45incarnée des millions et des millions de fois dans des formes différentes.
01:00Elle avait de la profondeur.
01:03Au premier abord, c'était une jolie brune.
01:06Mais sous cette apparence, et là on touche à la poésie,
01:10quand on regardait au fond de ses yeux, on voyait des couches successives.
01:14Je crois que la meilleure définition que je puisse en donner, bien qu'imparfaite,
01:18serait une sorte de mystère exotique.
01:29Elle représentait le côté sombre.
01:36J'ai toujours été une bête prédatrice dans tous ces films.
01:40Avec toutes sortes d'éléments inoubliables,
01:44de la nécrophilie, de la naissance des morts,
01:48des curses perpétuées.
01:51C'est la vie sans son côté sombre.
01:54Vous avez la Suisse, vous avez Heidi.
01:57J'espère que Heidi a un côté sombre.
02:00Vous avez le cloche de Coco.
02:02Je veux dire, s'il vous plaît.
02:04Le drame est le côté sombre.
02:21J'étudiais la peinture à Londres, à la Chelsea Art School,
02:24quand un chasseur de jeunes talents m'a remarquée.
02:27J'ai signé un contrat et je suis partie pour les États-Unis.
02:31Là-bas, au studio, ils se sont mis en tête, pour je ne sais quelle raison,
02:35de me transformer en blond et bleu.
02:38Je ne sais pas pourquoi.
02:40Je ne sais pas pourquoi.
02:42Je ne sais pas pourquoi.
02:44Je ne sais pas pourquoi.
02:46Ils se sont mis en tête, pour je ne sais quelle raison,
02:49de me transformer en blonde.
02:51Et ils l'ont fait.
02:53Je sentais que c'était une erreur.
02:55Ça ne correspondait pas à ma nature, qui est plutôt sombre.
02:58Alors je me suis dit, je m'en vais d'ici.
03:05Et je me suis retrouvée à Rome.
03:07J'étais ravie d'être en Italie.
03:10J'avais l'impression d'être à ma place.
03:13Je me sentais entourée, adorée,
03:15comme si j'avais vécu au milieu de la cinquième symphonie de Beethoven.
03:20C'est intéressant de remarquer qu'à cette époque,
03:22résolument optimiste en Italie,
03:24on sortait ces films d'horreur.
03:27En fait, ça prouve bien que le côté macabre parvient toujours à s'exprimer,
03:31d'une manière ou d'une autre.
03:33C'est le masque du démon qui a lancé ma carrière.
03:46Ils me rétabliront la vie que vous m'obtenez maintenant.
03:52Je me rétablirai,
03:54pour tomber et détruire tout au long de la nuit.
04:10Les femmes que j'incarnais étaient en général des femmes de pouvoir,
04:13et qui finissaient toujours par en payer le prix.
04:17Je crois que ça plaît aux hommes.
04:20Ils voyaient ces femmes fortes, infidèles la plupart du temps,
04:24sensuelles et cupides,
04:26exprimant toute une gamme de sentiments réprimés.
04:31Je mourrais toujours à la fin.
04:35Ce châtiment final avait une portée morale.
04:39Il était là pour rassurer tout le monde.
04:42La déesse ténébreuse ne pouvait pas continuer de semer impunément la destruction.
04:47On lui rendait la monnaie de sa pièce.
05:08Ces films avaient pour mission d'inspirer une sorte de terreur surnaturelle.
05:14Ils s'adressaient en fait à l'âme des spectateurs.
05:39Plusieurs des films que Barbara avait tournés dans les années 60,
05:42comme Le Château de la Terreur, La Sorcière Sanglante ou Le Spectre du Dr. Hitchcock,
05:46passaient en double programme dans les drive-ins et les cinémas permanents.
05:51Pourtant, ils étaient plus audacieux que les films américains.
05:54La plupart avaient subi des coupes avant leur projection aux Etats-Unis,
05:57mais il était difficile de supprimer toutes les allusions nécrophiles et lesbiennes.
06:09Ne pleure pas, tu es en sécurité maintenant.
06:13J'aimais jouer toutes ces scènes qui parlaient de choses interdites.
06:21La nécrophilie, l'inceste, toutes ces émotions réprimées et violentes.
06:27J'aimais beaucoup ça.
06:31C'est formidable de travailler dans un contexte pareil.
06:39Je crois qu'elle dégageait consciemment une sorte d'érotisme accessible,
06:45même à un gamin de 12 ans.
06:49À l'école, on avait une blague.
06:51Chaque fois que le circuit de Barbara explose, le nôtre en fait autant.
07:09Elle jouait ce rôle de sorcière sexy.
07:12Elle était très sulfureuse.
07:16C'était parfait pour des gosses qui commençaient à s'intéresser au sexe,
07:19et plus encore au monstre.
07:22Barbara était un monstre sexy.
07:24Alors, ça marchait.
07:28Il y a toujours eu un contenu sexuel très fort dans les films d'horreur,
07:32parce qu'il s'inscrit dans un rapport à la mort et à l'éternité.
07:36Il faut toujours maintenir un climat sexuel intense.
07:39Et ce, quoi qu'on fasse, qu'on descende un escalier, par exemple,
07:43en posant la main sur la rampe,
07:45il faut tâcher d'investir son geste dans un pouvoir particulier.
07:53Quand l'effroyable secret du docteur Hitchcock est sorti aux États-Unis,
07:57on a lancé une carte érotophile.
08:00Attention, c'est une carte érotophile.
08:04Attention, le corps de la femme représentée sur cette carte
08:08est traité par le procédé érotophile.
08:11Vous trouverez du plaisir à la caresser doucement du bout des doigts.
08:16Cependant, des caresses prolongées peuvent être dangereuses.
08:20Voici la silhouette qu'on caresse.
08:23Mais notez que les caresses prolongées sont dangereuses.
08:27Voyez le résultat sur moi.
08:30Dans les années 70, Barbara a tourné pour des réalisateurs
08:33comme David Cronenberg, Jonathan Demme ou moi-même,
08:36parce que nous avions vu ses films lorsque nous n'étions encore que des enfants
08:40et qu'elle nous avait alors marqués de façon indélébile.
08:43Bien peu de ses contemporains ont été capables d'en faire autant.
08:48Tout le monde me parlait de mes films d'horreur des années 60.
08:52Moi, je ne voulais pas en discuter. Je les rejetais complètement.
08:57J'avais l'impression qu'ils avaient faussé ma carrière.
09:00Je ne voulais plus du tout en entendre parler.
09:03Et je ne voulais surtout pas qu'on ne m'aime que pour ça.
09:07Surtout pas.
09:18Dans le courrier de mes fans, j'ai une lettre de Geoffrey Dammer.
09:22Je ne l'ai découverte qu'il y a deux ans
09:24parce que je n'ouvre jamais le courrier de mes fans.
09:27J'ai fini par envoyer quelqu'un pour le faire.
09:30Moi, ça me dérange parce que j'ignore à qui les fans pensent s'adresser réellement.
09:37Un jour, mon secrétaire me dit,
09:39« Geoffrey Dammer a écrit pour avoir une photo de vous,
09:43précisément celle où vous avez des trous sur le visage. »
09:47C'est vraiment extraordinaire.
09:50J'ai rencontré de nombreux fans.
09:53La plupart sont des gens charmants.
09:55J'ignore ce que je représente pour eux.
09:58C'est un vrai mystère pour moi.
10:00Peut-être qu'ils détestent tous leur mère
10:03et qu'ils voudraient l'avoir attachée au poteau d'exécution.
10:06Je ne sais pas.
10:09Je suppose qu'ils devinent quelque chose en moi.
10:13Peut-être une forme de souffrance psychique.
10:18Un chagrin d'enfance.
10:22Une sorte d'isolement.
10:25Une douleur tenace.
10:31C'est curieux.
10:32Tous ces gens qui trouvent ça effrayant,
10:34dark, sombre, psychotique,
10:37à la limite de la schizophrénie,
10:39alors que tout le monde a ces tendances-là.
10:42Chacun porte en lui cette espèce de dualité.
10:45Les gens les plus sains sont ceux qui explorent tout ce côté-là.
10:49Barbara le fait pendant le tournage,
10:51ce qui est une façon très saine et divertissante de s'y prendre.
10:54Elle a une force incroyable
10:56et en même temps un côté mystérieux
10:58qu'on n'acquiert pas dans les cours d'art dramatique.
11:01On l'a ou on ne l'a pas.
11:03Elle, elle l'a.
11:15Sous-titrage Société Radio-Canada

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